Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
lieu commun
1 avril 2008

PP 09 - L'humour de RAYMOND QUENEAU

- Raymond Queneau et l' OULIPO -

Raymond Queneau (1903-1976) a appartenu au mouvement surréaliste, dont il a été exclu, comme bien d'autres. Il est l'un des fondateurs du mouvement littéraire l'OuLiPo (ou OULIPO : Ouvroir de Littérature Potentielle). Jacques Bens, Jean Lescure, Georges Perec, Jacques Roubaud appartiennent à ce mouvement, caractérisé par des contraintes littéraires d'écriture, telles que l'absence d'une voyelle (Georges Perec : La Disparition), une réécriture de poèmes connus (comme le texte de Raymond Queneau présenté ici), etc. On en trouvera des exemples sur le blog, voyez le SOMMAIRE en page 1 de cette catégorie.
Auteur en particulier d' Exercices de style (60 formes différentes à partir d'un même texte) et de Zazie dans le Métro, Raymond Queneau publie en 1961 l'ouvrage Cent Mille Milliards de Poèmes, qui permet par combinaisons de vers de composer une infinité (ou presque !) de sonnets  réguliers.
Il est élu à l'Académie Goncourt en 1951.

Pour un art poétique

Prenez un mot prenez en deux
faites les cuir' comme des œufs
prenez un petit bout de sens
puis un grand morceau d'innocence
faites chauffer à petit feu
au petit feu de la technique
versez la sauce énigmatique
saupoudrez de quelques étoiles
poivrez et mettez les voiles
Où voulez vous donc en venir ?
À écrire Vraiment ? À écrire ?

Raymond Queneau ("Le Chien à la mandoline" - Gallimard, 1965)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Cent mille milliards de poèmes

Raymond Queneau précise dans la présentation de l'ouvrage :

"C'est plus inspiré par le livre pour enfants intitulé "Têtes folles" * que par les jeux surréalistes du genre Cadavre exquis que j'ai conçu  et réalisé ce petit ouvrage qui permet à tout un chacun de composer à volonté cent mille milliards de sonnets, tous réguliers bien entendu. C'est somme toute une sorte de machine à fabriquer des poèmes".

* Le livre-jeu "Têtes folles" propose 3 séries de languettes mobiles montées sur des anneaux, tête, corps, jambes, pour créer par d'innombrables combinaisons (cent mille milliards aussi ?), de drôles de personnages. Ce principe a été par la suite réutilisé avec des images d'animaux.
L'œuvre de Queneau est constituée, elle, de 14 vers sous 10 versions différentes pour chaqcun, c'est à dire 1014 combinaisons

Raymond Queneau dit encore à propos de son ouvrage : "En comptant 45 s pour lire un sonnet et 15 s pour changer les volets à 8 heures par jour, 200 jours par an, on a pour plus d’un million de siècles de lecture, et en lisant toute la journée 365 jours par an, pour 190 258 751 années plus quelques plombes et broquilles (sans tenir compte des années bissextiles et autres détails)" (Citation empruntée à http://savoir.pingouin.org/index.php/Cent_Mille_Milliards_de_Po%C3%A8mes)

Malgré tout, cet exercice se rapproche dans son principe, et pour la création poétique avec les élèves, du Cadavre exquis décrit dans cette catégorie au paragraphe consacré à André Breton (voir le SOMMAIRE).

Une des cent mille milliards de versions possibles* ...

Il se penche il voulait attraper sa valise
se faire il pourrait bien que ce soit des jumeaux
la découverte alors voilà qui traumatise
des narcisses on cueille ou bien on est des veaux

L'un et l'autre a raison non la foule insoumise
qui clochard devenant jetait ses oripeaux
un frère même bas est la part indécise
à tous n'est pas donné d'aimer les chocs verbaux

La Grèce de Platon à coup sûr n'est point sotte
on comptait les esprits acérés à la hotte
il voudra retrouver le germe adultérin

Ne fallait pas si loin agiter ses breloques
tu me stupéfies plus que tous les ventriloques
le Beaune et le Chianti sont-ils le même vin ?

Raymond Queneau ("Cent mille milliards de poèmes" - Gallimard 1961)

* Voir à cette adresse, où a été emprunté le texte qui précède, l'intégralité des 1014 combinaisons de vers pour "Cent mille milliards de poèmes" :
http://membres.lycos.fr/bouillondepoesie/auteur_Queneau.htm

logo_cr_ation_po_tique Le "Poème multiple", sur le principe de Cent mille milliards de poèmes

Le poème multiple propose un choix (ou laisse faire le hasard*) de plusieurs écritures possibles pour chacun de ses vers, capable de produire au final un poème différent mais correct (du point de vue grammatical au moins).
Comme pour le Cadavre exquis, cette activité suppose une maîtrise par les élèves de la structure de la phrase et de la relation logique entre ses différents éléments.

  • Avec des rimes :

On pourra se limiter pour la création du poème multiple à un quatrain avec trois, quatre ou cinq versions de chaque vers. Calculez le nombre de combinaisons, c'est déjà pas si mal !
Choisir 2 séries de syllabes-rimes des plus répandues, comme dans le texte de Queneau : age, eure, ise, ote, in, sous leurs différentes graphies ; et/ou des sons voyelles pour jouer plus facilement sur des assonances : a, o, i, u, ou, au, on...

Se constituer un stock de mots regroupés par rimes.

Exemple 1 : Structurer le poème de manière à construire une phrase avec  les deux premiers vers et une deuxième avec les deux derniers. Pour le quatrain, on aura le choix entre des rimes alternées ou embrassées. Masculines-féminines, mais sans contrainte, c'est déjà assez ardu !
On décidera si les variantes du poème doivent présenter une certaine logique, ou si on se donne toutes les libertés.
Ce premier exemple proposé par le blog est en alexandrins. On a utilisé ici la même structure interne pour chaque groupe de vers, constituée d'une phrase simple pour la première série. Le quatrain est lui-même structuré en 4 parties. L'ensemble tente de rester dans le thème annoncé par le titre :

Les évadés du zoo

1. Le lion dévorait un lièvre de passage / Le canari sciait les barreaux de sa cage / Une tortue bronzait toute nue sur la plage / Un chameau traversait la rivière à la nage

2. Sans se préoccuper ni du jour ni de l'heure / En songeant que demain arriverait sa sœur / Le désir d'aventure est plus fort que la peur / Un complice attendait sur son vélomoteur

3. Quand tout-à-coup  a éclaté un gros orage / Mais la police est arrivée dans les parages  / Une tempête a traversé le paysage / C'était le jour de l'ouverture de la chasse (assonance)

4. L'horoscope annonçait des lendemains meilleurs  / Les animaux les plus futés font des erreurs / Les émotions ont provoqué l'arrêt du cœur / Qui saura consoler le gardien en pleurs ?

(proposé par le blog)

Exemple 2 : On garde le principe des rimes ou assonances, mais en se rapprochant de la structure proposée pour le Cadavre exquis (développé au paragraphe André Breton). Puisqu'il n'y a qu'une phrase finalement par production, on peut construire un texte en regroupant plusieurs variantes :

1. C'est un arbre de la forêt / C'est un petit chat tigré / C'est une fée mal réveillée / C'est un nuage sur le clocher
2. qui a mangé /qui a rayé / qui a caché / qui a volé
3. la camionnette / le pantalon / la bague / les lunettes
4. du boulanger / de la mariée / du jardinier / de mon pépé

- - - - -  - - - - - -

* Une présentation du "poème multiple" en choisissant les lignes ou en laissant faire le hasard :

  • Écrire chaque vers sur un panneau  fixé sur un axe vertical (à la manière d'une girouette ou d'un panneau de signalisation à directions multiples). Un axe porte autant de panneaux rayonnants que de différentes écritures pour chaque vers. Autant d'axes donc, que le poème a de vers. Installer les axes en ligne (ce n'est pas la présentation habituelle d'un poème en vers, mais c'est déjà assez compliqué). On obtient un poème différent en faisant tourner les "girouettes" les unes après les autres (prévoir un système d'arrêt-blocage pour la lecture en ligne).
  • Écrire chaque vers sur des disques (à l'image d'une roue de loterie foraine). Autant de disques que de vers au poème. Aligner les roues, comme précédemment les panneaux. L'axe central peut être fixé sur une longue planche. On fait tourner la roue, et un repère indique le vers à lire quand elle s'arrête.
  • Présentation en utilisant des rouleaux de longueur et de diamètre suffisant. L'idéal serait de se procurer des tubes de protection ayant servi à l'expédition ou à la protection de posters. Chaque tube pourrait sans doute être coupé en deux au milieu diamétralement pour donner deux supports. Il faudra autant de rouleaux que de vers au poème. On collera les écritures autour de chaque rouleau en longueur. Les rouleaux  seront enfilés sur le même axe fixe. Ce sont eux qu'on fait tourner. Ici encore, la difficulté est d'arrêter la lecture approximativement au même niveau sur toute la longueur. Variante de disposition : Les rouleaux sont alignés les uns en-dessous des autres, portés sur une structure (cadre en bois par exemple), comme un boulier géant. L'avantage est de présenter le "poème multiple" dans sa disposition traditionnelle.

    - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

  • La règle S+7

Autre exercice oulipien, imaginé par Jean Lescure (voir au paragraphe de cet auteur ci-dessus)

Ci-dessous le texte de départ (la première fable dans l'œuvre de La Fontaine), auquel Raymond Queneau a appliqué la règle, en utilisant sans doute un dictionnaire des plus fourmnis !

La cigale et la fourmi

La cigale, ayant chanté
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue :
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
"Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'oût, foi d'animal,
Intérêt et principal."
La fourmi n'est pas prêteuse :
C'est là son moindre défaut.
"Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
- Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
- Vous chantiez ? j'en suis fort aise.
Eh bien : dansez maintenant."

Jean de la Fontaine 1621-1695 ; (Fables, livre 1 - première fable - cet ouvrage a connu d'innombrables éditions)

La fable classique transformée reste reconnaissable par sa structure, intacte,  maintenue par le lien des mots inchangés, pronoms, déterminants, conjonctions, prépositions, adverbes :

La Cimaise et la Fraction

La Cimaise ayant chaponné
Tout l’éternueur
Se tuba fort dépurative
Quand la bixacée fut verdie :
Pas un sexué pétrographique morio
De mouffette ou de verrat.
Elle alla crocher frange
Chez la fraction sa volcanique,
La processionnant de lui primer
Quelque gramen pour succomber
Jusqu’à la salanque nucléaire.
"Je vous peinerai, lui discorda-t-elle,
Avant l’apanage, folâtrerie d’Annamite !
Interlocutoire et priodonte."
La Fraction n’est pas prévisible :
C’est là son moléculaire défi.
"Que ferriez-vous au tendon cher ?
Discorda-t-elle à cette enarthrose.
- Nuncupation et joyau à tout vendeur,
Je chaponnais, ne vous déploie.
- Vous chaponniez ? J’en suis fort alarmante.
Eh bien ! débagoulez maintenant."

Raymond Queneau  ("Variations sur S+7 - OULIPO, La Littérature potentielle" - éditions Gallimard, 1973)

logo_cr_ation_po_tique Des poèmes sur le principe de S+7
Cet exercice s'adresse aux grandes classes, C3 et collège, puisque les élèves doivent être capables d'utiliser aisément le dictionnaire et d'identifier précisément la nature des mots du poème auxquels va s'appliquer la transformation : noms communs, adjectifs et verbes (les adverbes n'ont pas subi de transformation dans la fable).

Le matériel indispensable est un dictionnaire par élève, adapté au niveau de la classe (pas le Littré, que peut-être Queneau a utilisé !...).
On choisira un texte de départ assez court, structuré. La fable est un modèle de départ intéressant.
Ils procèdent à la recherche dans le dictionnaire de chaque mot à transformer, en repérant le 7e mot de même nature (et de même genre pour les noms) qui suit. Ce mot remplacera exactement l'original, c'est-à-dire qu'il devra s'accorder en genre et en nombre. Pour les verbes, il sera conjugué au même temps et à la même personne que celui qu'il remplace. On ne se préoccupe pas des rimes, bien entendu.
Si on rencontre une trop grande difficulté (de sens, d'accord...) on s'autorisera à choisir plutôt le mot suivant ou précédent.

  • Variante : évidemment S+7 n'est pas la seule transformation possible. On essaiera par exemple S+6 ou S-4.  D'ailleurs, à partir d'un même poème original, les élèves pourront choisir chacun une formule de transformation différente. On comparera les variantes, on les regroupera peut-être dans un même recueil.

    - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Cris de Paris

On n'entend plus guère le repasseur de couteaux
le réparateur de porcelaines le rempailleur de chaises
on n'entend plus guère que les radios qui bafouillent
des tourne-disques des transistors et des télés
ou bien encore le faible aye aye ouye ouye
que pousse un piéton écrasé

Raymond Queneau ("Courir les rues" - 1967, Gallimard poésie)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Queneau s'intéresse à nouveau aux deux insectes de la célèbre fable de La Fontaine, dans une scène inattendue et enlevée :

La fourmi et la cigale

Une fourmi fait l'ascension
d'une herbe flexible
elle ne se rend pas compte
de la difficulté de son entreprise
elle s'obstine la pauvrette
dans son dessein délirant
pour elle c'est un Everest
pour elle c'est un Mont Blanc
ce qui devait arriver arrive
elle choit patatratement
une cigale la reçoit
dans ses bras bien gentiment
eh dit-elle point n'est la saison
des sports alpinistes
(vous ne vous êtes pas fait mal j'espère ?)
et maintenant dansons dansons
une bourrée ou la matchiche.

Raymond Queneau ("Battre la campagne" - 1967, Gallimard poésie, même ouvrage que "Courir les rues")

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

L'auteur s'affranchit ici du lexique et des règles d'orthographe, exercice qu'il affectionne :

Maigrir

Y en a qui maigricent sulla terre
Du vente du coq-six ou des jnous
Y en qui maigricent le caractère
Y en a qui maigricent pas du tout
Oui mais
Moi jmégris du bout des douas
Oui du bout des douas Oui du bout des douas
Moi jmégris du bout des douas
Seskilya dplus distinglé

II

Lautt jour Boulvar de la Villette
Vlà jrenconte le bœuf à la mode
Jlui dis Tu mas l’air un peu blett
Viens que jte paye une belle culotte
Seulement jai pas pu passque
Moi jmégris du bout des douas
Oui du bout des douas Oui du bout des douas
Moi jmégris du bout des douas
Seskilya dplus distinglé

III

Dpuis ctemps jfais pus dgymnastique
Et jmastiens des sports d’hiver
Et comme avec fureur jmastique
Je pense que si je persévère
Eh bien
Jmégrirai du bout des douas
Oui du bout des douas Oui du bout des douas
Jmégrirai même de partout
Même de lesstrémité du cou

Raymond Queneau ("L'Instant fatal" - 1966, Gallimard poésie, même ouvrage que "Les Ziaux").
Sur une musique de Gérard Calvi, ce texte est devenu une chanson, interprétée par Denise Benoît (voir paragraphe Roland Bacri) en 1968, Les Charlots (1977), d'autres sans doute ...

 

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Pauvre type

Toto a un nez de chèvre et un pied de porc
Il porte des chaussettes
en bois d'allumette
et se peigne les cheveux
avec un coupe-papier qui a fait long-feu
S'il s'habille les murs deviennent gris
S'il se lève le lit explose
S'il se lave l'eau s'ébroue
Il a toujours dans la poche
un vide-poche

Pauvre type

Raymond Queneau ("L'Instant fatal" - 1966, Gallimard poésie, même ouvrage que "Les Ziaux")

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Encore l'art po

C'est mon po - c'est mon po - mon poème
Que je veux - que je veux - éditer
Ah je l'ai - ah je l'ai - ah je l'aime
Mon popo - mon popo - mon pommier

Oui mon po - oui mon po - mon poème
C'est à pro - à propos - d'un pommier
Car je l'ai - car je l'ai - car je l'aime
Mon popo - mon popo - mon pommier

Il donn' des - il donn' des - des poèmes
Mon popo - mon popo - mon pommier
C'est pour ça - c'est pour ça - que je l'aime
La popo - la popomme - au pommier

Je la sucre - et j'y mets - de la crème
Sur la po - la popomme - au pommier
Et ça vaut - ça vaut bien - le poème
Que je vais - que je vais - éditer

Raymond Queneau ("Le chien à la mandoline" - Gallimard, 1965)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

L’arbre qui pense

L’arbre qui pense
les pieds dans sa grille
à quoi pense-t-il
oh ça oh mais ça oh mais ça à quoi pense-t-il
Le chien qui pense
la patte en l’air
que pense-t-il
oh ça oh mais ça oh mais ça à quoi pense-t-il
le pavé qui pense le ventre poli de pas
que pense-t-il
oh ça oh mais ça oh mais ça à quoi pense-t-il
ciel toits et nuages
voyez-moi
là tout en bas
qui marche
et qui pense à l’arbre qui pense
au chien au pavé
oh ça oh mais à quoi pensent-ils donc
à quoi pensent-ils donc

Raymond Queneau ("Le chien à la mandoline" - Gallimard, 1965) - toujours sans ponctuation

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Égocentrisme

Je m'attendais au coin de la rue
j'avais envie de me faire peur
en effet lorsque je me suis vu
j'ai reculé d'horreur

Faisant le tour du pâté de maisons
je me suis cogné contre moi-même
c'est ainsi qu'en toute saison
on peut se distraire à l'extrême

Raymond Queneau ("Le chien à la mandoline" - Gallimard, 1965)

bandeau_retour_sommaire



Publicité
Commentaires
Publicité