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15 mai 2009

Georges-Emmanuel CLANCIER, Paul CLAUDEL - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

George-Emmanuel Clancier, né en 1914, est un écrivain romancier, poète, critique littéraire, journaliste (presse écrite et radio).
Son grand roman en plusieurs tomes, Le pain noir (éditions Robert Laffont, à partir de 1956), qui raconte l'histoire de sa famille maternelle (on parlerait aujourd'hui d'une saga familiale), est son œuvre la plus connue. Il a été porté à l'écran pour la télévision.
On trouve Le pain noir en livre de poche (éditions J'ai Lu).
Voici deux textes extraits de Terres de mémoire, recueil de 1965, réédité en 2003 :

 Les ajoncs, la pierraille ...

Les ajoncs, la pierraille au sursis de l'hiver,
Haute ruine aux lambeaux de songe,
Tous les siècles de l'obscur dans le vent,
La vallée, le grand pays familier et désert.
Le couple né de ces granits, de ces racines,
Et moi qui porte au fond des mots, au fond du sang
Je ne sais quel appel, je ne sais quel écho
De ce passage de serfs et de guerriers,
De vagabonds, de paysans et de rois,
D'enfances tenaces et terrifiées,
L'effrayante ou miraculeuse saveur
D'une lézarde entre deux nuits.

Georges-Emmanuel Clancier ("Terres de mémoire"- éditions Robert Laffont, 1965 et  "Terres de mémoire suivi de Vrai visage" - La Table Ronde, collection "la petite vermillon", 2003)

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Escales

Flûte lointaine à travers les défilés,
Flûte et battements de mains heureuses,
Chant du souvenir et des espaces,
Chant du Pérou sur l'autre rive,
Là-bas sur l'autre rive des nuits :
Los Indios, los Indios ,tristesse
À perdre haleine aux plateaux de Cuzco,
Lamas et guenilles, enfance noire
Sous les blocs,sous les ruines Incas.
Je vous le dis, tapis au fond du songe
Il existe des pays tendres et féroces.
Flûte lointaine et battements de mains heureuses,
Flûte lointaine à travers tant de défilés.

Georges-Emmanuel Clancier (idem : "Terres de mémoire" - 1965 et 2003)

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Autre texte :

Le guet

Sur le fin taillis des ramilles
À contre-jour du ciel d’hiver
Longtemps l’oiseau en silhouette
Noire surveillait l’horizon.

Te voyait-il à ta lucarne
Vieil homme incertain de lui-même
Entre lassitude et bonheur
D’un œil inquiet le contemplant ?

De l’oiseau corneille ou corbeau
Guetteur à la cime des branches,
Du rêveur perdu dans la neige
De l’âge et des pensées frileuse

Lequel des deux inventait l’autre
Lequel à la vie démentielle,
Somptueuse, éparse en l’univers,
Serait messager du futur ?

Georges-Emmanuel Clancier



Paul Claudel, (1868-1955) est connu pour ses pièces de théâtre ("Le soulier de satin") et son oeuvre poétique, marquée par sa foi catholique. Il a été aussi diplomate. C'est le frère de l'artiste sculptrice Camille Claudel.

C'est dans le presbytère de Villeneuve-sur-Fère, petit village de Picardie (dans l'Aisne, le Tardenois), qu'est né Paul Claudel. Il en dessine dans ces deux passages du même ouvrage*, le paysage fantastique :

"Le premier quartier de lune, brillant au milieu d’un immense halo, éclaire une butte toute couverte de bruyères et de sable blanc" ... Des pierres monstrueuses, des grès aux formes fantastiques s’en détachent. Ils ressemblent aux bêtes des âges fossiles, à des monuments inexplicables, à des idoles ayant mal poussé encore leurs membres et leurs têtes"...

Paul Claudel ("La Jeune Fille Violaine", Mercure de France, 1906) - * Il s'agit d'une pièce de théâtre, sous deux versions successives (1892 et 1899), qui, profondément remaniée une nouvelle fois par l'auteur, deviendra en 1911 son célèbre drame : "L'Annonce faite à Marie".

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"… La Providence, dès mon berceau, m'a assuré un poste sur un promontoire. Une vue sur la mer. Non point une mer liquide, mais un océan céréal prolongeant sa houle d'émeraude et de feu jusqu'aux extrémités de l'horizon. Une plaine d'or mûrissant sur laquelle l'été promène l'ombre des grands nuages empourprés. Dès mon enfance, je n'ai cessé de recevoir sur mon visage cette haleine de solennité et de tempête. Tout à l'infini était libre et ouvert devant moi. Elle était grande ouverte devant moi, et je la contemplais d'un œil avide, cette porte immense par laquelle il ne cesse d'arriver quelque chose ! ...
"Par derrière il y a la forêt, cette sombre forêt de Beuvardes et de la Tournelle sur le seuil de qui jaillit cette fontaine, accompagnée d'un lavoir désert, qu'on appelle la fontaine de la Sibylle.
"Quel beau pays ! quel rude et sévère pays à l'écart de tout ! quel vieux pays, un des plus vieux de notre Gaule immémoriale ! Un coin de ce Tardenois gallo-romain, dont le sol livre encore des fragments de poterie, des monnaies barbares et des lames d'épées. On voit près de Fère ce rocher isolé appelé le Grès-qui-va-boire parce qu'au coucher du soleil son ombre essaie d'atteindre l'Ourcq..."
(Paul Claudel, 1948 - source du passage qui précède : http://www.paul-claudel.net/node/28/)

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 Salut, pays* !

Salut, village ! Hier depuis la route
J'ai reconnu à la crête de la colline
Les maisons parmi les clos.
Et, se découpant sur les nuées telles qu'un
Pays blanc, plein de montagnes et de précipices,
La vieille église avec son clocher qui penche !
Salut, pays !

Paul Claudel ("La Jeune Fille Violaine", Mercure de France, 1906) - * "pays" est ici le synonyme affectueux de "village"

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Paysage français

La rivière sans se dépêcher
Arrive au fond de la vallée

Assez large pour qu’un pont
La traverse d’un seul bond

Le clocher par-dessus la ville
Annonce une heure tranquille

Le dîner sera bientôt prêt
Tout le monde l’attend, au frais,

On entend les gens qui causent
Les jardins sont pleins de roses

Le rose propage et propose
L’ombre rouge à l’ombre rose

La campagne fait le pain
La colline fait le vin

C’est une sainte besogne
Le vin, c’est le vin de Bourgogne!

Le citoyen fort et farouche
Porte son verre à sa bouche

Mais la poule pousse affairée
Sa poulaille au poulailler

Tout le monde a fait son devoir
En voilà jusqu’à ce soir.

Le soleil dit:
Il est midi.

Paul Claudel ("Poésies diverses", Mercure de France, 1935 - réédité avec 14 autres poèmes illustrés dans "Dodoitzu et l'escargot alpiniste", Gallimard Jeunesse, 2005)



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