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1 mai 2008

féminin des autres - Afrique Noire - Sénégal

SÉNÉGAL

Fatou Ndiaye Sow (1956-2004) est une écrivaine sénégalaise, poète et auteure d'ouvrages pour la jeunesse.

Caméléon

Caméléon, prête-moi ta robe verte
Pour cueillir l’herbe des prairies.

Prête-moi ta robe grise
Pour pêcher au fond de l’eau.

Prête-moi ta robe bleue
Pour prendre un pan du ciel.

Prête-moi ta robe rouge
Couleur de feu,

Donne-moi ta robe jaune
Couleur de moisson,
C’est elle la plus jolie.

Fatou Ndiaye Sow ("Fleurs du Sahel" - éditions NEA, 1990 )

Fille du désert

Écoutons le Xalam chanter Ely Banna
Fille du pays des Torobé
Chant diapré d'éclat de crépuscule
Chant chaleur d'harmattan
Berce les soupirs obsédant nos sortilèges
Sur les rives sables de Guédé la majestueuse.

Fatou Ndiaye Sow ("Fleurs du Sahel" - Les Nouvelles Éditions Africaines du Sénégal, 1990 )

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 Léopold Sédar Senghor (1906-2001), a été le premier président du Sénégal, de 1960 à 1980. Voir également cet auteur dans la catégorie PRINT POÈTES 2010 : LE FÉMININ EN POÉSIE

 

Hymne à la femme Noire (extrait)

Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté
J'ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains bandait mes yeux
Et voilà qu'au coeur de l'
Été et de Midi,
Je te découvre, Terre promise, du haut d'un haut col calciné
Et ta beauté me foudroie en plein coeur, comme l'éclair d'un aigle
Femme nue, femme obscure

(...)

Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau.

Délices des jeux de l'Esprit, les reflets de l'or rongent ta peau qui se moire

À l'ombre de ta chevelure, s'éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.

Femme nue, femme noire
Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l'Éternel
Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les
racines de la vie. 

Léopold Sédar Senghor ("Oeuvres poétiques" - Éditions du Seuil, 1990)

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Nuit de Sine (extrait)

Femme, pose sur mon front tes mains balsamiques, tes mains douces plus que fourrure.
Là-haut les palmes balancées qui bruissent dans la haute brise nocturne
À peine. Pas même la chanson de nourrice.
Qu'il nous berce, le silence rythmé.
Écoutons son chant, écoutons battre notre sang sombre, écoutons
Battre le pouls profond de l'Afrique dans la brume des villages perdus.

Voici que décline la lune lasse vers son lit de mer étale
Voici que s'assoupissent les éclats de rire, que les conteurs eux-mêmes
Dodelinent de la tête comme l'enfant sur le dos de sa mère
Voici que les pieds des danseurs s'alourdissent, que s'alourdit la langue des chœurs alternés.

C'est l'heure des étoiles et de la Nuit qui songe
S'accoude à cette colline de nuages, drapée dans son long pagne de lait.
Les toits des cases luisent tendrement. Que disent-ils, si confidentiels, aux étoiles ?
Dedans, le foyer s'éteint dans l'intimité d'odeurs âcres et douces.

(...) 

Léopold Sédar Senghor ("Chants d'ombre" - Éditions du Seuil, 1945)

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Birago Diop (1906-1989) est un poète et écrivain Wolof du Sénégal, auteur de contes.

Viatique (extrait)

Dans un des trois canaris*
des trois canaris où reviennent certains soirs
les âmes satisfaites et sereines,
les souffles des ancêtres,
des ancêtres qui furent des hommes
des aïeux qui furent des sages,
Mère a trempé trois doigts,
trois doigts de sa main gauche:
le pouce, l'index et le majeur;
Moi j'ai trempé trois doigts:
trois doigts de la main droite:
le pouce, l'index et le majeur.
Avec ses trois doigts rouge de sang,
de sang de chien,
de sang de taureau,
de sang de bouc,
Mère m'a touché mon front avec son pouce,
Avec l'index mon sein gauche
Et mon nombril avec son majeur.
Moi j'ai tendu mes doigts rouges de sang,
de sang de chien,
de sang de taureau,
de sang de bouc.
J'ai tendu mes trois doigts aux vents
aux vents du Nord, aux vents du Levant
aux vents du Sud, aux vents du Couchant;
Et j'ai levé mes trois doigts vers la Lune,
vers la Lune pleine, la Lune pleine et nue
Quand elle fut au fond du plus grand canari.

Après j'ai enfoncé mes trois doigts dans le sable
dans le sable qui s'était refroidi.
Alors Mère a dit: "Va par le Monde, Va !
Dans la vie ils seront sur tes pas."

Depuis je vais
je vais par les sentiers
par les sentiers et sur les routes,
par-delà la mer et plus loin, plus loin encore,
par-delà la mer et par-delà l'au-delà ;
Et lorsque j'approche les méchants,
les Hommes au coeur noir,
lorsque j'approche les envieux,
les Hommes au coeur noir
Devant moi s'avancent les Souffles des Aïeux.

* les canaris sont des vases en terre cuite pour l'eau potable.

Birago Diop ("Leurres et lueurs" - 1960)

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David Diop (1927-1960est un poète Wolof sénégalais né en France de parents africains. Il a vécu en France et au Sénégal. Sa poésie (un seul recueil), est très engagée contre le colonialisme.Un autre texte est ici : PRINT POÈTES 2008 : L'AUTRE (Monde)

Celui qui a tout perdu
 
Le soleil brillait dans ma case
Et mes femmes étaient belles et souples
Comme les palmiers sous la brise des soirs.
Mes enfants glissaient sur le grand fleuve
Aux profondeurs de mort
Et mes pirogues luttaient avec les crocodiles
La lune, maternelle, accompagnait nos danses
Le rythme frénétique et lourd du tam-tam,
Tam-tam de la joie, tam-tam de l'insouciance
Au milieu des feux de liberté.
 
Puis un jour, le Silence ...
Les rayons du soleil semblèrent s'éteindre
Dans ma case vide de sens.
Mes femmes écrasèrent leurs bouches rougies
Sur les lèvres minces et dures des conquérants aux yeux d'acier
Et mes enfants quittèrent leur nudité paisible
Pour l'uniforme de fer et de sang.
Votre voix s'est éteinte aussi.
Les fers de l'esclavage ont déchiré mon coeur,
Tams-tams de mes nuits, tam-tams de mes pères.  

David Diop ("Coups de pilon" - Présence Africaine, 1956)

Afrique (extrait)

Afrique mon Afrique
Afrique des fiers guerriers dans les savanes ancestrales
Afrique que chante ma grand-mère
Au bord de son fleuve lointain
Je ne t'ai jamais connue
Mais mon regard est plein de ton sang
Ton beau sang noir à travers les champs répandu
Le sang de ta sueur
La sueur de ton travail
Le travail de I' esclavage
L'esclavage de tes enfants
Afrique dis-moi Afrique
Est-ce donc toi ce dos qui se courbe
Et se couche sous le poids de l'humilité
Ce dos tremblant à zébrures rouges
Qui dit oui au fouet sur les routes de midi
Alors gravement une voix me répondit
Fils impétueux cet arbre robuste et jeune
Cet arbre là-bas
Splendidement seul au milieu des fleurs
blanches et fanées
C'est I'Afrique ton Afrique qui repousse
Qui repousse patiemment obstinément
Et dont les fruits ont peu à peu
L' amère saveur de la liberté.

David Diop ("Coups de pilon" - Présence Africaine, 1956)



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