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15 mai 2009

Paul VERLAINE, Anne VERNON, Gabriel VICAIRE - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Paul Verlaine (1844-1896)  est un des poètes français les plus connus. On pourra consulter ici une biographie et une bibliographie détaillées :
http://pagesperso-orange.fr/paul-verlaine/paul-verlaine/

Dans l'interminable ennui de la plaine
 
Dans l'interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable.

Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.

Comme les nuées
Flottent gris les chênes
Des forêts prochaines
Parmi les buées.

Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la Lune.

Corneille poussive
Et vous, les loups maigres,
Par ces bises aigres
Quoi donc vous arrive ?

Dans l'interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable
.

Paul Verlaine ("Romances sans paroles", 1874)

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La lune blanche

La lune blanche
Luit dans les bois
De chaque branche
Part une voix
Sous la ramée...
 
Ô bien-aimée.
 
L'étang reflète,
Profond miroir,
La silhouette
Du saule noir
Où le vent pleure...
 
Rêvons, c'est l'heure.
 
Un vaste et tendre
Apaisement
Semble descendre
Du firmament
Que l'astre irise...
 
C'est l'heure exquise
.

Paul Verlaine ("La bonne chanson", 1872)

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Le ciel est par-dessus le toit

Le ciel est, par-dessus le toit,
Si beau, si calme!
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme.
 
La cloche, dans le ciel qu'on voit,
Doucement tinte,
Un oiseau sur l'arbre qu'on voit,
Chante sa plainte.
 
Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là,
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville.
 
-Qu'as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?

Paul Verlaine ("Sagesse", 1880)

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Soleils couchants

Une aube affaiblie
Verse par les champs
La mélancolie
Des soleils couchants.

La mélancolie
Berce de doux chants
Mon coeur qui s'oublie
Aux soleils couchants.

Et d'étranges rêves,
Comme des soleils
Couchants, sur les grèves,
Fantômes vermeils,

Défilent sans trêve,
Défilent, pareils
A de grands soleils
Couchants sur les grèves.

Paul Verlaine ("Poèmes Saturniens", 1866)

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 Clair de lune

Votre âme est un paysage choisi
Que vont charmant masques et bergamasques
Jouant du luth et dansant et quasi
Tristes sous leurs déguisements fantasques.

Tout en chantant sur le mode mineur
L'amour vainqueur et la vie opportune,
Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur
Et leur chanson se mêle au clair de lune,

Au calme clair de lune triste et beau,
Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
Et sangloter d'extase les jets d'eau,
Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres
.

Paul Verlaine ("Fêtes galantes", 1869)

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L'heure du berger

La lune est rouge au brumeux horizon ;
Dans un brouillard qui danse, la prairie
S'endort fumeuse, et la grenouille crie
Par les joncs verts où circule un frisson ;

Les fleurs des eaux referment leurs corolles ;
Des peupliers profilent aux lointains,
Droits et serrés, leur spectres incertains ;
Vers les buissons errent les lucioles ;

Les chats-huants s'éveillent, et sans bruit
Rament l'air noir avec leurs ailes lourdes,
Et le zénith s'emplit de lueurs sourdes.
Blanche, Vénus émerge, et c'est la Nuit
.

Paul Verlaine ("Poèmes Saturniens", 1866)

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L'ombre des arbres dans la rivière embrumée

L'ombre des arbres dans la rivière embrumée
Meurt comme de la fumée
Tandis qu'en l'air, parmi les ramures réelles,
Se plaignent les tourterelles.

Combien, ô voyageur, ce paysage blême
Te mira blême toi-même,
Et que tristes pleuraient dans les hautes feuillées
Tes espérances noyées !

Paul Verlaine ("Romances sans paroles", 1874)

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Promenade sentimentale

Le couchant dardait ses rayons suprêmes
Et le vent berçait les nénuphars blêmes ;
Les grands nénuphars, entre les roseaux,
Tristement luisaient sur les calmes eaux.
Moi, j’errais tout seul, promenant ma plaie
Au long de l’étang, parmi la saulaie
Où la brume vague évoquait un grand
Fantôme laiteux se désespérant
Et pleurant avec la voix des sarcelles
Qui se rappelaient en battant des ailes
Parmi la saulaie où j’errais tout seul
Promenant ma plaie ; et l’épais linceul
Des ténèbres vint noyer les suprêmes
Rayons du couchant dans ces ondes blêmes
Et les nénuphars, parmi les roseaux,
Les grands nénuphars sur les calmes eaux
.

Paul Verlaine ("Poèmes Saturniens", 1866)



Anne Vernon, poète contemporaine, publie en 2003 son premier recueil, "Eaux-Fortes", illustré par Adeline Lorthios. Ne pensez pas que cet ouvrage est hors de prix en raison de son titre, non, il est de petit format et vendu 6,10 €.

En voici quelques fragments épars, paysages intimes :

 La plage ...

La plage
l'océan la roule sous ses vagues
et s'en retourne, pareil.

Seuls les récifs provoquent au large des remous.

C'est du moins
ce qu'on croit.

Mais que sait-on des pas perdus
que la plage achemine

sous prétexte de ressac
vers les grands fonds,

avec l'infinie lenteur
de qui peut toujours recommencer ?

Elle n'a pas à compter
elle aura toujours assez

pour qu'au moins quelques-uns parviennent

là où l'océan
fait sa mue d'eau limpide.

Anne Vernon ("Eaux-fortes" - éditions Donner à Voir, 2003)

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Certains jours ...

Certains jours
j'entends
je vois
les odeurs se souviennent de moi.

Je suis l'arbre et le ciel

j'ai des racines qui comprennent
les grouillements obscurs

une écorce pour
les bleus les plus rugueux

des feuilles qui ne craignent pas la chute
elles savent leurs saisons

Anne Vernon ("Eaux-fortes" - éditions Donner à Voir, 2003)

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Parfois ...

Parfois
plus de traces sur le sable

toutes effacées
surtout les tiennes.

Anne Vernon ("Eaux-fortes" - éditions Donner à Voir, 2003)

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Mes questions frangent le silence ...

Mes questions frangent le silence
de la plus sûre lumière

Elles font de mon chemin
un arbre
qui ne craint pas
la brûlure de la sève.

Anne Vernon ("Eaux-fortes" - éditions Donner à Voir, 2003)



Gabriel Vicaire (1848-1900), poète du plaisir de vivre, a passé son enfance dans la Bresse. Il se souvient ici d'un matin de neige dans cette région de l'est de la France :

Matin de neige

Quand j'ouvris ma fenêtre, oh ! quel enchantement !
De la neige partout avec un soleil rose !
Une indicible paix était en toute chose ;
On eût cru voir rêver la Belle au bois dormant.


Gabriel Vicaire ("Émaux Bressans" - 1884 ; et éditions Ferroud, 1929)

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Paysage

Il est charmant ce paysage,
Peu compliqué, mais que veux-tu ?
Ce n'est qu'une mer de feuillage,
Où, timide, à peine surnage
Un tout petit clocher pointu.
Au premier plan, toujours tranquille,
La Saône reluit au matin.
Par instants, de l'herbe immobile
Un bœuf se détache et profile
Ses cornes sur le ciel lointain.
Et moi, distrait à la fenêtre,
Je regarde et n'ose parler.
À quoi je pense ? A rien peut-être.
Je regarde les vaches paître
Et la rivière s'écouler
.


Gabriel Vicaire ("Émaux Bressans" - 1884 ; et éditions Ferroud, 1929)

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La Mer

(passages)

I

Entre les durs rochers qui bordent le ravin
J’ai vu monter au ciel l’éblouissante aurore ;
La face de la mer était d’un bleu divin.

D’une brume idéale enveloppée encore,
La mer ouvre son cœur, indomptable et charmant,
Au soleil matinal dont le feu la colore.

[…]

II

[…]

Au large resplendit le splendide parterre,
Le jardin sans pareil qui s’émaille, au matin,
D’éblouissantes fleurs qu’on ne voit pas sur terre.

Sur des flots de velours, de moire et de satin
Glisse nonchalamment la flotille des fées ;
Leurs rames que j’entends font un bruit argentin.

Elles s’en vont sur l’eau, d’algues vertes coiffées.
Elles vont. Leur gaité s’éparpille dans l’air,
L’odeur de leurs bouquets m’arrive par bouffées.

Plus loin, à l’horizon, les nymphes de la mer
Poussent de joyeux cris sur leurs cavales franches
Et jamais bataillon ne me parut si fer ;

Un flot de verts cheveux leur inonde les hanches,
Une lueur de brume illumine leurs yeux ;
Sur l’azur formidable, elles sont toutes blanches.

Et voici maintenant le rocher merveilleux
D’où, quand la nuit descend, Mary-Morgane chante
Aux matelots perdus son chant délicieux.

Sa voix de pur argent, sa voix qui les enchante
Monte comme un appel au ciel en floraison,
Douce, folle, ironique et quelquefois méchante.

[…]

III

[…]

IV

Ô mer, ô mer, ô mer, coureuse de fortune,
Chercheuse d’infini par delà les grands monts,
Toi que le soleil brûle et que fleurit la lune ;

Belle au front couronné de sombres goémons,
Nous savons le secret de la tendresse brève,
Et tes yeux sont pareils à ceux que nous aimons.

[…]


Gabriel Vicaire ("Au pays des ajoncs", Librairie H. Leclerc, 1901 - publication postume)

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Clairs de lune

(première partie)

I

Ô perle du monde,
Délices des cieux !
Lune aux jolis yeux,
Lune rose et blonde,

Belle au cœur changeant,
Dame de mon rêve,
Dont le vent soulève
Les tresses d’argent,

Par delà les saules
A demi dans l’eau,
Derrière un bouleau
J’ai vu tes épaules,

Dans un halo d’or,
Ta forme hautaine
Apparaît lointaine,
Indécise encor.

Et puis elle passe,
Lente, sur les prés.
Tes cheveux cendrés
Parfument l’espace.

En sa douce fleur,
Ta gorge ressemble
A l’oiseau qui tremble
Devant l’oiseleur.

Où ton doigt se pose,
Frêle papillon,
S’envole un rayon,
S’entr’ouvre une rose.

Ta beauté soudain
Resplendit sans voiles.
Des claires étoiles
Pâlit le jardin.

L’étang qui s’allume
Berce ton corps blanc,
Ton corps nonchalant,
Tout fleuri d’écume.

Est-ce le grand four
Ou la jeune aurore
Qui charme et colore
Les blés d’alentour ?

Ô nuit toute blanche,
Nuit d’enchantements !
De purs diamants
Sont à chaque branche !


Gabriel Vicaire ("L'Heure enchantée" - 1884 ; éditions A Lemerre, 1890)



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