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1 mai 2007

"L'autre" - Marc Alyn

Marc Alyn est né en 1937. Il est romancier (Le Déplacement, 1964) et poète (une vingtaine de recueils, dont Le Temps des autres, prix Max Jacob 1957 ; Les Alphabets de Feu, Grand Prix de Poésie de l'Académie Française, 1994).
Il est aussi critique d'art, essayiste (Le Piéton de Venise, "roman contemporain", prix Henri-de-Régnier 2005 de l'Académie française) et auteur d'un "opéra-verbe" (Le Grand Labyrinthe, 1971).

"Je crois en l'homme simplement
pour sa résistance à la nuit ..."

L'enfant de lune

La lune en maraude au coeur des vergers
Grimpait aux pommiers en jupon d'argent ;
Surgirent des chiens rauques, déchaînés :
La lune s'enfuit, laissant un enfant.

Il vint avec nous en classe au village,
Tout à fait semblable aux autres garçons
Sauf cette clarté nimbant son visage
Sous le feu de joie de ses cheveux blonds.

Il aimait la pluie, les sources, les marbres,
Tout ce qui ruisselle et ce qui reluit ;
Le soir il veillait très tard sous les arbres
Regardant tomber lentement la nuit.

La lune en maraude au cœur des vergers
Vint chercher l'enfant un soir gris d'automne :
Vite, il s'envola. J'entends à jamais
Le bruit de son aile amie qui frissonne.

Marc Alyn


Le regard de Marc Alyn sur le siècle et les hommes :

Deux mille et des poussières

je raye un millénaire sur le calendrier.
- Comment trouvez-vous cette vie ? - Palpitante !
-  Et ce siècle ? - Passable.
L'éternité ne fait pas son âge, ce matin
Et moi, poète confidentiel d'une langue partout étrangère,
Je vous dis que les rues regorgent d'êtres qui n'ont jamais vécu
Et prennent néanmoins la mort en marche ainsi qu'un autobus
Pour des odyssées sans issue vers d'abstraites Sibéries ou de scabreuses Babylones.
Ceux qui n'existèrent qu'à reculons, nourris d'absence et d'avenir posthume
Savent combien il est dangereux de lancer des prières aux dieux
Ou de glisser son âme entre les grilles à portée de leurs griffes.
Serons-nous remboursés à la fin du spectacle ?
Vagabond de l'entre-deux-mondes, je guette les oiseaux qui saccagent le ciel.
L'automne a mis partout des fruits qui te ressemblent.

Marc Alyn ("dans la revue Poésie-Première n° 15)


Bulletin de santé (extrait)
...
Ma tour d’ivoire c’est la rue
où se pressent des inconnus
guidés chacun par leur misère
chacun la sienne pas de jaloux !

Je ne suis pas un alchimiste
Je ne transforme rien en rien
simplement je suis mon chemin
semant des graines dans les ruines

Toutes ces pierres sous mes pas
me sont précieuses et nécessaires
je suis riche de cette terre
qu’un jour de pluie on me donna

Je n'ai pas besoin des nuages
pour alimenter ma chanson !
Mon cœur est plein de ciel
mon regard de chants d'oiseaux

Je crois en l'homme simplement
pour sa résistance à la nuit
...

Marc Alyn ("Liberté de voir" - éditions Terre de Feu - et dans 'Poèmes à dire" choisis par Daniel Gélin - Seghers, 1974)


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1 mai 2007

"L'autre" - Huguette Amundsen

J’ai vu …

J'ai appelé le terrassier
il marchait à cloche-pied
j'ai appelé le moissonneur
il jurait comme un voleur
j'ai appelé le cordonnier
il jetait tous ses souliers
alors je m'en suis allée
j'ai vu des hannetons
tâtonnant en rond
j'ai vu des limaces
faire la grimace
j'ai vu une libellule
très crédule
puis me penchant encore
j'ai vu un chou-fleur
chercher l'heure
j'ai vu un artichaut
qui rêvait d'être au chaud
chemin faisant
j'ai vu un lampadaire
le nez en l'air
j'ai vu un vélo
près de l'eau
j'ai vu un canard
en retard
j'ai vu un lapin
jouer au crincrin
puis j'ai vu des gens
mécontents
car ils ne voyaient rien.

Huguette Amundsen


1 mai 2007

"L'autre" - Guillaume Apollinaire

Guillaume Apollinaire (1880-1918) écrit ses premiers poèmes à l'âge de 17 ans.
Ami de Picasso et de Max Jacob, il rencontre ensuite Marie Laurencin, pour qui il écrit d'autres poèmes. Au début de la guerre de 14, mobilisé, il entretient une liaison avec Lou ( Louise de Coligny-Chatillon) (Correspondance et "Poèmes à Lou". Il est blessé en 1916 à la tête par un éclat d'obus.
Il termine "Calligrammes" en 1917. Ce dernier recueil d'Apollinaire sera publié en avril 1918. C'est finalement de la grippe espagnole (une terrible épidémie) qu'il meurt en novembre de la même année.


Le dromadaire

Avec ses quatre dromadaires
Don Pedro d'Alfaroubeira
Courut le monde et l'admira.
Il fit ce que je voudrais faire
Si j'avais quatre dromadaires.

Guillaume Apollinaire ("Le Bestiaire ou cortège d'Orphée" dans "Alcools" - 1913) 


Saltimbanques
                         à Louis Dumur

Dans la plaine les baladins
S'éloignent au long des jardins
Devant l'huis des auberges grises
Par les villages sans églises

Et les enfants s'en vont devant
Les autres suivent en rêvant
Chaque arbre fruitier se résigne
Quand de très loin ils lui font signe

Ils ont des poids ronds ou carrés
Des tambours des cerceaux dorés
L'ours et le singe animaux sages
Quêtent des sous sur leur passage

Guillaume Apollinaire ("Alcools" - 1913)



1 mai 2007

"L'autre" - Louis Aragon

La poésie de Louis Aragon (1897-1982) appartient au surréalisme, dont il est un des fondateurs, avec André Breton et Philippe Soupault.
Il adhère au Parti communiste et s'engage dans la Résistance contre le nazisme pendant la Seconde guerre mondiale.
Son amour pour Elsa Triolet, romancière (1896-1970), traverse et illumine son oeuvre poétique. Un des recueils d'Aragon s'intitule Le Fou d'Elsa (1963). On peut citer d'autres recueils : Cantique à Elsa (1942) - Les Yeux d'Elsa (1942) - Elsa (1959) - Il ne m'est Paris que d'Elsa (1964) ...
Aragon est aussi romancier (Le Paysan de Paris - Les beaux quartiers - Les Communistes, Les Voyageurs de l'Impériale ...)
On trouvera des poèmes d'Aragon sur ce blog dans d'autres catégories.

Un jour un jour

Tout ce que l'homme fut de grand et de sublime
Sa protestation ses chants et ses héros
Au dessus de ce corps et contre ses bourreaux
A Grenade aujourd'hui surgit devant le crime

Et cette bouche absente et Lorca qui s'est tu
Emplissant tout à coup l'univers de silence
Contre les violents tourne la violence
Dieu le fracas que fait un poète qu'on tue

Un jour pourtant un jour viendra couleur d'orange
Un jour de palme un jour de feuillages au front
Un jour d'épaule nue où les gens s'aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche

Ah je désespérais de mes frères sauvages
Je voyais je voyais l'avenir à genoux
La Bête triomphante et la pierre sur nous
Et le feu des soldats porté sur nos rivages

Quoi toujours ce serait par atroce marché
Un partage incessant que se font de la terre
Entre eux ces assassins que craignent les panthères
Et dont tremble un poignard quand leur main l'a touché

Un jour pourtant un jour viendra couleur d'orange
Un jour de palme un jour de feuillages au front
Un jour d'épaule nue où les gens s'aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche

Quoi toujours ce serait la guerre la querelle
Des manières de rois et des fronts prosternés
Et l'enfant de la femme inutilement né
Les blés déchiquetés toujours des sauterelles

Quoi les bagnes toujours et la chair sous la roue
Le massacre toujours justifié d'idoles
Aux cadavres jeté ce manteau de paroles
Le bâillon pour la bouche et pour la main le clou

Un jour pourtant un jour viendra couleur d'orange
Un jour de palme un jour de feuillages au front
Un jour d'épaule nue où les gens s'aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche

Louis Aragon (extrait de "Fable du navigateur et du poète", chapitre "La grotte" dans le recueil "Le fou d'Elsa" - Seghers 1963)


Publié en 1946, c'est dans le recueil "La Diane française" poésies écrites pendant la guerre, textes de Résistance, qu"on trouve le poème ci-dessous. Il est dédié à  Guy Môquet, Gabriel Péri, Honoré d'Estienne d'Orves et Gilbert Dru, qui ont payé de leur vie, qu'ils soient croyants ou non-croyants, leur engagement de Résistants.

La rose et le réséda

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats
Lequel montait à l'échelle
Et lequel guettait en bas

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Qu'importe comment s'appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l'un fut de la chapelle
Et l'autre s'y dérobât

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du coeur des bras
Et tous les deux disaient qu'elle
Vive et qui vivra verra

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l'un chancelle
L'autre tombe qui mourra

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Ils sont en prison Lequel
A le plus triste grabat
Lequel plus que l'autre gèle
Lequel préfère les rats

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Un rebelle est un rebelle
Deux sanglots font un seul glas
Et quand vient l'aube cruelle
Passent de vie à trépas

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Répétant le nom de celle
Qu'aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Il coule il coule il se mêle
À la terre qu'il aima
Pour qu'à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
L'un court et l'autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle Le grillon rechantera
Dites flûte ou violoncelle
Le double amour qui brûla
L'alouette et l'hirondelle
La rose et le réséda

Louis Aragon ("La Diane française")


1 mai 2007

"L'autre" - Marcel Béalu

Marcel Béalu (1908-1993) est écrivain et poète (Poèmes sur un même thème" -1932 ; L'Araignée d'eau ; Le Bruit du moulin ; L'Expérience de la nuit).

L'anneau

Pour les fiançailles d'amour
Des peuples redevenus frères
Les hommes construiront un jour
Par dessus continents et mers
Par dessus rives et rivières
Un pont sans arches ni piliers
Un pont qui tiendra dans les airs
Sans aide aucune à rien lié
Comme un grand arc-en-ciel de pierre
Qui fera le tour de la terre

Marcel Béalu


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1 mai 2007

"L'autre" - Charles Baudelaire

Charles Baudelaire (1821-1867)

... "Hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère !"

L'étranger

- Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis? ton père, ta mère, ta sœur ou bien ton frère ?
- Je n'ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.
- Tes amis ?
- Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie ?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté ?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.
- L'or ?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !

Charles Baudelaire ("Petits poèmes en prose" 1869)


L'albatros

Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

À peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.

Charles Baudelaire ("Les Fleurs du Mal" - 1857)


L'Homme et la mer

Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir, tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.

Tu te plais à plonger au sein de ton image ;
Tu l'embrasses des yeux et des bras, et ton cœur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur
Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.

Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets ;
Homme, nul n'a sondé le fond de tes abîmes ;
Ô mer, nul ne connaît tes richesses intimes,
Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets !

Et cependant voilà des siècles innombrables
Que vous vous combattez sans pitié ni remords,
Tellement vous aimez le carnage et la mort,
Ô lutteurs éternels, Ô frères implacables !

Charles Baudelaire ("Les Fleurs du Mal" - 1857)


1 mai 2007

Sommaire - Poésie du Monde pour "l'Éloge de l'autre"

  - SOMMAIRE -

Comptines d'ailleurs

  •  Divers - Comptines et petites chansons en anglais
  •  Divers - Comptines et petites chansons en espagnol

Afrique du nord

  • Afrique du Nord - Algérie : Mohamed Dib et d'autres poètes
  • Afrique du Nord - Maroc - Tahar Ben Jelloun 
  • Afrique du Nord - Tunisie 
  • Afrique du Nord - Égypte ancienne et contemporaine

Afrique Noire

  • Afrique Noire - Cameroun - Francis Bebey 
  • Afrique Noire - Cameroun - René Philombé

page 2 (cliquer ici pour un accès direct)

Afrique noire (suite)

  • Afrique - Cameroun (ethnie Peul) - Amadou Hampâté Bâ
  • Afrique - Sénégal - David Diop
  • Afrique - Sénégal (Wolof) - Cheik Aliou Ndao 

Amérique Centrale

  • Amérique Centrale - Antilles  - Cuba
  • Amérique Centrale - Guatemala - poésie maya traditionnelle
  • Amérique Centrale - Guatemala - poésie maya contemporaine 
  • Amérique Centrale - Mexique - poésie de langue aztèque  
  • Amérique Centrale - Mexique - poésie de langue zapotèque 

Amérique du Nord

  • Amérique du Nord - États-Unis : Emily Dickinson ;  Walt Whitman ; Wallace Steevens 
  • Amérique du Nord - Indiens d'Amérique du Nord - poèmes contemporains 

    page 3 (cliquer ici)

    Amérique du Nord (suite)

    • Amérique du Nord - Indiens d'Amérique du Nord - poèmes traditionnels 
    • Amérique du Nord - Québec - France Bonneau
    • Amérique du Nord - Québec - Gilles Vigneault

    Amérique du Sud

    • Amérique du Sud - Chili - Gabriela Mistral

    Arctique - Groënland

    • Arctique - Inuits des régions arctiques - poèmes d'auteurs et poèmes anonymes

    Asie : Proche et Moyen-Orient

    • Asie - Moyen-Orient - Iran, Irak (et Perse)
    • Asie - Proche-Orient - Israël
    • Asie - Proche-Orient - Palestine 

    Asie : autres pays

    • Asie - Chine - Liu Li ; Ai Qing
    • Asie - Chine - Tu Fu
    • Asie - Inde - Toukârâm  

    page 4 (cliquer ici)

    Asie : autres pays (suite)

    • Asie - Japon - haïkus
    • Asie - Japon - autres poèmes
    • Asie - Tibet - Jetsün Milarepa
    • Asie - Viêt-Nam - Cù Huy Cân  

    Europe 

    • Europe - Albanie : Ismaïl Kadaré 
    • Europe - Angleterre : Emily Brontë
    • Europe - Angleterre : Rudyard Kipling
    • Europe - Angleterre : Percy Bisshe Shelley
    • Europe - Belgique - Julos Beaucarne et Marina Missier
    • Europe - Espagne - Federico García Lorca  
       

    page 5 (cliquer ici)

    Europe (suite)

    • Europe - Espagne - José Agustín Goytisolo
    • Europe - Espagne - Antonio Machado
    • Europe - France - Bretagne
    • Europe - France - Languedoc et Provence 
    • Europe - Irlande : Samuel Beckett, William Butler Yeats, James Joyce, Thomas Moore
    • Europe - Kurdistan : Kamuran Bedir Khan
    • Europe - Portugal - Fernando Pessoa
    • Europe - Roumanie - poètes roumains et tsiganes 
    • Europe - Russie - poètes russes d'avant et après la révolution de 1917
    • Europe (Asie-Europe) - Turquie - Orhan Veli 

     

    page 6 (cliquer ici)

    Europe (suite)

    • Europe (Asie-Europe) - Turquie - Nazim Hikmet

    Océanie

    • Océanie - Australie - poètes contemporains
    • Océanie - Nouvelle-Calédonie - poésie kanak


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