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29 avril 2007

"L'autre" - Paul Éluard

La biographie détaillée et des poèmes de Paul Éluard sont visibles sur le blog ici :
Des POÈTES et de la POÉSIE
en attendant d'autres textes, plus proches du thème.

... "Il y aurait un homme n’importe quel homme
Moi ou un autre
Sinon il n’y aurait rien."

(texte du poème plus bas)

Et un sourire

La nuit n'est jamais complète
Il y a toujours, puisque je le dis
Puisque je l'affirme
Au bout du chagrin
Une fenêtre ouverte
Une fenêtre éclairée
Il y a toujours un rêve qui veille
Désir à combler, faim à satisfaire
Un coeur généreux
Une main tendue, une main ouverte
Des yeux attentifs
Une vie, la vie à se partager.

Paul Éluard ("Le Phénix", éditions GLM, 1951 avec des dessins de Victor Hugo - éditions Seghers, 1954)


Bonne justice

C'est la douce loi des hommes
Du raisin ils font du vin
Du charbon ils font du feu
Des baisers ils font des hommes

C'est la dure loi des hommes
Se garder intact malgré
Les guerres et la misère
Malgré les dangers de mort

C'est la chaude loi des hommes
De changer l'eau en lumière
Le rêve en réalité
Et les ennemis en frères

Une loi vieille et nouvelle
Qui va se perfectionnant
Du fond du cœur de l'enfant
Jusqu'à la raison suprême.

Paul Éluard ("Pouvoir tout dire" - illustrations de Françoise Gilot, Éditions Raisons d'être, 1951)


Le miroir d'un moment

Il dissipe le jour,
Il montre aux hommes les images déliées de l'apparence,
Il enlève aux hommes la possibilité de se distraire.
Il est dur comme la pierre,
La pierre informe,
La pierre du mouvement et de la vue,
Et son éclat est tel que toutes les armures, tous les masques en sont faussés.
Ce que la main a pris dédaigne même de prendre la forme de la main,
Ce qui a été compris n'existe plus,
L'oiseau s'est confondu avec le vent,
Le ciel avec sa vérité,
L'homme avec sa réalité.

Paul Éluard ("Capitale de la douleur" - Éditions de la NRF, 1926 et Gallimard, diverses éditions, la dernière en 1995)


Monde ébloui,
Monde étourdi.

I

Toutes les femmes heureuses ont
Retrouvé leur mari - il revient du soleil
Tant il apporte de chaleur.
Il rit et dit bonjour tout doucement
Avant d'embrasser sa merveille.

II

Splendide, la poitrine cambrée légèrement,
Sainte ma femme, tu es à moi bien mieux qu'au temps
Où avec lui, et lui, et lui, et lui, et lui,
Je tenais un fusil, un bidon - notre vie!

III

Tous les camarades du monde,
O! mes amis!
Ne valent pas à ma table ronde
Ma femme et mes enfants assis,
O! mes amis!

IV

Après le combat dans la foule,
Tu t'endormais dans la foule.
Maintenant, tu n'auras qu'un souffle près de toi,
Et ta femme partageant ta couche
T'inquiétera bien plus que les mille autres bouches.

V

Mon enfant est capricieux -
Tous ces caprices sont faits.
J'ai un bel enfant coquet
Qui me fait rire et rire.

VI

Travaille.
Travail de mes dix doigts et travail de ma tête,
Travail de Dieu, travail de bête,
Ma vie et notre espoir de tous les jours,
La nourriture et notre amour.
Travaille.

VII

Ma belle, il nous faut voir fleurir
La rose blanche de ton lait.
Ma belle, il faut vite être mère,
Fais un enfant à mon image...

VIII

J'ai eu longtemps un visage inutile,
Mais maintenant
J'ai un visage pour être aimé,
J'ai un visage pour être heureux.

IX

Il me faut une amoureuse,
Une vierge amoureuse,
Une vierge à la robe légère.

X

Je rêve de toutes les belles
Qui se promènent dans la nuit,
Très calmes,
Avec la lune qui voyage.

XI

Toute la fleur des fruits éclaire mon jardin,
Les arbres de beauté et les arbres fruitiers.
Et je travaille et je suis seul dans mon jardin.
Et le soleil brûle en feu sombre sur mes mains.

Paul Éluard ("Poèmes pour la Paix" 1918)


Je te l'ai dit  (titre proposé) 

Je te l'ai dit pour les nuages
Je te l'ai dit pour l'arbre de la mer
Pour chaque vague, pour les oiseaux dans les feuilles
Pour les cailloux du bruit
Pour les mains familières
Pour l’œil qui devient visage ou paysage
Et le sommeil lui rend le ciel de sa couleur
Pour toute la nuit bue
Pour la grille des routes
Pour la fenêtre ouverte pour un front découvert
Je te l'ai dit pour tes pensées, pour tes paroles
Toute caresse, toute confiance se survivent

(pas de ponctuation) 
Paul Éluard ("L'amour la poésie" éditions Gallimard, 1929)


Ce texte difficile peut être adapté au niveau des élèves en ne proposant que certains passages (en couleur) :

Le droit le devoir de vivre

Il n’y aurait rien
Pas un insecte bourdonnant
Pas une feuille frissonnante
Pas un animal léchant ou hurlant
Rien de chaud rien de fleuri
Rien de givré de brillant rien d’odorant
Pas une ombre léchée par la fleur de l’été
Pas un arbre portant des fourrures de neige

Pas une joue fardée par un baiser joyeux
Pas une aile prudente ou hardie dans le vent
Pas un coin de chair fine pas un bras chantant
Rien de libre ni de gagner ni de gâcher
Ni de s’éparpiller ni de se réunir
Pour le bien pour le mal
Pas une nuit armée d’amour ou de repos
Pas une voix d’aplomb pas une bouche émue
Par un sein dévoilé pas une main ouverte
Pas de misère et pas de satiété
Rien d’opaque rien de visible
Rien de lourd rien de léger
Rien de mortel rein d’éternel

Il y aurait un homme n’importe quel homme
Moi ou un autre
Sinon il n’y aurait rien.

Paul Éluard ("Le livre ouvert" , 1938-1944 - éditions Poésie/Gallimard, 1974)


La terre est bleue

La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas
Ils ne vous donnent plus à chanter
Au tour des baisers de s'entendre
Les fous et les amours
Elle sa bouche d'alliance
Tous les secrets tous les sourires
Et quels vêtements d'indulgence
À la croire toute nue.
Les guêpes fleurissent vert
L'aube se passe autour du cou
Un collier de fenêtres
Des ailes couvrent les feuilles
Tu as toutes les joies solaires
Tout le soleil sur la terre
Sur les chemins de ta beauté.

Paul Éluard ("L'amour la poésie" éditions Gallimard, 1929)



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