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lieu commun
18 juin 2007

L'école de René Guy Cadou

René Guy Cadou était né en 1920. Il avait écrit, comme une prémonition : "Je ne ferai jamais que quelques pas sur cette terre". À partir de 1943, Hélène, épousée en 1946, l'accompagne. Hélène Cadou , poète comme lui, pour qui il a écrit "Hélène ou le règne végétal", publié en février 1951 (Le poète est mort de maladie en mars de la même année, à 31 ans).

Je t'atteindrai Hélène
À travers les prairies
À travers les matins de gel et de lumière...

Son œuvre poétique complète, "
Poésie, la vie entière", est parue en 1976 chez l'éditeur Pierre Seghers (poète également).


La blanche école où je vivrai

La blanche école où je vivrai
N'aura pas de roses rouges
Mais seulement devant le seuil
Un bouquet d'enfants qui bougent
On entendra sous les fenêtres
Le chant du coq et du roulier;
Un oiseau naîtra de la plume
Tremblante au bord de l'encrier
Tout sera joie! Les têtes blondes
S'allumeront dans le soleil,
Et les enfants feront des rondes
Pour tenter les gamins du ciel.

René Guy Cadou


Automne

Odeur des pluies de mon enfance
Derniers soleils de la saison !
A sept ans comme il faisait bon
Après d'ennuyeuses vacances,
Se retrouver dans sa maison !

La vieille classe de mon père,
Pleine de guêpes écrasées,
Sentait l'encre, le bois, la craie
Et ces merveilleuses poussières
Amassées par tout un été.

O temps charmant des brumes douces,
Des gibiers, des longs vols d'oiseaux,
Le vent souffle sous le préau,
Mais je tiens entre paume et pouce
Une rouge pomme à couteau.

René-Guy Cadou ("Les amis d’enfance " ; "Poésie, la vie entière" - Seghers)


La saison de Sainte-Reine

Je n’ai pas oublié cette maison d’école
Où je naquis en février dix neuf cent vingt
Les vieux murs à la chaux ni l’odeur du pétrole
Dans la classe étouffée par le poids du jardin
Mon père s’y plaisait en costume de chasse
Tous deux nous y avions de tendres rendez-vous
Lorsqu’il me revenait d’un monde de ténèbres
D’une Amérique à trois cents mètres de chez nous
Je l’attendais couché sur les pieds de ma mère
Comme un bon chien un peu fautif d’avoir couru
Du jardin au grenier des pistes de lumière
Et le poil tout fumant d’univers parcourus
La porte à peine ouverte il sortait de ses manches
Des jeux de cartes des sous belges ou des noix
Et je le regardais confiant dans son silence
Pour ma mère tirer de l’amour de ses doigts
Il me parlait souvent de son temps de souffrance
Quand il était sergent-major et qu’il montait
Du côté de Tracy-le-Mont ou de la France
La garde avec une mitrailleuse rouillée
Et je riais et je pensais aux pommes mûres
À la fraîcheur avoisinante du cellier
À ce parfum d’encre violette et de souillure
Qui demeure longtemps dans les sarraus mouillés
Mais ce soir où je suis assis près de ma femme
Dans une maison d’école comme autrefois
Je ne sais rien que toi Je t’aime comme on aime
Sa vie dans la chaleur d’un regard d’avant soi.

René Guy Cadou
- 1953 - ("Hélène ou le règne végétal")
[Ce message d'août 2007 est antidaté pour le rangement]


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