Poètes d'Outre-mer
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Antilles - Guadeloupe
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La Guadeloupe est un archipel faisant partie, avec la Martinique (voir plus bas), des Antilles, dans la mer des Caraïbes, au sud-est de la Floride. Elle compte cinq îles, : Grande-Terre, Basse-Terre, Marie-Galante, Les Saintes (Terre-de-Haut et Terre-de-Bas) et la Désirade.
- Si la langue officielle est le français (forcément !), le créole guadeloupéen (il existe différentes déclinaisons du créole dans les différentes régions caraïbes), qui a empunté syntaxe et lexique à des langues locales et au français, en est la langue porteuse de la culture et de traditions la plus ancienne.
On découvrira une mine d'informations sur les poètes de Guadeloupe dans le document : "Lyannaj d'une île-passion", 145 pages à travers des auteurs souvent ignorés. Cette étude est présentée ainsi : "Lyannaj n'est pas une anthologie dans le sens que l'on lui donne, puisque axée sur un thème: parler de la Guadeloupe au travers, dans la mesure du possible, de ses poètes.
Lyannaj est soumise à des servitudes dépendant, certes des goûts de l'auteur, mais celui de refléter une vue générale d'une
littérature propre : la poésie. Comme il existe une forêt de Mille Poètes, nous avons ici, sous le frémissement des cannes, une Île de Mille Poètes , mieux une Cannaie de Mille Poètes ! Malgré ses écarts de conduite, pour les Poètes, l’Île reste et restera Karukéra, l’Île aux belles eaux ...".
Certains textes, qui sont présentés sur le blog ici, y ont été empruntés (adresse rappelée à chaque emprunt direct, à copier-coller d'urgence dans votre navigateur pour accéder au PDF) : http://www.bookandyou.com/chapters/F508_1031.pdf.
Un premier auteur :
Casimir Létang (1935-1996), est un auteur de chansons en langue créole, dont il a composé parfois la musique et qu"il a interprètées, ou qui ont été (et sont encore) chantées par d'autres artistes.
Un exemple avec ce texte de 1963 (éditions Tchou), cité dans "Lyannaj d'une île-passion", repris par Robert Charlebois en 1981 dans l'album "Heureux en amour ?" . Bon, maintenant, il va falloir vous atteler, (pas toujours facile pour un "métro"*) à la traduction ...
* Les Antillais désignent parfois sous le nom de "métro" les français de métropole
Matouba, lieu-dit de la commune de Saint-Claude est un des hauts-lieux en Guadeloupe de la lutte pour l'abolition de l'esclavage, siège de résistance héroïque commémorée. Il possède aussi une source d'eau minérale importante. Mais l'auteur n'évoque dans la chanson que son "ti jadin" à lui.
On ti jadin à Matouba (Mon petit jardin à Matouba)
Oui çé à Matouba et çé té on jou au soi
A dans on ti jadin ki pli bel ki ta lè roi
Nous lié dé què en nous avé on lot serments
Nous fé beaucoup dè promesses et nous bo tout doucement.
Lhé moin di vous moin ainmé vous, on ti rose souri
Miguet la soupiré : Est-ce çé vré ça y ka di !
On lila réponne : Moin pé lanmou çé on sigré…
Violette ni expérience y dit : Couté pas parlé !
Pou on rose cayenne, on sicrié té ka sifflé.
Nous di Bon Diéu, jè lanmou la toujours existé !
La vie tini on maudi Destin ki sans pitié !
Hélas ! Nons en nous éffacé si "Live à lanmou"
Pas ni la joie… adié souvêni… adié doudou
Zenfants ki ka grandi, sonjé flé tini parfin,
Min y pas ka diré, lanmou aussi minme bitin.
Casimir Létang (éditions Tchou, 1963)
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Saint-John Perse (1887-1975), c'est le nom de plume, entre-autres pseudonymes, de l'écrivain, poète et diplomate Alexis Leger (prononcer "Leuger"). Il quitte la Guadeloupe avec ses parents à l'adolescence et vit en métropole, où il rencontre des écrivains et des poètes : Francis Jammes, Paul Claude, André Gide ... Parallèlement à son parcours de poète, il mène une carrière de diplomate de premier plan (Secrétaire général du Ministère des Affaires Etrangères, de 1933 à 1940), compromise, dans cette période de montée du nazisme et du fascisme, par ses positions politiques, plutôt hostiles aux entreprises d'Hitler en Europe. Il s'exile aux Etats-Unis en 1940, où sont publiés la quasi totalité de ses ouvrages, après le recueil "Anabase" (1925). le Prix Nobel de littérature lui a été décerné en 1960. On trouvera ici de nombreuses informations sur la vie de l'auteur et sur son œuvre considérable : http://www.fondationsaintjohnperse.fr/
Amers (passage)
"Poème composé entre 1947 et 1956 aux États-Unis et aux petites Antilles (Iles Vierges, Trinité et Tobago, Saint Kitts et Nevis)". - source : http://www.fondationsaintjohnperse.fr/
[…]
Entre l’Été, qui vient de mer. À la mer seule, nous dirons
Quels étrangers nous fûmes aux fêtes de la Ville, et quel astre montant des fêtes sous-marines
S’en vint un soir, sur notre couche, flairer la couche du divin.
En vain la terre proche nous trace sa frontière. Une même vague par le monde, une même vague depuis Troie Roule sa hanche jusqu’à nous. Au très grand large loin de nous fut imprimé jadis ce souffle.
[…]
Saint-John Perse - écrit entre 1953 et 1956 - ("Amers", éditions Gallimard, 1957)
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Vents (passage)
[…]
Quand la violence eut renouvelé le lit des hommes sur la terre,
Un très vieil arbre, à sec de feuilles, reprit le fil de ses maximes...
Et un autre arbre de haut rang montait déjà des grandes Indes
souterraines,
Avec sa feuille magnétique et son chargement de fruits nouveaux.
[…]
Saint-John Perse ("Vents", IV, éditions Gallimard, 1960)
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Le poème "Oiseaux" a été publié dans l'ouvrage "L'Ordre des oiseaux", pour accompagner les oeuvres du peintre Georges Braque. Saint-John Perse a répondu avec enthousiasme à une demande du peintre.
Oiseaux (passage)
[…]
Oiseaux, et qu’une longue affinité tient aux confins de l’homme… Les voici, pour l’action, armés comme filles de l’esprit. Les voici pour la transe et l’avant-création, plus nocturnes qu’à l’homme la grande nuit du songe clair où s’exerce la logique du songe.
Dans la maturité d’un texte immense en voie toujours de formation, ils ont mûri comme des fruits, ou mieux comme des mots : à même la sève et la substance originelle. Et bien sont-ils comme des mots sous leur charge magique : noyaux de force et d’action, foyers d’éclairs et d’émissions, portant au loin l’initiative et la prémonition.
Sur la page blanche aux marges infinies, l’espace qu’ils mesurent n’est plus qu’incantation. Ils sont, comme dans le mètre, quantités syllabiques. Et procédant, comme les mots, de lointaine ascendance, ils perdent, comme les mots, leur sens à la limite de la félicité.
[…]
Saint-John Perse ("L'Ordre des oiseaux ", éditions Au Vent d'Arles, 1962)
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Le recueil Anabase a été initialement publié aux éditions Gallimard (NRF) en 1924. L'auteur l'avait écrit entre 1917 et 1923, en partie en Chine, dans un petit temple taoïste. - sources : http://www.fondationsaintjohnperse.fr/ et http://www.fondationsaintjohnperse.fr/
Anabase (passages)
[…]
Nous n’habiterons pas toujours ces terres jaunes, notre délice...
L’Eté plus vaste que l’Empire suspend aux tables de l’espace plusieurs étages de climats. La terre vaste sur son aire roule à pleins bords sa braise pâle sous les cendres. — Couleur de soufre, de miel, couleur de choses immortelles, toute la terre aux herbes s’allumant aux pailles de l’autre hiver — et de l’éponge verte d’un seul arbre le ciel tire son suc violet. Un lieu de pierres à mica ! Pas une graine pure dans les barbes du vent. Et la lumière comme une huile. — De la fissure des paupières au fil des cimes m’unissant, je sais la pierre tachée d’ouïes, les essaims du silence aux ruches de lumière ; et mon cœur prend souci d’une famille d’acridiens...
Chamelles douces sous la tonte, cousues de mauves cicatrices, que les collines s’acheminent sous les données du ciel agraire — qu’elles cheminent en silence sur les incandescences pâles de la plaine ; et s’agenouillent à la fin, dans la fumée des songes, là où les peuples s’abolissent aux poudres mortes de la terre.
[…]
(autres passages)
[…]
ha ! toutes sortes d'hommes dans leurs voies et façons : mangeurs d'insectes, de fruits d'eau ; porteurs d'emplâtres, de richesses ! l'agriculteur et l'adalingue, l'acupuncteur et le saunier ; le péager, le forgeron ; marchands de sucre, de cannelle, de coupes à boire en métal blanc et de lampes de corne ; celui qui taille un vêtement de cuir, des sandales dans le bois et des boutons en forme d'olives ; celui qui donne à la terre ses façons ; et l'homme de nul métier : homme au faucon, homme à la flûte, homme aux abeilles ; celui qui tire son plaisir du timbre de sa voix, celui qui trouve son emploi dans la contemplation d'une pierre verte ; qui fait brûler pour son plaisir un feu d'écorces sur son toit, et celui qui a fait des voyages et songe à repartir ; qui a vécu dans un pays de grandes pluies ; qui joue aux dés, aux osselets, au jeu des gobelets ; ou qui a déployé sur le sol ses tables à calcul ; celui qui a des vues sur l'emploi d'une calebasse ; celui qui mange des beignets, des vers de palme, des framboises ; celui qui aime le goût de l'estragon ; celui qui rêve d'un poivron ; ou bien encore celui qui mâche d'une gomme fossile, qui porte une conque à son oreille, et celui qui épie le parfum de génie aux cassures fraîches de la pierre ; celui qui pense au corps de femme, homme libidineux ; celui qui voit son âme au reflet d'une lame ; l'homme versé dans les sciences, dans l'onomastique ; l'homme en faveur dans les conseils, celui qui nomme les fontaines, qui fait un don de sièges sous les arbres, de laines teintes pour les sages ; et fait sceller aux carrefours de très grands bols de bronze pour la soif… ha ! toutes sortes d'hommes dans leurs vies et façons et, soudain, apparu dans ses vêtements du soir et tranchant à la ronde toutes questions de préséance, le Conteur qui prend place au pied du térébinthe…
[…]
mais par-dessus les actions des hommes sur la terre, beaucoup de signes en voyage, beaucoup de graines en voyage, et sous l'azyme du beau temps, dans un grand souffle de la terre, toute la plume des moissons ! ...
jusqu'à l'heure du soir où l'étoile femelle, chose pure et gagée dans les hauteurs du ciel ...
[…]
Saint-John Perse ("Anabase" VII, éditions Gallimard, 1924) - réédition : "Éloges suivi de La gloire des Rois, Anabase, Exil", Gallimard/Poésie, 1967)
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Le poème "Neiges" a été écrit aux États-Unis .
Neiges (passage)
[…]
Et puis vinrent les neiges, les premières neiges de l'absence, sur les grands lés tissés du songe et du réel ; et toute peine remise aux hommes de mémoire, il y eut une fraîcheur de linge à nos tempes. Et ce fut au matin, sous le sel gris de l'aube, un peu avant la sixième heure, comme en un havre de fortune, un lieu de grâce et de merci où licencier l'essaim des grandes odes du silence.
Et toute la nuit, à notre insu, sous ce haut fait de plume, portant très haut vestige et charge d'âmes, les hautes villes de pierre ponce forées d'insectes lumineux n'avaient cessé de croître et d'exceller, dans l'oubli de leur poids. Et ceux-là seuls en surent quelque chose, dont la mémoire est incertaine et le récit est aberrant. La part que prit l'esprit à ces choses insignes, nous l'ignorons.
[…]
Saint-John Perse ("Neiges", éditions Gallimard, 1960)
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Paul Niger (1915-1962) est le pseudonyme d'Albert Béville, romancier, essayiste, poète et administrateur, né à Basse-Terre, en Guadeloupe. Militant anti-colonialiste,il fonde en 1961, avec Édouard Glissant (voir ci-dessus), Cosnay Marie-Joseph et Marcel Manville, le Front des Antilles-Guyane pour l'Autonomie. Il est aussi, avec Léopold Sédar Senghor et d'autres écrivains, l'un des fondateurs de la revue Présence africaine. Un recueil de poésie : Initiation (éditions Seghers, 1954), des poèmes dans lesquels Paul Niger exprime sa révolte contre le colonialisme et les injustices sociales.
"… J’ai voulu une terre où les hommes soient hommes. J’ai
voulu une terre où la moisson soit faite avec la faux de
l’âme. Un sol de tiges vertes et de troncs droits où l’homme
porte sans faiblir la gravité des étoiles."
Paul Niger - source : http://www.bookandyou.com/chapters/F508_1031.pdf
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Initiation (passage)
[…]
... O peuples fraternels, moi qui vous apporte l’Europe
mais qui ne suis pas l’Europe
Je vous apporte aussi les querelles des blancs.
Les travaux sans espoir et sans âme pour d’autres
entrepris, par d’autres rémunérés
L’emphysème du discours !
L’impatience d’aujourd’hui et l’inquiétude de demain
Je vous enlève à vos siècles, à vos fétiches, à vos
ancêtres, à vos chefs,
A vos cases.
Vos maîtres m’ont envoyé vous dire que vous n’avez
rien à dire
Mais moi qui suis l’esclave de vos maîtres
Je cherche
Cheminant à travers les savanes
Une vérité plus vraie qui serait cachée au coin des cases...
[…]
Paul Niger ("Initiation", éditions Seghers, 1954 et éditions Tchou, 1979) - passage emprunté au document "LYANNAJ D’UNE ÎLE-P ASSION" cité plus haut, à cette adresse http://www.bookandyou.com/chapters/F508_1031.pdf.
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Petit oiseau (titre proposé - autre passage du recueil)
Petit oiseau
Petit oiseau qui me chantes
L’amour du pays natal
Je te porterai à manger les graines que je choisirai
Et qu’il te plaira de croquer.
Petit oiseau qui me chantes
L’amour du pays natal.
Petit oiseau qui m’amuses
Je t’enseignerai la musique
Et toutes phrases que tu diras
Tu les auras apprises de moi.
Petit oiseau qui m’amuses,
Je t’enseignerai la musique.
Petit oiseau qui te tourmentes,
Je consolerai tes chagrins
Et t’apprendrai la vraie sagesse,
La sagesse de mes anciens.
Petit oiseau qui te tourmentes,
Je consolerai tes chagrins.
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Ernest Pépin, écrivain et poète est né en Guadeloupe en 1950
DIS-LEUR
Un oiseau passe
éclair de plumes
dans le courrier du crépuscule
VA
VOLE
ET DIS-LEUR
Dis-leur que tu viens d'un pays
formé dans une poignée de main
un pays simple comme bonjour
où les nuits chantent
pour conjurer la peur des lendemains
dis-leur
que nous sommes une bouchée
répartie sur sept îles
comme les sept couleurs de la semaine
mais que jamais ne vient
le dimanche de nous-mêmes
VA
VOLE
ET DIS-LEUR
Dis-leur que les marées
ouvrent la serrure de nos mémoires
que parfois le passé souffle
pour attiser nos flammes
car un peuple qui oublie
ne connaît plus la couleur des jours
il va comme un aveugle dans la nuit du présent
dis-leur que nous passons d'île en île
sur le pont du soleil
mais qu'il n'y aura jamais assez de lumière
pour éclairer
nos morts
dis-leur que nos mots vont de créole en créole
sur les épaules de la mer
mais qu'il n'y aura jamais assez de sel
pour brûler notre langue
VA
VOLE
ET DIS-LEUR
Dis-leur qu'à force d'aimer les hommes
nous avons appris à aimer l'arc-en-ciel
et surtout dis-leur
qu'il nous suffit d'avoir un pays à aimer
qu'il nous suffit d'avoir des contes à raconter
pour ne pas avoir peur de la nuit
qu'il nous suffit d'avoir un chant d'oiseau
pour ouvrir nos ailes d'hommes libres
VA
VOLE
ET DIS-LEUR...
Ernest Pépin ("Babil du songer" - éditions Ibis Rouge, 1997)
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Daniel Maximin, romancier, nouvellite, essayiste et poète est né en Guadeloupe en 1947. Il a été directeur littéraire aux Éditions Présence Africaine. Daniel Maximin est maintenant installé en métropole.
Un recueil de poésie : "L'Invention des Désirades" (éditions Présence Africaine, 2000).
On notera dans ce poème, au lexique riche et difficile, la similitude de forme avec le poème d'Ernest pépin précédent (dont le dernier vers en capitales) :
Natale
Îles-désert,
ailes améries *
pour ascendance.
Quatre continents pour se créer une île,
trois âmes caraïbes,
blancheur sauvage,
ébène saigné,
ponchée colombo.
La peau plus neuve de mémoire nue
Ici,
Les résidents semblent de passage,
la foule désertée,
la servitude splendide,
le paysage plus beau que le pays.
Terreau d'excès-d'abus,
de révoltes fauchées, de récoltes sans semer,
de persiennes trop étroites, de sèves effeuillées,
le destin bien caché derrière le fatalisme.
Mais la noirceur lucide du soleil
en bouclier d'écorce protège nos chairs à vie.
Esclaves en surface,
nous avons gagné en profondeur
la cale, et, les grands-fonds s'ancrent les dérives
trop neuves pour le bonheur. Nos jouissances improvisent
sauvant l'amour, même sans le partager.
Gardant le rythme même sans tambours.
Le Carême démasque les cendres d'hivernage
en réserve de rires pour l'avenir blessé,
et, les filles-mer émergent en îles caraïbes,
la clé de l'une entre les mains de l'autre,
le soleil battant, fier, sous la dentelle des jours.
Sorcières et sourciers,
sans sources ni boussoles,
nous avons raciné
l'illégale plantation de nos cœurs légitimes
en flèches de canne dressées contre les balles de coton.
Nous avons recouvert l'Amérique,
déshabillé les conquérants,
domestiqué le déracinement.
Nous avons inventé la révolte sans le ressentiment.
La patience volcanique, la puissance sans pouvoir, le marronage sans
chien.
Et
par nature sans faune sauvage,
nous cultivons à cœur le colibri,
pour édifier au monde son nid fragile et sûr:
Les Antilles
Îles battues
Îles combattues
Très belles
et
BÂTIES.
Daniel Maximin (initialement paru dans la revue Autrement : "la Guadeloupe, série Memoires 1875-1914", éditions Autrement 1994”) - ("L'Invention des Désirades", éditions Présence Africaine, 2000)
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Le poème qui suit a été écrit par Daniel Maximin pour Haïti, l'île voisine, après le séïsme de 2010. On le trouve dans le recueil "Pour Haïti". "Cet ouvrage collectif réunit des textes inédits en prose et en poésie d’écrivains et poètes du monde entier en solidarité avec Haïti. Le bénéfice des ventes est reversé à l’association œuvrant à la reconstruction des bibliothèques en Haïti, BIBLIOTHÈQUES SANS FRONTIÈRES (BSF)."
Source : http://www.potomitan.info/ayiti/seisme_2010zs.php
On ne peut qu'en conseiller l'achat, étant donné la diversité et la qualité des textes (près de 130 auteurs d’Europe, d’Afrique, d’Asie, des Caraïbes, des États-Unis, du Canada, de l’Océan Pacifique, de l’Amérique latine).
Par toi-même, Haïti
Le temps a suffi au séisme
Le temps d’un cillement de terre
Pour faire l’état de ton non-lieu
Une petite corruption de plaque dans tes grands fonds
Le temps a suffi au séisme
pour chavirer les dieux de leurs hôtels
une étrange cathédrale dans la graisse des ténèbres
pour enterrer les morts sans garde-Samedi
et les majors sans protocole
les fourmis sermentées de mourir sans sirop
lambis-sonneurs trop tard tambours-rara trop tôt
…
Le temps a manqué au séisme
pour déraciner tes arbres musiciens
- car c’est le fruit qui porte l’arbre –
Le temps a manqué au séisme
pour effondrer le ciel et voler tes oiseaux
…
Le temps te suffit Haïti
Lance à la haine l’injure de ton sourire
entre fuite et encrage, errance d’ex-île, le dit de désertion
solitudes descellées des discordes sans voies
du gravat, terre et chaume, le bousillage désassemblé
pour ériger tes montagnes captives des citadelles
te bâtir
avec des fouets arrachés
avec des drapeaux et des tombes dépareillées
...
L’avenir te suffit Haïti
Pour rapiécer tes ailes de malfini
Abreuver tes couis d’or à la source des femmes
Senteurs d’orange magique, rosée de citronnelle et corossol de nuit
La plante ne peut mourir de la transplantation
Ton âme plus grande que le spectacle de ta désolation
Une seule une seule
Miyan miyan
Une seule passion
Miyan miyan
Ti-poulain en tes bras
À nouveau premier-né
Un seul un seul
miyan miyan
Un seul espoir
miyan miyan
Daniel Maximin (dans "Pour Haïti", ouvrage collectif coordonné par Suzanne Dracius, Éditions Desnel, 2010)
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Guy Tirolien, (1917-1988) est né à Pointe-à Pître et mort à Marie-Galante*, son île de résidence. Il est, avec Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor et Léon-Gontran Damas, l'un des animateurs du Mouvement de la Négritude. Il a participé à la création des éditions Présence Africaine, où il a publié ses deux recueils. * Marie-Galante; appelée l'île aux cent moulins, se trouve à 30 km sud-est, au large des côtes de l'île de La Guadeloupe (voir la carte ci-dessus). Elle fait partie de l'archipel de La Guadeloupe.
Ce n'est pas son île Marie-Galante * que le poète décrit, mais une partie sud de de Grande-terre, sur l'île de la Guadeloupe.
* Une lectrice attentive, et que je remercie, Éléonore Bade, rectifie :
C'est bien de Marie -Galante dont l'auteur fait la description et non du sud de la Guadeloupe : Les Trois ilets et Grande Anse sont deux des nombreuses plages de Marie-Galante et se situent à mi-chemin entre Grand -Bourg et Saint-Louis de Marie-Galante, pas très loin de la maison où a vécu l'auteur.
Redécouverte
Je reconnais mon île plate, et qui n'a pas bougé
Voici les Trois-Ilets, et voici la Grande Anse
Voici derrière le Fort, les bombardes rouillées.
Je suis comme l'anguille flairant les vents sales
Et qui tâte le pouls des courants
Salut île ! C'est moi. Voici ton enfant qui revient.
Par delà la ligne blanche des brisants
Et plus loin que les vagues aux paupières de feu
Je reconnais ton corps brûlé par les embruns.
J'ai souvent évoqué la douceur de tes plages
Tandis que sous mes pas
Crissait le sable du désert
Et tous les fleuves du Sahel ne me sont rien
Auprès de l'étang frais ou je lave ma peine
Salut terre matée, terre dématée !
Ce n'est pas le limon que l'on cultive ici,
ni les fécondes alluvions.
C'est un sol sec, que mon sang même
N'a pas pu attendrir,
Et qui geint sous le soc comme une femme éventrée.
Le salaire de l'homme ici,
Ce n'est pas l'argent qui tinte clair, un soir de paye,
C'est le soir qui flotte incertain au sommet des cannes
Saoûles de sucre.
Car rien n'a changé,
Les mouches sont toujours lourdes de vesou*,
Et l'air chargé de sueur.
Guy Tirolien ("Balles d’or" Editions Présence Africaine, 1961 ) - *Le vesou est le liquide sucré de la canne à sucre. Quand on l'écrase pour en extraire la cassonade, les mouches sont attirées.
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Credo
moi aussi j'ai mon credo de poche
mais n'allez pas le répéter aux vents bavards
et à la foule qui passe
on vous rirait au nez
je crois
que le soleil est un oeuf de lumière
pondu par la nuit
que la prière retombe en pluie de fruits
dans la corbeille des mains offertes
que les étoiles sont des âmes qui brûlent
que la terre est une orange pour la soif de Dieu
que la fleur grimpe aux fenêtres
pour consoler l'enfant qui pleure
que la pierre est un arbre
qui n'a pas voulu croître
que la bonté est ce pays où l'on n'accède
qu'après avoir laissé tous ses bagages
à la douane de la douleur
que et un font un
même dans les luttes du plaisir
que le parfum du sacrifice
nourrit les fleurs de l'art
et qu'à force d'amour
demain il fera jour.
Guy Tirolien ("Feuilles vivantes au matin", Editions Présence Africaine, 1977)
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Florette Morand est née en Guadeloupe en 1937, elle vit aujourd'hui en Italie. Elle est lauréate de l'Académie française. Ses recueils de poésie aux jolis titres ont été préfacés par de grands auteurs : Feu de brousse ; Chanson de ma savane (préface de Pierre Mac Orlan) ; Mon cœur est un oiseau des îles (préface de Paul Fort) - source : http://www.bookandyou.com/chapters/F508_1031.pdf
La route est longue
Vois la lumière ardente
Du soleil tropical
Sur la mer aveuglante
Tendre son trait brutal...
La futaie immobile,
Egoïste à midi
De son ombre, est hostile.
Le roseau se raidit
Le volcan se profile
Sur le ciel de satin
Et des bœufs, vont, en file,
Boire au marais lointain.
Le plumeau du palmiste
Ne brasse plus le vent ;
Il jalonne la piste
Où Roussit le chiendent.
Tout se tait, nulle haleine
Ne s'exhale, ou la peine
Leur a brisé la voix.
Mais sur la cime verte
D'un fier corossolier
Ton refrain monte, alerte,
Chante, beau sucrier !
À mon coeur qui t'écoute
Veux-tu donner ta voix ?
Petit oiseau, la route
Est longue devant moi !
La route est longue, longue
Sous le soleil de feu.
Ma route est longue, longue,
Mais ton ciel est si bleu !
Florette Morand
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Un poème de nostalgie lyrique :
Sur deux notes
J’ai laissé là-bas l’odeur des muscades,
L’ananas royal mûri dans le champ,
La rivière rouge avec ses cascades,
Le basalte bleu de ses lits de camp.
J’ai laissé là-bas l’ambre des cythéres,
Le vol de la grive et du bengali,
Sous le calumet de la Soufrière
Les bois couleur de lapis-lazuli,
Le paysan noir, son patois créole,
Nostalgique au loin la voix du tambour,
Le lumignon vert de la luciole
Et le nonchaloir des chansons d’amour.
Ici, j’ai trouvé la neige, l’automne,
L’or de la moisson, l’if et le sapin,
Les ceps mordorés près de la Garonne,
L’esprit de Paris, la rive du Rhin…
Mais vous me hantez, magiques Antilles !
Quand résonnera le gong du retour
Sous les gommiers, dans l’encens des vanilles,
Ce vieux continent, l’oublierai-je un jour ?
Enfin, je comprends combien je vous aime,
O terre de France et sol tropical !
En moi confondus, vous êtes la gemme
Dont le feu m’éclaire ainsi qu’un fanal.
Florette Morand ("Chanson de ma savane", préface de Pierre Mac-Orlan, Librairie de l'Escalier,1959)
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Roger Toumson est né en Guadeloupe en 1946. Chercheur universitaire en littérature, c'est un essayiste et un poète. Les deux derniers recueils en date : la Lyre et l’Archet (Édition Ibis Rouge, 2001) ; Estuaires (Éditions Mémoires d'Encrier, 2008).
site de l'auteur : http://www.rogertoumson.com/
"S’agissant de l’écrivain antillais, cette double question s’engage : qui et quel est-il ? En la posant, l’on est conduit à aborder l’embarrassant problème de l’identité culturelle, eu égard au processus si complexe de la colonisation et du peuplement des îles concernées". ("Transgression des couleurs, littérature et langage des Antilles, XVIIIe, XIXe et XXe siècles, Éditions caribéennes, 1989) - source de la citation : Wikipédia
(préface de Paul Fort) - source : http://www.bookandyou.com/chapters/F508_1031.pdf
Aurore
À l’extrémité de la pointe
des châteaux
l’Anse des Colibris
au sommet d’un éperon de la falaise
se dresse une croix
qui fut édifiée par les soins de l’évêché
- À la gloire éternelle de la vierge du Grand Retour -
au pied de la croix
une table d’orientation où se lisent
gravés dans le basalte
des vers anciens
au nord prochain
la Désirade que sépare de l’extrémité crayeuse du
promontoire
- curiosité géologique sans égale dans cet univers
pourtant coutumier des exceptions
entre l’océan Atlantique et la mer Caraïbe -
le canal écumant
on imagine plus loin
la porte d’Enfer
et la Pointe de la Grande Vigie
où nichent
revenues* du Groenland
on ne sait par quelles voies
impénétrables comme une ténèbre
les sternes.
Roger Toumson ("la Lyre et l’Archet", Édition Ibis Rouge, 2001) - * revenues s'accorde au féminin : la sterne est un oiseau marin
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Antilia
L’oiseau prend son envol
la pierre retombe
- la mangrove littorale
l’arrière-mangrove des coupantes
les mangles
le col de l’échelle
les clusias
les latanes
les nuées sulfureuse
les moulins
les palans
les ridelles
l’acacia
le menfenil
la digue -
pour solde de tout compte.
Roger Toumson ("la Lyre et l’Archet", Édition Ibis Rouge, 2001) - * revenues s'accorde au féminin : la sterne est un oiseau marin
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Gerty Dambury , romancière, nouvelliste, poète, actrice et dramaturge, est née en 1957 à Pointe-à-Pitre.
Le texte qui suit est extrait de Rabordaille, recueil de poésie adapté à la mise en scène théâtrale (Festival d’Avignon 1989) :
"Je n’ai pas essayé de rendre théâtrale la poésie, je l’ai dite et elle est restée finalement un domaine accessible à ceux à qui elle aurait été accessible de toute façon, même simplement écrite". (entretien avec Stéphanie Bérard, mis en ligne sur "d'île en île", à cette adrese : http://www.lehman.cuny.edu/ile.en.ile/paroles/dambury_entretien.html#2)
Evulsion* (extrait)
Mon Île disloquée
Exhumant
Dans la douceur moite de ses renoncements
une flèche de canne velours
l’odeur des prunes café dans la fraîcheur des mornes
l’obsédante et lourde exhalaison marine
des mangroves
qui se font
se défont
dans l’immobilité des fanges frissonnantes
explosion silencieuse
qui sema l’aboulie dans mon corps
éloigné
de la source, de la chaleur
de mon premier regard
ouvert
à la romance des voix cassées d’humidité
Schisme silencieux
Défait,
le simple de ma vie
laine fragile effilochée
déjà...
déjà...
cette évulsion *
Gerty Dambury (“Rabordaille“, 1989) - *évulsion : terme du lexique médical, arrachement, extirpation, extraction
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Un poème de Judes Lanimarac (aucun élément de biographie, mais il semble bien que le prénom Judes se termine par "s"), a été emprunté à l'adresse déjà citée (à copier-coller dans votre navigateur pour accéder au PDF) : http://www.bookandyou.com/chapters/F508_1031.pdf.
Il nous a paru intéressant de présenter ce poème, comme un modèle de création poétique sur le thème du paysage
En acrostiche (lecture verticale de la première lettre de chaque vers), Jude Lanimarac dessine la géographie, île après île,des villages et des villes de sa Guadeloupe :
L’arôme
Surplombant l’océan, aux eaux tumultueuses,
Aucun autre parfum, ne peut te surpasser,
Instigateur du bien, dont les ondes chaleureuses,
Naviguent sereinement, sans jamais se lasser,
Toujours pour apaiser, les âmes très malheureuses.
Fraternité et paix, sont pour toi les habits,
Resplendissants et beaux, qui font de toi une fée,
Admirée et sensible, à l’instar d’une brebis,
Nouvellement arrivée à sa maturité.
Ça et là, en ton sein, parsemé d’un arôme,
Oxygénant ton air, se voit un grand amour,
Illuminé de joie, tel un objet en chrome,
Sous l’effet du soleil, survolant son contour.
Jude Lanimarac (recueil : "Et si la Guadeloupe vous était dévoilée" )
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Hector Poullet est présenté à la même adresse (http://www.bookandyou.com/chapters/F508_1031.pdf.), orthographié par erreur "Poulet". On le retrouve ailleurs, sur la toile, avec les ouvrages des éditions Art, entre-autres. Professeur de créole, ardent défenseur et propagateur de "la créolité", il est l'auteur de divers ouvrages linguistiques, dont un lexique français-créole* ("Zakari : Mil mo kréyòl bòkaz = Mille mots du créole guadeloupéen de tous les jours", éditions Art, 2006). hector Poullet est également poète, conteur fabuliste, adepte donc de pawòl-fonnkè (voir ci-après).
* L'éditeur présente de cet ouvrage quelques savoureux extraits :
frousse : latranblad
gueule de bois, état des lendemains de beuverie : malmakak
libellule : zing-zing
luciole : klendenden
poésie, paroles sincères (du fond du cœur) : pawòl-fonnkè
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Poème évoquant La Guadeloupe, et la sagesse du poète, dans l'acceptation des caprices de son île changeante :
Un jour de colère
Un jour de colère
tu te gonfles comme un poisson-lune
un jour de douceur
ta bouche est en fleur
Il ne faut pas espérer
téter sans cesse
le lait de la vie
il faut savoir marier
le soleil avec la pluie
Un jour de couleur
l’enfer embrasse ton coeur
mais un jour de miel
comme tu es suave !
Il ne faut pas espérer
téter sans cesse
le lait de la vie
il faut savoir marier
Douleur avec Plaisir
Un de tes amis meurt
tu es brisé de chagrin
un enfant naît
ton coeur est en fête
Il ne faut pas espérer
téter sans cesse
le lait de la vie
il faut savoir marier
la Mort avec la Vie
Hector Poullet ("Paroles en l’air" , éditions Desormeaux, 1978)
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Max Rippon est né en 1944 à Marie-Galante, "l'île aux cent moulins", qui appartient à l'archipel de la Guadeloupe. Il vit aujourd'hui sur l'île Guadeloupe.
Marie-Galante et l'île bretonne de Belle-Île-en-mer sont liées par un jumelage officiel (initié en 2007 à l'occasion du départ de la course transatlantique en solitaire Trophée BPE, avec un concert de Laurent Voulzy pour cet événement).
Belle-Île-en-Mer
Marie-Galante
Saint-Vincent
Loin Singapour
Seymour Ceylan
Vous c'est l'eau, c'est l'eau
Qui vous sépare
Et vous laisse à part ....
- refrain de la chanson "Belle-Île-en-mer, de Laurent Voulzy -
Poème de Max Rippon sur Belle-Île-en-mer,
Début du poème, écrit par l'auteur en créole :
Gungu-henna fattaroo
A ga goro karga guusaa ra kaŋ fansandi tondi baana game irkoy-woyoo Saaraa Beernar se
Teekoo ga cenda ganda here, nga bondayzey ga hooray, k'ay cewiizey logu
Bonday-tufa firsantey g'ay mumusuroo ciiri-ciirandi
Sõyante, de ay ga hongu
Jiirey kaŋ a goo nda fellaa ra
Serrante nga kanje yuttey ra
Ne ya haya kul g'ay hundoo noo baani kaŋ si nda adadaw...
A ga mooru denji jerantaa naarumi barikoyey ceroo
Hari game da nungu moora koyne
Kaŋ i dere ka maawoo daŋ kawoo
[...]
et la traduction du poème complet en français par "Berandikaa : M Houssouba". On trouvera sur la page référencée, le texte intégral dans les deux langues (source : www.songhay.org/documents/SortirBelleIle.pdf)
Traduction :
Au sortir de Belle-Île
Assis au fond du fauteuil creusé dans la roche tendre pour la divine Sarah Bernard
La mer en bas s’étire et les vaguelettes jouent à me lécher les orteils
Les embruns salent mon sourire
Et je songe en silence
Au fort de ses années de gloire
Rigide dans ses angles purs
Tout ici procure à mon âme une paix incommensurable…
Au loin le phare levé l’ami des coursiers au long cours
Et plus au large dans le lointain
Improprement nommé le continent
Où nos rêves vont s’échouer…
Un chemin balisé libre de son ivresse
Une pousse imprudente qui meurt sous nos pas
Un faisan fait la cour à sa poule convoitée
Et le lièvre espiègle pointe l’oreille
Tout est calme en ce lieu
La brise fraîche fait son chant susurré…
Quand de la berge la mer se retire dénudant les récifs
Les pêcheurs à pieds occupent les lieux où se prélassent les coquillages variés
Je retournerai à Belle-Île
Voir la mer revenir saluer les prés
Où paissent les moutons par milliers
Blanches boules de laine dominant les falaises de la Port Coton
Voilà au pied des vagues les cierges dressés dans leur bougeoir d’azur
Voilà les lames argentées concassant les phalanges des falaises
Où nichent les cormorans capricieux au vol indécis
Voilà l’autre phare altier pareil à une vigie qui prend le quart
De Belle-Ile je garde ces instants de ces enfants
Qui vous embrassent pour dire merci
De cette saline reconvertie
Sans donner la fleur au sel
Du far que l’on déguste à table
Pour emporter le pays dans son cœur
Et ces dents qui manquent aux enfants rencontrés
Et leurs mains tendues qu’on à peine à quitter…
Tout ici me parle d‘amour de paix et de volupté
Max Rippon