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17 mai 2008

André VELTER - PRINT POÈTES 11 : Butor Depestre Velter White

André Velter, à la rencontre de l'autre

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livre_Velter_l_amour_extr_me

André Velter est né en 1945 dans les Ardennes françaises. À 19 ans, il écrit des poèmes en commun avec Serge Sautreau dans la revue  Les Temps Modernes (dirigée par Jean-Paul Sartre). Dans ce même numéro d'octobre 1964 figure aussi Georges Perec, et deux années plus tard, le premier recueil de poésie, Aisha *, porte la double écriture de Serge Sautreau et d'André Velter (Gallimard, 1966). "un des textes qui avec les "Épiphanies" de Pichette reste l'une des œuvres majeures du surréalisme de l'après-guerre." (Gérard Noiret / La Quinzaine Littéraire / 16-30 juin 1998).
André Velter est un homme de rencontres, de complicités, d'amitiés, de collaborations, auxquelles il restera fidèle, par-delà les mauvais tours de l'existence. C'est d'abord Marie-José Lamothe, écrivaine et photographe, "femme de lumière", qui lui ouvre les portes de l'orient tibétain (voir ci-dessous la bibliographie). Marcheur, alpiniste en même temps que poète à la découverte de l'autre, il reste aimanté par l'Orient asiatique, le Tibet, l'Afghanistan, le Népal, l'Inde... On retrouve dans le recueil Le Haut-Pays suivi de la traversée du Tsangpo, Gallimard, 2007, les poèmes écrits au Tibet et dans l'Himalaya. Il publie des ouvrages avec des peintres et dessinateurs, particulièrement Ernest Pignon-Ernest (bibliographie).
Il rencontre d'autres poètes, comme Henri Michaux et René Char.
1998 est l'année terrible de la disparition, à quelques semaines d'intervalle, de Marie-José Lamothe et de Chantal Mauduit. Pour l'alpiniste de l'extrème, et parce que l'écriture est un chemin de vie, il écrit un tryptique amoureux : Le septième sommet, en 1998, L'amour extrème, en 2000, et Une autre altitude, en 2001.
Ouvert à d'autres expériences, il entre avec Bartabas dans l'univers de Zingaro suite équestre (Gallimard, 1998).
Persuadé que la poésie se dit et s'écoute, il anime une émission sur France-Culture : Poésie sur parole, et "met en scène" ses poèmes : spectacles musicaux et productions audio-visuelles.

  • On trouvera sur le site de l'auteur, où une partie des informations du blog ont été empruntées, bien plus qu'une biographie et une bibliographie complètes, l'univers humain et poétique d'André Velter : http://www.andrevelter.com (copier-coller le lien)

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éléments de bibliographie (hors tirages limités)

Poésie (choix subjectif) :

  • Aisha (avec Serge Sautreau, éditions Gallimard, 1966, réédité en 1998)
  • Du Gange à Zanzibar ( éditions Gallimard, 1993 - prix Louise Labé)
  • Passage en force (1971-1974) (Le Castor Astral/ Les Écrits des Forges, 1994)
  • Étapes brûlées (1974-1978) (Le Castor Astral/ Les Écrits des Forges, 1996)
  • Ouvrir le chant (Le Castor Astral/ Les Écrits des Forges, 1994)
  • L’Arbre-Seul (éditions Gallimard, 1990, prix Mallarmé - réédité en Poésie/Gallimard 2001)
  • Le Haut-pays (éditions Gallimard, 1995 - réédité avec suivi de La Traversée du Tsangpo, Gallimard, 2007)

  • Le septième sommet, poèmes pour Chantal Mauduit (éditions Gallimard, Poésie/Gallimard, 1998)
  • L'amour extrème, poèmes pour Chantal Mauduit (éditions Gallimard, 2000)
  • Une autre altitude, poèmes pour Chantal Mauduit (éditions Gallimard, 2001)

  • La vie en dansant (éditions Gallimard, 2000)
  • L'amour extrème et autres poèmes pour Chantal Mauduit - Poésie/Gallimard 2007 - cet ouvrage regroupe les poèmes des trois recueils précédemment cités )

livre_Velter_Zingaro

  • Des recueils ont été publiés avec des dessins d'Ernest Pignon-Ernest, en particulier ceux-ci :
    Zingaro suite équestre  (éditions Gallimard, 1998, réédité avec et Un piaffer de plus dans l'inconnu en Folio/Gallimard, 2000 et en Gallimard collection Blanche, 2005).
    Extases  (éditions Gallimard, 2008 ).

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Ouvrages illustrés, en édition commerciale (choix) :

  • Peuples du toit du monde (avec des photographies de Marie-José Lamothe*, Chêne-Hachette, 1981)
    Ladakh Himalaya (avec des photographies de Marie-José Lamothe*, Albin Michel, 1987 et A-M Métailié, 1991)
    Les Bazars de Kaboul (avec Emmanuel Delloye et des photographies de Marie-José Lamothe*, Hier et Demain, 1979)
    Et ce superbe grand livre, fruit d'un long travail de recherche, de photographie et d'écriture, qui rend hommage aux artisans de France : Le Livre de l'outil (auteurs : André Velter et Marie-José Lamothe* ; photographies de Jean Marquis* - préface de René Char*, postface de Serge Sautreau* ;aux éditions "Hier et Demain", 1976 et "Temps Actuels", 1983 ; ouvrage épuisé mais il a été heureusement réédité aux éditions Phébus, en 2003)
    * Marie-José Lamothe, (1945-1998), photographe et écrivaine, spécialiste de la civilisation tibétaine, a consacré plusieurs ouvrages au Tibet et à la vie de Milarépa, yogi et maître spirituel bouddiste tibétain du XIe siècle, dont elle a traduit l'oeuvre complète ("Milarépa, Les cent mille chants", Fayard, 2006). Elle a collaboré avec André Velter pour d'autres ouvrages. Jean Marquis est lui aussi photographe. Le poète René Char est présent sur ce blog. On trouvera des textes et une présentation ici : Des POÈTES et de la POÉSIE. Serge Sautreau est poète et essayiste.

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Œuvres sonores et visuelles (choix) :

"Il n’est de poésie qu’orale. Un poème qui ne se peut dire, qui n’engage ni le souffle ni le corps ressemble à un violon dont l’âme a été volée ou faussée. Il est sans harmonie, sans magie, sans amplitude." (1)
"Qu'elle se murmure ou qu'elle se crie, la poésie, comme la vie, ne tient qu'à un souffle. Je suis pour la parole haute et vive, pas pour le papier mâché." (2)
..."Ce qui ne veut pas dire que la lecture solitaire, silencieuse, celle que l’on entreprend pour soi, n’est pas nécessaire". (3)
(1) André Velter, entretien paru dans la revue de poésie Flache, en 1989 / (2) André Velter "Autoportraits, Paroles d'Aube, 1993) / (3)  dans le journal "Lyon Capitale" en 1999 (cité par Sophie Nauleau dans sa thèse "André Velter, troubadour au long cours" - Sorbonne, 1999)

  • Le Grand Passage, CD (Paroles d’Aube, 1994). On attend la parution en janvier 2011 chez Gallimard d'un livre-CD intitulé "Paseo Grande".
    C'était l'Afghanistan, Portrait d'un pays perdu, CD (Frémeaux et Associés, 2002)
    Tombeau de Chantal Mauduit, CD ; pièces musicales, avec des poèmes d'André Velter, dits par Alain Carré (Frémeaux et Associés, 2002)
    La traversée du Tsangpo, CD ; poème d'André Velter dit par l'auteur et Laurent Terzieff , musique originale de Jean Schwarz, chansons traduites en tibétain et interprêtées par Tenzin Gönpo (Célia Records, Élios Productions et les Éditions Thélème, 2004)
    Décale-moi l'horaire, CD ; Chansons parlées d'André Velter sur des musiques originales de Jean Schwarz et Benoît Charvet (EPM littérature 2005) 
    La vie en dansant, CD ; poèmes d'André Velter, dits par l'auteur et Alain Carré (Autrement Dit, 2002)

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    Une anthologie poétique :

    Les poètes du Chat noir (Poésie/Gallimard, 1996) 

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"La poésie trouve ici une unité de lieu : l’altitude. Celle du Tibet et de l’Himalaya, celle de ce Toit du Monde qui ne recouvre rien mais donne sur le ciel dans une autre lumière. [...] Il va sans dire que ce parcours n’est pas celui d’un dévot. La rencontre avec le bouddhisme tibétain intervient d’abord et tout naturellement dans le sens de la marche : c’est une approche physique, pas un acte de piété, même si la traversée du Tsangpo mène à Samyé, le monastère des origines. Poème et polyphonie à la suite, ce livre n’accueille en effet que des ascèses toniques où le corps est en fête et l’esprit des plus libres". André Velter, dans sa présentation de l'ouvrage Le Haut-pays suivi de La Traversée du Tsangpo (Gallimard, 2007 )
 

"Le Haut-pays" est dédié à Marie-José Lamothe. "La traversée du Tsangpo", dans la dernière partie du livre, s'ouvre par ce quatrain-dédicace : 

Un quatrain-dédicace
à M-J
 
J'entendrai pour toujours

Ta voix tes cris ton rire
Cette façon de dire
Nous allons sans détour

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Vers Samyé (premières strophes du poème)

le temps est un vertige
sous le miroir des eaux
ce qui sombre est si sombre
on dirait un chaos
de pierres de lune et d’or

vers Samyé nous allons
comme au centre du monde
dans cet écho profond
qui n’appartient qu’au ciel
et au secret de nous

le corps le cœur l’esprit
se découvrent si vaste
que le chant de nos lèvres
est une âme infinie
qui tremble sur la terre

partout il y avait
des joyaux dans les pierres
des prophéties cachées
voire de simples prières
à la chance au soleil

partout à chaque pas
le passage était là
au bord du précipice
où la mort est fugace
où le souffle est lumière

 [...]
 

André Velter ("Le Haut-pays suivi de La Traversée du Tsangpo", Gallimard, 2007)

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Dans le chapitre "Une fresque peinte sur le vide - III" du même ouvrage :

(altitude)

Petit nuage sur le chemin

de Tangyud Gompa. *

Rien que du vide et du vent,
une touffe de chardons bleus,
des marques de pas.

Rien que le soleil sur les crêtes
et les ombres qui s’allongent
entre les rochers.

Rien que ce rien

qui n’est pas moins que tout.

*monastère bouddique du Spiti (note de l'auteur) - l'auteur a mis le titre entre parenthèses

André Velter ("Le Haut-pays suivi de La Traversée du Tsangpo", Gallimard, 2007)

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Avant de prendre place dans "Le Haut-pays", "Ce qui murmure de loin" est un recueil de 48 pages, publié en 1985 aux éditions Fata Morgana, avec deux illustrations originales du peintre graveur Ramón Alejandro (tirage limité).

livre_Velter_murmure

101 quatrains composent ce "chant secret". En proposer ici quelques images dissociées ne rend évidemment pas la dimension de l'œuvre. Comment faire autrement pour donner au lecteur l'envie de s'aventurer dans l'intégralité du poème ? C'est un pari...

Introduction de l'auteur pour ce texte dans le livre :

Chant secret d'une voix qui écoute, la poésie vit d'une aventureuse nécessité.
 

Avec les mots des hommes et le silence des dieux s'irriguent la lumière, la chance, le partage des nuits.
 

La solitude reçoit l'oracle des pierres.
 

Le feu cherche l'oubli.
 

Une barque s'éloigne sous le miroir des nuages.
 

Nous inventons les voiles de fièvres inconnues,
un rire si haut que l'infini préfère y jouer son va-tout,

 
une fleur invisible qui est aussi fille du soleil et du sang.
 

Le temps s'est voulu nomade,
nous sommes de toutes ses migrations,
complices d'une aile qui passe comme aucune autre aux lèvres de l'écho
...


Ce qui murmure de loin (quatrains choisis du poème)

  à Bruno Roy *

1

Parti partant déjà délié de l'ombre
Un voleur de tous les vents
S'éloigne dans la vie du voyage
Où l'on se veut présent

2

Il porte l'or en dedans
Feu de ce lieu d'absence
Quand la danse
A quitté les danseurs

3

Et le fou du royaume joue du vide
Comme d'autres du violon
Il a l'oreille du rien
L'art du passage

 [...]

16

Rêve éveillé entre réel et réalité
L'oeil touche l'illusion
L'issue est dans l'ici
Il suffit d'un rien pour défaire un monde 

 [...]

20

La neige exprime l'haleine des dieux
Le silence suspend l'espace
L'instant prend corps
Avec la beauté en regard
 

 [...]

36

En altitude rien ne blesse la lumière
La haine s'épuise dans les glaciers
Le chemin connaît l'odeur du roc
L'abîme a le réveil sonore

 [...]

45

Être du fond de la nuit brève
Une trace sans repère
L'écho à la voix blanche
Le chant d'un amour inconnu

46

Être du fond de l'univers
Une parcelle de regard et de ciel
Une trouée que l'on nomme
À peine moins que l'oubli 

 [...]

49

De la cime au ravin
Je me lie d'un souffle
Le but vient du chemin où je vais
Pour rester à distance

 [...]

55

Dans cette lumière
Il y a une aile et un visage
Un arbre et une flamme
L'esprit brûlé d'une femme

56

Je te vois
Nuit de chaque instant
Silex noir
qui porte son feu à l'intérieur 

 [...]

85

Je dis nous
Et c'est peu
Dans les chantiers
Du monde

86

Je dis nous
Et c'est clair
Dans les ténèbres
Du temps 

87

Je dis nous
Et c'est Un
Dans le secret
Du chant 

 [...]

André Velter ("Ce qui murmure de loin", éditions Fata Morgana, 1985 et "Le Haut-pays suivi de La Traversée du Tsangpo", Gallimard, 2007) - * Bruno Roy

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Tombeau de Chantal Mauduit

"L'amour extrème, et autres poèmes pour Chantal Mauduit" (Poésie/Gallimard, 2007), regroupe les recueils dédiés par André Velter à son amie, l'alpiniste de l'extrème, morte accidentellement le 13 mai 1998 sur les pentes du Dhaulagiri, au Népal : Le septième sommet, L'amour extrême, et Une autre altitude. Un CD reprend en 2002 des textes de ces recueils, dits par Alain Carré : "Tombeau de Chantal Mauduit (Frémeaux et Associés, 2002)

Un "Tombeau", au sens poétique et ancien, se définit comme une œuvre composée d'un ou plusieurs recueils, écrite en principe par plusieurs auteurs pour honorer la mémoire d'un défunt. André Velter a édifié seul, de 1998 à 2000 ce monument littéraire :

"Les poèmes qui se sont écrits* après la mort de Chantal ont été pour moi des textes de survie, sans le moindre souci littéraire. [...]. Ils étaient le seul oxygène que je pouvais respirer. [...] On ne peut pas, et je dirai on ne doit pas, vivre sans cette absence au cœur, ce soleil noir en soi, à jamais. [...] Ce que nous avons passionnément aimé, follement aimé, absolument aimé, ne meurt pas si nous restons sur le qui-vive. En alerte, sans espoir factice. Pour être encore digne d’un tel amour". André Velter (entretien avec Aymen Hacen, dans le supplément littéraire du quotidien tunisien "La Presse", décembre 2009) * [..."se sont écrits", comme si l'écriture elle-même avait guidé l'auteur (note du blog)]

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 (extraits)

" J'ai pour te bâtir un tombeau
          des mots du soleil et des rêves,
          rien qui appartienne au poids du monde

rien qui t'impose une mort enchaînée,
          rien qui ralentisse ta course plus haut
          que tous les sommets."

[...]

André Velter ("Le septième sommet", 1998) 

Pour Chantal Mauduit, sa "mariée du ciel", "femme soleil" disparue et présente à jamais, André Velter écrit successivement trois recueils de poèmes, dans lesquels son infinie douleur interroge le paysage d'absence, où le temps s'est arrêté..
En suivant avec lui ce chemin d'écriture et d'absolue mémoire, on songe irrésistiblement au recueil "Le temps déborde", de Paul Éluard, écrit après la disparition de sa compagne, Nush, et à ce passage  :

"Nous ne vieillirons pas ensemble.
Voici le jour
En trop : le temps déborde.
Mon amour si léger prend le poids d’un supplice". - Paul Éluard ("Le temps déborde", 1947)

et bien sûr au poème de Catherine Pozzi (1882-1934), dont le premier vers fait écho ici :

"Très haut amour, s'il se peut que je meure
Sans avoir su d'où je vous possédais,
En quel soleil était votre demeure
En quel passé votre temps, en quelle heure
Je vous aimais,
"
[...]"
Catherine Pozzi (début du poème "Ave", publié en 1935 dans la revue "Mesures") -
réédité sous le titre "Poèmes" par Gallimard en 1987, et en Gallimard/Poésie en 2002  : "Très haut amour : poèmes et autres textes")
 

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"Le septième sommet", est Le Dhaulagiri, ("Montagne blanche"), celui que Chantal Mauduit n'atteindra jamais après avoir gravi les six précédents. Elle avait décidé de tenter l'ascension, dans l'Himalaya, des quatorze sommets de plus de huit mille mètres, dans des conditions difficiles choisies : en style alpin et sans oxygène.

Voici la deuxième strophe du poème "Élégie", dans lequel se répète le vers en italique, imité de Catherine Pozzi :

Élégie (passage)

 [...]

Très haut amour à présent que tu meures
 
La neige a tué mon plus bel horizon,
la neige a bloqué les issues et les rêves,
  la neige de la grande nuit a ruiné notre ciel.
 
  Très haut amour à présent que tu meures

André Velter ("Le septième sommet", éditions Gallimard, 1998) - repris dans  "L'amour extrème, et autres poèmes pour Chantal Mauduit (Poésie/Gallimard 2007) - voir la bibliographie

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Où que tu sois, je t'aime

Pour te rejoindre
nul parcours sur la terre,
il y faut l'ascension
de la montagne immense
qui me déchire le coeur.

Là tout est vertical,
de l'abîme du sang
aux mille soleil de l'âme,
une épée de lumière
et pas un seul sentier.

Est-ce mon amour
au souffle fragile,
à la fougue patiente
et légère, qui va ouvrir
la septième voie ?

Amour sauvage que tu voulais
libre du chasseur et de la proie,
amour qu'inventait l'amour
sans un appui sans une corde,
amour absolu, tout à toi.

(Écrit le 21 mai, jour de l'Ascension.) *

* précision de l'auteur qui figure sous ce poème, écrit le 21 mai 1998, une semaine après la disparition de Chantal Mauduit.

André Velter ("Le septième sommet", éditions Gallimard, 1998) - repris dans  "L'amour extrème, et autres poèmes pour Chantal Mauduit (Poésie/Gallimard 2007) - voir la bibliographie

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À l'infini

Là-haut, tu es. Là-haut quoiqu'il advienne,
femme-soleil d'un miracle à jamais
que rien ne sépare de la pure lumière
ni du souffle ascendant de notre amour promis

à une autre altitude. Tu es là, hors d'atteinte,
hors du monde où meurent les âmes et les corps.
Tu danses sur l'horizon que je porte en moi
pour abolir l'espace et le temps. Tu vis à l'infini.
 

André Velter ("L'amour extrème, poèmes pour Chantal Mauduit", éditions Gallimard, 2000) - repris dans  "L'amour extrème, et autres poèmes pour Chantal Mauduit (Poésie/Gallimard 2007) - voir la bibliographie

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sans titre

Quand je ne pense pas à toi, je pense à toi. Quand je parle d’autre chose, je parle de toi. Quand je marche au hasard, j’avance vers toi.
Je quitte les livres où tu n’entres pas. Je jette les poèmes qui ne trouvent pas tes lèvres. J’efface les tableaux qui n’attirent pas tes yeux. J’éteins les chansons qui n’éveillent pas ta voix.

André Velter "L'amour extrème, poèmes pour Chantal Mauduit", éditions Gallimard, 2000) - repris dans  "L'amour extrème, et autres poèmes pour Chantal Mauduit (Poésie/Gallimard 2007) - voir la bibliographie

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Le recueil "Une autre altitude" est ainsi commenté par Michèle Gazier (hebdomadaire "Télérama" du 25 août 1999) :
"un livre de douleur pour apprivoiser la douleur, pour retenir dans les mots la lumière que la mort voudrait éteindre. Ces poèmes bouleversants sont traversés par l'image de l'absente qui invite, toujours, à "vivre au plus haut".

sans titre

Je n’accepte pas
Mais j’entre dans ta mort
Comme un enfant
Qui n’a pas dit son premier mot
Je n’accepte pas
Mais je porte hors du fleuve
La barque bleue
de la seconde naissance
 

André Velter ("Une autre altitude", éditions Gallimard, 2001) - repris dans  "L'amour extrème, et autres poèmes pour Chantal Mauduit (Poésie/Gallimard 2007) - voir la bibliographie

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"J’ai dansé sagement, comme un fou."

[...]

André Velter ("La vie en dansant ", 2000) 

"La vie en dansant" est publié la même année que "L'amour extrème", mais, commencé avant 1998, il porte plusieurs années d'écriture. C'est aussi en 2002 un CD de 45 minutes (éditions Autrement Dit), avec les voix de l'auteur et  d'Alain Carré.

La vie en dansant (extraits)

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La poésie ne peut être coupée ni du sacré ni du réel.
Elle n’est pas un réservoir de mots d’ordre.
Elle a du souffle et pas de frontières.
Sa langue lui appartient, mais elle appartient à la rumeur des langues.
Opaque à tout populisme, elle n’a pas à craindre d’être populaire.
Si elle est vécue, elle change la vie.

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Tout est départ.
Du mouvement il n’y a pas à démordre.
Du mouvement dans l’azur ou l’asphalte, les volcans ou les glaces.
Le moindre geste a semé des étoiles sur la terre.
Qui ne sent la cavalcade, le carnaval, la migration des corps et des pierres ?
Le moindre écart a jeté des outrages au ciel.
Qui n’accueille les cahots, les blasphèmes, les caresses et les traces ?
Le moindre pas a levé d’autres horizons.
Qui ne vit d’alertes, de temps anéantis, de souffles brûlants et d’ombres ?
Tout est dépense.
Tout est désert.
Au grand miroir de nos mains vides.

André Velter ("La vie en dansant ", éditions Gallimard, 2000)

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"J’ai une idée très absolue de l’amitié"
André Velter (1979, cité par Sophie Nauleau dans sa thèse, voir biblio)

"Du Gange à Zanzibar" a obtenu le prix Louise Labé.
André Velter en dédie le premier texte à son ami Stéphane Thiollier, disparu lui aussi, écrivain, humanitaire d'une association franco-afghane, avec qui il avait entrepris en 1977 un voyage en Afghanistan :

L'autre 

 Tu es celui
Et tu es moi
Qui s'est guéri
Par la lumière
Tu es cela
D'or et de fée
Vivant réel
Sous le soleil
Tu es ici
Autre départ
Le jeu cruel
Absent dès l'aube
Tu es sans toi
- Mais le soleil

André Velter ("Du Gange à Zanzibar ", éditions Gallimard, 1993)

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Ci-dessous, des textes proposés pour ce thème 2011 du paysage, par le site du Printemps des Poètes à l'adresse (à copier-coller) : http://www.printempsdespoetes.com :

Je vais plus loin que la route ... (titre proposé)

                                       Tel un vagabond
   Je pars pour les montagnes désertes.
                                        Milarépa

Je vais plus loin que la route,
plus haut que les alpages
près des rochers ou rien ne pousse.
La lionne suit la ligne des neiges,
l'aigle tourne dans l'azur,
j'entends les cris des petits singes.
Le vent s'est fait mon équipage,
la nuit la compagne de mon coeur
et le soleil m'offre à boire.
Si tout me manque rien ne manque,
prenez les braises de mon foyer,
je vis d'un souffle de feu.
(Le vagabond se joue des apparences,
le vagabond met l'infini dans son jeu,
il chante follement sa folle liberté.)
Je vais plus loin que mon refuge,
plus haut que l'écho des vallées
près de la seule lumière.

André Velter ("Du Gange à Zanzibar ", éditions Gallimard, 1993)

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Une fresque peinte sur le vide (extraits)

L'Himalaya n'appartient pas au commun du chaos. Surgi de l'au-delà de l'ombre, ultime ivresse
du magma, il aspire à la transparence, dans l'exaltation du soleil et des glaces. Sa lumière crée
l'infini, sa pureté terrifie ou transfigure, il mêle l'obsession inhumaine du désert et le défi des
plénitudes. Il est mystère, miracle, miroir. Il est, plus fortement que l'éternité.
En ce séjour des neiges, l'harmonie rejoint la réalité portée à blanc. Sacrilège semble la vie, tout
mouvement venu de l'éphémère. À la rigueur imagine-t-on un aigle, et seulement quand il plane.
Les autres relèvent de l'impossible, des marges d'erreur qui improvisent : les autres, les hommes,
les autres hommes.

Ici l'on passe d'une absence à une autre. Chaque étape est une île sur l'océan de la terre. Chaque
soir s'éclaire d'un chant d'argile sèche.

André Velter ("Le Haut-Pays", dans "Le Haut-pays suivi de La Traversée du Tsangpo", Gallimard, 2007)
 

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(Ladakh)

Hors limite, hors refuge,
oubliés bergers, ascètes, vautours,
l'acharnement du vivace,
la floraison en longue attente
de semailles in-extremis,
avec armoises aux lèvres des glaciers
et lichens pareils à de la cendre d'étoile.
C'est au pays des cols,
au pays sans repos,
royaume toujours perdu,
que l'on passe par le haut.

André Velter ("Le Haut-Pays", dans "Le Haut-pays suivi de La Traversée du Tsangpo", Gallimard, 2007)


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