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15 mai 2009

Luce LAURAND, Philéas LEBESGUE, LECONTE DE L'ISLE - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Luce Laurand a vécu au XXe siècle. C'est sous ce nom de plume, parfois aussi sous le pseudonyme Luce Laurand-Dupin, que Lucie Dupin, romancière et poète native de Saint-Flour mais résidant au Pays-Basque, a publié ses ouvrages. En particulier des romans, des poésies, et  des biographies de poètes et de religieux, ainsi que des ouvrages d'histoire religieuse. Deux recueils de poèmes parmi d'autres écrits : "Le Jardin vert", en 1935 et "L'Herbe au vent " en 1937. références : anthologie d'Armand Got, "Poétes du Béarn et du Pays Basque", 1961.

Le chemin
 
  Chemin, capricieux chemin
Natté de grosses ronces,
Tu remplis ma bouche et mes mains
De mûres sombres ;
Voici que tu offres, sournois,
Ce beau noyer
Plein de jeunes et vertes noix
Et ce talus mauve d'œillets.
Puis une fontaine
Où trois petits oiseaux se baignent …
Et dans le grand air bleu qui palpite,
Toute la vallée pleine de paix
Qui s'étend de Luz à Pierrefitte
(*)
Chemin, nous n'arriverons jamais !

Luce Laurand ("Le Jardin vert", éditions Corymbe, 1935) - (*) Il s'agit du trajet de montagne qui mène de Luz-Saint-Sauveur à Pierrefitte-Nestalas, dans les Hautes-Pyrénées, environ 13 ou 14 kilomètres de chemins de montagne, d'où l'exclamation !



Philéas Lebesgue (1869-1958), poète et paysan, a beaucoup écrit sur le Picardie (cf "Mon pays de Bray") où il est né.

Le même village sans doute, pour deux poèmes d'amour et de nostalgie dans lesquels Philéas Lebesgue montre son attachement à la terre natale, sur le cours entier d'une vie déjà inscrite.

On ne propose pas en principe, (ça se discute) aux classes d'élémentaire, la dernière partie, quand même bien sombre, de ces textes.

 Petit village

Petit village au bord des bois,
Petit village au bord des plaines,
Parmi les pommiers, non loin des grands chênes,
Lorsque j'aperçois
Le coq et la croix
De ton clocher d'ardoises grises,
De ton clocher fin,
A travers ormes et sapins,
D'étranges musiques me grisent ;
Je vois des yeux dans le soir étoilé :
Là je suis né...

Petit village au bord des champs,
Petit village entre les haies,
Tour à tour paré de fleurs et de baies,
Lorsque les doux chants
De ton frais printemps,
Quand l'odeur de tes violettes,
De tes blancs muguets
Pénètrent mon cœur inquiet,
J'oublie et tumulte et tempêtes ;
J'entends des voix dans le soir parfumé :
Là j'ai aimé...

Petit village de hasard
Petit village aux toits de tuiles,
Où rit le mystère aux rêves tranquilles,
Lorsqu’à mon regard
L’horizon picard
Fait ondoyer ses nobles lignes
Ou que la forêt
Qui moutonne aux coteaux de Bray,
De ses bras tendus me fait signe,
Je goûte en paix l’amour et la beauté :
Là j’ai chanté...

Petit village aux courtils verts,
Petit village de silence,
Où la cloche sonne un vieil air de France,
J'aime les éclairs
De tes cieux couverts,
Ton soleil fin entre les arbres,
Les feux de tes nuits,
L'oeil fixe et profond de tes puits,
Ton doux cimetière sans marbres,
Plein d'oiseaux fous et luisant comme pré :
Là je viendrai ...

Philéas Lebesgue ("Œuvres Poétiques" en trois volumes, Tome II, éditions Du Thelle, 1950)

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Le village

Petit village sous les branches, quel est ton nom ?
Tout paré de ta paisible ignorance,
Tu resonges les vieux rêves de l’enfance
Au doux chant des angélus du vallon.

Tu n’as point de hauts frontons de cheminées,
De rails bruyants ;
Tu n’as  que tes courtils pleins d’oiseaux au printemps,
Et de fleurs satinées ;

Tu n’as que ta vieille église
Avec son clocher branlant
Et son toit de tuiles grises ;
Mais tu gardes, solitaire et têtue
Contre l’assaut du vent,
Tout au bout de ta grand’ rue,
La maison que j’aime
Et qui domine les champs !

Ton nom obscur tu l’as donné, petit village
Au sol que je laboure, aux glèbes où je sème,
Au cimetière un peu sauvage
Où mon père
Est endormi pour toujours sous sa pierre
Et, vers plus d’un fourré,
Tu conserves des recoins d’ombre où j’ai pleuré.

Philéas Lebesgue ("Les Servitudes", Mercure De France, 1913)

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D'autres poèmes, et toujours le pays de Bray pour unique terroir.

Terre d'amour

Ô mon pays de Bray picard, peuplé de haies
Quelle âme aromatique, irrésistible et douce
Habite en toi, parmi les myrtils et la mousse
Parmi les prés en fleurs et les hautes futaies !

Parce que nous goûtons la rouille de tes sources,
Le pain de tes froments, le cidre de tes pommes,
Ta glèbe a pénétré dans la chair que nous sommes,
Et tes fils, loin de toi, perdent toutes ressources.

C’est que les morts couchés au flanc de tes collines,
Ont haleté sur toi de toutes leurs poitrines
Et t’ont, le long des jours, baigné de sueurs lentes;

C’est que le ciel, soir et matin, mouille et féconde,
Du magique baiser de ses lèvres sanglantes,
Ton sol amer, où le fer brun gît sous la sonde.

Philéas Lebesgue ("Le Beffroi", revue, 1903)

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Le plus beau pays du monde

Le plus beau pays du monde,
C’est la terre où je naquis ;
Au printemps, la rose abonde
Aux abords de ses courtils,
D’elle émane dans la brise
Un arôme sans pareil,
Au clocher de ses églises
Le coq guette le soleil.

On y parle un doux langage,
Le plus beau qu’on ait formé ;
L’étranger devient plus sage,
Quand il se met à l’aimer.
Heureux qui reçut la chance
De l’ouïr dès son berceau,
Car la langue de la France
Est un chant toujours nouveau.

Parfums de fleurs, chants de cloches,
Bruits d’eaux vives, gais frissons
Des tiges qui se rapprochent,
Quand mûrissent les moissons,
Étoiles dans un ciel tendre,
Sourires d’aubes en éveil :
Ah ! mon pays j’aime entendre
Ta chanson dans le soleil !
 

Philéas Lebesgue ("Les Servitudes", Mercure De France, 1913)



Charles-Marie Leconte de Lisle (1818-1894) se passe de prénom pour signer ses poèmes. Il défend la cause républicaine contre la Monarchie lors des événements de 1848, mais c'est comme figure principale du mouvement parnassien qu'il se fait connaître et qu'il reste dans l'Histoire, avec le "tryptique" Poèmes antiques (1852), Poèmes barbares (1862) et Poèmes tragiques (1884).

Dans les paysages exotiques de Leconte de L'Isle, les héros sont les animaux sauvages :

Les éléphants (début du poème)
 
  Le sable rouge est comme une mer sans limite,
Et qui flambe, muette, affaissée en son lit.
Une ondulation immobile remplit
L'horizon aux vapeurs de cuivre où l'homme habite.

Nulle vie et nul bruit. Tous les lions repus
Dorment au fond de l'antre éloigné de cent lieues,
Et la girafe boit dans les fontaines bleues,
Là-bas, sous les dattiers des panthères connus.

Pas un oiseau ne passe en fouettant de son aile
L'air épais, où circule un immense soleil.
Parfois quelque boa, chauffé dans son sommeil,
Fait onduler son dos dont l'écaille étincelle.

Tel l'espace enflammé brûle sous les cieux clairs.
Mais, tandis que tout dort aux mornes solitudes,
Les éléphants rugueux, voyageurs lents et rudes,
Vont au pays natal à travers les déserts.

D'un point de l' horizon, comme des masses brunes,
Ils viennent, soulevant la poussière, et l'on voit,
Pour ne point dévier du chemin le plus droit,
Sous leur pied large et sûr crouler au loin les dunes.

[..
.]

Leconte de Lisle ("Poèmes Barbares", 1862)

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La panthère noire (début du poème)
 
  Une rose lueur s' épand par les nuées ;
L'horizon se dentelle, à l'est, d'un vif éclair ;
Et le collier nocturne, en perles dénouées,
S'égrène et tombe dans la mer.

Toute une part du ciel se vêt de molles flammes
Qu' il agrafe à son faîte étincelant et bleu.
Un pan traîne et rougit l'émeraude des lames
D'une pluie aux gouttes de feu.

Des bambous éveillés où le vent bat des ailes,
Des letchis au fruit pourpre et des cannelliers
Pétille la rosée en gerbes d'étincelles,
Montent des bruits frais, par milliers.

Et des monts et des bois, des fleurs, des hautes mousses,
Dans l'air tiède et subtil, brusquement dilaté,
S' épanouit un flot d'odeurs fortes et douces,
Plein de fièvre et de volupté.

Par les sentiers perdus au creux des forêts vierges
Où l'herbe épaisse fume au soleil du matin ;
Le long des cours d'eau vive encaissés dans leurs berges,
Sous de verts arceaux de rotin ;

La reine de Java, la noire chasseresse,
Avec l'aube, revient au gîte où ses petits
Parmi les os luisants miaulent de détresse,
Les uns sous les autres blottis.

Inquiète, les yeux aigus comme des flèches,
Elle ondule, épiant l'ombre des rameaux lourds.
Quelques taches de sang, éparses, toutes fraîches,
Mouillent sa robe de velours.
 
[..
.]

Leconte de Lisle ("Poèmes Barbares", 1862)

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Le rêve du jaguar
 
  Sous les noirs acajous, les lianes en fleur,
Dans l'air lourd, immobile et saturé de mouches,
Pendent, et, s'enroulant en bas parmi les souches,
Bercent le perroquet splendide et querelleur,
L'araignée au dos jaune et les singes farouches.
C'est là que le tueur de bœufs et de chevaux,
Le long des vieux troncs morts à l'écorce moussue,
Sinistre et fatigué, revient à pas égaux.
Il va, frottant ses reins musculeux qu'il bossue ;
Et, du mufle béant par la soif alourdi,
Un souffle rauque et bref, d'une brusque secousse,
Trouble les grands lézards, chauds des feux de Midi,
Dont la fuite étincelle à travers l'herbe rousse.

En un creux du bois sombre interdit au soleil
Il s'affaisse, allongé sur quelque roche plate ;
D'un large coup de langue il se lustre la patte ;
Il cligne ses yeux d'or hébétés de sommeil ;
Et, dans l'illusion de ses forces inertes,
Faisant mouvoir sa queue et frissonner ses flancs,
Il rêve qu'au milieu des plantations vertes,
Il enfonce d'un bond ses ongles ruisselants
Dans la chair des taureaux effarés et beuglants.

Leconte de Lisle ("Poèmes Barbares", 1862)

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La forêt vierge (début du poème)
 
  Depuis le jour antique où germa sa semence,
Cette forêt sans fin, aux feuillages houleux,
S'enfonce puissamment dans les horizons bleus
Comme une sombre mer qu'enfle un soupir immense.
   
Sur le sol convulsif l'homme n'était pas né
Qu'elle emplissait déjà, mille fois séculaire,
De son ombre, de son repos, de sa colère,
Un large pan du globe encore décharné.
   
Dans le vertigineux courant des heures brèves,
Du sein des grandes eaux, sous les cieux rayonnants,
Elle a vu tour à tour jaillir des continents
Et d'autres s' engloutir au loin, tels que des rêves.
   
Les étés flamboyants sur elle ont resplendi,
Les assauts furieux des vents l'ont secouée,
Et la foudre à ses troncs en lambeaux s' est nouée ;
Mais en vain : l'indomptable a toujours reverdi.
   
Elle roule, emportant ses gorges, ses cavernes,
Ses blocs moussus, ses lacs hérissés et fumants
Où, par les mornes nuits, geignent les caïmans
Dans les roseaux bourbeux où luisent leurs yeux ternes
...
 
[..
.]

Leconte de Lisle ("Poèmes Barbares", 1862)

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De la forêt vierge au paysage blanc :

Paysage polaire
 
  Un monde mort, immense écume de la mer,
  Gouffre d'ombre stérile et de lueurs spectrales,
  Jets de pics convulsifs étirés en spirales
  Qui vont éperdument dans le brouillard amer.
 
  Un ciel rugueux roulant par blocs, un âpre enfer
  Où passent à plein vol les clameurs sépulcrales,
  Les rires, les sanglots, les cris aigus, les râles
  Qu'un vent sinistre arrache à son clairon de fer.
 
  Sur les hauts caps branlants, rongés des flots voraces,
  Se raidissent les dieux brumeux des vieilles races,
  Congelés dans leur rêve et leur lividité ;
 
  Et les grands ours, blanchis par les neiges antiques,
  Çà et là, balançant leurs cous épileptiques,
  Ivres et monstrueux, bavent de volupté.

Leconte de Lisle ("Poèmes Barbares", 1862)

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Midi
 
  Midi, roi des étés, épandu sur la plaine,
Tombe en nappes d'argent des hauteurs du ciel bleu.
Tout se tait. L'air flamboie et brûle sans haleine :
La terre est assoupie en sa robe de feu.

L'étendue est immense et les champs n'ont point d'ombre,
Et la source est tarie où buvaient les troupeaux ;
La lointaine forêt dont la lisière est sombre,
Dort là-bas, immobile, en un pesant repos.

Seuls, les grands blés mûris, tels qu'une mer dorée,
Se déroulent au loin, dédaigneux du sommeil :
Pacifiques enfants de la terre sacrée,
Ils épuisent sans peur la coupe du soleil.

Parfois, comme un soupir de leur âme brûlante,
Du sein des épis lourds qui murmurent entre-eux,
Une ondulation majestueuse et lente
S'éveille, et va mourir à l'horizon poudreux.

Non loin quelques bœufs blancs, couchés parmi les herbes,
Bavent avec lenteur sur leurs fanons épais,
Et suivent de leurs yeux languissants et superbes
Le songe intérieur qu'ils n'achèvent jamais.

Homme, si le coeur plein de joie ou d'amertume,
Tu passais vers midi dans les champs radieux,
Fuis ! La nature est vide et le soleil consume :
Rien n' est vivant ici, rien n'est triste ou joyeux.

Mais si désabusé des larmes et du rire,
Altéré de l'oubli de ce monde agité,
Tu veux, ne sachant plus pardonner ou maudire,
Goûter une suprême et morne volupté ;

Viens, le soleil te parle en lumières sublimes ;
Dans sa flamme implacable absorbe-toi sans fin ;
Et retourne à pas lents vers les cités infimes,
Le cœur trempé sept fois dans le néant divin
.

Leconte de Lisle ("Poèmes Antiques", 1852)


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