Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
lieu commun
2 janvier 2009

LANGUES d'EUROPE de l'EST et ORIENTALE - Turquie, Albanie, Kurdistan

Paysages d'Europe

Europe de l'Est et Orientale - Turquie

- - - - - - - - - - - - - - - -

Nâzim Hikmet (1901-1963) est le poète turc le plus traduit. Emprisonné  17 ans pour ses prises de position politiques, il s'est exilé de Turquie. Le Prix International de la Paix lui a été décerné en 1955.

"Vivre comme un arbre, seul et libre,
Vivre en frères comme les arbres d'une forêt,
Ce rêve est le nôtre !"

[…]

Yasamak bir agaç gibi, tek ve hür,
Ve bir orman gibi kardesesine,
Bu hasret bizim !

------

" Le plus beau des océans
Est celui que l’on n’a pas encore traversé".

[…]

------

La partie en vert de ce poème était et reste encore assez souvent absente des anthologies destinées aux écoles :

J'ai un arbre en moi

J'ai un arbre en moi
Dont j'ai rapporté le plan du soleil
Poissons de feu ses feuilles se balancent
Ses fruits tels des oiseaux gazouillent
Les voyageurs depuis longtemps sont
Descendus de leur fusée
Sur l'étoile qui est en moi
Ils parlent ce langage entendu dans mes rêves
Ni ordres, ni vantardises, ni prières.
J'ai une route blanche en moi
Y passent les fourmis avec les grains de blé
Les camions pleins de cris de fête
Mais cette route est interdite aux corbillards.

Le temps reste immobile en moi,
Comme une odorante rose rouge,
Que l'on soit vendredi et demain samedi
Que soit passé beaucoup de moi, qu'il en reste peu ou prou
Je m'en fous !

Nâzim Hikmet


Orhan Veli Kanik (1914 - 1950) est né à Istanbul, sujet du poème ci-dessous, paysage urbain si on veut bien l'accepter dans le thème.
C'est un poète populaire. Il a traduit en turc des poètes français, et a été Influencé par différentes écoles et mouvements poétiques, le dernier étant le Surréalisme.

J'écoute Istanbul

J'écoute Istanbul les yeux fermés
Les voûtes du Bazar sont fraîches, si fraîches
Mahmout Pacha est tout grouillant de monde ;
les cours sont pleines de pigeons,
Des bruits de marteaux montent des docks,
dans le vent du printemps flottent
des odeurs de sueur ;
J'écoute Istanbul, les yeux fermés…

Orhan Veli (ce passage en français est emprunté à : "Tour de terre en poésie" - Jean-Marie Henry - Rue du Monde éditeur, 1998)

------

Texte intégral du poème en turc :

İstanbul'u dinliyorum

İstanbul'u dinliyorum, gözlerim kapalı ;
Önce hafiften bir rüzgar esiyor ;
Yavaş yavaş sallanıyor
Yapraklar, ağaçlarda ;
Uzaklarda, çok uzaklarda ,
Sucuların hiç durmayan çıngırakları ;
İstanbul'u dinliyorum gözlerim kapalı.

İstanbul'u dinliyorum, gözlerim kapalı ;
Kuşlar geçiyor, derken ;
Yükseklerden, sürü sürü, çığlık çığlık.
Ağlar çekiliyor dalyanlarda ;
Bir kadının suya değiyor ayakları ;
İstanbul'u dinliyorum, gözlerim kapalı ;

İstanbul'u dinliyorum, gözlerim kapalı ;
Serin serin Kapalı Çarşı ;
Cıvıl cıvıl Mahmutpaşa ;
Güvercin dolu avlular.
Çekiç sesleri geliyor doklardan,
Güzelim bahar rüzgarında, ter kokuları ;
İstanbul'u dinliyorum, gözlerim kapalı ;

İstanbul'u dinliyorum, gözlerim kapalı ;
Başında eski alemlerin sarhoşluğu ,
Loş kayıkhaneleriyle bir yalı ;
Dinmiş lodosların uğultusu içinde.
İstanbul'u dinliyorum, gözlerim kapalı ;

İstanbul'u dinliyorum, gözlerim kapalı ;
Bir yosma geçiyor kaldırımdan ;
Küfürler, şarkılar, türküler, laf atmalar.
Bir şey düşüyor elinden yere ;
Bir gül olmalı ;
İstanbul'u dinliyorum, gözlerim kapalı ;

İstanbul'u dinliyorum, gözlerim kapalı ;
Bir kuş çırpınıyor eteklerinde ;
Alnın sıcak mı değil mi, biliyorum ;
Dudakların ıslak mı değil mi, biliyorum ;
Beyaz bir ay doğuyor fıstıkların arkasından
Kalbinin vuruşundan anlıyorum ;
İstanbul'u dinliyorum.

Orhan Veli
(Le passage qui a été traduit en français est mis en couleur)


Europe de l'Est et Orientale - Albanie

- - - - - - - - - - - - - - - -

Ismaïl Kadaré, né en 1936, est un grand écrivain ("Le Général de l'armée morte") et poète albanais.
Il a obtenu l’asile politique en France en 1990.

"Les nuages nagent comme des enveloppes géantes,
comme des lettres que s'enverraient les saisons."

Ismaïl Kadaré ("Poème d'automne")
------

Paysage (Peisazh)
   
Qui sont ces vieilles tout en noir parlant une langue morte?
Elles errent parmi les labours
durcis par le gel,
foulant la glace qui craque sous leurs pas.
Au-dessus d'elles,
menaçants, les corbeaux tournoient.
Leurs croassements semblent indiquer
qu'il y a quelque chose de détraqué dans le Code de l'espèce.
   
Qui sont ces vieilles tout en noir parlant une langue morte?
Quelques corneilles foulant le gel des labours.
De pauvres croassements égarés.
------

Texte original en albanais, la langue officielle du pays :

Peisazh (Paysage)

Ç'janë ato plaka me të zeza që flasin një gjuhë të vdekur

Sillen në fushën e ngrirë
Shkelin mbi ngricë gjithkund.
Korbat mbi kokat e tyre
Enden kërcënueshëm.
Krokama
E tyre tregon se në kodin
E lashtë diçka nuk punon.

Ç'janë ato plaka me të zeza që flasin një gjuhë të vdekur:

Korba mbi fushën e ngrirë.
Krokama të shkreta plot hutim.

Ismaïl Kadaré ("Poèmes" - Éditions Fayard 1997) version française établie par Claude Durand et l’auteur
avec la collaboration de Mira Mexi, Edmond Tupja et Jusuf Vrioni

----------------------------------------

Le Vol en V des oies sauvages

Elles ont tracé la seule et unique
lettre qu'elles savent écrire,
V magnifique
dans le ciel de leur exil.

Elles laissent quelque chose après elles,
elles emportent quelque chose
par-delà les nuages;

pour cette beauté essentielle,
grâces vous soient rendues, oies sauvages.
Car il a suffi d’une seule et unique lettre
dans le ciel démesurément gris
pour que, mieux qu’une bibliothèque,
vous donniez corps à notre nostalgie.

Ismaïl Kadaré ("Poèmes" - Éditions Fayard 1997) traduction de Claude Durand

----------------------------------------

La plaine est sombre

La plaine est sombre, elle se dilue dans la nuit.
Noirs, les arbres dressent à l’affût leurs silhouettes de bandits.

Un éclair lacère les ténèbres dans le lointain.
Il pleut à verse. Je suis seul au bord du chemin.

Noirs, les arbres guettent. On dirait des bandits
Décidés à te garder prisonnière de la nuit.

Ismaïl Kadaré ("Poèmes" - Éditions Fayard 1997)


Europe de l'Est et Orientale - Kurdistan

- - - - - - - - - - - - - - - -

Le Kurdistan n'est pas (pas encore ?) une nation. C'est une région à cheval sur plusieurs pays : la Turquie, l'Irak, l'Iran, la Syrie. Lieu de conflits, revendiquée et revendiquant son indépendance, d'où de nombreux kurdes se sont exilés.

Kamuran Aali Bedir Khan (émir) est un poète kurde contemporain, défenseur de l'identité politique, économique et culturelle du Kurdistan.

Ris

Ris !
Douceur du printemps, parfum des vergers,
Ris !
Que les fleurs s'épanouissent,
Que les astres brillent
Ris !
Que ta belle voix sonore
Chante
Dans l'infinie de ce monde,
Que les souffrances s'éloignent
Que les tristesses s'évanouissent
Et que ce monde devienne
Un bouquet de roses
Ris ! ... Ris !  ... Ris ...!
Le jour et la nuit,
Dans la passion des minuits.
Que ta belle voix sonore
Chante
Dans l'infini de ce monde

Kamuran Aali Bedir Khan ("La Lyre kurde" - Librairie Saint-Germain-des-Prés, 1973)

----------------------------------------

 L'agneau et sa maman

Je suis né dans la vallée ;
Dans un tout petit chalet,
C'était plutôt une cabane ...
Me réveillaient la voix des faons,
La douce musique du torrent,
Les bruissements des feuilles naissantes,
Le gazouillement de mille oiseaux,
Le petit agneau et sa maman ...
Comme il fait bon dans ma cabane ! ...

Le grand soleil
Dormait encore ...
Tout étourdi,
Il faisait nuit
Quand je quittais
Mon petit lit.
Malgré mon âge,
J'étais « la garde »
De nos brebis ...
L'agneau pleurait en bégayant
Cherchant sans cesse sa chère maman ...

Le doux soleil se réveillant
Nous arrosait de poudre dorée ...
Je comprenais nos villageois

Qui l'aimaient tant, qui l'adoraient
Dans l'eau limpide de la fontaine
Je voyais son chaud visage,
Où venaient pour s'abreuver
Le petit agneau et sa maman ...
Comme il fait bon dans ma cabane

Viens ! toi aussi pour te plonger
Dans ce silence majestueux
En regardant les flots muets
De mon ruisseau
Qui coule, qui coule
Sans dire un mot !
Comme il est bon le petit agneau,
La chère maman!
Il fait si doux dans ma cabane ! ...

Dans la joie de la lumière
Tout est chanson et couleur,
Tout est amour et douceur,
Tout est frisson et chaleur,
Tout est bonheur, enchantement
Comme il fait bon dans ma cabane

Le sentier qui monte en haut,
Il est long comme mes soupirs,
Il est long comme mes chansons,
Il est long comme la distance
Entre l'agneau et sa maman...
Comme il fait triste dans ma cabane ! ...

Kamuran Aali Bedir Khan ("La Lyre kurde" - Librairie Saint-Germain-des-Prés, 1973)

 ----------------------------------------

La caravane

La caravane passe
Entourée d'une cadence,
D'un silence,
D'un rythme sans écho.
Cherchant des sources des coteaux
Comme sur les mers, sans routes, les bateaux.
Sur la page blanche du désert
Où la lumière fond comme le plomb sur la flamme,
Les gazelles regardent de leurs yeux de femme.
La caravane passe
Liant les pays et les races,
Laissant sous leurs pas
Des mesures égales.
Le soleil est blanc, un morceau de cristal
Escortée par des ombres vives et berçantes,
Pensant à la nuit aux fraîcheurs caressantes
La vie a le rythme du pas des chameaux.
Tel un ciel hivernal par ses astres, les hameaux.
Des visages maigres et des regards sombres,
Leurs nuits sont longues et leur fatigue brève,
Cultivant la lumière et récoltant l'ombre.
Ils consolent leur espoir sur l'oreiller du rêve.

Kamuran Aali Bedir Khan ("La Lyre kurde" - Librairie Saint-Germain-des-Prés, 1973)

----------------------------------------

Un paysage de silence, qui parle pourtant au cœur :

Le silence ... (extrait)

Silence ... silence ...
Sur les cimes, dans les vallées,
Sur la neige immaculée,
Dans les parcs, dans les plaines ...
Le monde retient son haleine.

Les ruisseaux ne murmurent plus
Comme dans les caves,
Comme dans les vignes
C'est le silence, c'est le silence

Le ciel se tait ...
Le vent se tait
Comme si c'était un jour d'été ...
C'est le silence, c'est le silence
Mais ceci n'est
Qu'une apparence! ...
Interroge-le !
Est-il muet ?
Ecoute-le bien
Entends-le bien

Il te dira combien je t'aime

Sous ma poitrine mon coeur se tait
De nostalgie et d'espérance ...
Dans le bonheur, dans la souffrance
Le mot sublime est le silence,
C'est le silence, c'est le silence,
C'est l'ivresse de l'espérance ! ...

Kamuran Aali Bedir Khan ("La Lyre kurde" - Librairie Saint-Germain-des-Prés, 1973)


retour au sommaire paysage, textes traduits en français ? cliquez ICI



Publicité
Commentaires
Publicité