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2 janvier 2009

Poètes d'AFRIQUE du Nord - Algérie, Maroc, Tunisie, Égypte

Paysages des poètes d'Afrique

Afrique du Nord - Algérie, Maroc, Tunisie, Égypte

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Algérie

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Mohammed Dib (1920-2003) est un grand romancier et poète algérien de langue française. C'est aussi un journaliste engagé.
Mohammed Dib a reçu entre-autres, le prix de l'Académie de poésie en 1971, le prix de l'Association des Écrivains de langue française en 1978, le Grand Prix de la Francophonie de l'Académie française en 1994, attribué pour la première fois à un écrivain maghrébin. Il a obtenu en 1998 le Prix Mallarmé pour son recueil de poèmes L'enfant-jazz.
Il quitte l'Algérie (expulsion) dans les années 60, et s'installe en France  (source : Wikipedia)

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Le passage en italique n'est pas toujours proposé :

Je marche sur la montagne (extrait - titre proposé)

Mais je chanterai à peine

Pour que ne se mêle guère

La peine à votre sommeil ;

Paix à vous, mères, épouses,

Le tyran buveur de sang

Dans vos vans sera poussière.
Je marche sur la montagne
Où le printemps qui arrive
Met des herbes odorantes,
Vous toutes qui m'écoutez,
Quand l'aube s'attendrira
Je viendrai laver vos seuils
Et je couvrirai de chants
Les ululements du temps.

Mohammed Dib ("Ombre gardienne", Gallimard, 1960 - Sindbad, 1981 - La Différence, 2003)

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Printemps

Il flotte sur les quais une haleine d'abîmes,
L'air sent la violette entre de lourds poisons,
Des odeurs de goudron, de varech, de poisson ;
Le printemps envahit les chantiers maritimes.

Ce jour de pluie oblique a doucement poncé
Les gréements noirs et gris qui festonnent le port;
Eaux, docks et ciel unis par un subtil accord
Inscrivent dans l'espace une sourde pensée.

En cale sèche on voit des épaves ouvertes;
En elles l'âme vit peut-être... Oiseau têtu,
Oiseau perdu, de l'aube au soir reviendras-tu
Rêver rie haute mer, d'embruns et d'îles vertes ?

Je rôde aussi, le coeur vide et comme aux abois,
Un navire qui part hurle au loin sous la brume ;
Je tourne dans la ville où les usines fument,
Je cherche obstinément à me rappeler, quoi ?

Mohammed Dib ("Ombre gardienne", Gallimard, 1960 - Sindbad, 1981 - La Différence, 2003)

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Heure folle

L'heure folle erre. Noire,
Vous la reconnaîtrez
À trop de haine noire,
Trop de cris, trop de vent.

Nés d'antiques calcaires
Et des feux de la mer,
Ses ramiers pour la mort
Resplendissent, étranges.

Vous la reconnaîtrez
C'est l'heure de deuil, l'heure
De sang roux sur les vignes,
La folle de lumière.

Mohammed Dib ("Ombre gardienne", Gallimard, 1960 - Sindbad, 1981 - La Différence, 2003)


Anna Greki (1931-1966) est née à Batna, dans les Aurès, mais c'est "Alger la Blanche" dont elle dessine ici, dans les nuances de bleu, le paysage poétique :
    

Alger (titre proposé)

J'habite une ville si candide
Qu'on l'appelle Alger la Blanche
Ses maisons chaulées sont suspendues
En cascade en pain de sucre
En coquilles d'oeufs brisés
En lait de lumière solaire
En éblouissante lessive passée au bleu
En plein milieu
De tout le bleu
D'une pomme bleue
Je tourne sur moi-même
Et je bats ce sucre bleu du ciel
Et je bats cette neige bleue du ciel
Bâtis sur des îles battues qui furent mille
Ville audacieuse Ville démarrée
Ville au large rapide à l'aventure
On l'appelle El Djezaïr
Comme un navire
De la compagnie Charles le Borgne.

Anna Greki ("Algérie, Capitale Alger" - éditions S.N.E.D. Tunis, 1963)


Bachir Hadj Ali, homme politique, essayiste, journaliste et poète, est né dans la Casbah d'Alger. Combattant pour la libération de son pays, il connaît la clandestinité, et subit après la déclaration d'Indépendance, la torture et la prison, pour son engagement politique (au Parti communiste, et dans l'Organisation de la Résistance Populaire). Il est, avec Jean Sénac et d'autres écrivains,  l'un des fondateurs de l'Union des Écrivains d'Algérie.

Ce paysage rêvé est celui des espoirs du prisonnier :

Rêves en désordre

Je rêve d'îlots rieurs et de criques ombragées

Je rêve de cités verdoyantes silencieuses la nuit
Je rêve de villages blancs bleus sans trachome
Je rêve de fleuves profonds sagement paresseux
Je rêve de protection pour les forêts convalescentes
Je rêve de sources annonciatrices de cerisaies
Je rêve de vagues blondes éclaboussant les pylônes
Je rêve de derricks couleur de premier mai
Je rêve de dentelles langoureuses sur les pistes brûlées
Je rêve d'usines fuselées et de mains adroites
Je rêve de bibliothèques cosmiques au clair de lune
Je rêve de réfectoires fresques méditerranéennes
Je rêve de tuiles rouge au sommet du Chélia
Je rêve de rideaux froncés aux vitres de mes tribus
Je rêve d'un commutateur ivoire par pièce
Je rêve d'une pièce claire par enfant
Je rêve d'une table transparente par famille
Je rêve d'une nappe fleurie par table
Je rêve de pouvoirs d'achat élégants
Je rêve de fiancées délivrées des transactions secrètes
Je rêve de couples harmonieusement accordés
Je rêve d'hommes équilibrés en présence de la femme
Je rêve de femmes à l'aise en présence de l'homme
Je rêve de danses rythmiques sur les stades
Et de paysannes chaussées de cuir spectatrices
Je rêve de tournois géométriques inter-lycées
Je rêve de joutes oratoires entre les crêtes et les vallées
Je rêve de concerts l'été dans des jardins suspendus
Je rêve de marchés persans modernisés
Pour chacun selon ses besoins
Je rêve de mon peuple valeureux cultivé bon
Je rêve de mon pays sans tortures sans prisons
Je scrute de mes yeux myopes mes rêves dans ma prison.

Bachir Hadj Ali ("Que ma joie demeure ! " - éditions Oswald, 1970 et l'Harmattan, 1981)

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Terre je t'écoute
   
Je t'écoute tisser des clairs-obscurs sur mes nuits.
Je t'écoute veiller le soleil agoniser à l'Est
Je t'écoute sécher le sel sur le front des mers
Je t'écoute réveiller des pommes innocentes
Je t'écoute greffer la jeunesse du citronnier

Je t'écoute respirer entre les doigts et l'orange
Je t'écoute battements de cils rouge-gorge des bois
Je t'écoute verser la rosée sur la plante médicinale
Je t'écoute pluie sur la mer collier de la baie
Je t'écoute nuage rire ailes colorées
Je t'écoute marche secrète des hommes droits
Je t'écoute clairière de la recherche libre
Je t'écoute vivre au rythme de mes aspirations
Je t'écoute chanter le chant de l'an deux mille
.

Bachir Hadj Ali ("Que ma joie demeure ! " - éditions Oswald, 1970 et l'Harmattan, 1981)


Soumya Benkelma (pseudonyme de Soumya Bemmalek), est une poétesse algérienne dont les premiers poèmes ont été publiés en juillet-août 1976 dans la revue "Europe" (n° 567-568, spécial Littérature algérienne). Elle était, précise la revue, étudiante à cette époque ...

Partir

Partir et rien que partir
Partir et pour toujours
Ne plus revenir
Ne plus attendre
Voir du bleu et du blanc
Du rouge et du merveilleux
Aller à la rencontre du néant
Sans le savoir sans le vouloir
M'y enfoncer tout entière
Les yeux fermés
Me voir me sentir
Mourir mourir
Sentir d'instant en instant
Se détacher de tout moi
Tout ce que j'ai mal aimé
Tout ce que j'ai haï
Me voir morte sous une tombe blanche
Sous la terre ma terre rouge sang
Là-haut sur une montagne
Entourée d'ombre et de silence
De lumière folle et de chants
Là-haut sur une montagne
Une montagne près du soleil.

Soumya Benkelma, 1974


Lounès Matoub , en kabyle : Lwennas Meɛṭub (1956-1998), plus fréquemment appelé Matoub Lounès, est un chanteur et poète kabyle , notamment connu pour son engagement dans la revendication identitaire berbère. a été assassiné* le 25 juin 1998 sur la route de Ath Douala. Officiellement, cet assassinat est atribué au GIA (qui l'a revendiqué) mais sa famille et toute la kabylie accuse le pouvoir algérien de l'avoir fait supprimer. (source : Wikipedia)

Matoub Lounès se lit et surtout s'écoute, ici par exemple, avec Avrid ireglen (La route entravée) en concert au Zénith de Paris en 1995, chanson sous-titrée en français : http://fr.youtube.com

Un autre texte de chanson :

D idurar ay d lâamriw s / Les montagnes sont ma vie (extrait)

Xellsegh adrar s yidammen-iw : a d-yeqqim later-iw
Xas gullen ard a t-sefden

Wid yetganin di lmut-iw, yessamsen isem-iw
Kul tizi a yi-d-mlilen

Atas i ggigh si lheqq-iw armi i qqwlegh seg yilexxaxen
Wwtegh, dligh ghef nnif-iw ufigh wigad i t-yesxewden
Xas yegga lgehd ighallen-iw
Mazal ssut-iw ad yebbaâzeq... as-d-slen !

(...)
A lâamer-iw, a lâamer-iw... d idurar ay d lâamer-iw !

traduction :

Les montagnes sont ma vie

Du tribut de mon sang j'ai irrigué les monts
mon empreinte s'imprime à jamais,
quand ils ont en juré l'anéantissement ;

Qui s'impatiente de me voir mort,
et qui calomnie mon nom,
À chaque col devra m'affronter,

J'ai laissé mon bien à l'abandon,
Je l'ai trouvé gisant dans l'immondice,
J'ai porté le regard sur mon honneur,
J'ai vu des bourreaux. Bien que la force ait fui mes membres,
Ma voix demeure, qui retentira,
Ils l'entendront !
(...)

Ma vie ! ma vie !
Les montagnes sont ma vie !

Matoub Lounès (1989)


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Maroc

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Tahar Ben Jelloun est né à Fès, au Maroc, en 1944. Écrivain et poète, il est l'auteur de deux recueils de poésie, dont Les Amandiers sont morts de leurs blessures, et de romans : La Nuit sacrée a obtenu le Prix Goncourt 1987.

Les textes qui suivent sont tous extraits du recueil "Les Amandiers sont morts de leurs blessures" édité en 1976 par la Librairie François Maspero, dans PCM (Petite Collection Maspero).

Ils ne portent pas de titre, ne sont pas consécutifs dans le recueil, mais l'ordre de présentation est respecté.

Tous les matins
le soleil entre chez Si Lmokhtar
pille la mémoire du miroir
monte sur l'échelle
et s'en va en riant

Tahar Ben Jelloun (dans "Asilah, saison d'écume")

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Un verre de thé sur la natte
le vent ramène le nuage bleu
égaré dans le bois
les vieux parlent du passé
les jeunes parlent peu
fument et rient
le ciel s'éloigne des sables

Tahar Ben Jelloun (dans "Asilah, saison d'écume")

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Le silence d'une étoile
échangé contre un peu d'eau

Tahar Ben Jelloun (dans "Asilah, saison d'écume")

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L'épicerie de Si Abdessalam
Du vinaigre doux dans une bouteille en plastique National
des portions de savon La Main
un sac de farine Drissi
des allumettes Le Lion
une barbe grise toujours naissante
une main ouverte
le regard tendre
amical
fraternel comme le soleil
et une balance qui sépare le temps


Tahar Ben Jelloun (dans "Asilah, saison d'écume") - les noms des marques sont mis en italique pour le blog (pas par l'auteur).

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C'est la fin de la journée
le poisson est rentré
la barque est repartie
les petits soleils s'éloignent
un grand verre de thé
pour réchauffer les mains et le front
la parole nue
on regarde la mer
et l'on parle de l'avenir
on joue aux cartes
on fume quelque pensée
les chats tirent l'azur
on ne regarde plus la mer
on regarde la télévision

Tahar Ben Jelloun (dans "Asilah, saison d'écume")

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Étranger

Étranger
prends le temps d'aimer l'arbre
accoude-toi à terre
un cavalier t'apportera de l'eau, du pain,
et des olives amères
c'est le goût de la terre et des semences de la mémoire
c'est l'écorce du pays
et la fin de la légende
ces hommes qui passent n'ont pas de terre
et ces femmes usées
attendent leur part d'eau.
Étranger,
laisse la main dans la terre pourpre
ici
il n'est de solitude que dans la pierre.

 Tahar Ben Jelloun, ("À l'insu du souvenir" - François Maspero éditeur, 1980).


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Tunisie

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Tahar Bekri est né en 1951 en Tunisie. C'est un écrivain-poète qui écrit en français et dans sa langue maternelle : l'arabe. Il vit en France depuis 1976.

C’était le temps des jarres (extrait)

C’était le temps des jarres remplies de dattes
Dans les cabanes aux toits de palme
La lampe à pétrole notre trésor
Les citronniers parfumaient nos demeures
Guêpes et abeilles pour la meilleure aigreur
Dans les treilles se confondaient raisins et étoiles

La nuit tombait céleste comme une figue noire

Tahar Bekri ("La Brûlante Rumeur de la mer" dans "Poésie du Maghreb" - éd Al Manar, Paris, 2004)

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Retour à Nouakchott* (extrait)

Je te retrouve dans le souffle du vent
Exsangue brûlé par le sable sans relâche
Tant de dunes impatientes le long de ma route
Surgissent des limbes de l’inconsolé mirage

Les caravanes portées par la distance d’antan
Immobiles et langoureuses l’ombre aussi rare
Que l’acacia sec et endurci sous le soleil de plomb
Mon chant comme prière implorant le firmament

J’ai de toi désert la soif affranchie des frontières
Le rêve qui s’enlise ensablé habillé de lumière
Tout l’océan aimant chargé de lourdes pirogues
Butin d’arc-en-ciel pour des frères noirs et blancs

Où as-tu égaré fleuve ton limon pour nourrir la terre ?

*Nouakchott est la capitale de la Mauritanie.

Tahar Bekri (dans "Confluences poétiques" - Mercure de France, 2006)

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Un poème difficile, dont on ne garde souvent que la première strophe :

 L'exil (passages)

I

S’envolent
les colombes
à l’ombre de la lumière
la pierre
lourde de ses usures
sera colonne d’or ou poussière

Dans les royaumes de feu, la cendre

[...]

III

Sur les lèvres
du soleil
ivre d’étés purs j’emporte
ta voix au matin des présages
le soir comme un rose en transe
je remonte le cours du fleuve sec

Dans les arènes du souvenir, l’insomnie

[...]

V

Nouée
dans l’éclat
des ciels avares parole d’outre-mémoire
cette pluie pétrifiée au creux de ma voix
il me faudra toutes ces hirondelles
et la crinière du rêve pour l’enfanter

Dans les bras du laboureur, les oiseaux

[...]

XI

Parfois
je demande
à la voie lactée sa nuit claire
ses étoiles épurent mes soucis
sur la voûte céleste
les traces guident mes pensées

Entre deux pôles, l’échappée nacrée

XII

J’entends
au loin
évadées de vos déserts
des braises comme des cymbales
rouler sur des cordes de sang
assourdies par la discorde et le vent

Tapie dans la brûlure, ma rage

Tahar Bekri ("les chapelets d'attache" L'Harmattan, 1994) adaptation en français de Barbara Beck.


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Égypte ancienne et moderne

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Les textes sont présentés en traduction française uniquement, pour des raisons techniques.
On peut s'initier à l'écriture de l'ancienne Égypte, les hiéroglyphes, à cette adresse :
http://artchives.samsara-fr.com/hieroglyph.htm
Ce site peut permettre également de proposer aux élèves une activité graphique : "traduire" le prénom (et tout autre mot) en hiéroglyphes, selon une correspondance alphabétique. 

D'autre part, il est possible de télécharger des polices de caractères hiéroglyphes pour Mac et PC à cette adresse :
http://www.egypt.edu/etaussi/informatique/meroitique/meroitique01.htm

Des textes d'Égypte ancienne :
Le premier, qu'on peut approximativement dater de 2200 avant notre ère, est une glorification de la crue du Nil (Hâpy). Avant la construction du grand barrage d'Assouan, et d'autres aménagements, la crue d'été apportait le limon et l'eau nécessaires aux cultures sur les rives du fleuve.
Kemet ("la terre noire") était le nom donné à l'Égypte antique.

Ce texte est présenté ici dans une version réduite et réorganisée :

L'Hymne à la crue du Nil  (extrait) 

Salut à toi, Crue
Maîtresse des poissons.
Tu conduis les oiseaux migrateurs vers le Sud.
Tu fais naître les herbes pour le bétail.
Tu es dans le monde souterrain
et le ciel et la terre reposent sur toi.
Tu pénètres les collines.
Tu emplis la Haute et la Basse-Égypte.
Tu établis la vérité dans le coeur des hommes.
Tu veilles à ce que les oiseaux reviennent de leur pays.
Sois verte, alors tu viendras !
Sois verte, alors tu viendras !
Crue, sois verte, alors tu viendras !

D'après le texte retranscrit par Dirk Van der Plas ("L'hymne à la crue du Nil" dans la Revue Le Monde de la Bible n° 138 - Paris, 2001).

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Le texte suivant est attribué, sans certitude, au pharaon Akhénaton, époux de Néfertiti (14e siècle avant notre ère), encore appelé Amenhotep IV ou Aménophis IV. Pour l'anecdote, c'est le pharaon Toutankhamon, son fils, qui lui a succédé.

Akhenaton signifie qui est utile à Aton (Aton étant une des représentations du dieu Soleil).

Ce texte, est gravé sur la tombe d’Aÿ (personnage de la Cour et pharaon par la suite).

Hymne à Aton ou Hymne au Soleil  (passages) 

Tu apparais resplendissant à l'horizon du ciel,
Disque vivant qui as inauguré la vie !
Sitôt tu es levé à l'horizon oriental,
Que tu emplis chaque contrée de ta perfection.
Tu es beau, grand, brillant, élevé au-dessus de tout l'univers.
Tes rayons entourent les pays jusqu'à l'extrémité de tout ce que tu as créé.
[...]
Si éloigné sois-tu, tes rayons touchent la terre.
Tu es devant nos yeux mais ta marche demeure inconnue.

 

Lorsque tu te couches à l'horizon occidental,
L'univers est plongé dans les ténèbres et comme mort.
Les hommes dorment dans leurs demeures, la tête enveloppée,
Et aucun d'eux ne peut voir son frère.
[...]
Tous les lions sont sortis de leurs antres,
Et tous les reptiles mordent.
Ce sont les ténèbres d'un four et le monde gît dans le silence,
C'est que leur créateur repose dans son horizon.

 

Mais à l'aube, dès que tu es levé à l'horizon,
Tu chasses les ténèbres et tu dardes tes rayons.
Alors le Double-Pays est en fête,
L'humanité est éveillée et debout sur ses pieds;
C'est toi qui les as fait lever !
[...]

Tu a mis chaque homme à sa place et tu as pourvu à son nécessaire.
Chacun possède de quoi manger et le temps de sa vie est compté.
Les langues sont variées dans leurs expressions ;
Leurs caractères comme leurs couleurs sont distincts,
Puisque tu as distingué les étrangers.
Tu crées le Nil dans le monde inférieur
Et tu le fais venir à ta volonté pour faire vivre les Egyptiens,
[...]
Disque du jour au prodigieux pouvoir !
Tout pays étranger, si loin soit-il, tu le fais vivre aussi:
Tu as placé un Nil dans le ciel qui descend pour eux;
Il forme les courants d'eau sur les montagnes comme la mer très verte,
Pour arroser leurs champs et leurs territoires.
Qu'ils sont efficients tes desseins, Seigneur de l'éternité !
Un Nil dans le ciel, c'est le don que tu as fait aux étrangers
Et à toute bête des montagnes qui marche sur ses pattes,
Tout comme le Nil qui vient du monde inférieur pour le Pays-Aimé.
[...]

Akhenaton

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Un parmi d'autres textes dédiés au Soleil, Aton, et dont sans doute Akhenaton s'est inspiré :

Les saisons

Tu fis les saisons pour créer toutes les œuvres,
L’hiver pour les rafraîchir, et l’été pour la chaleur.
Tu as fait le ciel lointain pour t’y lever,
Pour observer tout que tu as fait,
Tout seul, étincelant sous ta forme d’Aton animé,
Depuis l’aube rayonnant, puis t’éloignant et revenant.

Texte issu des Pyramides de Saqqarah dans le delta du Nil (Basse-Egypte), daté de la VIe dynastie (vers 2200 av notre ère)

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Le poème qui suit est d'un auteur contemporain :

Egypte_Assouan_1

Au petit matin à Assouan (en nov 2007) - phot Lieucommun


Abderrahman (ou Abderrahmane) Al-Abnoudi, poète égyptien, est né en 1938. Il a publié son premier recueil de poèmes en 1963 : Mawwal al-bohaïra (Le Chant du lac).

Le recueil "La mort de l'épouvantail", dont est extrait le poème ci-dessous a été traduit par Jean-Claude Rolland, linguiste, formateur en didactique des langues, auteur et traducteur (de textes d'auteurs de langue arabe et de langue espagnole). Nous lui présentons nos excuses pour cet oubli, maintenant réparé.

Voici une scène de rue, pour humaniser le paysage :

Le verre de thé

 

Rue de Shubra dans un café je me suis attablé
Le garçon m’a apporté un verre de thé
Absolument sans comparaison avec le verre de thé de la maison

J’ai vu passer un homme au crâne complètement rasé
Une fille avec un plat de fèves très léger
Et une femme toute de noir habillée
J’ai vu passer une voiture neuve
Où des visages apparaissaient complètement muets
Un jeune homme parlait à une fille sur le trottoir
À voix basse complètement, complètement terrorisée

Sur le trottoir d’en face l’étal d’un fruitier parfaitement bien rangé
Était complètement complètement noyé
Dans la lumière de ses néons un homme est passé
Qui n’était pas descendu de son vélo depuis des années
Et qui était très fatigué
Il est passé la tête baissée sans du tout pédaler

Le garçon a pris deux piastres de pourboire
Il m’a longuement regardé
Et a paru très très étonné

Abderrahman Al-Abnoudi ("La mort de l'épouvantail" - Éd CTFE - 1985)


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