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15 mai 2009

Madeleine RIFFAUD, Ann ROCARD, Pierre de RONSARD - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

 

Madeleine Riffaud est née en 1924. Résistante contre le nazisme, journaliste engagée (grand reporter pour le quotidien communiste L'Humanité), elle a publié des romans et des poèmes.

Un magnifique poème court :

Nuit

Il fait noir
Acceptons la nuit,
Nuit :
Terre à étoiles.

Madeleine Riffaud ("On l'appelait Rainer : 1939-1945" - Éditions Julliard, 1994)

 



Ann Rocard est née en 1954. On découvrira ses poèmes et ses nombreuses activités sur son site, ici : http://www.annrocard.com/ 

Bien au chaud

Dans ma maison, bien au chaud,
je vois le jour qui s'enfuit
et les étoiles là-haut
qui s'allument dans la nuit.
J'entends le vent qui s'élance
entre les tuiles du toit
et les grands arbres qui dansent
à la lisière du bois.
Chez moi, je suis à l'abri.
Je bois un bon lait bouillant.
Je n'ai pas peur de la pluie,
de l'hiver et du grand vent.

Ann Rocard



Pierre de Ronsard (1524-1585) a fondé avec Joachim du Bellay (voir son paragraphe dans cette même catégorie), le groupe de sept poètes appelé "La Pléïade".

On a cité, pour la mise en vers de la vallée de la Bièvre, Victor Hugo et Jean Moréas, (voir leurs paragraphes respectifs). Voici l'allusion de Ronsard à cette rivière, du côté d'Arcueil (Val-de-Marne) et de sa "source voisine".
On l'aperçoit au détour d'un des sonnets à Hélène, dont on a conservé le joli langage en ancien français :

XXXIII

[...]

Tu es deux fois venue à Paris, et tu fais
Semblant de n'y venir, afin que mon martire
Ne s'allege, en voyant ton œil que je desire,
Ton œil qui me nourrit par l'objet de ses rais.

Tu vas bien à Hercueil avecque ta cousine
Voir les prez, les jardins, et la source voisine
De l'Antre, où j'ay chanté tant de divers accords.

Tu devois m'appeler, oublieuse Maistresse :
Dans ton coche porté je n'eusse fait grand presse :
Car je ne suis plus rien qu'un fantaume sans corps.

Pierre de Ronsard ("Sonnets pour Hélène", 1578)

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Ronsard a célébré une autre source (ou "fontaine"), dans le Vendômois, qui est sa "terre paternelle". Il chante cette "fontaine" dans plusieurs odes, imitées d'Horace (Ode à la fontaine de Bandusie). Voici la plus connue, accomplissant le souhait du poète : "
Commandant à la mémoire / Que tu vives par mes vers" :

Ode à la Fontaine Bellerie

O fontaine Bellerie
Belle fontaine chérie
De nos nymphes, quand ton eau
Les cache au creux de ta source
Fuyantes le satyreau
Qui les pourchasse à la course
Jusqu’au bord de ton ruisseau ;
Tu es la nymphe éternelle
De ma terre paternelle :
Pour ce, en ce pré verdelet,
Vois ton poète qui t’orne
D’un petit chevreau de lait
À qui l’une et l’autre corne
Sortent du front nouvelet.
L’été je dors ou repose
Sur ton herbe, où je compose,
Caché sous tes saules verts,
Je ne sais quoi, qui* ta gloire
Enverra par l’univers,
Commandant à la mémoire
Que tu vives par mes vers.
L’ardeur de la canicule
Ton vert rivage ne brûle,
Tellement qu’en toutes parts
Ton ombre est épaisse et drue
Aux pasteurs venant des parcs,
Aux bœufs las de la charrue,
Et au bestial épars.
Io, tu seras sans cesse
Des fontaines la princesse,
Moi célébrant le conduit
Du rocher percé, qui darde
Avec un enroué bruit
L’eau de ta source jasarde
Qui trépillante se suit.


Pierre de Ronsard ("Odes", 1553) - * plus justement en français moderne : "que"

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Voici le texte intégral d'un poème, lui aussi des plus connus, écologique avant la lettre. Il reste de cette grande forêt de Gastine, "le bois de Gâtine" et ses étangs, site heureusement protégé du Loir-et-Cher.
On propose en général de ce texte le passage à partir de "
Écoute, bûcheron," passage dont le texte  a été légèrement modernisé :

Contre les bûcherons de la forêt de Gastine

Quiconque aura premier la main embesognée
A te couper, forêt, d’une dure cognée,
Qu’il puisse s’enferrer de son propre bâton,
Et sente en l’estomac la faim d’Erisichton,
Qui coupa de Cérès le Chêne vénérable
Et qui gourmand de tout, de tout insatiable,
Les bœufs et les moutons de sa mère égorgea,
Puis, pressé de la faim, soi-même se mangea :
Ainsi puisse engloutir ses rentes et sa terre,
Et se dévore après par les dents de la guerre.

Qu’il puisse pour venger le sang de nos forêts,
Toujours nouveaux emprunts sur nouveaux intérêts
Devoir à l’usurier, et qu’en fin il consomme
Tout son bien à payer la principale somme !

Que toujours sans repos ne face en son cerveau
Que tramer pour néant quelque dessein nouveau,
Porté d’impatience et de fureur diverse,
Et de mauvais conseil qui les hommes renverse !

Écoute, bûcheron, arrête un peu le bras;
Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas ;
Ne vois-tu pas le sang, lequel dégoutte à force
Des nymphes qui vivaient dessous la dure écorce ?

Sacrilège meurtrier, si on pend un voleur
Pour piller un butin de bien peu de valeur,
Combien de feux, de fers, de morts et de détresses
Mérites-tu, méchant, pour tuer nos déesses ?

Forêt, haute maison des oiseaux bocagers !
Plus le cerf solitaire et les chevreuils légers
Ne paîtront sous ton ombre, et ta verte crinière
Plus du soleil d'été ne rompra la lumière.

Plus l'amoureux pasteur sur un tronc adossé,
Enflant son flageolet à quatre trous percé,
Son mâtin à ses pieds, à son flanc la houlette,
Ne dira plus l'ardeur de sa belle Janette.

Tout deviendra muet, Écho sera sans voix ;
Tu deviendras campagne, et, en lieu de tes bois,
Dont l'ombrage incertain lentement se remue,
Tu sentiras le soc, le coutre et la charrue ;
Tu perdras le silence, et haletants d'effroi
Ni Satyres ni Pans ne viendront plus chez toi.

Adieu, vieille forêt, le jouet de Zéphire,
Où premier j'accordai les langues de ma lyre,
Où premier j'entendis les flèches résonner
D'Apollon, qui me vint tout le coeur étonner,
Où premier, admirant ma belle Calliope,
Je devins amoureux de sa neuvaine trope,
Quand sa main sur le front cent roses me jeta,
Et de son propre lait Euterpe m'allaita.

Adieu, vieille forêt, adieu têtes sacrées,
De tableaux et de fleurs autrefois honorées.
Maintenant le dédain des passants altérés,
Qui, brûlés en l'été des rayons éthérés,
Sans plus trouver le frais de tes douces verdures,
Accusent tes meurtriers et leur disent injures.

Adieu, chênes, couronne aux vaillants citoyens.
Arbres de Jupiter, germes Dodonéens,
Qui premiers aux humains donnâtes à repaître ;
Peuples vraiment ingrats, qui n'ont su reconnaître
Les biens reçus de vous, peuples vraiment grossiers
De massacrer ainsi leurs pères nourriciers !

Que l'homme est malheureux qui au monde se fie !
Ô dieux, que véritable est la philosophie,
Qui dit que toute chose à la fin périra,
Et qu'en changeant de forme une autre vêtira !

De Tempé la vallée un jour sera montagne,
Et la cime d'Athos une large campagne ;
Neptune quelquefois de blé sera couvert :
La matière demeure et la forme se perd.

Pierre de Ronsard ("Élégies", élégie XXIV, 1565)

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Un beau poème d'amour, où le paysage est pris à témoin, proposé pour ce thème 2011 du paysage, par le site du Printemps des Poètes à l'adresse (à copier-coller) : http://www.printempsdespoetes.com

le premier Livre des Amours

consacré à Cassandre (1)

XV

Ciel, air et vents, plains et monts découverts

Ciel, air et vents, plains et monts découverts,
Tertres vineux et forêts verdoyantes,
Rivages torts et sources ondoyantes,
Taillis rasés et vous bocages verts,
Antres moussus à demi-front ouverts,
Prés, boutons, fleurs et herbes roussoyantes*,
Vallons bossus et plages blondoyantes,
Et vous rochers, les hôtes de mes vers,
Puis qu'au partir, rongé de soin et d'ire,
À ce bel œil Adieu je n'ai su dire,
Qui près et loin me détient en émoi,
Je vous supplie, Ciel, air, vents, monts et plaines,
Taillis, forêts, rivages et fontaines,
Antres, prés, fleurs, dites-le-lui pour moi.
 

Pierre de Ronsard ("le premier Livre des Amours", consacré à Cassandre, 1552, puis 1584)
(1) Cassandre est le prénom d'une jeune fille, que Ronsard rencontra à Blois, et dont on peut se douter qu'il fut amoureux, puisqu'il lui a consacré un recueil entier.
* "roussoyantes" n'est pas dérivé de "roux", cet adjectif signifie ici couvertes de rosée



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