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lieu commun
23 mars 2007

Jacques Higelin chante l' "amor doloroso"

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(Photo Lieucommun)


Amor doloroso, est le titre du dernier album, magnifiquement amoroso et doloroso, de Jacques Higelin


En voici la chanson-titre, et d'autres, moins récentes, mais ...
"l'amour encore et toujours" ("Tombé du ciel").
Les textes de chansons sont rangés dans la catégorie PAROLES et musique


Amor DolorosoCD_Higelin_amor

La mort s'en vient
L'amour s'en va
Seul sur les quais
Je broie du noir
Le train repart sans moi
La route est longue
Le temps est lourd
La nuit est blanche encore
Et noir le jour
Je te revois fière et sauvage
Ensorcelée pieds nus dans la poussière
T'embraser comme une flamme affolée par le vent
Et te jeter dans mes bras

L'amour, l'amour, l'amour, l'amour est mort
Amor doloroso
Je sens encore
Entre mes bras
Chavirer ton corps

Douleur, douleur, douleur, regrets et remords
Amor doloroso
Si loin de toi, j'ai mal, j'ai froid, j'ai peur
Je n'aime que toi.

Combien de jour
De nuit encore
À délirer sans toi ?
La fièvre au corps
La mort dans l'âme
Bien plus de mille et une fois
Je me suis senti mourir dans tes bras
Jusqu'au jour où lassée
Peut-être
Tu m'as quitté sans dire
Un mot,
Sans un regard
Me laissant seul désemparé
Et le cœur lourd à
Attendre ton retour.

Douleur, douleur, douleur, regrets et remords
Amor doloroso
J'entends encore tout contre moi
Battre ton cœur.

La vie, l'amour, l'oubli, la douleur et la mort
Amor doloroso
Si loin de toi, j'ai mal, j'ai froid, j'ai peur
Je n'aime que toi.


Tombé du ciel

Tombé du ciel à travers les nuages
Quel heureux présage pour un aiguilleur du ciel
Tombé du lit fauché en plein rêve
Frappé par le glaive de la sonnerie du réveil
Tombé dans l'oreille d'un sourd
Qui venait de tomber en amour la veille
D'une hôtesse de l'air fidèle
Tombée du haut d'la passerelle
Dans les bras d'un bagagiste un peu volage
Ancien tueur à gages
Comment peut-on tomber plus mal

Tombé du ciel rebelle aux louanges
Chassé par les anges du paradis originel
Tombé d'sommeil perdu connaissance
Retombé en enfance au pied du grand sapin de
Noël Voilé de mystère sous mes yeux éblouis
Par la naissance d'une étoile dans le désert

Tombée comme un météore dans les poches de Balthazar
Gaspard Melchior les trois fameux rois mages
trafiquants d'import export

Tombés en haut comme les petites gouttes d'eau
Que j'entends tomber dehors par la f'nêtre
Quand je m'endors le cœur en fête
Poseur de girouettes
du haut du clocher donne à ma voix
La direction par où le vent fredonne ma chanson

Tombé sur un jour de chance
Tombé à la fleur de l'âge dans l'oubli

C'est fou c'qu'on peut voir tomber
Quand on traine sur le pavé
Les yeux en l'air
La semelle battant la poussière

On voit tomber des balcons
Des ports d'fleurs des mégots
Des chanteurs de charme
Des jeunes filles en larmes
et des alpinistes amateurs

Tombés d'en haut comme les petites gouttes d'eau
Que j'entends tomber dehors par la f'nêtre
Quand je m'endors le cour en fête
Poseur de girouettes
du haut du clocher donne à ma voix
La direction par où le vent fredonne ma chanson

Tombé sur un jour de chance
Tombé par inadvertance amoureux

Tombé à terre pour la fille qu'on aime
Se relever indemne et retomber amoureux
Tombé sur toi tombé en pamoison
Avalé la cigue goûté le poison qui tue

L'amour encore et toujours


Tête en l'air

Sur la terre des damnés, tête en l'air,
Étranger aux vérités premières énoncées par des cons,
Jamais touché le fond de la misère
Et je pleure, et je crie et je ris au pied d'une fleur des champs,
Égaré, insouciant dans l'âme du printemps, coeur battant,
Coeur serré par la colère, par l'éphémère beauté de la vie.

Sur la terre, face aux dieux, tête en l'air,
Amoureux d'une émotion légère comme un soleil radieux
Dans le ciel de ma fenêtre ouverte
Et je chante, et je lance un appel aux archanges de l'Amour.
Quelle chance un vautour, d'un coup d'aile d'un coup de bec
Me rend aveugle et sourd à la colère à la détresse de la vie.

Sur la terre, tête en l'air, amoureux,
Y'a des allumettes au fond de tes yeux,
Des pianos à queue dans la boîte aux lettres,
Des pots de yaourt dans la vinaigrette
Et des oubliettes au fond de la cour...

Comme un vol d'hirondelles échappé de la poubelle du ciel...


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20 mars 2007

On a trouvé (suite)...

Pâquerette et Liseron

Pâquerette et Liseron,
Dans le secret d'un bocage,
Tendrement se marieront
Quand les feuilles verdiront.

Pâquerette, a son corsage,
Epingle un petit col rond,
Cependant que Liseron
Met le rose à son visage.

C'est pour plaire à Liseron
Que Pâquerette est si sage.
Lui, de son côté, s'engage
A n'être jamais volage...

Un gentil brin de mouron
Sera leur témoin, je gage,
Et pour cortège ils auront
Chaque églantine sauvage.

Dans les bois des environs,
Les muguets agiteront
Leurs clochettes, au passage
De ce jeune et frais ménage.

Pour eux s'égosilleront
Les oiseaux du voisinage
Qui, de leurs chants rythmeront
Le ballet des moucherons.

La coccinelle en voyage,
Les fourmis, les pucerons,
Bien longtemps se souviendront
De ce joli mariage.

L'hirondelle au vol si prompt
Officiera sous l'ombrage
Et pour toujours s'uniront
Pâquerette et Liseron...

Suzanne Buchot ( recueil "Pin Pon d'Or", Armand Got - 2ditions Colin-Bourrelier, 1972)


Au conseil des instruments de mesure

"Mesurer ? Mesurer ?
Vous ne tenez guère la distance,
Ce n'est guère votre longueur!"
S'exclama le mètre en toisant,
Ses confrères de sa hauteur.
"Mesurer ? Mesurer ?
Vous n'avez pas de consistance,
Pesez vos mots dit la balance,
Avec une once de défi,
Aucun de vous ne fait le poids !"
"Mesurer ? Mesurer ?
Détrompez vous c'est ma surface !"
Cria la chaîne déchaînée,
En arpentant de long en large
Son domaine d'un air borné.
"Mesurer ? Mesurer ?
Vous manquez de capacité !"
Rétorqua le litre en dosant,
Au goutte à goutte ses paroles,
En faisant bonne contenance.
"Mesurer ? Mesurer ?
La densité vous fait défaut,
Mais elle prend du corps avec moi,
Le volume, c'est du solide !
Dit le décimètre en substance.
"Mesurer ? Mesurer ?
Mettons les pendules à l'heure,
Vos méthodes ont fait leur temps
Interrompit la montre à quartz,
Ma précision va prendre date !"
Mesurer ? Mesurer ?
Mais ils tournaient, tournaient en rond,
Quand le rapporteur de séance,
Conclut le compas dans l'œil :
Chacun est maître dans sa sphère !"

Romain Labanne


La pluie

Gouttelette
rondelette
tombée
sur mon nez
piquelette
sur ma tête
voici mon amie
la pluie
chansonnette
doucelette
trottinant
chante la pluie
dans le vent.

Anne Marie Chapouton


Jamais je ne pourrai

Jamais jamais je ne pourrai dormir tranquille aussi longtemps
que d'autres n'auront pas le sommeil et l'abri
ni jamais vivre de bon cœur tant qu'il faudra que d'autres
meurent qui ne savent pas pourquoi
J'ai mal au cœur mal à la terre mal au présent
Le poète n'est pas celui qui dit Je n'y suis pour personne
Le poète dit J'y suis pour tout le monde
Ne frappez pas avant d'entrer
Vous êtes déjà là
Qui vous frappe me frappe
J'en vois de toutes les couleurs
J'y suis pour tout le monde
Pour ceux qui meurent parce que les juifs il faut les tuer
pour ceux qui meurent parce que les jaunes cette race-là c'est fait pour être exterminé
pour ceux qui saignent parce que ces gens-là ça ne comprend que la trique
pour ceux qui triment parce que les pauvres c'est fait pour travailler
pour ceux qui pleurent parce que s'ils ont des yeux eh bien c'est pour pleurer
pour ceux qui meurent parce que les rouges ne sont pas de bons Français
pour ceux qui paient les pots cassés du Profit et du mépris des hommes

Claude Roy ("Les Circonstances")


Trois noisettes

Trois noisettes dans le bois,
Tout au bout d’une brindille,
Dansaient la Capucine vivement au vent,
En virant ainsi que des filles de roi ...

Un escargot vint à passer :
" Mon bon Monsieur, emmenez-moi
Dans votre carrosse,
Je serai votre fiancée ",
Disaient-elles toutes trois.

Mais le vieux sire sourd et fatigué,
Le sire aux quatre cornes sous les feuilles
Ne s’est point arrêté,
Et c’est l’ogre de la forêt, je crois,
C’est le jeune ogre rouge, gourmand et futé,
Monseigneur l’Écureuil,
Qui les a croquées.

Tristan Klingsor ("Le Valet de cœur")


La pomme

Bel automne
À moi tes pommes,
Qui sont rougeaudes comme joues de jeune vierge !
J'y veux mordre à pleines dents ;
J'y veux boire à pleines lèvres :
Bel automne,
À moi tes pommes
Pour le pressoir qui les attend !
J'en veux faire éclater la fine chair
Entre les mâchoires de fer ;
J'en veux tirer la liqueur blonde ;
À grand effort de vis et de levier,
J'en veux faire jaillir une source de songe !
Pour défier
L'ennui de l'hiver et des mois sombres,
Rien ne vaut une cave pleine et froment au grenier.

Bel automne
À moi tes pommes !
Aux glèbes fraîches,
Mon blé germe :
Qu'importe le passé ? J'ai semé l'avenir.
Les feuilles sèches,
Au gré du vent peuvent courir
Dans la brume des soirs ternes ;

Si j'ai du cidre
En mon cellier,
Il m'est permis d'oublier
L'angoisse même de vivre,
L'angoisse de marcher ployé,
Et d'être si peu, si peu libre !

Philéas Lebesgue ("Les Servitudes" - 1913)


L'encrier noir au clair de lune

L'encrier noir au clair de lune
l'encrier noir au clair de lune
au clair de la lune un encrier noir
au clair de la lune un encrier noir
au pauvre poète a prêté sa plume
au pauvre poète a prêté sa plume
il fait un peu frais ce soir
au clair de la lune un encrier noir
sur le papier blanc a couru la plume
la plume a couru zen petits traits noir
une lune blanche un sombre encrier
sont les père et mère de ce nouveau-né
une lune blanche
un sombre encrier

Raymond Queneau 1948 ("L'Instant fatal" - éditions Gallimard -1966)

Ce texte est aussi une chanson (musique Jean-François Gaël.
On peut en écouter ici un extrait : http://hurl.samples.dmpcontent.com/scripts/hurl.do?/~o-010001/1003443_0119_00_0900.rm).
Elle se trouve sur le CD
Hélène MARTIN, Henri GOUGAUD, Jean-François GAËL et Bachir TOURE chantent les poètes (vol 2), chantée par Jean-François GAËL

Je rectifie la présentation de ce poème, qui n'a pas de titre dans le recueil. Il est simplement numéroté 6 dans le chapitre intitulé : " pour un art poétique".

6

L'encrier noir au clair de lune
l'encrier noir au clair de lune
au clair de la lune un encrier noir
au clair de la lune un encrier noir
au pauvre poète a prêté sa plume
au pauvre poète a prêté sa plume
il fait un peu frais ce soir
au clair de la lune un encrier noir
sur le papier blanc a couru la plume
la plume a couru zen petits traits noir
une lune blanche un sombre encrier
sont les père et mère de ce nouveau-né
une lune blanche un sombre encrier


Tortue (titre proposé))

Tortue, je t'observe.
Tu restes tapie
sous ta carapace,
puis, timidement,
tu sors ta tête.
Et tu attends
que les fruits mûrs
tombent tranquillement
sous l'arbre fruitier.
Tu es gourmande !
Le sais-tu, tortue ?

Anne-Marie Chapouton ("Mon ABC en comptines" - Père Castor - Flammarion, 1999)


Un cheval

Un cheval est sorti
De la forêt prochaine
Il n'avait que ses ailes
Pour affronter la nuit.

Où va-t-il ce cheval
Qui ne boit ni ne mange
Et frappe du sabot
Les mondes du silence ?

Puisque son nom suffit
Pour changer de planète
Ô mes parents perdus
Qu'il m'emporte où vous êtes.

Et que simple vivant
Sur la mer, dans le ciel,
Je sache par moi-même
Où commence le temps.

Charles le Quintrec


Chevaux

Je suis d’un village où j’entends
Les chevaux noirs, les chevaux blancs
Avec leurs yeux arabisants,
Leurs nez peuhls, leurs croupes latines,
Traîner tout le jour des racines
Et des surcharges de froment.
Rien n’est plus beau qu’une jument
Plongeant son masque d’Orient,
Sa belle face métissée
Dans les rivières tempérées !

Catherine Paysan


Rien ne sert de courir

Un grain de blé s'envola
en l'air loin de l'aire
un grain de blé voyagea
parcourant la terre entière

Un oiseau qui l'avala
traversa l'Atlantique
et brusquement le rejeta
au-dessus du Mexique

Un autre oiseau qui l'avala
traversa le Pacifique
et brusquement le rejeta
au-dessus de la Chine

Traversant bien des rizières
traversant bien des deltas
traversant bien des rivières
traversant bien des toundras

Dans son pays il revint
brisé par tant d’aventures
et pour finir il devint
un tout petit tas de farine

Pas la peine de tant courir
pour suivre la loi commune

Raymond Queneau (“Battre la campagne” - Gallimard, 1968)


La pluie

La pluie, la pluie
Dans la bassine
La pluie, la pluie
Dit sa comptine

La pluie, la pluie
Au contrevent
Dit sa comptine
Contre le vent

La pluie, la pluie
En bas percés
Perce la terre
De mille pieds

Paule Lavergne


Petit Printemps

Petit printemps fantasque,
Qui lance avec humeur
De violentes bourrasques
Sur les arbres en fleur ;
Petit printemps sauvage
Comme un chat hérissé,
Qui nous crache au visage
De gros flocons glacés ;
Petit printemps boudeur,
Pourquoi faire la moue ?
Laisse tes douces fleurs
Refleurir sur ta joue.

Albert Atzenwiler


Ma plume, qui l'aurait cru ? ... n'est pas un texte de Luc Bérimont, puisque la demande précisait sa date, 1912 !
Non

Voici le texte avec son véritable auteur, trouvé dans un vieux livre de Français

Ce n'est pas moi, c'est la plume (titre)

Ma plume, qui l'aurait cru?
Ma plume a de la malice;
Comme moi, je l'ai bien vu,
Parfois elle a son caprice.
Si je suis de bonne humeur
Et si j'écris de bon cœur,
Mademoiselle est charmante,
Douce, adroite, obéissante,
Et sans se faire prier
Sur la feuille blanche et lisse,
Elle glisse, glisse, glisse,
Elle court sur le papier.
Mais suis-je d'humeur chagrine,
Voyez un peu la taquine !
Elle se met à crier,
Elle crache, crache, crache,
Elle fait tache sur tache
Et me gâte mon cahier.

Alexandre Vessiot (1829-1908)


Emploi du temps

A onze heures
Chez l’Ambassadeur
A midi
Rue Garibaldi
A une heure
Aller voir ma sœur
A deux heures
Bloquer l’ascenseur
A trois heures
Chez mon directeur
A quatre heures
Je mange des p’tits-beurre
A cinq heures
Je change de secteur
A six heures
Envoyer des fleurs
A sept heures
Je file en douceur
A huit heures
Je consulte l’heure
Que faire à vingt et une heure* ?

(*l'heure ne s'écrit au pluriel que quand il s'agit de l'heure exacte).
On trouve ce poème trans (dé)formé, les heures de l'après-midi sont transcrites "quatorze heures", ... "dix-neuf heures", et aussi par ex :
"À vingt heures :
Eviter les heurts."

Le texte donné ci-dessus semble être la version originale.

Luc Bérimont ("Comptines pour les enfants d’ici et les canards sauvages" - éditions Saint-Germain-des-Prés)


Le muguet

Cloches naïves du muguet,
Carillonnez ! car voici Mai !

Sous une averse de lumière,
Les arbres chantent au verger,
Et les graines du potager
Sortent en riant de la terre.

Carillonnez ! car voici Mai !
Cloches naïves du muguet !

Les yeux brillants, l'âme légère,
Les fillettes s'en vont au bois
Rejoindre les fées qui, déjà,
Dansent en rond sur la bruyère.

Carillonnez ! car voici Mai !
Cloches naïves du muguet !

Maurice Carême


La grenouille bleue

Nous vous en prions à genoux,
bon forestier, dites-nous le !
à quoi reconnaît-on chez vous
la fameuse grenouille bleue ?

à ce que les autres sont vertes ?
à ce qu'elle est pesante ? alerte ?
à ce qu'elle fuît les canards ?
ou se balance aux nénuphars ?

à ce que sa voix est perlée ?
à ce qu'elle porte une houppe?
à ce qu'elle rêve par troupe ?
en ménage ? ou bien isolée ?

Ayant réfléchi très longtemps
et reluquant un vague étang,
le bonhomme nous dit: eh mais,
à ce qu'on ne la voit jamais.

Tu mentais, forestier. Aussi ma joie éclate !
Ce matin je l'ai vue ! un vrai saphir à pattes.
Complice du beau temps, amante du ciel pur,
elle était verte, mais réfléchissait l'azur.

Paul Fort ("Deux chaumières au pays de l'Yveline - Ballades françaises XVIIIe série")


Les pins

J'aime ce bois de pins dont vous avez chanté
La verdure marine,
Qui sent bon la chaleur, le soleil et l'été,
L'écorce et la résine.

La coquille en craquant s'y mêle sous les pas
À la pomme écailleuse.
Entre les troncs on voit la mer border, là-bas,
La plage sablonneuse.

Henri de Régnier

Un autre poème du même auteur, où les pins sont aussi présents :

J'entends la mer

J'entends la mer
Murmurer au loin, quand le vent
Entre les pins, souvent,
Porte son bruit rauque et amer
Qui s'assourdit, roucoule ou siffle, à travers
Les pins rouges sur le ciel clair...

Parfois
Sa sinueuse, sa souple voix
Semble ramper à l'oreille, puis recule
Plus basse au fond du crépuscule
Et puis se tait pendant des jours
comme endormie
Avec le vent
Et je l'oublie...
Mais un matin elle reprend
Avec la houle et la marée,
Plus haute, plus désespérée,
Et je l'entends.

C'est un bruit d'eau qui souffre
Et gronde et se lamente
Derrière les arbres sans qu'on la voie.

Henri de Régnier


La danseuse aux mille pieds

La danseuse aux mille pieds
Qui revient quand on s'ennuie,
Lorsque les rondins mouillés,
Sur les deux chenets rouillés,
Pleurent noir comme la suie,

C'est la pluie,
C'est la pluie.

La danseuse aux mille pieds
Qui revient quand on s'ennuie,
Quand les beaux jours oubliés,
Dans les bois et les sentiers,
Pleurent l'hirondelle enfuie,

C'est la pluie,
C'est la pluie.

La danseuse aux mille pieds
Qui revient quand on s'ennuie,
Qui danse des jours entiers,
Dans nos âmes, sans pitié,
Le ballet des songeries,

C'est la pluie,
C'est la pluie.

La danseuse aux mille pieds
Qui revient quand on s'ennuie,
Quand les cœurs humiliés,
À l'automne résignés,
Se souviennent de la vie,

C'est la pluie,
C'est la pluie.

Francis Yard ("Le roi octobre et la danseuse aux mille pieds"  - Henri Defontaine éditeur, 1930)
On trouve aussi ce poème dans  "L'Arc-en-Fleur", recueil anthologique de poésies d'Armand Got ("poésies modernes choisies pour la jeunesse") paru en 1933 chez Bourrelier.
Cette poésie se trouve également dans le recueil de récitations "Le sentier fleuri", destiné aux élèves "de 10 à 15 ans", édité par Les Presses du Massif Central en 1950 (A. Auneveux et L Roussillat)
Il y a un autre texte de Francis Yard sur ce blog dans la catégorie hiver, avec une courte notice.


Voici, exceptionnellement placé ici parce qu'il semble quand même complet, envoyé par un lecteur, un des textes recherchés : Le lapin, sans auteur et sans garantie d'intégralité ou de forme. C'est toujours une recherche en cours :

Le lapin

L'automne de retour, s'est glissé dans le bois.
Mais qu'es- tu devenu, toi qui vins tant de fois
jouer au pré voisin sans que nul t'importune
et souper gentiment le soir au clair de lune ?

Au repas des lapins, tu n'es plus revenu
et le jour s'est enfui. Te serais tu perdu
à l'heure de la brume ?

Je te revois encore, sautant dans la clairière
et parmi les fourrés, disant à la bruyère,
ton plaisir.

Mais un homme est passé par le sentier du bois
Un coup sec a claqué.
Pauvre petit lapin, tué sous le grand hêtre.
À l'étal d'un marchand, j'ai cru te reconnaître
et mon cœur a pleuré.

Auteur inconnu - recherche en cours, merci d'y participer...


C'est  un lexique, que publie Jean Tardieu dans le recueil "Un mot pour un autre" chez Gallimard en 1951, puis dans une nouvelle édition augmentée en 1978. Il a créé dans ce recueil le personnage du Professeur Frœppel, à qui il attribue ces textes, à titre posthume. Parmi ces textes, le chapitre 7, intitulé "les mots sauvages de la langue française", présente un dictionnaire où "il (le Professeur) nous rend au juste sentiment des humbles origines du langage parlé"...
C'est un lexique d'onomatopées d'une quinzaine de pages qui ne peut pas être considéré comme un poème.

Deux exemples, le premier mot :

Ah ? : Marque l'étonnement, exige une explication ou signifie l'incrédulité.
Ex : "C'est Corneille, vous savez, qui a écrit les pièces de Molière !"
Réponse : "Ah ?"

Atchoum ! : Subterfuge, pour éviter de répondre à une question embarrassante sous prétexte d'éternuement. Équivaut à la fausse poussière dans l'oeil, que l'on cherche à enlever en faisant la grimace, aux lacets de soulier dont on vérifie les noeuds, etc.

Et ça continue jusqu'à Zut ! et Zzzzz !


Quand on est tortue

Quand on est tortue,
On peut rentrer la tête
Sous sa carapace
Quand vient la pluie.

Alors on peut rêver
À l'abri,
Et repartir
À petits pas
Jusqu'à l'herbe prochaine
Qu'on atteindra
Ce soir...
Demain...
Ou même un peu plus tard...

Pas de problème
De retard !
Quand on est tortue,
On a toujours le temps
De vivre lentement !

Anne-Marie Chapouton ("Comptines pour les enfants bavards")


L'aube est moins claire... (titre proposé)

L'aube est moins claire, l'air moins chaud, le ciel moins pur ;
Le soir brumeux ternit les astres de l'azur.
Les longs jours sont passés ; les mois charmants finissent.
Hélas ! voici déjà les arbres qui jaunissent !
Comme le temps s'en va d'un pas précipité !
Il semble que nos yeux, qu'éblouissait l'été,
Ont à peine eu le temps de voir les feuilles vertes.

Pour qui vit comme moi les fenêtres ouvertes,
L'automne est triste avec sa bise et son brouillard,
Et l'été qui s'enfuit est un ami qui part.
Adieu, dit cette voix qui dans notre âme pleure,
Adieu, ciel bleu ! beau ciel qu'un souffle tiède effleure !
Voluptés du grand air, bruit d'ailes dans les bois,
Promenades, ravins pleins de lointaines voix,
Fleurs, bonheur innocent des âmes apaisées,
Adieu, rayonnements ! aubes ! chansons ! rosées !

Puis tout bas on ajoute : ô jours bénis et doux !
Hélas ! vous reviendrez ! me retrouverez-vous ?

Victor Hugo (“Toute la Lyre”)


20 mars 2007

Michel Butor, l'inclassable

arbre_couteau_palette_WebInclassable Michel Butor.
Né en 1926, d'abord connu comme le romancier de "La modification", Michel Butor, a également écrit des essais et des récits de voyage. Il est un poète d' aujourd'hui, qui expérimente des formes littéraires diverses et accompagne des créations artistiques de peintres contemporains. Les yeux grands ouverts sur le merveilleux et le dérisoire du monde. Images choisies.
(Photo : Labo Lieucommun)
Source des textes (beaucoup d'autres s'y trouvent) à cette adresse : http://perso.orange.fr/michel.butor/


Jour de cafard

pour Henri Maccheroni

D'abord on n'a pas entendu le réveil et se levant en toute hâte
on se meurtrit le gros orteil contre un outil oublié

En se rattrapant au mur on fait tomber une gravure précieuse
dont la vitre vole en éclats les plombs sautent

Dès qu'ils sont enfin réparés le facteur sonne
apportant un avis recommandé du contrôleur des contributions

Alors on voit qu'un bouton manque au col de la chemise qu'on vient d'enfiler
c'est le moment que choisit la dent creuse pour vous rappeler
qu'il est urgent de la faire soigner

Michel Butor


Fil de terre

pour Gnèzi d'Marela

Il s'agit d'une araignée
qui désirant porter espoir
aux habitants ou visiteurs
vivants ou morts
de la piscine aux chevaux
va récolter de la glaise
dans ses toiles au long du fleuve
pour la mélanger à de la poussière
de graines et de coquillages
afin d'en modeler des figurines
aussi caractérisées que possible
comme celles des jeteurs de sort
mais c'est pour installer
son nid-atelier dans leur tête
et que leurs yeux se rouvrent
sur un présent devenu soie

Michel Butor


Au seuil de la ruche de survie

pour Graziella Borghesi

Quel miel cherches-tu
reposant tes ailes
entre les rayons
devant le portail
abeille aux yeux noirs?

Celui du désert
dans les alvéoles
entre les écailles
des fûts de colonnes
ou troncs de palmiers

La suie devient sable
dans les alentours
de la basilique
métamorphosée
en une oasis

Je cherche le temps
de l'autre côté
du bourdonnement
le pollen des morts
et l'or du silence

Michel Butor


Après moi la poussière

in memoriam Juliet Man Ray

Sorcière soigneuse
je dis mon adieu
à tous ces objets
que j'époussetais
avec mon cheval
à crins de nylon
sur lequel je vais
m'envoler laver
les tours et les nuages
les rues et les ombres
les yeux et les ongles
les reins et les cœurs

Michel Butor


Paradis perdu

pour Grete Knudsen

Les branches s'écartaient pour nous
laisser passage en retenant
délicatement nos cheveux
et nous proposaient des cerises
dont le jus coulait sur nos joues

C'était il y a si longtemps
à peine si je me souviens
il a fallu qu'on me raconte
et que je retrouve des traces
dans les peintures et chansons

J'étais un enfant mais j'avais
toutes les forces d'un adulte
et tous ses désirs je passais
de mère en fille et déposais
des bébés poisseux dans leurs bras

Tout cela semble disparu
et pourtant tout cela perdure
entre le miroir et l'image
entre le rêve et le réveil
entre la page et l'impression

Les ronces nous griffaient sans nous
infliger la moindre souffrance
dessinant des fleurs sur nos peaux
que les amoureux effaçaient
en buvant les perles du sang

La main dans la main nous courions
entre les déserts et les sources
choisissant les uns pour les autres
les fruits des arbres du savoir
dont nous comparions les saveurs

J'étais à l'aise dans mon corps
j'en connaissais tous les organes
les maladies étaient amies
je goûtais fièvres ou frissons
dans des lits de boues et de feuilles

Où était-ce ne saurais dire
si loin de tout si près de toi
jouissant du chaud comme du froid
j'ai perdu la clef de la grille
et j'erre comme une âme en peine

Michel Butor


La promeneuse du quai

pour Patrice Pouperon

Sa chevelure
bruit de sandales
et son sourire
balancements
la rencontrer
le clapotis
l'accompagner
rayons du soir
joindre nos ombres
filets et bouées
dans les reflets
robe d'écaille
timidement
respirations
l'interroger
lui proposer
où vivez-vous
un mot ou deux
dans quel quartier
méditative
ou bien village
d'outre-horizon
votre métier
frisson d'argent
votre famille
énigmatique
jeux et projets
un peu de sel
rêves regrets
accents de lune
embarquons-nous
lèvres d'écume
plongeons ensemble
ongles du vent
dans la jouvence
île au trésor
triton sirène
les yeux des vagues
souvenez-vous
c'était demain

Michel Butor


15 mars 2007

René de Obaldia - "Innocentines"

arbre_oiseau_V_theuil__95__ce_matin
Un oiseau dans le ciel du Vexin (95) hier matin (Ph Lieucommun)

René de Obaldia est né en 1918. Auteur de théâtre (Le Satyre de la Villette, Le Banquet des méduses, Du vent dans les branches de sassafras ...) et de romans (Tamerlan des coeurs, Le centenaire), il est membre de l'Académie française depuis 1999.

"Innocentines" (1969 - collection "Les cahiers rouges" - Grasset) est un de ses quatre recueils de poésies. Du bonheur pour 8livre_innocentines euros, vraiment un livre de poésie à se procurer. (Photo : Lieucommun)

Le sous-titre annonce : "Poèmes pour les enfants et quelques adultes".
René de Obaldia y prend avec le langage et les situations, toutes les libertés, privant ainsi (pour notre plaisir quand même), les élèves de l'accès à la plupart des textes, considérés comme pas moralement corrects.


Déjà rangés dans la catégorie POÉSIES pour la CLASSE - CYCLES 2 et 3, on trouve :

"Moi j'irai dans la lune", "J’ai trempé mon doigt dans la confiture", "Le secret" et "Dimanche".

Le texte suivant (en version réduite) est aussi pour la classe :

Chez moi (extrait)

Chez moi, dit la petite fille
On élève un éléphant.
Le dimanche son oeil brille
Quand Papa le peint en blanc.

Chez moi, dit le petit garçon
On élève une tortue.
Elle chante des chansons
En latin et en laitue.

Chez moi, dit la petite fille
Notre vaisselle est en or,
Quand on mange des lentilles
On croit manger un trésor.

Chez moi, dit le petit garçon
Vit un empereur chinois.
Il dort sur le paillasson
Aussi bien qu’un Iroquois.

Iroquois ! dit la petite fille.
Tu veux te moquer de moi.
Si je trouve mon aiguille,
Je vais te piquer le doigt !

René de Obaldia (Innocentines")


En voici la version intégrale, destinée aux grands enfants :

Chez moi

Chez moi, dit la petite fille
On élève un éléphant.
Le dimanche son œil brille
Quand papa le peint en blanc

Chez moi, dit le petit garçon
On élève une tortue.
Elle chante des chansons
En latin et en laitue.

Chez moi, dit la petite fille
Notre vaisselle est en or.
Quand on mange des lentilles
On croit manger un trésor.

Chez moi, dit le petit garçon
Nous avons une soupière
Qui vient tout droit de Soissons
Quand Clovis était notaire.

Chez moi, dit la petite fille
Ma grand-mère a cent mille ans.
Elle joue encore aux billes
Tout en se curant les dents.

Chez moi, dit le petit garçon
Mon grand-père a une barbe
Pleine pleine de pinsons
Qui empeste la rhubarbe.

Chez moi, dit la petite fille
Il y a trois cheminées
Et lorsque le feu pétille
On a chaud de trois côtés.

Chez moi, dit le petit garçon
Passe un train tous les minuits.
Au réveil mon caleçon
Est tout barbouillé de suie.

Chez moi, dit la petite fille
Le pape vient se confesser.
Il boit de la camomille
Une fois qu’on l’a fessé.

Chez moi, dit le petit garçon
Vit un Empereur chinois.
Il dort sur un paillasson
Aussi bien qu’un Iroquois.

Iroquois ! dit la petite fille
Tu veux te moquer de moi !
Si je trouve mon aiguille
Je vais te piquer le doigt !

Ce que c’est d’être une fille !
Répond le petit garçon.
Tu es bête comme une anguille
Bête comme un saucisson.

C’est moi qu’ai pris la Bastille
Quand t’étais dans les oignons.
Mais à une telle quille
Je n’en dirai pas plus long !

René de Obaldia (Innocentines")


Celui-ci est très représentatif du recueil "Les Innocentines" :

Le plus beau vers de la langue française

« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin »
Voici, mes zinfints
Sans en avoir l’air
Le plus beau vers
De la langue française.
Ai, eu, ai, in
Le geai gélatineux geignait dans le jasmin…
Le poite aurait pu dire
Tout à son aise :
« Le geai volumineux picorait des pois fins »
Eh bien ! non, mes infints
Le poite qui a du génie
Jusque dans son délire
D’une main moite
A écrit :
« C’était l’heure divine où, sous le ciel gamin,
LE GEAI GÉLATINEUX GEIGNAIT DANS LE JASMIN. »

Gé, gé, gé, les gé expirent dans le ji.
Là, le geai est agi
Par le génie du poite
Du poite qui s’identifie
À l’oiseau sorti de son nid
Sorti de sa ouate.
Quel galop !
Quel train dans le soupir !
Quel élan souterrain!
Quand vous serez grinds
Mes zinfints
Et que vous aurez une petite amie anglaise
Vous pourrez murmurer
À son oreille dénaturée
Ce vers, le plus beau de la langue française
Et qui vient tout droit du gallo-romain:
« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin. »
Admirez comme
Voyelles et consonnes sont étroitement liées
Les zunes zappuyant les zuns de leurs zailes.
Admirez aussi, mes zinfints,
Ces gé à vif,
Ces gé sans fin

René de Obaldia ("Innocentines")


Celui-ci également, mais curieusement (?) il ne figure pas dans les choix pour la classe :

Manège

Les chevaux de bois sont pas tous en bois
Les petits cochons vont pas tous en rond.

La dernière fois
Le cheval de bois
Que j'avais monté
Voulait m'renverser.
J'ai pris son oreille
Je lui ai mordu
Le sang de l'oreille
Je lui ai tout bu.
Alors il m'a dit :
"Pourquoi tu m'fais mal ?
Je n'suis qu'un cheval
Tu n'es pas gentil."
Et il m'a promis
Que quand je voudrais
Il m'emporterait
Jusqu'au Paradis !

Le petit cochon
Aux yeux de mouton
Que j'avais monté
Un beau jour d'été
Voulait s'échapper
Des autres cochons.
Il courait si vite
Qu'il faillit me tuer,
Ça sentait les frites
De tous les côtés !
Mais j'tirai si fort
Sur sa queue en or
Qu'elle me resta
Entre les dix doigts.
Je l'ai rapportée
L'soir à la maison,
Ça sert aux dîners
Comme tir'bouchon.

Les chevaux de bois sont pas tous en bois
Les petits cochons vont pas tous en rond.

René de Obaldia ("Innocentines")

Quelques autres titres de textes, pour vous donner envie  :
"Une dame très très morte", "Yous pique angliche", "Le col du fémur", "Berceuse de l'enfant qui ne veut pas grandir", "Ouiquenne", "Julot-Mandibule", "Antoinette et moi" ... il y a en tout soixante-dix textes, ça fait quoi ... à peine 10 centimes d'euro le poème, et on a quoi, sinon pour 10 centimes d'euro ?


14 mars 2007

Pierre Dac, notre "mètre soixante-trois"

brioches du matin, plaisir certain
(Photo Lieucommun ce matin, brioches et café, recettes et droits réservés).

Voici, pour un ami, et en hommage au hasard qui nous réunit quelquefois, cette pensée si juste, de Pierre Dac, notre "mètrecafeti_re_brioches soixante-trois" :
"Il faut une infinie patience pour attendre toujours ce qui n'arrive jamais."

J'ajouterai, pour ma part que
C'est quand tout marche comme sur des roulettes qu'on risque de se casser la gueule.
Ce qui laisserait penser que pour éviter le pire il faut se protéger du meilleur...
C'est ce que nous essayons de faire, et on y parvient admirablement ... en toute modestie, n'est-ce pas ? ... 

* référence à la biographie " Pierre Dac mon maître soixante-trois ", de Jacques Pessis (Ed François Bourin - 1992)
Sur le site dédié à Pierre Dac, on peut entendre la tyrolienne haineuse ("y a trop de haine et y a trop d'haineux")

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12 mars 2007

Le Printemps des poètes et René Char

affiche_Printemps_2007Poète français marqué par le surréalisme, René Char (1907-1988) fut aussi un héros de la Résistance et un humaniste.
C'est sous son parrainage qu'est placé le Printemps des Poètes 2007, pour (aussi) le centenaire de sa naissance.

En effet, le thème "Lettera amorosa" est le titre d'un long poème de René Char, un "chant d'amour", paru dans le recueil "La Parole en Archipel".

A qui est adressée cette Lettera amorosa ?
René Char le précise dans la préface du recueil :

« Amants qui n’êtes qu’à vous-mêmes, aux rues, aux bois et à la poésie ; couple aux prises avec tout le risque, dans l’absence, dans le retour, mais aussi dans le temps brutal ; dans ce poème il n’est question que de vous. »

Deux versions de "Lettera amorosa" , illustrées par Jean Arp (1952), puis par Georges Braque (1963) ont été publiées.

Vient de paraître ce mois-ci en Poésie / Gallimard (édition de poche) :
Lettera amorosa de René Char. Cette édition contient les deux versions illustrées, et c'est vraiment très beau (et pas cher). (voir image ci-dessous)

D'autre part, le numéro 931 de la revue Textes et Documents pour la classe (TDC), parue le 1er mars 2007, est consacré à René Char, à l'occasion de la célébration du centenaire de sa naissance.

 «Je ne puis être et ne veux vivre que dans l’espace et dans la liberté de mon amour. Nous ne sommes pas ensemble le produit d’une capitulation, ni le motif d’une servitude plus déprimante encore. Aussi menons-nous l’un contre l’autre une guérilla sans reproche».


"Je ris merveilleusement avec toi. Voilà la chance unique".


Un passage plus long :livre_char_lettera

Lettera amorosa (extrait en continu)

« (...) Je voudrais me glisser dans une forêt où les plantes se refermeraient et s’étreindraient derrière nous, forêt nombre de fois centenaire, mais elle reste à semer. C’est un chagrin d’avoir, dans sa courte vie, passé à côté du feu avec des mains de pêcheur d’éponges. « Deux étincelles, tes aïeules », raille l’alto du temps, sans compassion.
L’automne ! Le parc compte ses arbres bien distincts. Celui-ci est roux traditionnellement ; cet autre, fermant le chemin, est une bouillie d’épines. Le rouge-gorge est arrivé, le gentil luthier des campagnes. Les gouttes de son chant s’égrainent sur le carreau de la fenêtre. Dans l’herbe de la pelouse grelottent de magiques assassinats d’insectes. Ecoute, mais n’entends pas.
Mon éloge tournoie sur les boucles de ton front, comme un épervier à bec droit.
Parfois j’imagine qu’il serait bon de se noyer à la surface d’un étang où nulle barque ne s’aventurerait. Ensuite, ressusciter dans le courant d’un vrai torrent où tes couleurs bouillonneraient.
L’air que je sens toujours prêt à manquer à la plupart des êtres, s’il te traverse, a une profusion et des loisirs étincelants.
Il faut que craque ce qui enserre cette ville où tu te trouves retenue. Vent, vent, vent autour des troncs et sur les chaumes.
J’ai levé les yeux sur la fenêtre de ta chambre. As-tu tout emporté ? Ce n’est qu’un flocon qui fond sur ma paupière. Laide saison, où l’on croit regretter, où l’on projette, alors qu’on s’aveulit. (...)

René Char (Oeuvres complètes / René Char. - Gallimard, 1988 - recueil "La parole en archipel").
source officielle du texte de René Char: Bibliothèque départementale du Loiret / Conseil Général du Loiret. J'ai replacé les passages cités dans l'ordre original, d'après l'édition Poésie/Gallimard.

Le site du Printemps des Poètes est ici en un clic de souris.


On peut retrouver d'autres poèmes, rassemblés par Jacques Charpentreau, dans "Poèmes pour les jeunes du temps présent", une anthologie de poésie contemporaine. Editions ouvrières -  1974. J'ignore si ce livre est encore disponible.
René Char y est présenté ainsi (extrait) :
..." Sa poésie [garde] sa noblesse et sa grandeur mystérieuse...  C'est l'une des plus importantes de notre époque, en une forme dense et d'une étrange beauté ... elle vibre d'un lyrisme sans concession. Son hermétisme est celui de l'évidence fulgurante." J. Charpentreau.

Voici 3 poésies tirées de cette anthologie : Le martinet, jeu muet, le village vertical.
Pour mieux connaître la poésie de René Char, deux autres textes : Allégeance, une vraie lettera amorosa ;
et cette jolie poésie : La complainte du lézard amoureux.


Le martinet

Martinet aux ailes trop larges, qui vire et crie sa joie autour de la maison. Tel est le coeur.

Il dessèche le tonnerre. Il sème dans le ciel serein. S'il touche au sol, il se déchire.

Sa repartie* est l'hirondelle. Il déteste la familière. Que vaut dentelle de la tour ?

Sa pause est au creux le plus sombre. Nul n'est plus à l'étroit que lui.

L'été de la longue clarté, il filera dans les ténèbres, par les persiennes de minuit.

Il n'est pas d' yeux pour le tenir. Il crie, c'est toute sa présence. Un mince fusil va l'abattre. Tel est le coeur.

René Char  ("La fontaine narrative" - 1947 - "Fureur et mystère" - 1948 - Gallimard)
Non, pas d'accent sur "repartie". Cette troisième strophe est difficile, et pas seulement pour les élèves ...


Jeu muet

Avec mes dents
J'ai pris la vie
Sur le couteau de ma jeunesse.
Avec mes lèvres aujourd'hui,
Avec mes lèvres seulement...

Courte parvenue,
La fleur des talus,
Le dard d'Orion
Est réapparu.

René Char ("Le nu perdu" - 1971 - Gallimard)
On trouve parfois ce court poème avec seulement la première strophe.


Le village vertical

Tels des loups ennoblis
Par leur disparition,
Nous guettons l'an de crainte
Et de libération.

Les loups enneigés
Des lointaines battues
A la date effacée.

Sous l'avenir qui gronde,
Furtifs, nous attendons,
Pour nous affilier,
L'amplitude d'amont.

Nous savons que les Choses arrivent
Soudainement
Sombres ou trop ornées.

Le dard qui liait les deux draps
Vie contre vie, clameur et mont,
Fulgura.

René Char ("Le nu perdu" - 1971 - Gallimard)


Allégeance  

Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n’est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus ; qui au juste l’aima ?

Il cherche son pareil dans le vœu des regards. L’espace qu’il parcourt est ma fidélité. Il dessine l’espoir et léger l’éconduit. Il est prépondérant sans qu’il y prenne part.

Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. A son insu, ma solitude est son trésor. Dans le grand méridien où s’inscrit son essor, ma liberté le creuse.

Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n’est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus ; qui au juste l’aima et l’éclaire de loin pour qu’il ne tombe pas ?

René Char ( "La fontaine narrative  - Fureur et Mystère" - 1962)


La complainte du lézard amoureux

N’égraine pas le tournesol,
Tes cyprès auraient de la peine,
Chardonneret, reprend ton vol
Et reviens à ton nid de laine.

Tu n’es pas un caillou du ciel
Pour que le vent te tienne quitte,
Oiseau rural ; l’arc-en ciel
S’unifie dans la marguerite.

L’homme fusille, cache-toi ;
Le tournesol est son complice.
Seules les herbes sont pour toi,
Les herbes des champs qui plissent.

Le serpent ne te connaît pas,
Et la sauterelle est bougonne ;
La taupe, elle, n’y voit pas ;
Le papillon ne hait personne.

Il est midi, chardonneret.
Le séneçon est là qui brille.
Attarde-toi, va sans danger :
L’homme est rentré dans sa famille !

L’écho de ce pays est sûr.
J’observe, je suis bon prophète ;
Je vois tout de mon petit mur,
Même tituber la chouette.

Qui, mieux qu’un lézard amoureux,
peut dire des secrets terrestres ?
Ô léger gentil roi des cieux,
Que n’as-tu ton nid dans ma pierre !

René Char (1947 - "Les matinaux")
Ce texte a été mis en musique par Julos Beaucarne.


11 mars 2007

Roman poétique - Et si c'était vrai

livre_et_si_Oui, un roman poétique, pas nouveau (paru en 2000, et 2005 pour l'édition de poche), je l'admets, mais il n'est jamais trop tard pour bien lire, et, avantage considérable, j'ai raté le film tiré de cette histoire, film raté d'ailleurs, si on en croit la rumeur publique.

Résumé de la quatrième de couverture
 : L'histoire de Lauren et Arthur défie la raison. Cette jeune femme blottie dans le placard d'Arthur l'architecte n'est pas vraiment là. Ou plutôt elle est là, mais seul Arthur peut la voir ; pourtant elle n'est ni un esprit ni un fantôme, et si elle semble joliment réelle, parle, râle et sourit, son véritable corps est au cinquième étage de l'hôpital de San Francisco, en état de coma dépassé...

Il y a une suite à cette histoire : Vous revoir, de Marc Levy chez le même éditeur: Pocket. Pas encore lu.

Et n'oubliez pas que depuis la loi Lang de 1981, pour protéger la diversité de l'édition, le prix du livre est quasiment le même partout. Achetez en librairie, on vous conseille et le choix est plus important qu'en grande surface.


10 mars 2007

Michel Deville - Mots en l'air

Michel Deville, né en 1931 est un cinéaste connu (Un Monde presque paisible, La Maladie de Sachs, Benjamin ou les Mémoires d’un puceau, Péril en la demeure, le Dossier 51, La Lectrice…).
C'est aussi un poète, moins connu, auteur de huit recueils (au "cherche midi éditeur" : Rien n'est sûr, Poézies, Mots en l'air, L'Air de rien).

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Exceptionnellement, ce message est aussi rangé dans
POÉSIE d'humour, dérision, parodie

Tristan et Yseut

- Parle-moi, dit Yseut à Tristan.
- Je t'aime, dit Tristan à Yseut.
- Je sais. Mais c'est tout ? demanda Yseut.
- Je t'aime beaucoup, répondit Tristan.
- Mais encore ? insista Yseut.
- Je t'adore, ajouta Tristan.
- C'est attristant, pensa Yseut.

Michel Deville ("Mots en l'air" 1993)

Un autre clin d'oeil :

Mots Croisés

Les grands seigneurs, les chevaliers,
Les grands prélats ou de moins grands
Et la cohorte des manants
En route vers Jérusalem
S'arrêtaient le soir, harassés.
Certains écrivaient des poèmes,
D'autres, toujours l'amour des mots,
Devant les grilles des châteaux
Jouaient à un jeu
Baptisé
En souvenir d'eux
Mots croisés.

Michel Deville ("les Croisades")


et à la manière de Rudyard Kipling ("Tu seras un homme mon fils", voir plus bas ) ...

Lorsque et si ...

Lorsque l'on tremble encore à l'approche de l'autre,
Lorsque le doute encore est infiniment nôtre,
Lorsque les intuitions sont approximatives,
Lorsque devient l'humeur, pour un rien, agressive,
Lorsque la main est moite et le regard crétin,
Lorsque le tutoiement est encore incertain,
Lorsqu'on éclate en pleurs pour une peccadille,
C'est qu'on est amoureux, ma fille.

Si tu ne trembles plus, si tu n'as plus de doute,
Si ton humeur est droite ainsi qu'une autoroute,
Si galante est ta main
Et ton regard câlin,
Si tu en viens au tu sans tergiversation,
Si tu ne pleures plus avec obstination,
Si tu tires la langue à toute ta famille,
Tu seras un homme, ma fille.

Michel Deville ("Rien n'est sûr")


Rudyard Kipling, a écrit "If ..." (Si ...), en 1910. C'est la version traduite de l'anglais par l'écrivain Pierre Maurois (en 1918), qui est généralement retenue :

Tu seras un Homme, mon Fils (autre titre : Si ...)

Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou, perdre d'un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;

Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre
Et, te sentant haï sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;

Si tu peux supporter d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d'entendre mentir sur toi leur bouche folle,
Sans mentir toi-même d'un seul mot ;

Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n'être qu'un penseur ;

Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage
Sans être moral ni pédant ;

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,

Alors, les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire,

Tu seras un Homme, mon fils.

Rudyard Kipling    (Bernard Lavilliers l'a mis en musique et interprété (1988).

Pour les amateurs, il existe d'autres traductions de la poésie de Kipling, la dernière de 2006 !
Voyez plutôt ici : http://www.crescenzo.nom.fr/kipling.html

9 mars 2007

Jacques Brel - chanson "amorosa"

lichen_Seine_Mantes  
Lichen en bord de Seine - mars 2007 ( Photo Lieucommun)

Jacques Brel (1929, Bruxelles - 1978), a écrit et interprété environ 200 chansons. Il était également acteur de cinéma : Les Risques du métier, Mon oncle Benjamin, L'Aventure c'est l'aventure, l'Emmerdeur ... (et réalisateur de deux autres films).

Ci-dessous, trois textes de Jacques Brel, sur le même thème

"Pour la rosée qui tremble au calice des fleurs
De n'être pas aimée et ressemble à ton cœur" ...


La Quête  (extrait de "l'Homme de la Mancha", comédie musicale créée aux Etats-Unis en 1965).
Jacques Brel écrit le livret et les chansons en langue française, avec des textes originaux, en 1968.
Voici une des tirades de Don Quichotte, dont le personnage est créé par l'auteur.

Rêver un impossible rêve
Porter le chagrin des départs
Brûler, d'une possible fièvre
Partir, où personne ne part
Aimer jusqu'à la déchirure
Aimer, même trop, même mal
Tenter, sans force et sans armure
D'atteindre l'inaccessible étoile
Telle est ma quête
Suivre l'étoile

Peu m'importent mes chances
Peu m'importe le temps
Ou ma désespérance
Et puis lutter toujours
Sans questions ni repos
Se damner
Pour l'or d'un mot d'amour
Je ne sais si je serai ce héros
Mais mon coeur serait tranquille
Et les villes s'éclabousseraient de bleu

Parce qu'un malheureux
Brûle encore, bien qu'ayant tout brûlé
Brûle encore, même trop, même mal
Pour atteindre à s'en écarteler
Pour atteindre l'inaccessible étoile

Jacques Brel 1968 (paroles et musique)


Je t'aime

Pour la rosée qui tremble au calice des fleurs
De n'être pas aimée et ressemble à ton cœur
Je t'aime
Pour le noir de la pluie au clavecin de l'étang
Jouant page de lune et ressemble à ton chant
Je t'aime
Pour l'aube qui balance sur le fil d'horizon
Lumineuse et fragile et ressemble à ton front
Je t'aime

À l'aurore légère qu'un oiseau fait frémir
En la battant de l'aile et ressembles à ton rire
Je t'aime
Pour le jour qui se lève et dentelles de bois
Au point de la lumière et ressemble à ta joie
Je t'aime
Pour le jour qui revient d'une nuit sans amour
Et ressemble déjà, ressemble à ton retour
Je t'aime
Pour la porte qui s'ouvre pour le cri qui jaillit
Ensemble de deux cœurs et ressemble à ce cri
Je t'aime... Je t'aime...  Je t'aime...

Jacques Brel - 1959 (musique de François Rauber)


Ne me quitte pas               

Ne me quitte pas
Il faut oublier
Tout peut s'oublier
Qui s'enfuit déjà
Oublier le temps
Des malentendus
Et le temps perdu
A savoir comment
Oublier ces heures
Qui tuaient parfois
A coups de pourquoi
Le cœur du bonheur
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas

Moi je t'offrirai
Des perles de pluie
Venues de pays
Où il ne pleut pas
Je creuserai la terre
Jusqu'après ma mort
Pour couvrir ton corps
D'or et de lumière
Je ferai un domaine
Où l'amour sera roi
Où l'amour sera loi
Où tu seras reine
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas

Ne me quitte pas
Je t'inventerai
Des mots insensés
Que tu comprendras
Je te parlerai
De ces amants-là
Qui ont vu deux fois
Leurs cœurs s'embraser
Je te raconterai
L'histoire de ce roi
Mort de n'avoir pas
Pu te rencontrer
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas

On a vu souvent
Rejaillir le feu
D'un ancien volcan
Qu'on croyait trop vieux
Il est paraît-il
Des terres brûlées
Donnant plus de blé
Qu'un meilleur avril
Et quand vient le soir
Pour qu'un ciel flamboie
Le rouge et le noir
Ne s'épousent-ils pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas

Ne me quitte pas
Je ne vais plus pleurer
Je ne vais plus parler
Je me cacherai là
A te regarder
Danser et sourire
Et à t'écouter
Chanter et puis rire
Laisse-moi devenir
L'ombre de ton ombre
L'ombre de ta main
L'ombre de ton chien
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas.

Jacques Brel  1959 (paroles et musique)


7 mars 2007

Jean-Pierre Siméon

Jean-Pierre Siméon est né en 1950.                     Paysage du Vexin - mars 07 - (Photo labo Lieucommun)

Trois poésies déjà rangées
dans POÉSIES pour la CLASSE - CYCLE 3 et COLLÈGE

L'orange des rêvesVexin_groupe_d_arbres_pinc

Tu peux perdre le nord
comme on dit
tu peux perdre patience
tu peux perdre ton temps

perdre la mémoire
et ses chemins aveugles

Le sommeil peut glisser
comme une truite
dans tes mains

Tu peux perdre ton sourire

Mais ne perds pas
ne perds jamais
l'orange de tes rêves

Jean-Pierre Siméon

("A l'aube du buisson" - Collection poèmes pour grandir - édit Cheyne)


Devinettes

Qui décoiffe la mer
Avec des mains qu'on ne voit pas ?
Qui roule sa chanson
Dans la gorge des torrents ?
Qui n'est jamais si lourd
Que quand un oiseau meurt ?

Le vent la pierre et le silence

Qui est ronde comme une joue
Et plus lourde que la peine ?
Qui habille le monde
Quand il se fait tard ?
Qui souffle chaque soir
La bougie du soleil ?

La pierre le silence et le vent

Jean-Pierre Siméon


Comme il est bon d'aimer

Comme il est bon d'aimer
Il suffit d'un mot
Pour prendre le monde
Au piège de nos rêves

Il suffit d'un geste
Pour relever la branche
Pour apaiser le vent

Il suffit d'un sourire
Pour endormir la nuit
Délivrer nos visages
De leur masque d'ombre

Mais cent milliards de poèmes
Ne suffiraient pas
Pour dire
Comme il est bon d'aimer

Jean-Pierre Siméon
Cette poésie sera déplacée vers  POÉSIES pour la CLASSE - LETTERA AMOROSA


D'autres poésies à ranger (C3 - Collège ?)

Promesses

Je cueillerai l'orange
et le bleu des saisons
Et devant la fenêtre
ouverte comme un livre
je lirai au matin
la phrase du torrent

Je donnerai ma soif
aux raisins de la pluie
Et devant le silence
des bûches étonnées
je vanterai le feu
Je vanterai l'orange
et le bleu des saisons

Jean-Pierre Siméon  ("A l'aube du buisson" - Collection poèmes pour grandir - édit Cheyne) 


Saisons

Si je dis
Les corbeaux font la ronde
Aux dessus du silence
Tu me dis c'est l'hiver.

Si je dis
Les rivières se font blanches
En descendant chez nous
Tu me dis le printemps.

Si je dis
Les arbres ont poussé
leurs millions de soleils
Tu me dis c'est l'été.

Si je dis
Les fontaines sont rousses
Et les chemins profonds
Tu me diras l'automne.

Mais si je dis
Le bonheur est à tous
Et tous sont heureux
Quelle saison diras-tu ?
Quelle saison des hommes ?

Jean-Pierre Siméon


Ce qu’il faudrait

Le soir
il faudrait tirer le ciel
comme une nappe
le laver le laver
le serrer dans l’armoire
avec son soleil ses oiseaux
ses feuilles de lumière
le garder bien à soi
comme un lac de silence
et quand viendrait le jour
s’en faire un vêtement
pour grandir

Jean-Pierre Siméon  ("Premiers poèmes pour tous les jours" - édit Milan)


Mauvais rêve

- Qu’ont-ils fait, papa
Qu’ont-ils fait de leurs mains
De plumes ?
- Envolées, mon garçon
Envolées dans le vent !

- Qu’ont-ils fait, papa
Qu’ont-ils fait de leurs yeux si doux ?
- Perdus, mon garçon,
perdus dans la nuit !

- Qu’ont-ils, papa
Qu’ont-ils fait du ruisseau de leur joie ?
- oublié, mon garçon, jeté dans le fossé !

- qu’ont-ils fait, papa
qu’ont-ils fait des mots
de leurs poèmes ?
- J’ai bien peur, mon garçon,
qu’ils ne les aiment plus.

Jean-Pierre Siméon
("A l'aube du buisson" - Collection poèmes pour grandir - édit Cheyne)


Nous ne vieillirons pas

Nous ne vieillirons pas
mon ami
je le jure
si nous faisons du temps
le jardin de nos rives
si nous suivons les pas de l'été
dans les fleurs
si nous marions nos mains
aux fontaines prodigues
si chaque jour nouveau
est un nouveau voyage
et le beau partage du fruit
pour nos lèvres

Nous ne vieillirons pas
l'eau est née pour la source
nous sommes nés pour vivre

Jean-Pierre Siméon ("La nuit respire" - Collection poèmes pour grandir - édit Cheyne)


 

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