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15 mai 2009

Francis CARCO ; Maurice CARÊME ; André CASTAGNOU - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Francis Carco (1886-1958) est un romancier, auteur de Jésus la Caille, L'Homme traqué... et le poète de Premiers vers, La Bohème et mon cœur, Chansons aigre-douces... Il fréquente les milieux artistiques parisiens, où il rencontre les poètes Guillaume Apollinaire et Max Jacob.

La fenêtre

La fenêtre est ouverte et le jardin s'endort,
Longuement, avec des bruits d'eau et des murmures
D'invisibles oiseaux blottis dans les ramures
Que le soir a tiédies de sa caresse d'or.

La fenêtre est ouverte. Et monte le silence
Du c
œur des fleurs, du cœur de l'ombre jusqu'à nous
Qui, pensifs, l'écoutons venir à pas très doux
Du fond de notre obscure et grave conscience.

La fenêtre est ouverte...et le jardin n'est plus
Qu'une chose confuse et doucement lointaine
Où l'on entend parfois, aux rumeurs des fontaines,
Bouger les ailes des oiseaux qui se sont tus.

Francis Carco ("Premiers vers", Éditions Albin Michel, 1904-1910)

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Chanson

Des saules et des peupliers
Bordent la rive.
Entends, contre les vieux piliers
Du pont, l'eau vive !

Elle chante comme une voix
Jase et s'amuse,
Et puis s'écrase sur le bois
Frais de l'écluse.

Le moulin tourne. Il fait si bon,
Quand tout vous laisse,
S'abandonner, doux vagabond,
Dans l'herbe épaisse !

Francis Carco ("La Bohème et mon cœur", Éditions Albin Michel, 1912)

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On ne gardera pour les classes élémentaires que la première strophe de ce poème d'amour. Le texte intégral est ici : http://www.per-bast.com/poemes-coup-de-coeur/46-poemes-cdc/956-printemps-franciscarco-.html

Printemps

Je te donne ce coin fleuri,
Ces arbres légers, cette brume
Et Paris, au loin qui s’allume
Sous ces nuages blancs et gris.   
[...
]

Francis Carco ("La Bohème et mon cœur", Éditions Albin Michel, 1912)



Maurice Carême, instituteur et poète belge (1899-1978) est présent dans chaque cahier de poésie des élèves de France et de Navarre (et de Belgique bien sûr), et ses textes se baladent un peu partout sur le blog. Explorez les catégories !

Dans son ouvrage "Le jour s'en va toujours trop tôt - Sur les pas de Maurice Carême" (éditions Racine, 2007), Jeannine Burny, qui fut sa muse et sa secrétaire (elle est aujourd'hui présidente de l'association "Les Amis de Maurice Carême"), raconte les sources d'inspiration du poète.

"[...] Maurice aimait faire de longues randonnées dans la campagne. [...] Nous étions venus par les hauts plateaux dominant la ville basses de Montmédy. Malgré notre carte d'état-major, nous n'avions pas trouvé le sentier descendant sur Avioth. Le chemin s'était arrêté net devant nous, coupé par des fourrés épineux. En contrebas, nous apercevions la route qui filat vers l'église. Le sentier avait bel et bien disparu, envahi par la végétation. [...] Nous nous frayâmes un chemin et nous passâmes malgré quelques égratignures. Au sortir d'Avioth nous connaissions l"itinéraire. Il passait par Breux et rejoignait Margny [...] "

Entre Margny et Breux

Le silence est si transparent
Qu’il suffit d’un vague moustique
Pour le rayer profondément
De son diamant mélodique.
Les troupeaux se sont confondus
Avec les ombres des taillis.
Le ruisseau aussi s’est perdu.
Où sont passées les hirondelles ?
La forêt a fermé ses ailes.
Les peupliers sont bleus de nuit.

Maurice Carême ("Entre Margny et Breux", 1958)

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Les première poésies de Maurice Carême sont éditées en 1925 dans le recueil "63 illustrations pour un jeu de l'oie" :

Le ciel

Derrière le long treillis
Tramé par les branches nues
Des arbres de l'avenue,
Le ciel semble un pré bleui
Où paît, agneau nonchalant

Ébouriffé par le vent,
Un petit nuage blanc.

Maurice Carême ("63 illustrations pour un jeu de l'oie", éditions de la "Revue Sincère", Bruxelles, 1925)

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L'automne

L'automne au coin du bois,
Joue de l'harmonica.
Quelle joie chez les feuilles !
Elles valsent au bras
Du vent qui les emporte.
On dit qu'elles sont mortes,
Mais personne n'y croit.
L 'automne au coin du bois,
Joue de l'harmonica.

Maurice Carême ("La lanterne magique", Éditions Ouvrières, 1947)

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Le nuage

Un nuage, parmi les autres,
Reforme sans cesse un visage.
Il promène sur les villages
Un regard dont il ne sait rien,
Et s'il sourit au paysage,
Ce sourire n'est pas le sien.

Mais l'homme qui le voit sourire
Et qui sourit à son passage,
En sut-il jamais davantage ?

Maurice Carême

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La grille est toute blanche

La grille est toute blanche
Et le perron tout rose.
Un vent clair y balance
Un rosier plein de roses.

Et les pigeons sont blancs
Sur les ardoises bleues,
Un peu moins bleues pourtant
Que le bleu doux des cieux.

Le chèvrefeuille est jaune
Qui monte autour de l'aune,
Jaune aussi, le vieux faune,

Mais près de l'arrosoir
Vert, vert à n'y pas croire,
Le chat, lui, est tout noir.

Maurice Carême

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Le brouillard 

Le brouillard a tout mis
Dans son sac de coton ;
Le brouillard a tout pris
Autour de ma maison.

Plus de fleur au jardin,
Plus d’arbre dans l’allée ;
La serre du voisin
Semble s’être envolée.

Et je ne sais vraiment
Où peut s’être posé
Le moineau que j’entends
Si tristement crier.

Maurice Carême

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Automne en ville

Les quelques arbres de la ville,
Avec un ensemble émouvant,
Font pleuvoir leurs feuilles tranquilles
Sur les enfants.

Et l’on dirait que dans les rues
Et dans les cours où l’ombre dort,
Une main inconnue
Fait doucement pleuvoir de l’or.

Les tramways vont, les autos filent,
Les gens se pressent sans rien voir,
Un avion fait sur la ville
Une ombre de grand oiseau noir.

Un large soleil de nickel
Brille, glacé, aux devantures.
Plus un ange ne s’aventure
Sur les hauts trapèzes du ciel.

Et polie ainsi qu’un ivoire
Derrière un petit rideau blanc,
Une vieille sourit de voir
S’affairer sans fin les passants.

Maurice Carême

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L'homme et l'enfant

Ce n’est qu’un homme et un petit enfant
Dans une allée d’automne,
Un homme et un enfant s’en allant, souriant,
Sous une pluie de feuilles jaunes.

Ils ne se disent rien. L’enfant regarde
L’homme qui lui sourit.
Et ils s’en vont, main dans la main, sous les grands arbres
Vers un toit qui reluit.

Sur les arbres montrant obstinément leurs nids,
Le ciel se dore comme un fruit.
Ce n’est qu’un homme et un petit enfant,

Et l’on dirait que, tout joyeux, l’automne
Marche devant eux en semant
Du soleil et des feuilles jaunes.

Maurice Carême

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Il a neigé

Il a neigé dans l'aube rose
Si doucement neigé,
Que le chaton croit rêver.
C'est à peine s'il ose
Marcher.

Il a neigé dans l'aube rose
Si doucement neigé,
Que les choses
Semblent avoir changé.

Et le chaton noir n'ose
S'aventurer dans le verger,
Se sentant soudain étranger
À cette blancheur où se posent,
Comme pour le narguer,
Des moineaux effrontés.

Maurice Carême

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Le sentier se perdait

Le sentier là-bas se perdait
Dans une odeur de serpolet
Où, beuglant sans fin, de grands boeufs
Devenaient vaporeux.
Juste à la pointe du clocher,
L'étoile du berger
Paraissait se poser
Comme une flamme
Sur un haut chandelier.
Et là-bas, de la cheminée
De la maison, une fumée
S'élevait et puis s'inclinait
Pareille à une main
Qui ne cessait de m'appeler
Par dessus les jardins.

Maurice Carême ("L'Arlequin", éditions Nathan, 1970) - emprunté à la documentation du Printemps des Poètes 2011 : http://www.printempsdespoetes.com/file_base/pjs/PJ753_selection_jeunesse.pdf

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Quelques textes sur le paysage maritime :

Que la mer est belle !

Dieu ! qu’aujourd’hui la mer est belle !
Le dirai-je jamais assez.
Belle, mais belle à le crier
Pour qu’on l’entende jusqu’au ciel.

Imaginez-vous un vert jade,
Puis à l’horizon, un vert sombre
Qui la souligne ainsi qu’une ombre
Comme un tableau l’est par son cadre.

Devant, une longue estacade
De pierre dont le gris de perle
Souligne encor la splendeur verte.

Oh ! je sais bien que je divague,
Que je dirais n’importe quoi
À voir la mer comme elle est là.

Maurice Carême ("Sac au dos", à paraitre)

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Je sais ...

Je sais, mer du Nord, tu es là
Si grande, si nue devant moi.

Pour enlever ta robe d’aube,
Le ciel entier ne suffit pas.

Et pourtant, mer, je te prendrai,
Tu te traîneras à mes pieds.

D’un mot plus fascinant qu’un charme,
Je réveillerai tes vacarmes.

Je te donnerai la couleur,
La courbe heureuse de mon cœur.

Et tu te coucheras sans voir
Que tu tiens toute dans mes yeux

Avec mon étoile du soir
Piquée au bord de tes cheveux.

Maurice Carême ("Mer du Nord", éditions Fernand Nathan, Paris, 1971)

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La mer

Juste au milieu du jour,
La mer est toute ronde
Comme une belle montre
Que le soleil remonte.

Mais, le soir, elle est plate
À vous déconcerter *,
Et le soleil fâché
En devient écarlate.

La nuit, c’est encore pis.
On n’en voit qu’une aiguille
Lorsque la lune brille
Sur son verre terni.

N’empêche qu’elle chante,
De jour comme de nuit,
Qu’elle est bien moins méchante
Qu’on ne me l’avait dit

Et qu’au grand vent du nord,
Elle berce les heures
Comme des barques d’or
Dans la main du Seigneur.

Maurice Carême ("L'Arlequin", éditions Nathan, 1970) - * c'est bien "déconcerter", attention, on trouve sur le Net d'autres versions erronées

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Sur la plage

Les mouettes se sont dissoutes
Dans l'air indiciblement pâle.
Le sable est si blanc qu'on en doute.
Les dunes ont perdu leur hâle.
Seuls d'étonnants feux roses
Passent là-bas très haut dans l'air
En éclosant comme des roses
Dont le rosier serait la mer.

Maurice Carême ("L'Arlequin", éditions Nathan, 1970) - emprunté à la documentation du Printemps des Poètes 2011 : http://www.printempsdespoetes.com/file_base/pjs/PJ753_selection_jeunesse.pdf

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Gare isolée

On allume les lampes.
Un dernier pinson chante.
La gare est émouvante
En ce soir de septembre.

Elle reste seule
À l’écart des maisons,
Si seule à regarder
L’étoile du berger
Qui pleure à l’horizon
Entre deux vieux tilleuls.

Parfois un voyageur
S’arrête sur le quai,
Mais si las, si distrait,

Qu’il ne voit ni les lampes,
Ni le pinson qui chante,
Ni l’étoile qui pleure
En ce soir de septembre.

Et la banlieue le cueille,
Morne comme le vent
Qui disperse les feuilles
Sur la gare émouvante.

Maurice Carême  

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Étranges fleurs

L'automne met dans les lilas
D'étranges fleurs que nul ne voit,

Des fleurs aux tons si transparents
Qu'il faut avoir gardé longtemps

Son âme de petit enfant
Pour les voir le long des sentiers

Et pour pouvoir les assembler
En un seul bouquet de clarté

Comme font, à l'aube, les anges
Les mains pleines d'étoiles blanches...

Maurice Carême

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Le temps des vacances

C’est le temps béni des vacances.
Le vent fait des noeuds d’hirondelles.
Le jour est rond comme une amande.
Tout le village sent le miel.
Le soleil a pendu sa lampe
Juste au-dessus des vaches blanches
Etonnées de n’avoir plus d’ombre,
Mais les prairies qui, près du bois,
Tremblent doucement sous leurs poids
N’ont jamais été si profondes.

Maurice Carême

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L'écureuil

Un écureuil sur la bruyère
Se lave avec de la lumière
Une feuille morte descend
Doucement portée par le vent
Le vent attend pour la poser
Légèrement sur la bruyère
Que l'écureuil soit remonté
Sur le chêne de la clairière
Où il aime se balancer
Comme une feuille de lumière.

Maurice Carême



André Castagnou (1889-1942).

Le fleuve

Avec midi,
Solitaire, tu resplendis ;
le silence à tes bords gagne jusqu'aux oiseaux. 
J'ai surpris ton frémissement
quand la lune vient se baigner à tes roseaux.       
Mais dans le matin tournoyant
peut-être encore es-tu plus beau !

Parmi les chênes,
les pins
Et les dunes mouvantes,
jamais il ne s'achève, ton destin :
la source chante
là-haut, dans la montagne,
sans fin.
 

André Castagnou ("Les Quatre Saisons", Éditions Spolète, 1923)


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