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lieu commun
1 mars 2008

André BERRY - le féminin en poésie

André Berry (1902-1986) est un poète français, auteur d'une Anthologie De La Poésie Occitane (1961).


D'une vieille à son miroir

Dans sa glace l'ancienne belle
Mirait son visage cassé.
"Las! ce ne sont plus, dit-elle,
Les miroirs du temps passé".


André Berry



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1 mars 2008

Alain BOSQUET- le féminin en poésie

Alain Bosquet  (1919-1998) est un écrivain et poète français d'origine russe. 

 Poète comme lui, mais au féminin peut-être, voici la mer, telle qu'il la comprend :

La mer

La mer écrit un poisson bleu,
efface un poisson gris.
La mer écrit un croiseur qui prend feu,
efface un croiseur mal écrit.
Poète plus que les poètes,
musicienne plus que les musiciennes,
elle est mon interprète,
la mer ancienne,
la mer future,
porteuse de pétales,
porteuse de fourrure.
Elle s'installe
au fond de moi :
la mer écrit un soleil vert,
efface un soleil mauve.
La mer écrit un soleil entrouvert
      sur mille requins qui se sauvent.


Alain Bosquet ("Deuxième testament" - éditions Gallimard, 1959)



 

1 mars 2008

Georges BRASSENS - le féminin en poésie

Georges BRASSENS, (1921-1981) est né à Sète, dans l'Hérault. C'est un poète, compositeur et interprète de ses textes, qui a aussi mis en musique de nombreux textes d'autres poètes (Victor Hugo, Verlaine, Aragon, Paul Fort ...)
On a volontairement ici ignoré une grande partie des textes du répertoire féminin de Brassens, trop "crus", pour ne garder que ceux qui peuvent (mais c'est vous qui voyez) être proposés à des élèves de Collège ou de Lycée.

Les textes présentés sont des paroles de chanson, ils respectent le format, les élisions et la ponctuation originaux, tels qu'on peut les trouver sur des partitions ou dans des ouvrages (référence, le livre "Georges Brassens" d'Alphonse Bonnafé - Seghers, 1963 et mises à jour successives). Il est possible et peut-être utile, pour utiliser ces textes en poésie, de leur donner une ponctuation et de rétablir les voyelles élidées. Brassens étant large d'esprit, il ne s'y opposerait certainement pas !

Pour un travail approfondi sur l'un des textes, la mine d'information est ici : http://www.analysebrassens.com/

Bonhomme

Malgré la bise qui mord
La pauvre vieille de somme
Va ramasser du bois mort
Pour chauffer Bonhomme

Bonhomme qui va mourir
De mort naturelle.

Mélancolique, elle va
A travers la forêt blême
Où jadis elle rêva
De celui qu'elle aime

Qu'elle aime et qui va mourir
De mort naturelle.

Rien n'arrêtera le cours
De la vieille qui moissonne
Le bois mort de ses doigts gourds
Ni rien ni personne

Car Bonhomme va mourir
De mort naturelle.

Non, rien ne l'arrêtera,
Ni cette voix de malheur(e)
Qui dit : "Quand tu rentreras
Chez toi, tout à l'heure

Bonhomm' sera déjà mort
De mort naturelle."

Ni cette autre et sombre voix,
Montant du plus profond d'elle,
Lui rappeler que, parfois
Il fut infidèle

Car Bonhomme, il va mourir
De mort naturelle.

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Jeanne
 
Chez Jeanne la Jeanne
Son auberge est ouverte aux gens sans feu ni lieu
Ou pourrait l'appeler l'auberge du bon Dieu
S'il n'en existait déjà une
La dernière où l'on peut entrer
Sans frapper sans montrer patte blanche.

Chez Jeanne la Jeanne
On est n'importe qui on vient n'importe quand
Et comme par miracle par enchantement
On fait partie de la famille
Dans son cœur en s' poussant un peu
Reste encore une petite place

La Jeanne la Jeanne
Elle est pauvre et sa table est souvent mal servie
Mais le peu qu'on y trouve assouvit pour la vie
Par la façon qu'elle le donne
Son pain ressemble à du gâteau
Et son eau à du vin comm' deux gouttes d'eau

La Jeanne la Jeanne
On la paie quand on peut des prix mirobolants
Un baiser sur son front ou sur ses cheveux blancs
Un semblant d'accord de guitare
L'adresse d'un chat échaudé
Ou d'un chien tout crotté comm' pourboir'

La Jeanne la Jeanne
Dans ses roses et ses choux n'a pas trouvé d'enfant
Qu'on aime et qu'on défend contre les quatre vents
Et qu'on accroche à son corsage
Et qu'on arrose avec son lait
D'autres qu'elle en seraient tout' chagrines

Mais Jeanne la Jeanne
Ne s'en soucie pas plus que de colin-tampon
Etre mère de trois poulpiquets à quoi bon
Quand elle est mère universelle
Quand tous les enfants de la terre
De la mer et du ciel sont à elle.
 

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Bécassine

Un champ de blé prenait racine
Sous la coiffe de Bécassine
Ceux qui cherchaient la toison d'or
Ailleurs avaient bigrement tort
Tous les seigneurs du voisinage
Les gros bonnets, grands personnages
Rêvaient de joindre à leur blason
Une boucle de sa toison
Un champ de blé prenait racine
Sous la coiffe de Bécassine
 
C'est une espèce de robin,
N'ayant pas l'ombre d'un lopin
Qu'elle laissa pendre, vainqueur
Au bout de ses accroche-cœurs
C'est une sorte de manant
Un amoureux du tout-venant
Qui pourra chanter la chanson
Des blés d'or en toute saison
Et jusqu'à l'heure du trépas
Si le diable s'en mêle pas
 
Au fond des yeux de Bécassine
Deux pervenches prenaient racine
Si belles que Sémiramis
Ne s'en est jamais bien remis'
Et les grands noms à majuscules
Les Cupidons à particules
Auraient cédé tous leurs acquêts
En échange de ce bouquet
Au fond des yeux de Bécassine
Deux pervenches prenaient racine
 
C'est une espèce de gredin
N'ayant pas l'ombre d'un jardin
Un soupirant de rien du tout
Qui lui fit faire les yeux doux
C'est une sorte de manant,
Un amoureux du tout-venant
Qui pourra chanter la chanson
Des fleurs bleues en toute saison
Et jusqu'à l'heure du trépas
Si le diable s'en mêle pas
 
A sa bouche, deux belles guignes
Deux cerises tout à fait dignes
Tout à fait dignes du panier
De Madame de Sévigné
Les hobereaux, les gentillâtres
Tombés tous fous d'elle, idolâtres
Auraient bien mis leur bourse à plat
Pour s'offrir ces deux guignes-là
Tout à fait dignes du panier
De Madame de Sévigné
 
C'est une espèce d'étranger
N'ayant pas l'ombre d'un verger
Qui fit s'ouvrir, qui étrenna
Ses joli's lèvres incarnat
C'est une sorte de manant
Un amoureux du tout-venant
Qui pourra chanter la chanson
Du temps des c'rises en tout' saison
Et jusqu'à l'heure du trépas
Si le diable s'en mêle pas.

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La cane de Jeanne
 
La cane
De Jeanne
Est morte au gui l'an neuf,
Elle avait fait, la veille,
Merveille !
Un œuf !
 
La cane
De Jeanne
Est morte d'avoir fait,
Du moins on le présume,
Un rhume,
Mauvais !
 
La cane
De Jeanne
Est morte sur son œuf
Et dans son beau costume
De plumes,
Tout neuf !
 
La cane
De Jeanne,
Ne laissant pas de veuf,
C'est nous autres qui eûmes
Les plumes,
Et l'œuf !
 
Tous, toutes,
Sans doute,
Garderons longtemps le
Souvenir de la cane
de Jeanne
Morbleu !

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Dans l'eau de la claire fontaine
 
Dans l'eau de la claire fontaine
Elle se baignait toute nue
Une saute de vent soudaine
Jeta ses habits dans les nues.
 
En détresse, elle me fit signe
Pour la vêtir, d'aller chercher
Des morceaux de feuilles de vigne
Fleurs de lis ou fleurs d'oranger.
 
Avec des pétales de roses
Un bout de corsage lui fis
Mais la belle n’était pas bien grosse
Une seule rose a suffi.
 
Avec le pampre de la vigne
Un bout de cotillon lui fis
Mais la belle était si petite
Qu’une seule feuille a suffi.
 
Elle me tendit ses bras, ses lèvres,
Comme pour me remercier
Je les pris avec tant de fièvre
Qu'ell' fut toute déshabillée.
 
Le jeu dut plaire à l'ingénue
Car, à la fontaine souvent
Ell' s'alla baigner toute nue
En priant qu'il fît du vent
Qu'il fît du vent.

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Pénélope
 
Toi l'épouse modèle le grillon du foyer
Toi qui n'a point d'accroc dans ta robe de mariée
Toi l'intraitable Pénélope
En suivant ton petit bonhomme de bonheur
Ne berces-tu jamais en tout bien tout honneur
De jolies pensées interlopes
 
Derrière tes rideaux dans ton juste milieu
En attendant l'retour d'un Ulysse de banlieue
Penchée sur tes travaux de toile
Les soirs de vague a l'âme et de mélancolie
N'as tu jamais en rêve
Au ciel d'un autre lit
Compté de nouvelles étoiles
 
N'as-tu jamais encore appelé de tes vœux
L'amourette qui passe, qui vous prend aux cheveux
Qui vous compte des bagatelles
Qui met la marguerite au jardin potager
La pomme défendue aux branches du verger
Et le désordre a vos dentelles
 
N'as-tu jamais souhaité de revoir en chemin
Cet ange ce démon qui, son arc a la main
Décoche des flèches malignes
Qui rend leur chair de femme aux plus froides statues
Les bascul' de leur socle bouscule leur vertu
Arrache leur feuille de vigne
 
N'aie crainte que le ciel ne t'en tienne rigueur,
Il n'y a vraiment pas là de quoi fouetter un cœur
Qui bat la campagne et galope
C'est la faute commune et le péché véniel,
C'est la face cachée de la lune de miel
Et la rançon de Pénélope

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Les sabots d'Hélène
 
Les sabots d'Hélène
Étaient tout crottés
Les trois capitaines l'auraient appelée vilaine
Et la pauvre Hélène
 Était comme une âme en peine
Ne cherche plus longtemps la fontaine
Toi qui as besoin d'eau
Ne cherche plus, aux larmes d'Hélène
Va-t'en remplir ton seau
 
Moi j'ai pris la peine
De les déchausser
Les sabots d'Hélèn' moi qui ne suis pas capitaine
Et j'ai vu ma peine
Bien récompensée
Dans les sabots de la pauvre Hélène
Dans ses sabots crottés
Moi j'ai trouvé les pieds d'une reine
Et je les ai gardés.
 
Son jupon de laine
 Était tout mité
Les trois capitaines l'auraient appelée vilaine
Et la pauvre Hélène
 Était comme une âme en peine
Ne cherche plus longtemps la fontaine
Toi qui as besoin d'eau
Ne cherche plus, aux larmes d'Hélène
Va-t'en remplir ton seau
 
Moi j'ai pris la peine
De le retrousser
Le jupon d'Hélèn' moi qui ne suis pas capitaine
Et j'ai vu ma peine
Bien récompensée.
Sous les jupons de la pauvre Hélène
Sous son jupon mité
Moi j'ai trouvé des jambes de reine
Et je les ai gardées.
 
Et le coeur d'Hélène
Savait pas chanter
Les trois capitaines l'auraient appelée vilaine
Et la pauvre Hélène
Était comme une âme en peine
Ne cherche plus longtemps la fontaine
Toi qui as besoin d'eau
Ne cherche plus, aux larmes d'Hélène
Va-t'en remplir ton seau
 
Moi j'ai pris la peine
De m'y arrêter
Dans le coeur d'Hélèn' moi qui ne suis pas capitaine
Et j'ai vu ma peine
Bien récompensée.
Dans le coeur de la pauvre Hélène
Qu'avait jamais chanté
Moi j'ai trouvé l'amour d'une reine
Et moi je l'ai gardé.

Georges Brassens (paroles et musiques)



 

1 mars 2008

André BRETON - le féminin en poésie

po_sie_Andr__Breton_portrait

<< portrait du poète par Victor Brauner (1934) - André Breton (1896-1966) est un poète surréaliste. On trouvera ici sur ce blog :  http://lieucommun.canalblog.com/archives/_print_poetes_2009___l_humour_des_poetes/p20-0.html une présentation et des idées de création poétique sur le modèle du cadavre exquis, dont il est l'un des inspirateurs.

On ne pourra hélas proposer aux élèves, comme ici, que des passages de ce premier texte, qui peut servir de modèle à un travail de création poétique :

Union libre (autre titre :  Ma femme)

Ma femme à la chevelure de feu de bois
Aux pensées d'éclairs de chaleur
A la taille de sablier
Ma femme à la taille de loutre entre les dents du tigre
Ma femme à la bouche de cocarde et de bouquet d'étoiles de
dernière grandeur
Aux dents d'empreintes de souris blanche sur la terre blanche
À la langue d'ambre et de verre frottés
Ma femme à la langue d'hostie poignardée
À la langue de poupée qui ouvre et ferme les yeux
À la langue de pierre incroyable
Ma femme aux cils de bâtons d'écriture d'enfant
Aux sourcils de bord de nid d'hirondelle
Ma femme aux tempes d'ardoise de toit de serre
Et de buée aux vitres
Ma femme aux épaules de champagne
Et de fontaine à têtes de dauphins sous la glace
Ma femme aux poignets d'allumettes
Ma femme aux doigts de hasard et d'as de coeur
[...]
Aux bras d'écume de mer et d'écluse
Et de mélange du blé et du moulin
Ma femme aux jambes de fusée
Aux mouvements d'horlogerie et de désespoir
Ma femme aux mollets de moelle de sureau
Ma femme aux pieds d'initiales
Aux pieds de trousseaux de clés aux pieds de calfats* qui boivent
Ma femme au cou d'orge imperlé
[...]
Ma femme au ventre de dépliement d'éventail des jours
Au ventre de griffe géante
Ma femme au dos d'oiseau qui fuit vertical
Au dos de vif-argent
Au dos de lumière
À la nuque de pierre roulée et de craie mouillée
Et de chute d'un verre dans lequel on vient de boire
Ma femme aux hanches de nacelle
Aux hanches de lustre et de pennes de flèche
Et de tiges de plumes de paon blanc
De balance insensible
[...]
Ma femme aux yeux pleins de larmes
Aux yeux de panoplie violette et d'aiguille aimantée
Ma femme aux yeux de savane
Ma femme aux yeux d'eau pour boire en prison
Ma femme aux yeux de bois toujours sous la hache

Aux yeux de niveau d'eau de niveau d'air de terre et de feu.

* Les calfats sont des marins qui bouchaient les espaces, calfeutraient les navires de bois pour les rendre étanches (cf "Les marteaux des calfats enfonçant leurs étoupes" - A. Brizeux)

André Breton ("Clair de terre", revue "Littérature" 1923, Gallimard 1931, disponible en Poésie-Gallimard, 1966)

fille_verte_cr_ation__PP10 Portrait féminin à la manière d'André Breton 

Choisir un modèle féminin, sujet du poème : personnage de roman, de BD, personnage réel proche (la mère, la soeur ...), personnage réel connu (par exemple exerçant un métier essentiellement féminin), personnage réel d'autres pays ou cultures, d'autres époques historiques (Jeanne d'Arc) sur lequel on se sera documenté ou bien encore femme imaginée (qu'il faudrait situer quand même).
En gardant la structure répétitive, associer à des éléments physiques des impressions, des bruits, des parfums, des couleurs, des éléments naturels. Utiliser le mouvement, l'effet de surprise, comme dans "À la langue de poupée qui ouvre et ferme les yeux".
On peut aussi
mêler des traits de caractère à des éléments physiques pour décrire la femme    (ex : douce / gentille comme ... / l'eau pure d'une source de montagne... / le bruissement des feuilles au premier matin de printemps"...)  



1 mars 2008

Aristide BRUANT - le féminin en poésie

Aristide Bruant (1851-1925) était un chansonnier et écrivain français.

Une chanson connue (en tous cas à cette époque), portrait touchant de femme, avec en prime l'argot des truands :

Rue Saint-Vincent

Elle avait sous sa toque de martre,
sur la butte Montmartre,
un p'tit air innocent.
On l'appelait Rose, elle était belle,
a' sentait bon la fleur nouvelle,
rue Saint-Vincent.

Elle avait pas connu son père,
elle avait p'us d'mère,
et depuis 1900,
a' d'meurait chez sa vieille aïeule
Où qu'a' s'élevait comme ça, toute seule,
rue Saint-Vincent.

A' travaillait déjà pour vivre
et les soirs de givre,
dans l' froid noir et glaçant,
son p'tit fichu sur les épaules,
a' rentrait par la rue des Saules,
rue Saint-Vincent.

Elle voyait dans les nuit gelées,
la nappe étoilée,
et la lune en croissant
qui brillait, blanche et fatidique
sur la p'tite croix d'la basilique,
rue Saint-Vincent.

L'été, par les chauds crépuscules,
a rencontré Jules,
qu'était si caressant,
qu'a' restait la soirée entière,
avec lui près du vieux cimetière,
rue Saint-Vincent.

Et je p'tit Jules était d'la tierce* 
qui soutient la gerce*,
aussi l'adolescent,
voyant qu'elle marchait pantre*,
d'un coup d'surin lui troua l'ventre,
rue Saint-Vincent.

Quand ils l'ont couché sur la planche ,
elle était toute blanche,
même qu'en l'ensevelissant,
les croque-morts disaient qu'la pauv' gosse
était crevé l' soir de sa noce,
rue Saint-Vincent.

Elle avait une belle toque de martre,
sur la butte Montmartre,
un p'tit air innocent.
On l'appelait rose, elle était belle,
a' sentait bon la fleur nouvelle,
rue Saint-Vincent.

*dans sa version chantée, Renaud a modifié la phrase "voyant qu'ell' marchait pas au pantre", ce qui pourrait signifier qu'elle refusait de se rendre "complice" du truand (voir ci-dessous).
*pantre = victime, proie facile des truands /*tierce = bande, association de malfrats /* gerce = femme ("qui soutient la gerce" =  souteneur ?)

Aristide Bruant



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1 mars 2008

René-Guy CADOU - le féminin en poésie

René Guy Cadou (1920-1951) avait écrit, comme une prémonition : "Je ne ferai jamais que quelques pas sur cette terre". À partir de 1943, Hélène Cadou, poète comme lui, l'accompagne pour ce court séjour. C'est pour elle qu'il écrit "Hélène ou le règne végétal", publié en février 1951 (Le poète est mort de maladie en mars de la même année, à 31 ans). On trouvera trois textes sur ce blog dans la catégorie POÉSIES PAR THÈME : l'école, et d'autres, dans diverses catégories pour la classe, dont celui-ci :

L'enfant précoce

Une lampe naquit sous la mer
Un oiseau chanta
Alors dans un village reculé
Une petite fille se mit à écrire
Pour elle seule
Le plus beau poème
Elle n'avait pas appris l'orthographe
Elle dessinait dans le sable
Des locomotives
Et des wagons pleins de soleil
Elle affrontait les arbres gauchement
Avec des majuscules enlacées et des cœurs
Elle ne disait rien de l'amour
Pour ne pas mentir
Et quand le soir descendait en elle
Par ses joues
Elle appelait son chien doucement
Et disait
« Et maintenant cherche ta vie ».

René-Guy Cadou ("Les amis d'enfance" - 1965)

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Sainte-Reine-de-Bretagne

Sainte-Reine de Bretagne
En Brière où je suis né
A se souvenir on gagne
Du bonheur pour des années !

Est-ce toi qui me consoles
Lente odeur des soirs de juin
Le foin mûr des tournesols
Le chant d'un oiseau lointain ?

C'est la pluie ancienne et molle
Qui descend sur le jardin
Et ma mère en robe blanche
Un bouquet dans chaque main.

René-Guy Cadou ("Les amis d'enfance" - 1965)

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Parmi toutes mes roses

Parmi toutes mes roses
La plus rouge sera pour le mendiant
Qui boite plus bas que la route
La jaune sera pour un jockey
C'est la couleur des champs de courses
J'en donnerai une aussi à Marie
Qui pleure en cachette le dimanche
Mais la plus belle oh ! la plus belle
Je la réserve pour ma mère
Ma mère aimait tant les roses !

René-Guy Cadou ("Les amis d'enfance" - 1965)

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Un texte à la mémoire detoutes les femmes victimes des camps d'extermination :

Ravensbrück

À Ravensbrück en Allemagne
On torture on brûle les femmes

On leur a coupé les cheveux
Qui donnaient la lumière au monde

On les a couvertes de honte
Mais leur amour vaut ce qu’il veut

La nuit le gel tombent sur elles
La main qui porte son couteau

Elles voient des amis fidèles
Cachés dans les plis d’un drapeau

Elles voient. Le bourreau qui veille
A peur soudain de ces regards

Elles sont loin dans le soleil
Et ont espoir en notre espoir.

René-Guy Cadou (écrit en 1943 (à vérifier) - "Poésie la vie entière" - 1965, et "La Résistance et ses poètes" - éditions Pierre Seghers, 1974)

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Je t'atteindrai* Hélène

Je t’atteindrai* Hélène
A travers les prairies
A travers les matins de gel et de lumière
Sous la peau des vergers
Dans la cage de pierre
Où ton épaule fait son nid

Tu es de tous les jours
L’inquiète la dormante.
Sur mes yeux
Tes deux mains sont des barques errantes
A ce front transparent
On reconnaît l’été
Et lorsqu’il suffit de savoir ton passé
Les herbes les gibiers les fleuves me répondent

Sans t’avoir jamais vue
Je t’appelais déjà
Chaque feuille en tombant
Me rappelait ton pas
La vague qui s’ouvrait
Recréait ton visage
Et tu étais l’auberge
Aux portes des villages.

Je t’atteindrai* Hélène, et non "je t'attendrai". Ce contre-sens est assez répandu, y compris sur le blog, mais c'est rectifié !
René-Guy Cadou ("La vie rêvée" - 1944)



1 mars 2008

Maurice CARÊME - le féminin en poésie

Merci à la Fondation Maurice Carême

Maurice Carême, instituteur et poète belge (1899-1978) est présent dans chaque cahier de poésie des élèves de France et de Navarre (et de Belgique bien sûr), et ses textes se baladent un peu partout sur le blog. Explorez les catégories !

textes corrigés de leurs fautes de frappe

Fantaisie

L'homme habitait un quart de pomme ;
La femme, un huitième de poire.
Leur vieille cousine Opportune
Vaquait dans une demi-prune.
Il y avait monsieur Léon
Qui débordait d'un gros citron
Et sa sœur, madame Émérence,
Qui emplissait toute une orange.
Quant à moi, chétive fillette,
Je tenais dans une noisette
Et, comme je n'étais pas grosse,
Il arrivait, les jours de fête,
Que je m'y déplace en carrosse.

Maurice Carême

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Belle de jour ...

Belle de jour, belle de nuit
Joue de velours, fleur de Paris,
A glisser, patins étincellent ;
Cœur, à roucouler s'enhardit
Et devient un jour tourterelle.
Est toujours belle qui sourit ...
Et douce glisse la souris.

Maurice Carême ("L'oiseleur")

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 L'écolière

Bon Dieu ! que de choses à faire !
Enlève tes souliers crottés,
Pends donc ton écharpe au vestiaire,
Lave tes mains pour le goûter,

Revois tes règles de grammaire.
Ton problème, est-il résolu ?
Et la carte de l'Angleterre,
Dis, quand la dessineras-tu ?

Aurai-je le temps de bercer
Un tout petit peu ma poupée,
De rêver, assise par terre,
Devant mes châteaux de nuées ?
Bon Dieu ! que de choses à faire !

Maurice Carême ("La grange bleue")

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Berceuse pour une rose

Dors petite rose
Aux joues roses, dors.
Des carabes d'or
Bercent ton lit rose.

À son rouet d'or,
Le grillon sommeille
Et la blonde abeille
Dans la treille, dort.

Si tu ne t'endors,
La grosse araignée
Pendue au fil d'or
Va te dévorer.

Dors, rose aux joues rondes,
Le monde s'endort
Et l'oiseau des songes
Ouvre son bec d'or.

Maurice Carême ("La lanterne magique")

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Tu es belle, ma mère

Tu es belle, ma mère,
Comme un pain de froment.
Et, dans tes yeux d'enfant,
Le monde tient à l'aise.

Ta chanson est pareille
Au bouleau argenté
Que le matin couronne
D'un murmure d'abeilles.

Tu sens bon la lavande,
La cannelle et le lait ;
Ton cœur candide et frais
Parfume la maison.

Et l'automne est si doux
Autour de tes cheveux
Que les derniers coucous
Viennent te dire adieu.

Maurice Carême ("Mère" - Editions Ouvrières)

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Pour ma mère

Il y a plus de fleurs,
Pour ma mère, en mon cœur,
Que dans tous les vergers ;

Plus de merles rieurs
Pour ma mère, en mon c
œur,
Que dans le monde entier ;

Et bien plus de baisers
Pour ma mère, en mon c
œur
Qu'on en pourrait donner.

Maurice Carême ("La lanterne magique" - Editions Ouvrières)

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Ronde

Dans cette ronde
Entrez la blonde;

Entrez la brune
Avec la lune;

Vous, la pluie douce,
Avec la rousse;

Vous, la châtaine,
Avec la plaine;

Vous, la plus belle,
Avec le ciel.

J'y entre moi,
Avec la joie.

Maurice Carême ("La lanterne magique" - Editions Ouvrières)

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La dînette

Patience, patience, poupées !
Je ne puis servir à la fois
Des gâteaux et du chocolat.
Comme vous, je n'ai que dix doigts.
Vous ai-je si mal élevées
Que vous ne puissiez demeurer
Plus calmes que de petits rats ?

Patience, patience, poupées !
On dirait que voici des mois
Que vous n'avez rien mangé.
Hier, n'ai-je pas partagé
Mon gros nougat avec vous trois ?
Heureusement que notre chat
Dédaigne cake et chocolat :
Vous lui videriez son écuelle
Derrière mon dos, péronnelles !

Maurice Carême ("Fleurs de Soleil" - Editions Ouvrières)



1 mars 2008

Philippe CHABANEIX - le féminin en poésie

Philippe Chabaneix, (1898-1982) est un poète français. Il appartient à la seconde génération des "poètes fantaisistes". 

Les deux gitanes

De ta plus jeune sœur qui demandait l'aumône
Je garde souvenir,
Et je te vois encore, Inès, en robe jaune
Vers moi soudain venir

Du fond de cette place, à l'ombre des platanes,
Quand s'approchait le soir,
Belle de tout l'éclat singulier des gitanes
Aux yeux de soleil noir.

Philippe Chabaneix



1 mars 2008

René CHAR - le féminin en poésie

René CHAR (1907-1988) est un poète français marqué par le surréalisme. Il a été au centre du Printemps des Poètes 2007, "Lettera amorosa" pour son œuvre et le centenaire de sa naissance. Retrouvez plus d'éléments biographiques et d'autres textes, ici sur le blog : René Char.

Léonides

Es tu ma femme ? Ma femme faite pour atteindre la rencontre du présent. L'hypnose du phénix convoite ta jeunesse. La pierre des heures l'investit de son lierre.
Es tu ma femme ? L'an du vent où guerroie un vieux nuage donne naissance à la rose, à la rose de violence.
Ma femme faite pour atteindre la rencontre du présent.
Le combat s'éloigne et nous laisse un cœur d'abeille sur nos terres, l'ombre éveillée,  le pain naïf. La veillée file lentement vers l'immunité de la Fête.
Ma femme faite pour atteindre la rencontre du présent.

René Char ("Fureur et mystère", 1948")



1 mars 2008

François-René de CHATEAUBRIAND - le féminin en poésie

François-René de Chateaubriand (1768-1848), est le plus grand écrivain romantique français, auteur connu des Mémoires d'outre-tombe, parmi une importante oeuvre littéraire. C'est aussi un homme politique et un poète, romantique évidemment.

Souvenir du pays de France

Combien j'ai douce souvenance
Du joli lieu de ma naissance !
Ma soeur, qu'ils étaient beaux les jours
De France !
O mon pays, sois mes amours
Toujours !

Te souvient-il que notre mère,
Au foyer de notre chaumière,
Nous pressait sur son coeur joyeux,
Ma chère ?
Et nous baisions ses blancs cheveux
Tous deux.

Ma soeur, te souvient-il encore
Du château que baignait la Dore ;
Et de cette tant vieille tour
Du Maure,
Où l'airain sonnait le retour
Du jour ?

Te souvient-il du lac tranquille
Qu'effleurait l'hirondelle agile,
Du vent qui courbait le roseau
Mobile,
Et du soleil couchant sur l'eau,
Si beau ?

Oh ! qui me rendra mon Hélène,
Et ma montagne et le grand chêne ?
Leur souvenir fait tous les jours
Ma peine :
Mon pays sera mes amours
Toujours !

François-René de Chateaubriand ("Poésies diverses")

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Les tombeaux champêtres (strophe II complète)

II. À Lydie

Lydie, es-tu sincère ? Excuse mes alarmes :
Tu t'embellis en accroissant mes feux ;
Et le même moment qui t'apporte des charmes
Ride mon front et blanchit mes cheveux.

Au matin de tes ans, de la foule chérie,
Tout est pour toi joie, espérance, amour ;
Et moi, vieux voyageur, sur ta route fleurie
Je marche seul et vois finir le jour.

Ainsi qu'un doux rayon quand ton regard humide
Pénètre au fond de mon coeur ranimé,
J'ose à peine effleurer d'une lèvre timide
De ton beau front le voile parfumé.

Tout à la fois honteux et fier de ton caprice,
Sans croire en toi, je m'en laisse enivrer.
J'adore tes attraits, mais je me rends justice :
Je sens l'amour et ne puis l'inspirer.

Par quel enchantement ai-je pu te séduire ?
N'aurais-tu point dans mon dernier soleil
Cherché l'astre de feu qui sur moi semblait luire
Quand de Sapho je chantais le réveil ?

Je n'ai point le talent qu'on encense au Parnasse.
Eussé-je un temple au sommet d'Hélicon,
Le talent ne rend point ce que le temps efface ;
La gloire, hélas ! ne rajeunit qu'un nom.

Le Guerrier de Samos , le Berger d'Aphélie*,
Mes fils ingrats, m'ont-ils ravi ta foi ?
Ton admiration me blesse et m'humilie :
Le croirais-tu ? je suis jaloux de moi.

Que m'importe de vivre au delà de ma vie ?
Qu'importe un nom par la mort publié ?
Pour moi-même un moment aime-moi, ma Lydie,
Et que je sois à jamais oublié !

* deux oeuvres de l'auteur
François-René de Chateaubriand ("Poésies diverses")



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