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1 novembre 2009

Éluard, Ferré, Fombeure- PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Paul Éluard -

Paul Éluard (1895-1952) est l'un des plus importants poètes du Mouvement surréaliste. Il a aussi participé au mouvement Dada.

Sur la maison du rire

Sur la maison du rire
Un oiseau rit dans ses ailes,
Le monde est si léger
Qu'il n'est plus à sa place
Et si gai
Qu'il ne lui manque rien.

Paul Éluard

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Dans Paris

Dans Paris il y a une rue;
Dans cette rue il y a une maison;
Dans cette maison il y a un escalier;
Dans cet escalier il y a une chambre;
Dans cette chambre il y a une table;livre_Eluard_dans_paris
Sur cette table il y a un tapis;
Sur ce tapis il y a une cage;

Dans cette cage il y a un nid;
Dans ce nid il y a un œuf,
Dans cet œuf il y a un oiseau.

L'oiseau renversa l'œuf;
L'œuf renversa le nid;
Le nid renversa la cage;

La cage renversa le tapis;
Le tapis renversa la table;
La table renversa la chambre;
La chambre renversa l'escalier;
L'escalier renversa la maison;
La maison renversa la rue;
La rue renversa la ville de Paris.

Paul Éluard (livre "Dans Paris, il y a ..." Didier Jeunesse, 1998 et Rue du Monde, Collection  Petits Géants, 2001)

logo_cr_ation_po_tiqueÀ la manière de "dans Paris il y a ...", le poème-gigogne :

À la manière de Paul Éluard, on construira un poème avec un enchaînement d'éléments, d'événements, à la manière d'emboîtements de poupées gigognes. Voyez ici des exemples de création poétique sur ce modèle : http://ecperchl.edres74.ac-grenoble.fr/spip.php?article28

Mais on privilégiera, pour le thème de l'humour, les situations les plus bizarres. On pourait imaginer par exemple ce genre de comptine en boucle (voir Marabout, bout d'ficelle dans le paragraphe des Jeux):

Dans ma maison il y a ma chambre / dans ma chambre il y a une armoire / dans cette armoire  il y a un arbre / dans cet arbre il y a une maison / Dans cette maison il y a ma chambre ...



- Léo Ferré -

Léo Ferré (1916-1993) est un poète, auteur-compositeur interprète. Anarchiste militant à sa manière pour une organisation libertaire de la société. Antimilitariste bien sûr et contre tous les dogmes, il a aussi magnifiquement chanté l'amour, et ici, l'enfance :

L'enfance

Souviens-toi des souliers usés, des vendredis
Et le poisson qui se rendait sur la table à midi
Et qu'il marchait tout seul, qu'il n'était pas poli
Frais ou pas le maquereau faut que ça fasse des chichis
Souviens-toi des jeudis et de la mère Larousse
Le frangin à rabat comme un flic à tes trousses
Et ta plume qui grattait sous l'oeil de ce bandit
Qu'une certaine envie mettait à ta merci

L'enfance
C'est un chagrin cueilli de frais
C'est un jardin, c'est un bouquet
C'est des épines aussi
L'enfance
C'est le paradis dans du cambouis
C'est des caresses au fond de la nuit
C'est une leçon d'ennui
L'enfance
C'est des copains qu'on a perdus
C'est des petites mômes qu'on n'a pas eues
C'est une chanson toute nue
L'enfance
L'enfance
C'est un jouet qui s'est arrêté
C'est l'innocence rapiécée
C'est toujours ça de passé
L'enfance

Souviens-toi des frangines qu'avaient même pas dix piges
Dans la nuit retrouvée on jouait à se faire la pige
Même qu'elles étaient girondes avec leurs yeux barrés
Juste en dessous comme une ombre, comme le fard du péché
Souviens-toi des silences au fond des corridors
Et ce halètement divin, je l'entends encore,
Et puis la nuit fidèle à se rappeler ces trucs-là
Et cette foutue mémoire qui me tient par le bras

L'enfance
C'est un pays plein de chansons
C'est le remords de la raison
C'est la folie aussi
L'enfance
C'est l'enfer sous le tableau noir
C'est Tahiti dans un dortoir
C'est l'âme de la nuit
L'enfance
C'est un oiseau que on a manqué
C'est un chat qu'on a chahuté
Et c'est la cruauté
L'enfance
L'enfance
C'est jour après jour quitter l'ombre
Et vers la proie et vers le nombre
C'est apprendre a frapper
L'enfance

Souviens-toi des bonbons et puis du père Noël
De la toupie qui tournait qui tournait qui tournait
Qui tournait qui tournait qui tournait qui tournait ...

Léo Ferré (album "Ferré 64" Barclay, 1964)

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Quand j'étais môme

Quand j’étais môme
A la radio, on jouait "Please,
Peanut vendor"*
C’est bien d’accord

Quand j’étais môme
Les filles avaient une fleur exquise
Qu’elles nous fanaient
Pour deux baisers

Quand j’étais môme
On avait aussi nos idoles
Danielle Darrieux
On n’ fait pas mieux

Quand j’étais môme
On f’sait marcher nos belles guiboles
Dans les dancings
Et dans l’ smoking
D’ papa!

Quand j’étais môme
La musique coulait comme du miel
A Europe Un
Sur les copains

Quand j’étais môme
Les filles qu’étaient encore pucelles
On les mettait
Dans un musée

Quand j’étais môme
On avait aussi nos idoles
C’était Johnny
Ou quoi ou qui

Quand j’étais môme
On f’sait du rock et d’ la bricole
Un peu partout
Avec les sous
D’ papa!

Quand tu s’ras môme
Sur des planètes distinguées
On t’apprendra le temps d’aimer
Quand tu s’ras môme
Les filles auront la Voie lactée
Et des comètes dans l’ tablier

Quand tu s’ras môme
Sur ton palier en guise d’idole
Une nébuleuse
Ou Bételgeuse
Quand tu s’ras môme
On t’apprendra la bonne parole
La bonne recette
Pour jamais être
Papa!

Y aura plus d’ môme
Plus jamais d’ môme
Y aura plus rien
Pas même un chien
Un pauvre chien
Y aura qu’ du vent
Et plus d’amant
Y aura qu’ la lune
Qui f’ra l’ tapin
Pour les savants, pour les savants, pour les savants ...

* "Please", "Peanut vendor" sont des titres de chansons de l'époque (Bing Crosby, Dean Martin ? ...)

Léo Ferré (album "Ferré 64" Barclay 80218, année 1964)



- Maurice Fombeure -

Maurice Fombeure (1906-1981) est un romancier et poète français.
Son recueil de poèmes le plus connu est "À dos d'oiseau", édité en 1942 aux éditions Gallimard et disponible en Poésie-Gallimard.

Une enfance d'autrefois, dont on mesurera à la fois la similtude et les différences

Les écoliers

Sur la route couleur de sable,
En capuchon noir et pointu,
Le "moyen", le "bon", le "passable"
Vont à galoches que veux-tu
Vers leur école intarissable.
 
Ils ont dans leurs plumiers des gommes

Et des hannetons du matin,

Dans leurs poches du pain, des pommes,
Des billes, ô précieux butin
Gagné sur d'autres petits hommes.
 
Ils ont la ruse et la paresse
Mais l'innocence et la fraîcheur
Près d'eux les filles ont des tresses
Et des yeux bleus couleur de fleur,
Et des vraies fleurs pour leur maîtresse.
 
Puis les voilà tous à s'asseoir.
Dans l'école crépie de lune
On les enferme jusqu'au soir,
Jusqu'à ce qu'il leur pousse plume
Pour s'envoler. Après, bonsoir !

Maurice Fombeure ("À chat petit" - éditions Gallimard, 1967)

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La jument familière

 

Une grande jument morte
Qui galope dans mes nuits.
Ce n’est pas un cauchemar
Mais un soupir de l’enfance.

Une grande jument blanche,
Grave, douce et débonnaire,
Dans un silence de tonnerre
Passe entre les haies en fleurs.

Mon grand-père tient les rênes,
Chapeau melon sur les yeux.
La fumée des cigarettes
Monte droit dans le soir bleu.

Buissons fleuris d’amertume…
La rivière parle bas ;
Le village dort au son des enclumes,
Puis s’allume, feu par feu.

Mais voici, mangée de pluie,
Mangée de neige et de vent
La grande nuit intérieure
Où je me penche souvent,

Où la jument trotte l’amble…
Grande et douce jument morte
Qui fut de notre famille
Et qui finit humblement.

 

Maurice Fombeure ("À dos d'oiseau" - éditions Gallimard, 1942 réédité en 1971)

 

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Chanson de la pluie

À dos de mule
À dos d'oiseau
À dos de libellule hulot
À dos de rat-mulot
À pas  de campanule
À bras de mélilot
S'en va la pluie à bulles
S'en va la pluie sur l'eau

Une pluie fil à fil
Qu'habille l'horizon
Et de fil en aiguille
Va jusqu'à la maison,
" Va jusqu'à la maison
Tu trouveras ma mère
Qu'est assise au tison
Qui recoud des linceuls
Ou qui tire au rouet
Toute  sa vie amère,
Demande-lui z'à boire
Z'à boire et à manger..."
Mais la pluie perd la mémoire
À force de voyager,

À force de voyager
Sur ses pattes de gouttes rondes
Faire le tour du monde.
À dos de mule
À dos d'oiseau
À dos de libellule hulot
À dos de rat-mulot
À pas de campanule
À bras de mélilot
S'en va la pluie à bulles
S'en va la pluie sur l'eau !

Maurice Fombeure ("À chat petit" - éditions Gallimard, 1967)

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Air de ronde

On dansa la ronde,
Mais le roi pleura.
Il pleurait sur une
Qui n’était pas là.

On chanta la messe,
Mais le roi pleura.
Il pleurait pour une
Qui n’était pas là

Au clair de la lune,
Le roi se tua,
Se tua pour une
Qui n’était pas là.

Oui, sous les fougères
J’ai vu tout cela,
Avec ma bergère
Qui n’était pas là.

Maurice Fombeure



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