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lieu commun
1 novembre 2009

Forneret, Fort, Fourest, Frédérique - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Xavier Forneret -

Xavier Forneret (1809-1884), contemporain de Victor Hugo, est un romancier ("Le diamant de l'herbe") et un poète non conformiste, adepte de l'humour noir.

Le texte qui suit, le plus connu de l'auteur, figure dans l'Anthologie de l'humour noir, d'André Breton, qui sans considérer Xavier Forneret comme un Surréaliste avant l'heure (trop excentrique, imprévisible), lui trouvait quand même un lien de parenté certain.

Un pauvre honteux

Il l'a tirée
De sa poche percée,
L'a mise sous ses yeux ;
Et l'a bien regardée
En disant : " Malheureux ! "

Il l'a soufflée
De sa bouche humectée ;
Il avait presque peur
D'une horrible pensée
Qui vint le prendre au cœur.

Il l'a mouillée
D'une larme gelée
Qui fondit par hasard ;
Sa chambre était trouée
Encor plus qu'un bazar.

Il l'a frottée
Ne l'a pas réchauffée
A peine il la sentait ;
Car, par le froid pincée,
Elle se retirait.

Il l'a pesée
Comme on pèse une idée,
En l'appuyant sur l'air.
Puis il l'a mesurée
Avec du fil de fer.

Il l'a touchée
De sa lèvre ridée. -
D'un frénétique effroi
Elle s'est écriée :
Adieu, embrasse-moi !

Il l'a baisée,
Et après l'a croisée
Sur l'horloge du corps,
Qui rendait, mal montée,
De mats et lourds accords.

Il l'a palpée
D'une main décidée
A la faire mourir. -
- Oui, c'est une bouchée
Dont on peut se nourrir.

Il l'a pliée,
Il l'a cassée,
Il l'a placée,
Il l'a coupée ;
Il l'a lavée,
Il l'a portée,
Il l'a grillée,
Il l'a mangée.

Quand il n'était pas grand on lui avait dit : Si tu as faim, mange une de tes mains.

Xavier Forneret (texte intitulé "Vapeur 13" dans le recueil "Vapeurs, ni vers ni prose", éditions Duverger, 1838)



- Paul Fort -

Paul Fort (1872-1960), est l'auteur des Ballades françaises, éditées à partir de 1894, et jusqu'en 1958. Particularités : c'est sous ce seul titre qu'il continue à publier ensuite ses poèmes, aux vers disposés comme de la prose, et dont les textes occupent  40 tomes !
Le thème du poème suivant a inspiré une chanson (intitulée "Si tous les gars du monde"). D'autres poèmes de Paul Fort, souvent très connus, se promènent sur le blog (Le petit cheval, Le bonheur est dans le pré, La mer, La marine ...)

Georges Brassens a mis en musique (catégorie BRASSENS chante les poètes) Le petit cheval (titré La complainte du petit cheval blanc) et La marine.

La ronde autour du monde

Si toutes les filles du monde voulaient s'donner la main, Tout autour de la mer elles pourraient faire une ronde.
Si tous les gars du monde voulaient bien êtr' marins, Ils f'raient avec leurs barques un joli pont sur l'onde.
Alors on pourrait faire une ronde autour du monde, Si tous les gens du monde voulaient s'donner la main.

Paul Fort (Ballades françaises T1 - 1897 - Flammarion)



- Georges Fourest -

Georges Fourest (1867-1945) est un poète français, auteur de deux recueils, "La Négresse blonde" (1909) et "Le Géranium ovipare" (1935), publiés aux éditions Messein, réédités en 1997 par José Corti et par d'autres éditeurs ensuite. Son humour est provocateur, rabelaisien, parodique.

Ce poème est peut-être accessible en cycle 3 :

Sardines à l’huile

Sardines à l’huile fine sans têtes et sans arêtes.
(Réclames des sardiniers, passim*.)

Dans leur cercueil de fer-blanc
plein d’huile au puant relent
marinent décapités
ces petits corps argentés
pareils aux guillotinés
là-bas au champ des navets !
Elles ont vu les mers, les
côtes grises de Thulé,
sous les brumes argentées
la Mer du Nord enchantée...
Maintenant dans le fer-blanc
et l’huile au puant relent
de toxiques restaurants
les servent à leurs clients !
Mais loin derrière la nue
leur pauvre âmette ingénue
dit sa muette chanson
au Paradis-des-poissons,
une mer fraîche et lunaire
pâle comme un poitrinaire,
la Mer de Sérénité
aux longs reflets argentés
où durant l’éternité,
sans plus craindre jamais les
cormorans et les filets,
après leur mort nageront
tous les bons petits poissons !...

Sans voix, sans mains, sans genoux*
sardines, priez pour nous !...

*Tout ce qu’il faut pour prier. (Note de l’auteur)
Georges Fourest ("La Négresse blonde", 1909) - * "passim" signifie "en divers endroits"

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Georges Fourest s'est essayé au poème-adresse. Voyez sa production, en forme d'acrostiche, au paragraphe Stéphane Mallarmé, et les suggestions de création pour la classe. C'est ici : http://lieucommun.canalblog.com/archives/2008/04/01/12316804.html

Petits Lapons

Dans leur cahute enfumée
Bien soigneusement fermée
Les braves petits lapons
Boivent l'huile de poisson !

Dehors on entend le vent
Pleurer ; Les méchants ours blancs
Grondent en grinçant des dents
Et depuis longtemps la mort
Le pâle soleil du nord !
Mais dans la brume enfumée
Les braves petits lapons
Boivent l'huile de poisson ...

Sans rien dire, ils sont assis,
Père, mère, aïeul, les six
Enfants, le petit dernier
Bave en son berceau d'osier:
Leur bon vieux renne au poil roux
Les regarde, l'air si doux !

Bientôt ils s'endormiront
Et demain ils reboiront
La bonne huile de poisson,
Et puis se rendormiront
Et puis, un jour, ils mourront !
Ainsi coulera leur vie
Monotone et sans envie...
Et plus d'un poète envie

Les braves petits lapons
Buveurs d'huile de poisson !


Georges Fourest ("La Négresse blonde", 1909) - * "passim" signifie "en divers endroits"



- Jacques Fournier -

Jacques Fournier, enseignant et poète français, est né en 1959.

Trois recueils parmi d'autres : Poèmes pris au vol, éditions Pluie d’étoiles, en 2001, et Les Dits de la pierre et du sculpteur, éditions L’épi de seigle, en 2000 (l'auteur co-dirige cette dernière maison d'édition), et Enfance/Enfances", éditions Donner à voir, 2003. Il est également directeur de la Maison de la Poésie de Saint-Quentin-en-Yvelines (dpt 78). Les enseignants de maternelle ont peut-être aperçu sa signature, dans les fiches pédagogiques de l'Éducation Enfantine (revue publiée par Nathan)

Une flaque ...

Une flaque
juste pour tes pieds
à peine plus grande
que l’envie que tu as
d’éclats d’eau
sur les jambes des dames
à l’entour

Une flaque
à pieds joints

Et la claque
(injustice ?)
en retour

Jacques Fournier ("Enfance/Enfances", éditions Donner à voir, 2003)



- André Frédérique -

André Frédérique (1915-1957), est un poète d'humour sombre, disparu volontairement trop jeune. Ses recueils s'intitulent : Aigremorts (1947 - Gallimard),  Histoires blanches (1946, repris en 1957 - Gallimard), Poésie sournoise (réédité en 1957- Seghers).

Le crocodile

Le crocodile du notaire faisait
peur aux enfants qu’il
guettait au fond de la maison
dans sa niche il attendait
en comptant les minutes
la sortie du saute-ruisseau
aussi dût-on le tuer
avec du sublimé jusqu’à
ce qu’il fut de moins en
moins crocodile
d’abord
codicille puis
cédille à
sa mort il ne restait de lui qu’
un
cil.

André Frédérique, ("Histoires blanches" - Gallimard, 1946)

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Acclimatation

Mes amis m’ont confié leur girafe avant de partir en voyage, pensant me faire plaisir, en égayant ma solitude. Je ne loge pas volontiers les mammifères, néanmoins je ne puis refuser à ce qui part d’une intention louable. Mon humeur n’en est pas moins sobre : j’habite un petit appartement au sixième.
D’abord l’ennui d’imaginer quelque raison valable pour le concierge. Les premiers temps, l’animal caché sous un décor, je fais celui qui déménage des poutres. Jusqu’à ce que le concierge s’inquiète d’un tel trafic : moi qui, avant, passais comme une ombre. Je me résous à l’habiller en chien. Ce n’est pas parfait. Là non plus je n’évite pas les soupçons. Ni les moqueries des enfants.
Le propriétaire vient en personne vérifier les résonances des murs (à ce qu’il dit). Tandis qu’il frappe (feignant l’intérêt) sur les cloisons avec un petit maillet de bois, son œil scrute les alentours. Je ne doute pas qu’il ne soit là pour le chien. Caché derrière un paravent, j’aboie, j’aboie. Il s’en retourne mécontent, assez peu rassuré.
D’autres personnes arrivent, des amis, des employés, des curieux qu’il envoie. Tous pour des raisons diverses, inspectent, flairent, ramassent des poils.
À contrecœur j’enferme la pauvre bête dans un placard. Son sabot de nuit frappe, et, à la longue, le bruit cesse.
À leur retour, j’achèterai pour mes amis une autre girafe.

André Frédérique, ("Histoires blanches" - Gallimard, 1946)

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Exercices de logique

Un homme qui serait mort mais qui ne serait pas né
Un homme qui naîtrait après sa mort
Un homme qui mourrait en naissant mais qui ne naîtrait pas en mourant
Un homme qui ne mourrait pas
Un homme qui naîtrait une fois sur deux
Un homme qui mourrait quelquefois
Un homme qui n'arrêterait pas de naître
Un homme qui ne finirait pas de mourir
Un homme qui naîtrait de sa belle mort
Un homme qui naîtrait au-dessous de la ceinture et qui mourrait au-dessus
Un homme qui ne serait ni né ni mort
Cet homme-là n'est pas encore né.

André Frédérique, ("Aigremorts" - Guy Lévis-Mano, 1947)

logo_cr_ation_po_tiqueÀ la manière de "Exercices de logique"

La structure de ce  texte se prête plutôt facilement à la création poétique.
Un exemple à cette adresse :
http://www.af.spb.ru/bull3/TRAD.HTM

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Seconde classe

Dans le métro les gens sont tristes
derrière leurs lunettes
ceux qui ont des barbes mâchent le poil
ceux qui ont des journaux les dévorent
mais les vieilles femmes ont encore plus de peine
qui ne peuvent mâcher les barbes et
qui ne savent pas lire.

*découpage respecté
André Frédérique ("Aigremorts" -1947 ; cité dans la revue "Poésie 1", n°22 de février 1972)

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La face

Il était laid avec ses deux bouches
Sous le nez sans cesse agitées
oui disait la droite non disait la gauche
et patati et patata
Il mit ses énormes moustaches
sur elles comme un drap*.

*majuscules et découpage respectés
André Frédérique ("Aigremorts" -1947 ; cité dans la revue "Poésie 1", n°22 de février 1972)



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