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lieu commun
2 mars 2007

Le temps des cerises - grande Histoire et histoire d'une lettera amorosa

tag_1_blogPhoto Lieucommun fév 2007

On ne connaît souvent de Jean-Baptiste Clément (1836-1903) que Le temps des cerises.
Il est l'auteur d'autres poésies et chansons, plus engagées, pour La Commune de Paris (l'insurrection révolutionnaire de 1871), dont il a été un défensur actif. Il sera d'ailleurs condamné à mort et contraint de s'exiler à Londres, jusqu'à l'amnistie de 1880.


Jean-Baptiste Clément est un poète révolté. Réfugié une première fois en Belgique pour des écrits contre le régime impérial français, il y écrit en 1866 le poème Le temps des cerises, publié l'année suivante.
Antoine Renard le mettra en musique en 1868, et ce texte devenu chanson rencontre déjà le succès.
En 1885, bien après La Commune, Jean-Baptiste Clément dédie Le temps des cerises "à Louise, ambulancière sur la dernière barricade du 28 mai", comme un dernier hommage à l'insurrection populaire, réprimée dans le sang (voir plus bas).
On peut le voir aussi, comme une lettera amorosa.


Le temps des cerises (poème avant d'être chanson)
à la vaillante citoyenne Louise, l'ambulancière de la rue Fontaine-au-Roi, le dimanche 28 mai 1871

Quand nous en serons au temps des cerises*,
Et gai rossignol et merle moqueur
Seront tous en fête.
Les belles auront la folie en tête
Et les amoureux du soleil au coeur.
Quand nous en serons au temps des cerises,
Sifflera bien mieux le merle moqueur.

Mais il est bien court le temps des cerises,
Où l’on s’en va deux cueillir en rêvant
Des pendants d’oreille,
Cerises d’amour aux robes pareilles
Tombant sur la feuille en gouttes de sang.
Mais il est bien court le temps des cerises,
Pendants de corail qu’on cueille en rêvant.

Quand nous en serons au temps des cerises,
Si vous avez peur des chagrins d’amour
Evitez les belles.
Moi qui ne crains pas les peines cruelles,
Je ne vivrais pas sans souffrir un jour.
Quand nous en serons au temps des cerises,
Vous aurez aussi des chagrins d’amour.

J’aimerai toujours le temps des cerises :
C’est de ce temps là que je garde au coeur
Une plaies ouverte,
Et dame Fortune, en m’étant offerte,
Ne pourra jamais fermer ma douleur.
J’aimerai toujours le temps des cerises
Et le souvenir que je garde au coeur.

Jean-Baptiste Clément (1866)
*Modification du premier vers lors de la mise en musique : "Quand nous chanterons le temps des cerises".
Ponctuation du poème original respectée.
Source : "Les poètes de La Commune" - Maurice Choury - Seghers - édition 1970, Centenaire de La Commune (Photo Lieucommun ci-dessous) 


livre_po_tes_CommuneJean-Baptiste Clément explique sa dédicace :

" Puisque cette chanson a couru les rues, j’ai tenu à la dédier, à titre de souvenir et de sympathie, à une vaillante fille qui, elle aussi, a couru les rues à une époque où il fallait un grand dévouement et un fier courage !
Le fait suivant est de ceux qu’on n’oublie jamais :
Le dimanche 28 mai 1871, alors que tout Paris était au pouvoir de la réaction victorieuse, quelques hommes luttaient encore dans la rue Fontaine-au-Roi.
Il y avait là, mal retranchés derrière une barricade, une vingtaine de combattants, parmi lesquels (…) des jeunes gens de dix-huit à vingt ans et des barbes grises qui avaient échappé aux fusillades de 48 et aux massacres du coup d’État.
Entre onze heures et midi, nous vîmes venir à nous une jeune fille de vingt à vingt-deux ans qui tenait un panier à la main. Nous lui demandâmes d’où elle venait, ce qu’elle venait faire, et pourquoi elle s’exposait ainsi.
Elle nous répondit avec la plus grande simplicité qu’elle était ambulancière et que la barricade de la rue Saint-Maur étant prise, elle venait voir si nous n’avions pas besoin de ses services.
(…)  Malgré notre refus motivé de la garder avec nous, elle insista et ne voulut pas nous quitter. Du reste, cinq minutes plus tard, elle nous était utile.
Deux de nos camarades tombaient frappés, l’un d’une balle à l’épaule, l’autre au milieu du front. (…)
Quand nous décidâmes de nous retirer, s’il en était temps encore, il fallut supplier la vaillante fille pour qu’elle consentît à quitter la place.
Nous sûmes seulement qu’elle s’appelait Louise et qu’elle était ouvrière.
(…) Qu’est-elle devenue ?
A-t-elle été, avec tant d’autres, fusillée par les Versaillais ?
N’était-ce pas à cette héroïne obscure que je devais dédier la chanson la plus populaire de toutes celles que contient ce volume ? "
Jean-Baptiste Clément (« Chansons » - Paris 1885)
Source : "Les poètes de La Commune" - Maurice Choury - Seghers


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