L'hiver de Victor Hugo
Victor Hugo (1802-1885) est un romancier et poète qu'on ne présente pas.
La bise
Va-t'en, me dit la bise,
C'est mon tour de chanter.
Et tremblante, surprise,
N'osant pas résister,
Fort décontenancée
Devant un Quos ego,
Ma chanson est chassée
Par cette Virago.
Pluie. On me congédie
Partout, sur tous les tons.
Fin de la comédie.
Hirondelles, partons.
Grêle et vent. La ramée
Tord ses bras rabougris ;
Là-bas fuit la fumée
Blanche sur le ciel gris.
Une pâle dorure
Jaunit les coteaux froids.
Le trou de ma serrure
Me souffle sur les doigts.
Victor Hugo ("Les Chansons des rues et des bois")
Le même passage se retrouve dans cet extrait d'un autre poème, publié dans un recueil posthume, et dont on propose en classe élémentaire (en général), la strophe en couleur :
La bise
Le temps mène le deuil de notre destinée ;
La terre est un sépulcre, et la lugubre année,
Gardienne pâle des tombeaux,
Autour du cénotaphe où gît, couvert de voiles,
Le genre humain couché sous le drap des étoiles,
Allume ses douze flambeaux.
La bise fait le bruit d'un géant qui soupire ;
La fenêtre palpite et la porte respire ;
Le vent d'hiver glapit sous les tuiles des toits ;
Le feu fait à mon âtre une pâle dorure ;
Le trou de ma serrure
Me souffle sur les doigts.
Victor Hugo ("Dernière Gerbe" - 1941) - titre donné et textes choisis par Paul Maurice parmi les manuscrits de l'auteur pour cette édition posthume