Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
lieu commun
11 novembre 2009

Auteurs D 3 - PP 2013 EN FRANÇAIS - Michel Deville Maurice Donnay

- Michel Deville -

Michel Deville est né en 1931. C'est un cinéaste connu : Un Monde presque paisible, La Maladie de Sachs, Benjamin ou les Mémoires d’un puceau, Péril en la demeure, le Dossier 51, La Lectrice
C'est aussi un poète, moins connu, auteur de huit recueils au Cherche-midi éditeur : Rien n'est sûr, Poézies, Mots en l'air, L'Air de rien ...

Sabotage

Ils avaient fabriqué
Un chat botté,
Mais mal  :
Il zézayait,
Leur animal.

Moralité :
Le saboté.

Michel Deville ("Poèmes zimpromptus", éditions Saint-Germain-des-Prés, 1984)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Tristan et Yseutmots_en_l_air_blog

- Parle-moi, dit Yseut à Tristan.
- Je t'aime, dit Tristan à Yseut.
- Je sais. Mais c'est tout ? demanda Yseut.
- Je t'aime beaucoup, répondit Tristan.
- Mais encore ? insista Yseut.
- Je t'adore, ajouta Tristan.
- C'est attristant, pensa Yseut.

Michel Deville ("Mots en l'air" 1993)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Un texte à la manière de Rudyard Kipling ("Tu seras un homme mon fils", voir plus bas ) ...

Lorsque et si ...

Lorsque l'on tremble encore à l'approche de l'autre,
Lorsque le doute encore est infiniment nôtre,
Lorsque les intuitions sont approximatives,
Lorsque devient l'humeur, pour un rien, agressive,
Lorsque la main est moite et le regard crétin,
Lorsque le tutoiement est encore incertain,
Lorsqu'on éclate en pleurs pour une peccadille,
C'est qu'on est amoureux, ma fille.

Si tu ne trembles plus, si tu n'as plus de doute,
Si ton humeur est droite ainsi qu'une autoroute,
Si galante est ta main
Et ton regard câlin,
Si tu en viens au tu sans tergiversation,
Si tu ne pleures plus avec obstination,
Si tu tires la langue à toute ta famille,
Tu seras un homme, ma fille.

Michel Deville ("Rien n'est sûr")

Voici le poème original, que Rudyard Kipling, a écrit "If ..." (Si ...), en 1910. C'est la version traduite de l'anglais par l'écrivain Pierre Maurois (en 1918), qui est généralement retenue :

Tu seras un Homme, mon Fils (autre titre : Si ...)

Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou, perdre d'un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;

Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre
Et, te sentant haï sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;

Si tu peux supporter d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d'entendre mentir sur toi leur bouche folle,
Sans mentir toi-même d'un seul mot ;

Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n'être qu'un penseur ;

Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage
Sans être moral ni pédant ;

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,

Alors, les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire,

Tu seras un Homme, mon fils.

Rudyard Kipling   (Bernard Lavilliers l'a mis en musique et interprété (1988).

Pour les amateurs, il existe d'autres traductions de la poésie de Kipling, la dernière de 2006 !

Voyez plutôt ici : http://www.crescenzo.nom.fr/kipling.html

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Le vieux cheval

On le fit galoper,
Il galopa,
Puis on le fit marcher
(Au pas au pas),
Ensuite on exigea
Qu'il voulût bien trotter,
Mais là, tout net, il refusa
Et laconique, il expliqua :
- Trot, c'est trop

Michel Deville ("poéZies" - Le cherche midi éditeur, 1990)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Le chat chinois

Cet après-midi
Un chat chinois prit
La portion de riz
D'un gros poussah gris
qui poussa des cris
Que l'on entendit
De Chine à Paris.

Le chat rit ravi
Du charivari.

Michel Deville ("poéZies" - Le cherche midi éditeur, 1990)



 

- Maurice Donnay -

Maurice Donnay (1859-1945) est un écrivain français, humoriste, poète, chansonnier du "Chat noir" (voir Alphonse Allais), et prolifique auteur de théâtre.

On connaît le début de ce poème d'Alfred de Vigny, "Le cor" :

J'aime le son du cor, le soir, au fond des bois,
Soit qu'il chante les pleurs de la biche aux abois,
Ou l'adieu du chasseur que l'écho faible accueille,
Et que le vent du nord porte de feuille en feuille.

Maurice Donnay s'en est inspiré pour une fable, jeux de mots à l'appui :

Le serpent et le cor de chasse

Un jour, un grand serpent, trouvant un cor de chasse,
Pénétra dans le pavillon
Et comme il n'avait pas beaucoup de place,
Dans l'instrument le reptile se tasse.
Mais, terrible punition !
Quand il voulut revoir le grand air et l'espace,
Et la vierge forêt au magique décor,
Il eut beau tenter maints efforts,
Il ne pouvait sortir du cor,
Le pauvre boa constrictor ;
Et pâle, il attendit la mort.
Moralité :

Dieu ! comme le boa est triste au fond du cor !

Maurice Donnay



Publicité
11 novembre 2009

Auteurs E - PP 2013 EN FRANÇAIS - Paul Éluard

- Paul Éluard -

Paul Éluard (1895-1952) est l'un des plus importants poètes du Surréalisme. Il a aussi participé au mouvement Dada.

Dans Paris

Dans Paris il y a une rue;
Dans cette rue il y a une maison;
Dans cette maison il y a un escalier;
Dans cet escalier il y a une chambre;
Dans cette chambre il y a une table;livre_Eluard_dans_paris
Sur cette table il y a un tapis;
Sur ce tapis il y a une cage;

Dans cette cage il y a un nid;
Dans ce nid il y a un œuf,
Dans cet œuf il y a un oiseau.

L'oiseau renversa l'œuf;
L'œuf renversa le nid;
Le nid renversa la cage;

La cage renversa le tapis;
Le tapis renversa la table;
La table renversa la chambre;
La chambre renversa l'escalier;
L'escalier renversa la maison;
La maison renversa la rue;
La rue renversa la ville de Paris.

Paul Éluard (livre "Dans Paris, il y a ..." Didier Jeunesse, 1998 et Rue du Monde, Collection  Petits Géants, 2001)

logo_cr_ation_po_tiqueÀ la manière de "dans Paris il y a ...", le poème-gigogne :

À la manière de Paul Éluard, on construira un poème avec un enchaînement d'éléments, d'événements, à la manière d'emboîtements de poupées gigognes. Voyez ici des exemples de création poétique sur ce modèle : http://ecperchl.edres74.ac-grenoble.fr/spip.php?article28

Mais on privilégiera, pour le thème de l'humour, les situations les plus bizarres. On pourait imaginer par exemple ce genre de comptine en boucle (voir Marabout, bout d'ficelle dans le paragraphe des Jeux):

Dans ma maison il y a ma chambre / dans ma chambre il y a une armoire / dans cette armoire  il y a un arbre / dans cet arbre il y a une maison / Dans cette maison il y a ma chambre ...



11 novembre 2009

Auteurs F 1 - PP 2013 EN FRANÇAIS - Pierre Ferran - Maurice Fombeure - Xavier Forneret

- Pierre Ferran -

Pierre Ferran (1930-1989) était enseignant, poète et écrivain.

Le cinquième jour

Du haut d'un nuage,
Les mains rouges d'argile,
Dieu contemplait les animaux :
- "Je suis mécontent du zèbre,
Dit-il à saint Rémi
Qui tenait la liste,
Il ressemble trop au cheval,
Rayez-le !"

Pierre Ferran (recueil "Les Yeux", 1971)

- - -  - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Comptine des canards sauvages

Trois pleins d'air
Deux pains durs
Un pin d'or
Sors !

Quatre à quatre
Cinq agates
Qui cahotent
Saute !

C'est la lutte
Pour la lotte
Écarlate
Tâte !

Huit tadornes
Neufs œufs durs
C'est-à-dire
Tire !

Dix milords
Dix mulards
Dix mulets
T'y es !

Pierre Ferran (anthologie de Jacques Charpentreau : "La nouvelle Guirlande de Julie" - éditions Ouvrières, 1976)



- Maurice Fombeure -

Maurice Fombeure (1906-1981) est un romancier et poète français.
Son recueil de poèmes le plus connu est "À dos d'oiseau", édité en 1942 aux éditions Gallimard et disponible en Poésie-Gallimard.

Chanson de la pluie

À dos de mule
À dos d'oiseau
À dos de libellule hulot
À dos de rat-mulot
À pas  de campanule
À bras de mélilot
S'en va la pluie à bulles
S'en va la pluie sur l'eau

Une pluie fil à fil
Qu'habille l'horizon
Et de fil en aiguille
Va jusqu'à la maison,
" Va jusqu'à la maison
Tu trouveras ma mère
Qu'est assise au tison
Qui recoud des linceuls
Ou qui tire au rouet
Toute  sa vie amère,
Demande-lui z'à boire
Z'à boire et à manger..."
Mais la pluie perd la mémoire
À force de voyager,

À force de voyager
Sur ses pattes de gouttes rondes
Faire le tour du monde.
À dos de mule
À dos d'oiseau
À dos de libellule hulot
À dos de rat-mulot
À pas de campanule
À bras de mélilot
S'en va la pluie à bulles
S'en va la pluie sur l'eau !

Maurice Fombeure ("À chat petit" - éditions Gallimard, 1967)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Air de ronde

On dansa la ronde,
Mais le roi pleura.
Il pleurait sur une
Qui n’était pas là.

On chanta la messe,
Mais le roi pleura.
Il pleurait pour une
Qui n’était pas là

Au clair de la lune,
Le roi se tua,
Se tua pour une
Qui n’était pas là.

Oui, sous les fougères
J’ai vu tout cela,
Avec ma bergère
Qui n’était pas là.

Maurice Fombeure



- Xavier Forneret -

Xavier Forneret (1809-1884), contemporain de Victor Hugo, est un romancier ("Le diamant de l'herbe") et un poète non conformiste, adepte de l'humour noir.

Le texte qui suit, le plus connu de l'auteur, figure dans l'Anthologie de l'humour noir, d'André Breton, qui sans considérer Xavier Forneret comme un Surréaliste avant l'heure (trop excentrique, imprévisible), lui trouvait quand même un lien de parenté certain.

Un pauvre honteux

Il l'a tirée
De sa poche percée,
L'a mise sous ses yeux ;
Et l'a bien regardée
En disant : " Malheureux ! "

Il l'a soufflée
De sa bouche humectée ;
Il avait presque peur
D'une horrible pensée
Qui vint le prendre au cœur.

Il l'a mouillée
D'une larme gelée
Qui fondit par hasard ;
Sa chambre était trouée
Encor plus qu'un bazar.

Il l'a frottée
Ne l'a pas réchauffée
A peine il la sentait ;
Car, par le froid pincée,
Elle se retirait.

Il l'a pesée
Comme on pèse une idée,
En l'appuyant sur l'air.
Puis il l'a mesurée
Avec du fil de fer.

Il l'a touchée
De sa lèvre ridée. -
D'un frénétique effroi
Elle s'est écriée :
Adieu, embrasse-moi !

Il l'a baisée,
Et après l'a croisée
Sur l'horloge du corps,
Qui rendait, mal montée,
De mats et lourds accords.

Il l'a palpée
D'une main décidée
A la faire mourir. -
- Oui, c'est une bouchée
Dont on peut se nourrir.

Il l'a pliée,
Il l'a cassée,
Il l'a placée,
Il l'a coupée ;
Il l'a lavée,
Il l'a portée,
Il l'a grillée,
Il l'a mangée.

Quand il n'était pas grand on lui avait dit : Si tu as faim, mange une de tes mains.

Xavier Forneret (texte intitulé "Vapeur 13" dans le recueil "Vapeurs, ni vers ni prose", éditions Duverger, 1838)



11 novembre 2009

Auteurs F 2 - PP 2013 EN FRANÇAIS - Georges Fourest - André Frédérique

- Georges Fourest -

Georges Fourest (1867-1945) est un poète français, auteur de deux recueils, "La Négresse blonde" (1909) et "Le Géranium ovipare" (1935), publiés aux éditions Messein, réédités en 1997 par José Corti et par d'autres éditeurs ensuite. Son humour est provocateur, rabelaisien, parodique.

Ce sonnet parodie un classique du théâtre classique de Pierre Corneille :

Le Cid

Le palais de Gormaz, comte et gobernador
est en deuil; pour jamais dort couché sous la pierre
l'hidalgo dont le sang a rougi la rapière
de Rodrigue appelé le Cid Campeador.

Le soir tombe. Invoquant les deux saints Paul et Pierre
Chimène, en voiles noirs, s'accoude au mirador
et ses yeux dont les pleurs ont brûlé la paupière
regardent, sans rien voir, mourir le soleil d'or ...

Mais un éclair, soudain, fulgure en sa prunelle :
sur la plaza Rodrigue est debout devant elle !
Impassible et hautain, drapé dans sa capa,

le héros meurtrier à pas lents se promène :
"Dieu !" soupire à part soi la plaintive Chimène,
"qu'il est joli garçon l'assassin de Papa !"

Georges Fourest ("La Négresse blonde", 1909)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Un poème peut-être accessible en cycle 3 :

Sardines à l’huile

Sardines à l’huile fine sans têtes et sans arêtes.
(Réclames des sardiniers, passim.)

Dans leur cercueil de fer-blanc
plein d’huile au puant relent
marinent décapités
ces petits corps argentés
pareils aux guillotinés
là-bas au champ des navets !
Elles ont vu les mers, les
côtes grises de Thulé,
sous les brumes argentées
la Mer du Nord enchantée...
Maintenant dans le fer-blanc
et l’huile au puant relent
de toxiques restaurants
les servent à leurs clients !
Mais loin derrière la nue
leur pauvre âmette ingénue
dit sa muette chanson
au Paradis-des-poissons,
une mer fraîche et lunaire
pâle comme un poitrinaire,
la Mer de Sérénité
aux longs reflets argentés
où durant l’éternité,
sans plus craindre jamais les
cormorans et les filets,
après leur mort nageront
tous les bons petits poissons !...

Sans voix, sans mains, sans genoux*
sardines, priez pour nous !...

*Tout ce qu’il faut pour prier. (Note de l’auteur)
Georges Fourest ("La Négresse blonde", 1909)



- André Frédérique -

André Frédérique (1915-1957), est un poète d'humour sombre, disparu volontairement trop jeune. Ses recueils s'intitulent : Aigremorts (1947 - Gallimard),  Histoires blanches (1957 - Gallimard), Poésie sournoise (1957- Seghers).

Exercices de logique

Un homme qui serait mort mais qui ne serait pas né
Un homme qui naîtrait après sa mort
Un homme qui mourrait en naissant mais qui ne naîtrait pas en mourant
Un homme qui ne mourrait pas
Un homme qui naîtrait une fois sur deux
Un homme qui mourrait quelquefois
Un homme qui n'arrêterait pas de naître
Un homme qui ne finirait pas de mourir
Un homme qui naîtrait de sa belle mort
Un homme qui naîtrait au-dessous de la ceinture et qui mourrait au-dessus
Un homme qui ne serait ni né ni mort
Cet homme-là n'est pas encore né.

André Frédérique, ("Aigremorts" - 1947)

logo_cr_ation_po_tiqueÀ la manière de "Exercices de logique"

La structure de ce  texte se prête plutôt facilement à la création poétique.
Un exemple à cette adresse :
http://www.af.spb.ru/bull3/TRAD.HTM

- - - -  - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Seconde classe

Dans le métro les gens sont tristes
derrière leurs lunettes
ceux qui ont des barbes mâchent le poil
ceux qui ont des journaux les dévorent
mais les vieilles femmes ont encore plus de peine
qui ne peuvent mâcher les barbes et
qui ne savent pas lire.

*découpage respecté
André Frédérique ("Aigremorts" -1947 ; cité dans la revue "Poésie 1", n°22 de février 1972)

- - - -  - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

La face

Il était laid avec ses deux bouches
Sous le nez sans cesse agitées
oui disait la droite non disait la gauche
et patati et patata
Il mit ses énormes moustaches
sur elles comme un drap*.

*majuscules et découpage respectés
André Frédérique ("Aigremorts" -1947 ; cité dans la revue "Poésie 1", n°22 de février 1972)



11 novembre 2009

Auteurs G 1 - PP 2013 EN FRANÇAIS - Pierre Gamarra - Robert Gélis

- Pierre Gamarra -

Pierre Gamarra, écrivain ("Le maître d'école") et poète, est né en 1919.

La pendule

Je suis la pendule, tic !
Je suis la pendule, tac !
On dirait que je mastique
Du mastic et des moustiques
Quand je sonne et quand je craque
Je suis la pendule, tic !
Je suis la pendule, tac !

J’avance ou bien je recule
Tic-tac, je suis la pendule,
Je brille quand on m’astique,
Je ne suis pas fantastique
Mais je connais l’arithmétique,
J’ai plus d’un tour dans mon sac,
Je suis la pendule, tac !
Je suis la pendule, tac !

Pierre Gamarra  ("Mon Cartable et autres poèmes à réciter" - ID livre jeunesse, 2006)

logo_cr_ation_po_tique Les objets s'expriment 

Il n'y a pas de raison (non, il n'y en a pas), comme les animaux, les objets parlent, et ça peut être drôle. On fera raconter en vers rimés ou libres, par les objets de notre entourage, leurs tracas et leurs plaisirs, peut-être leurs aventures ? Penser aux objets domestiques : Le frigo, la machine à café, le téléviseur, la console de jeux, le téléphone, même le paillasson ou l'éponge,  et aux autres, qu'ils nous appartiennent ou pas : la voiture, un avion, le caddie de supermarché, le cartable, le ballon de rugby ...

  • Autres possibilités : Faire raconter les objets naturels (la rivière, une montagne, la mer), ou artificiels du paysage (un pont sur le fleuve, la cour de récréation, une tour d'habitation promise à la démolition, un clocher d'église, le coq du clocher...) Les animaux évidemment, domestiques ou sauvages, disparus ou bien actuels. De nombreux textes peuvent servir de modèle.

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Le cosmonaute et son hôte

Sur une planète inconnue,
un cosmonaute rencontra
un étrange animal;
il avait le poil ras,
une tête trois fois cornue,
trois yeux, trois pattes et trois bras !
" Est il vilain! pensa le cosmonaute
en s'approchant prudemment de son hôte.
Son teint a la couleur d'une vieille échalote,
son nez a l'air d'une carotte.
Est ce un ruminant ? Un rongeur ? »
Soudain, une vive rougeur
colora plus encor le visage tricorne.
Une surprise sans bornes
fit chavirer ses trois yeux.
" Quoi! Rêvé je ? dit il. D'où nous vient, justes cieux,
ce personnage si bizarre sans crier gare !
Il n'a que deux mains et deux pieds,
il n'est pas tout à fait entier.
Regardez comme. il a l'air bête,
il n'a que deux yeux dans la tête !
Sans cornes, comme il a l'air sot ! "
C'était du voyageur arrivé de la Terre
que parlait l'être planétaire.
Se croyant seul parfait et digne du pinceau,
il trouvait au Terrien un bien vilain museau.
Nous croyons trop souvent que, seule, notre tête
est de toutes la plus parfaite!

Pierre Gamarra (" Salut, Monsieur de la Fontaine" - éditions ART, Le Temps des cerises)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Le moqueur moqué


Un escargot se croyant beau,
Se croyant gros, se moquait d'une coccinelle.
Elle était mince, elle était frêle !
Vraiment, avait-on jamais vu insecte aussi menu !
Vint à passer une hirondelle
Qui s'esbaudit du limaçon.
Quel brimborion, s'écria-t-elle !
C'est le plus maigre du canton !
Vint à passer un caneton.
Cette hirondelle est minuscule,
Voyez sa taille ridicule !
Dit-il sur un ton méprisant.
Or, un faisan
aperçut le canard et secoua la tête :
Quelle est cette si minime bête
Au corps si drôlement bâti !
Un aigle qui planait leur jeta ces paroles :
Êtes-vous fous ? Êtes-vous folles ?
Qui se moque du précédent sera moqué par le suivant.
Celui qui d'un autre se moque
A propos de son bec, à propos de sa coque,
De sa taille ou de son caquet,
Risque à son tour d'être moqué !

Pierre Gamarra (" Salut, Monsieur de la Fontaine" - éditions ART, Le Temps des cerises)


 - Robert Gélis -

Robert Gélis, romancier et poète pour la jeunesse, est né en 1938. Il a publié des recueils de poésies (Poèmes à tu et à toi, En faisant des galipoètes...) et des contes (Histoires et contes du loup-phoque...) d'humour et d'humanité. On le retrouvera dans les poésies C2 pour la classe (Mon stylo), dans la catégorie Printemps des Poètes 2008, l'Autre (texte titré : L'autre, Visite), et bien entendu dans la catégorie humour, où ces textes sont empruntés.

... "L'Important, c'est d'accrocher des rires
Aux branches sèches de la vie …"

Robert Gélis, extrait du poème "L'Important"

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Mon stylo

Si mon stylo était magique
Avec des mots en herbe,
J'écrirais des poèmes superbes,
Avec des mots en cage,
J'écrirais des poèmes sauvages.

Si mon stylo était artiste,
Avec les mots les plus bêtes,
J'écrirais des poèmes en fête,
Avec des mots de tous les jours
J'écrirais des poèmes d'amour.

Mais mon stylo est un farceur
Qui n'en fait qu'à sa tête,
Et mes poèmes sur mon coeur
Font des pirouettes.

Robert Gélis

logo_cr_ation_po_tique À la manière de "si mon stylo..."

Un travail en CM1, ICI, inspiré par "Mon stylo" ; une "approche de la poésie en classe de SEGPA avec ce texte, ICI" et toujours en s'inspirant de ce modèle, des productions d'élèves, ICI

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Matin d'automne

La ville se secoue,
Se trémousse et s'ébroue ;
Elle se gratte les flancs
En grognant,
Car, dans sa fourrure d'odeurs,
De bruits et de fumées,
Grouillent des puces affairées :
Les gens qui courent à leur travail.

Robert Gélis

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Rencontre

Madame la pianiste,
Dans les rues plutôt tristes,
Promenait ses mélodies,
Comme chaque lundi …

Et monsieur le poète,
Des rêves plein la tête,
Tenait en laisse, lui,
Des poèmes gentils…

Ils se sont rencontrés
Et, quelques mois après,
En plein temps des moissons,
Sont nées… trente-six chansons !

Robert Gélis ("En faisant des galipoètes" - Anthologie de Poche - Éditions Magnard, 1983)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Un poème pas amusant du tout, mais qui fait la part belle au rire et qui réclame la haute voix :

L'Important

- C'est quoi, l'Important ?
- L'Important, c'est d'accrocher des rires
Aux branches sèches de la vie…

- C'est quoi, la Vie ?
- La Vie, c'est chercher son étoile
Dans le fouillis du ciel…

- C'est quoi, le Ciel ?
- Le Ciel, c'est ce qu'on ne peut voir
Qu'en fermant les yeux…

- C'est quoi, les Yeux ?
- Les Yeux, ce sont des forges vives
où s'embrasent les rêves…

- C'est quoi, les Rêves ?
- Les Rêves….

C'est ce qui est important…

Robert Gélis ("En faisant des galipoètes" - Anthologie de Poche - Éditions Magnard, 1983)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Eh ! Oui

Ils ont coupé
Le vieux pommier
Roi du verger
Et en tronçons l'ont débité

De ces morceaux ont fabriqué
Une échelle pour monter
Cueillir des pommes du pommier
Ont été bien déçus
Car de pommier... il n'y en a plus.

Robert Gélis

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Alphabet

A B C D
Je ne veux pas céder !
E F G H
Il faut que je me fâche !
I J K L
Cette sacrée demoiselle
M N O P
Ne manque pas de toupet !
Q R S T
Elle me fait pester !
U V W X
Elle en vaut bien six !
Y Z
Encore une fois... je cède !

Robert Gélis ("En faisant des galipoètes" - Anthologie de Poche - Éditions Magnard, 1983)



Publicité
11 novembre 2009

Auteurs G 2 - PP 2013 EN FRANÇAIS - Claire Goll - Luce Guilbaud - Guillevic

- Claire Goll -

Claire Goll (1890-1977), épouse de Yvan Goll, poète également, mais plus connu qu'elle-même (et ce serait injuste de la laisser dans l'ombre) est une écrivaine, poète et journaliste de nationalité française et allemande.

Sept souhaits

Que ne suis-je le bandeau autour de ton front
Si proche de tes pensées !

Que ne suis-je le grain de maïs
Qu'écrasent tes dents de chat sauvage !

Que ne suis-je à ton cou la turquoise,
Chaude de la tempête de ton sang !

Que ne suis-je la laine multicolore
Du métier à tisser, qui glisse entre tes doigts !

Que ne suis-je la tunique de velours
Sur le flux et le reflux de ton coeur !

Que ne suis-je le sable dans tes mocassins
Qui ose caresser tes orteils !

Que ne suis-je ton rêve nocturne
Lorsque dans les bras noirs du sommeil, tu gémis !

Claire Goll


 

- Luce Guilbaud -

Luce Guilbaud, enseignante en arts plastiques, écrivain et poète, est née en 1941.
On trouvera d'autres textes pour la classe dans les catégories rangées par cycles.

Deux ouvrages parmi d'autres : Le dé bleu, ; La petite fille aux yeux bleus.

Pas de rire aux éclats, un sourire, de la gaieté, ou du moins la joie de vivre, dans ces poèmes, dont les titres sont suggérés par le blog :

Dans ma boîte

J’aurai une grande boîte
pleine de soleil
pour les jours de pluie
pleine de sourires
pour les jours de grogne
pleine de courage
pour les jours de flemme.

Et dans ma boîte j’aurai aussi
plein de coquillages
pour écouter la mer.

Luce Guilbaud

logo_cr_ation_po_tique À la manière de "Dans ma boîte" ...

Voir ici des productions d'élèves :
en CE1 : http://ecoles18.tice.ac-orleans-tours.fr/php5/rosieres/articles.php?lng=fr&pg=159si
et en CM2 ici, sous forme de petit livre à plier au format pdf :
http://petitslivres.free.fr/petitslivres/AUT/SEB0708002C.pdf

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Le monstre de pierre

Le vent et la pluie me hantent
Le gel fait craquer mes grimaces
Le soleil me nargue et me brûle
Mais je lui tire la langue !


Je ricane et je vocifère
Je gronde et je balbutie
J’étonne et j’effraie
J’ai mille frères et mille soeurs
Avec des queues des cornes
Des griffes des écailles des hures
Des groins des serres
Des dents pointues
Des trognes ébouriffées
Des nez épatés des yeux exorbités


Armé de piques de fourches
Je harcèle, j’étrangle, j’étripe
J’ouvre les portes de l’enfer
Je suis griffon, cerbère, chimère
Je suis un monstre de pierre.


Luce Guilbaud ("Loup y es-tu ?" - éditions Enfance heureuse)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Une image

Quel dommage,
Pensait une image
D’être attachée sur cette page !
Car la belle image
Rêvait de voyage
Et de vent du large
Elle en pleurait de rage
Mais un vieux sage
Conseilla l’image :
"Pour partir en voyage ?
Il suffit de tourner la page !"

Luce Guilbaud

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Le petit rêve

C’est un petit rêve léger
Un rêve bien plié sous mon oreiller
C’est un rêve doux et chaud
Qui va pieds nus dans l’herbe fraîche,
Un rêve transparent
Qui glisse entre les yeux
Et se blottit sous les paupières.
C’est un rêve coloré qui murmure
Encore en moi quand le soleil
Ouvre ma porte.
C’est un petit rêve léger
Qui accompagne ma journée.

Luce Guilbaud ("Les oiseaux sont pleins de nuages" - éditions Soc et Foc)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Le vent

Je plains le vent
Le vent se plaint
le vent gémit
le vent souffre quand il souffle
le vent voudrait se reposer
déposer sa douleur
dans le creux d’un rocher
danser avec les mouettes
doucement tranquillement
les emporter sur un nuage
le vent rêve de tendresse
mais il est condamné à hurler
à déchirer les feuilles mortes
à griffer nos visages dans la pluie
ça le met en colère le vent
d’être si méchant !
Alors il s’emporte et devient fou
le vent tornade tempête
sa douleur n’a plus de bornes
il détruit tout sur son passage
puis il s’arrête essoufflé désespéré
dans un lointain désert
et là-bas il s’endort
en rêvant de caresses.
Je plains le vent.

Luce Guilbaud

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

J’étais perdue

J’étais perdue dans la ville
Entre les façades noires
Et les boutiques bariolées
J’étais perdu parmi la foule
J’avais perdu mon nom
Et le chemin de ma maison.
C’est en suivant un pigeon
Puis un couple de personnes
Qu’au détour des violettes
Et du bleu des arbres
J’ai retrouvé mon nom
Et le chemin de ma maison.


Luce Guilbaud



- Guillevic -

Eugène  Guillevic dit Guillevic tout court* (1907-1997) a traversé le XXe siècle et ses courants littéraires de sa poésie rocailleuse et si humaine. Il observe le surréalisme (André Breton, Paul Éluard) sans y appartenir ... Lire la suite de cette présentation dans la catégorie qui lui est consacrée, colonne de gauche du blog.
(*) Guillevic ne souhaitait pas qu'on mentionne son prénom.

 

Parmi ce choix de poèmes, la plupart sont à dire :

Recette

Prenez un toit de vieilles tuiles
un peu avant midi.

Placez tout à côté
un tilleul déjà grand
remué par le vent.

Mettez au-dessus d'eux
un ciel de bleu, lavé
par des nuages blancs.

Laissez-les faire.
Regardez-les.

Guillevic (extrait de "Avec" - éditions Gallimard, 1966)

logo_cr_ation_po_tique Une recette amusante et poétique

Imiter une recette de fabrication (cuisine, bricolage) pour créer un paysage est déjà une drôle d'idée.
On pourra, sans tomber dans la soupe de sorcière, imaginer une liste d'ingrédients et d'ustensiles, de produits et d'outils, existants ou inventés, inhabituels en tous cas, pour un résultat poétique. Un peu en marge de ce travail, voir la "Complainte du progrès", de Boris Vian, pour rester dans la cuisine.

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Image

Sous les herbes,
ça se cajole,
ça s’ébouriffe et se tripote,
ça s’étripe et se désélytre,
ça s’entregrouille et s’entrefouille,
ça s’écrabouille et se barbouille,
ça se chatouille et se dépouille,
ça se mouille et se déverrouille,
ça se dérouille et se farfouille,
ça s’épouille et se tripatouille.
Et du calme le pré
Est la classique image.

Guillevic ("Étier", poèmes 1965-1975 - éditions Gallimard, 1979)

logo_cr_ation_po_tique Inventer des mots

Comme Guillevic, on peut farfouiller, dérouiller, écrabouiller la matière des mots, comme une terre glaise, pour en inventer de nouveaux.
Ici, et dans le texte d'Henri Michaux plus loin, ce sont les verbes qui sont concernés.
Voir aussi les tripatouillages de Boby Lapointe
et de Boris Vian.

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Le glyptodon

Je rencontre un glyptodon
Qui traînait son ventre à terre.
Je lui dis : mais qu’as-tu donc ?
Il répond : le quaternaire.

Oui, vois-tu, je sens qu’il vient,
Que c’est la fin du tertiaire
Et donc aussi notre fin,
C’est dans tous les dictionnaires.

Il n’y aura plus d’égards
Pour nos grandes carapaces,
Puisqu’il y aura les chars :
Ça fait plus mal quand ça passe.

C’est pourquoi je suis atteint.
Savoir la fin de son règne
N’est jamais bon pour le teint,
Qu’on soit dieu ou musaraigne.

Guillevic ("Poèmes en chansons" - publication phonogram Philips Livre-disque 33 tours, 1976 ; texte mis en musique et chanté par Max Rongier)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Ma girafe et moi

Moi, ça m’est bien égal,
Ce qu’ils font.

J’ai un cheval dans ma poche
Et d’ailleurs c’est une girafe.

Alors, quand c’est à moi
Qu’on veut s’en prendre, hop là !

On est loin,
Ma girafe et moi.

Et eux
N’y comprennent rien.

Guillevic ("Autres" - 1980)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Fabliette du mauvais bœuf

Le mauvais bœuf
Ne voulait pas
Etre vendu, mais vendre.
A la ville voisine
Il emmena
Un beau jour son patron.

Il fut déçu.
Le ramena.

Guillevic ("Autres" - 1980)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Textes extraits du recueil "Euclidiennes" :

Triangles
(numérotation des poèmes proposée)

1. Isocèle

J'ai réussi à mettre
Un peu d'ordre en moi-même.
J'ai tendance à me plaire.

- - - - - - - - -

2. Équilatéral

Je suis allé trop loin
Avec mon souci d'ordre,

Rien ne peut plus venir.

- - - - - - - - - -

3. Rectangle

J'ai fermé l'angle droit
Qui souffrait d'être ouvert
En grand sur l'aventure.

Je suis une demeure
Où rêver est de droit.

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Diagonale

Pour aller où je dois aller,
J'ai le droit de priorité,
J'ai le droit de propriété.

Car il faut que deux angles
À travers la surface
Aient communication.

Donc je m'installe et sans égard
Pour des desseins moins nécessaires.

- - - - - - - - - -

Droite

Au moins pour toi,
Pas de problème.

Tu crois t'engendrer de toi-même
À chaque endroit qui est de toi,

Au risque d'oublier
Que tu as dû passer
Probablement au même endroit.

Ne sachant même pas
Que tu fais deux parties
De ce que tu traverses,

Tu vas sans rien apprendre
Et sans jamais donner.

- - - - - - - - - -

Carré

Chacun de tes côtés
S'admire dans les autres.

Où va sa préférence ?
Vers celui qui le touche
Ou vers celui d'en face ?

Mais j'oubliais les angles
Où le dehors s'irrite

Au point de t'enlever
Les doutes qui renaissent.

- - - - - - - - - -

Cercle

Tu es un frère
On peut s'entendre.

Fais-moi pareil,
Enferme-moi.

Réchauffons-nous,
Vivons ensemble
Et méditons.

- - - - - - - - - -

Angle aigu

A défaut d'être cercle
On pourrait se faire angle,

Et sinon vivre au calme,
Attaquer l'entourage,

Se reposer ensuite
En rêvant de fermer

L'autre côté toujours
Ouvert sur l'étranger.

- - - - - - - - - -

Parallèles

On va, l’espace est grand,
On se côtoie,
On veut parler.
Mais ce qu’on se raconte
L’autre le sait déjà,
Car depuis l’origine
Effacée, oubliée,
C’est la même aventure.
En rêve on se rencontre,
On s’aime, on se complète.
On ne va plus loin
Que dans l’autre et dans soi.

- - - - - - - - - -

Perpendiculaire

Facile est de dire
Que je tombe à pic.
Mais c'est aussi sur moi
Que l'autre tombe à pic.

Guillevic ("Euclidiennes"  1967 - Gallimard)

logo_cr_ation_po_tique Poésie géométrique

Proposer en exemple un des objets géométriques connus des élèves, triangle, carré, droite, angle, que Guillevic a curieusement mis en scène dans ses poèmes, en les faisant s'exprimer à la première personne. Les élèves seront invités à en choisir un autre (dont on n'aura pas présenté l'interprétation de Guillevic, pour ne pas orienter la production).
Ils en rechercheront la définition et les propriétés mathématiques et construiront un très court "portrait" ou une petite saynète. Plusieurs objets peuvent interférer.
Le cercle, avec ses "accessoires", rayon, diamètre, arc, ... convient particulièrement. Ne pas oublier les objets en 3 D : cube, cylindre, pyramide, sphère.
Autres possiblités : étendre le procédé aux chiffres, aux opérations mathématiques.



 

11 novembre 2009

Auteurs H I - PP 2013 EN FRANÇAIS - Jacqueline et Claude Held - Henri Heurtebise

- Jacqueline et Claude Held -

Jacqueline Held et Claude Held, enseignants et auteurs contemporains (ils sont tous deux nés en 1936), écrivent séparément ou ensemble des livres pour la jeunesse et les plus grands, recueils de poésies, albums, romans, théâtre.

Poèmes en forme de comptine :

Acrobatie

Ma maison n’a pas de porte.
Ma maison n’a pas de fenêtre.
Ma maison n’a pas de plancher.
La porte, je veux bien m’en passer.
La fenêtre, je veux bien m’en passer.
Ce qui me manque le plus, peut-être,
Quand je marche, c’est le plancher.


Jacqueline et Claude Held

- -  - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Poème en forme de marabout-bout d'ficelle :

Ballade pour un métro (extrait, début et fin)

Ralentir :
Rat lent tire.
Tire le signal.
Signal d'alarme.
Larme à l'oeil.
Boeuf sur la langue.
Langue dans la bouche.
Bouche de métro.
Métro Alésia.
Alésia de bataille.
Bataille rangée.
Rangée d'oignons.
Oignons d'hiver.
Hiver pluvieux.
Vieux chiffons,
Ferraille à vendre,
Peaux de mouton.
Mouton-Duvernet
...

Ouf ouf
On descend à la prochaine.

Jacqueline et Claude Held

- -  - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Grillon de lune 

Le grillon de la lune a mis ses patins d'argent est parti à quatre pattes dans l'aventure.
Il a acheté chez le marchand de lune une étoile de mer, une étoile de neige et un sifflet d'un sou.
Quand le grillon de lune siffle trois coups les cosmonautes grimpent sur leur éléphant blanc.
Quand le grillon de lune siffle deux coups les cosmonautes partent à la pêche à la lumière.
Quand le grillon de lune siffle un seul coup les parents ferment la télévision et les enfants s'endorment.

Jacqueline et Claude Held

- -  - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Poème en forme de comptine :

Le pissenlit

Monsieur Pissenlit l'élégant
Le lundi porte des gants.
Monsieur Pissenlit le bravache
Le mardi porte moustache.
Le mercredi porte conseil,
Le jeudi ne porte rien,
Le vendredi porte bonheur,
Le samedi porte une fleur,
Une fleur à sa boutonnière
Qu'il a cueillie en hélicoptère.


Jacqueline Held

- -  - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Transformations

L'enchanteur Merlin se changea en chien.
Le petit garçon ne dit rien.

L'enchanteur Merlin se changea en chat.
Le petit garçon bâilla.

L'enchanteur Merlin se changea en chinchilla.
Le petit garçon rebâilla.

L'enchanteur Merlin se changea en souris.
Le petit garçon s'endormit.

Moralité:
il n'y a plus d'enfant.

Jacqueline Held (recueil anthologique de J Hugues Malineau : "Premiers poèmes pour toute ma vie" - éditions Milan, 2003)



- Henri Heurtebise -

Henri Heurtebise est né en 1936. Il est avec René Cazajous, le fondateur en 1970 de la revue poétique Multiples, qu'il dirige toujours.

Pour découvrir l'auteur et la revue sur la Toile : http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/heurtebise/heurtebise.html
Adresse postale de la revue : "Multiples" Henri Heurtebise,  9, chemin du Lançon, 31410 Longages.

Dans la présentation qu'il fait de lui-même sur le site du Printemps des Poètes, Henri Heurtebise explique :
"Pour ce qui est de ma poésie, j'ai trois écritures : celle qui pense (dans "discrétions poétiques"), celle qui rit
(Adam et Eve, Monsieur de non Juan), celle qui chante.
Dans mes poèmes, que depuis 1991 j'appelle odes, j'ai toujours chanté. J'entends par là, depuis quelques années, que la musique et le rythme doivent être premiers. Sans négliger le sens (...)
Ecrire pour moi, que je réfléchisse, que je rie ou que je chante, est porter à la meilleure forme (irrécusable et intraduisible) la plus forte humanité dans un monde que je voudrais qualitatif ..."

Tarzan

D'un bond
Tarzan
pénétra l'affiche
Les couleurs giclèrent sur les agents qui ameutèrent le peuple des HLM
Les voitures haletèrent

trop tard
aux quatre coins de l'affiche

Les demoiselles tranquilles et les paisibles mariages reprenaient leur circulation

Henri Heurtebise, 1969 (dans la revue Poésie 1 n°28-29, "L'enfant et la poésie", de janvier-février 1973 - éditions Librairie Saint Germain-des-Prés)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Prévention   (titre suggéré pour ce poème en forme de publicité)

À l'usine
Au bureau
Dans les champs

ASSUREZ-VOUS CONTRE L'AMOUR

Un regard est si vite arrivé !

Henri Heurtebise, 1969 (dans la revue Multiples qu'il dirige, numéro 4, "Spécial Humour",printemps 1971)

- - - - - - - - - - - - - - -

logo_cr_ation_po_tiquePublicité, slogan poétique
Les publicistes rivalisent d'inventivité pour vendre leurs produits. Les slogans publicitaires usent et abusent des jeux de mots, des quiproquos.

Il faudra  trouver un "produit" (au sens large) à vendre, et un argument humoristique pour inviter à son achat. Autres pistes, comme dans le texte "Prévention", un avertissement, une interdiction ... Les textes seront courts, frappants.
On pourra créer une véritable affiche en mariant création textuelle et arts plastiques

Exemple proposé par le blog :
pour une  jardinerie, ce jeu de mots avec illustration suggérant la force, la puissance :

L'oignon fait la fleur

L'exercice se rapproche du détournement de proverbes (voir Luc Decaunes). 



11 novembre 2009

Auteurs J K - PP 2013 EN FRANÇAIS - Max Jacob, Georges Jean

- Max Jacob -

Max Jacob (1876-1944) était un écrivain, un poète et un peintre, ami de peintres cubistes comme Pablo Picasso, Georges Braque et Juan Gris, et de poètes, comme Guillaume Apollinaire, puis plus tard, de Jean Cocteau, Modigliani, et encore Marcel Béalu, Michel Manoll, René-Guy Cadou et Jean Rousselot.
Il est auteur de contes pour enfants, et de nombreux recueils de poésie, certains en prose ("Le Cornet à dés" est d'abord édité en 1917 à compte d'auteur).
Voir la suite de cette présentation
ici sur le blog, avec le poème "Amour du prochain".

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Trois ou quatre poèmes à dire pour le Printemps 2013

Souvent présentés comme deux textes différents, en réalité, il s'agit de deux strophes du même poème. La première strophe est représentée en calligramme (dans l'ouvrage "Il était une fois...les mots" - textes réunis par Yves Pinguilly et typoscénie d'André Belleguie, aux éditions La Farandole/Messidor, 1981) :

calligramme_Max_Jacob_cheval

Pour les enfants et pour les raffinés (extraits)

À Paris sur un cheval gris
À Nevers sur un cheval vert
À Issoire sur un cheval noir
Ah ! Qu'il est beau
qu'il est beau
Ah ! Qu'il est beau
Qu'il est beau!
Tiou !

[...]

Je te donne pour ta fête
Un chapeau noisette
Un petit sac en satin
Pour le tenir à la main
Un parasol en soie blanche
Avec des glands
sur le manche
Un habit doré sur tranche
Des souliers couleur orange.
Ne les mets que le dimanche.
Un collier, des bijoux !
Tiou !

Max Jacob ("Les œuvres burlesques et mystiques de Frère Matorel"- Henry Kahnweiler, 1912)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Avenue du Maine

Les manèges déménagent.
Manège, ménageries, où ?… et pour quels voyages
Moi qui suis en ménage
Depuis… ah ! il y a bel âge !
De vous goûter, manèges,
Je n'ai plus … que n'ai–je ?…
L’âge.
Les manèges déménagent.
Ménager manager
De l’avenue du Maine
Qui ton manège mène
Pour mener ton ménage !
Ménage ton ménage
Manège ton manège.
Ménage ton manège.
Manège ton ménage.
Mets des ménagements
Au déménagement.
Les manèges déménagent,
Ah ! vers quels mirages ?
Dites pour quels voyages
Les manèges déménagent.

Max Jacob ("Les œuvres burlesques et mystiques de Frère Matorel"- Henry Kahnweiler, 1912)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Souric et Mouric

Souric et Mouric,
Rat blanc, souris noire,
Venus dans l’armoire
Pour apprendre à l’araignée
À tisser sur le métier
Un beau drap de toile.

Expédiez-le à Paris,
à Quimper, à Nantes,
C’est de bonne vente !
Mettez les sous de côté,
Vous achèterez un pré,
Des pommiers pour la saison
Et trois belles vaches,
Un bœuf pour faire étalon.

Chantez, les rainettes,
Car voici la nuit qui vient,
La nuit on les entend bien,
Crapauds et grenouilles,
Écoutez, mon merle
Et ma pie qui parle,
Écoutez, toute la journée,
Vous apprendrez à chanter.

Max Jacob ("Poèmes de Morven le Gaélique" édité en 1953, posthume et en Poésie-Gallimard, 1991). Francis Poulenc a composé une musique sur les paroles de ce poème.

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -



- Georges Jean -

Georges Jean, poète et enseignant, est né à Besançon en 1920. Il est l'auteur de recueils de poésie et d'anthologies poétiques pour les enfants.

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Un poème à dire, avec des mots (merci à Alain, fidèle du lieucommun, pour sa piqûre de rappel), qui a choisi
ce poème et l'a placé, illustré, sur son site.
Ça vaut bien une visite : http://www.eveil25.info/article-il-y-a-des-mots-116075652.html

Il y a des mots

Il  y a des mots, c’est pour les dire,
c’est pour les faire frire,
c’est pour rire.

Il y a des mots, c’est pour les chanter,
c’est pour rêver,
c’est pour les manger.

Il y a des mots, que l’on ramasse;
des mots qui passent,
des mots qui se cassent.

Il y a des mots pour le matin,
des mots métropolitains,
ou lointains.

Il y a des mots épais et noir,
des mots légers pour les histoires,
des mots à boire.

Il y a des mots pour toutes les choses,
pour les lèvres, pour les roses,
des mots pour les métamorphoses,
Si l’on ose...

Georges Jean

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

et un poème à murmurer, peut-être ...

Ville inconnue

Dans la ville des murmures
Traînent dans l'ombre
Les gens n'ont pas de visage
Les fenêtres sont fermées
Dans la gorge des passants
Le passé noue ses yeux profonds
Et la rivière des songes
Plonge au puits de solitude
Piétinements Habitudes
Un chat passe dans son ombre
Des enfants traversent la lune
Paumes ouvertes de la nuit
Derrière brûlent les étoiles
Le plâtre tombe des façades
Saga de la ville inconnue
Le vent construit l'espace
Et le Temps

Georges Jean ("Parcours immobiles" - éditions Le dé bleu, 1995)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

et cette voix, ce jour-là, qui "traverse les arbres" ...

1er juillet 1971

Lorsque ta main est là
Dans ma paume fermée

Lorsque ton pas résonne
à côté de mon pas

Lorsque la nuit abat
Notre double fatigue

Lorsque l'aube salue
Notre vie étoilée

Lorsque j'entends ta voix
Qui traverse les arbres

Je sais que tout est dit
Et le temps s'abolit.

Georges Jean


 

11 novembre 2009

Auteurs L 1 - PP 2013 EN FRANÇAIS - Jean L'Anselme - Boby Lapointe - Michel-François Lavaur

- Jean L'Anselme -

Jean L'Anselme, nom d'auteur de Jean-Marc Minotte (1919- 30 décembre 2011) est un poète vivant, comme on l'écrivait ici. Maintenant qu'il a disparu physiquement de notre horizon, il reste un poète atypique, comme on le dit parfois des auteurs qui déconcertent, qui n'entrent pas dans les catégories normalisées.

Quelques titres d'ouvrages de Jean L'Anselme, tous parus aux éditions Rougerie :
Ça ne casse pas trois pattes à un canard et après (2005) ; La chasse d'eau, les poèmes cons, manifeste suivi d'exemplesLe ris de veau (1995) ; Pensées et proverbes de Maxime Dicton, banalités, bêtises, paradoxes, balivernes, lieux communs et autres propos sérieux de l'auteur (1991).
(2001) ;

Voici un passage à lire aux élèves :
"...On ne naît pas poète, on naît comme on est, c'est-à-dire comme tout le monde. N'importe qui peut être poète, je suis moi-même n'importe qui. Il n'y a d'ailleurs pas d'école où on enseigne la poésie pour en ressortir avec un CAP alors que, dans les autres domaines de l'art, il existe des conservatoires et des académies. C'est une réalité à laquelle on ne songe guère. Nous sommes donc des millions de poètes comme toi. Souvent sans le savoir ..."
et il termine presque par ceci : "À présent oublie tout ce que je viens de te dire et n'écoute pas les autres..."

Jean L'Anselme - Conseils à un jeune poète (éditorial du n° 13 de la revue Poésie Première, à lire intégralement ici : http://poesiepremiere.free.fr/Lanselme.html).

Art poétique

Vingt fois sur le métier
dépolissez l'ouvrage,
un vers trop poli
ne peut pas être...au net.
Méfiez-vous des vers luisants !
Faites du vers dépoli
votre vers cathédrale.
un poème au pied bot
ne peut être que bancal.

Jean L'Anselme (Vers dépolis, dans le recueil "La Foire à la ferraille" - Éditeurs Français Réunis, 1974)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Congés payés

Moi dit la cathédrale je voudrais être coureur à pied pour
pouvoir lâcher mes béquilles
Moi dit le pont je voudrais être suspendu pour pouvoir sauter
A la corde
Moi dit l’imagination je voudrais être riche pour pouvoir
emmener L’Anselme en vacances
Moi dit la Seine je voudrais être mer pour avoir des enfants
qui jouent dans le sable

Jean L'Anselme ("Il fera beau demain" - Éditions Caractères / Imprimerie de poètes, 1952)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Monsieur X *

C'était un vieux hibou
affreux comme un pou
avec son caillou
nu comme mon genou.

Mais comme il était chou
quand il faisait joujou
avec son chien Bijou !

Jean L'Anselme

* devinette pour les élèves : pourquoi Monsieur "X" ?

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

L'éclair au chocolat

Dans l'éclair au chocolat
ce qui est sur le dessus
et ce qui est à l'intérieur
ça n'a pas la même couleur.
Le dessus ressemble à du chocolat
Mais pas le dedans.
On est aussi souvent chocolat
avec les gens qu'on ne connaît pas.

Jean L'Anselme (dans l'anthologie de Jacques Charpentreau, "La poésie comme elle s'écrit" - Éditions Ouvrières, 1979)



Boby_Lapointe_coffret_int_gr_33T- Boby Lapointe -

Boby Lapointe (1922-1972) est natif de Pézenas, dans l'Hérault. Poète, chanteur ? Les deux. C'est un humoriste, un joueur de mots hors pair, qu'il sait si bien mettre en musique, dont il faut réécouter plusieurs fois les interprétations  pour saisir les astuces de langage. (photo coffret Intégrale 33 tours, présenté par son ami Georges Brassens - clic pour agrandir l'image)

On verra plus bas que Boby Lapointe est proche du mouvement Dada. Pas d'allusion ici au "Saucisson de cheval", titre d'une de ses chansons, mais plus précisément aux contraintes linguistiques qu'il s'est imposées avec le système "Bibi-binaire" de son invention.

Et puisque le printemps 2013 met la voix à l'honneur,celle de Boby Lapointe y trouvera une place de choix, exercice de diction et de jonglage avec le son et le sens ...

On pourra s'amuser dans le texte qui suit, à repérer les jeux de mots et les doubles-sens :

La maman des poissons (extrait)

Si l'on ne voit pas pleurer les poissons
qui sont dans l'eau profonde
C'est que jamais quand il sont polissons
leur maman ne les gronde.

Quand ils s'oublient à fair' pipi au lit,
ou bien sur leurs chaussettes
Ou à cracher comme des pas polis,
elle reste muette

La maman des poissons
elle est bien gentille
Elle ne leur fait jamais la vie
Ne leur fait jamais de tartines
Ils mangent quand ils ont envie
Et quand ça a dîné ça r'dine
[...]
La maman des poissons
Elle a l'œil tout rond
On ne la voit jamais froncer les sourcils
Ses petits l'aiment bien, elle est bien gentille
Et moi je l'aime bien avec du citron
[...]
S'ils veulent être maquereaux
C'est pas elle qui les empêche
De s'faire des raies bleues sur le dos
Dans un banc à peinture fraîche
[...]
La maman des poissons
Elle a l'œil tout rond
On ne la voit jamais froncer les sourcils
Ses petits l'aiment bien, elle est bien gentille
Et moi je l'aime bien avec du citron

....

La maman des poissons
elle est bien gentille

Boby Lapointe - paroles et musique (éditions musicales Francis Dreyfus, 1971)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Dans ce texte, peut-être le plus entendu de l'auteur, Boby Lapointe joue avec les sonorités, les allitérations :

Ta Katie t'a quitté (extrait)

Ce soir au bar de la gare
Igor hagard est noir
Il n'arrête guère de boire
Car sa Katia, sa jolie Katia
Vient de le quitter
Sa Katie l'a quitté

Il a fait chou-blanc
Ce grand-duc avec ses trucs
Ses astuces, ses ruses de Russe blanc
Ma tactique était toc
Dit Igor qui s'endort
Ivre mort au comptoir du bar

Un Russe blanc qui est noir
Quel bizarre hasard se marrent
Les fêtards paillards du bar
Car encore Igor y dort
Mais près d'son oreille
Merveille un réveil vermeil
Lui prodigue des conseils
Pendant son sommeil

Tic-tac tic-tac
Ta Katie t'a quitté
Tic-tac tic-tac
Ta Katie t'a quitté
Tic-tac tic-tac
T'es cocu qu'attends-tu ?
Cuite-toi t'es cocu
T'as qu'à, t'as qu'à t'cuiter
Et quitter ton quartier
Ta Katie t'a quitté
Ta tactique était toc
Ta Katie t'a quitté
Ote ta toque et troque
Ton tricot tout crotté
Et ta croûte au couteau
Qu'on t'a tant attaqué
Contre un tacot coté
Quatre écus tout comptés
Et quitte ton quartier
Ta Katie t'a quitté
[...]

Boby Lapointe - paroles et musique (éditions musicales Intersong Tutti, 1975)

logo_cr_ation_po_tique Allitérations

Voir aussi  Pierre Coran.
Exercice délicat de création écrit/son, qu'on peut proposer en fin d'élémentaire avec de courtes phrases, des expressions,
mais réservé sans doute pour une production cohérente de textes, même courts, aux 3e de collège et au lycée.
Le thème et le choix des consonnes est souvent lié (on songe au classique "Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?") exemples à venir

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Le poisson fa (extrait)

Il était une fois
Un poisson fa.
Il aurait pu être poisson-scie,
Ou raie,
Ou sole,
Ou tout simplement poisson d'eau,

Ou même un poisson un peu là,
Non, non, il était poisson fa :
Un poisson fa,
Voilà.

Il n'avait même pas de dièse,
Et d'ailleurs s'en trouvait fort aise;
"C'est un truc, disait-il,
À laisser à l'écart,
Après, pour l'enlever,
Il vous faut un bécarre,
Et un bécarre,
C'est une chaise
Qui a un air penché et pas de pieds derrière;
Alors, très peu pour moi,
Autant m'asseoir par terre,
Non, non, non, non, non, non, non,
Pas de dièse.
[...]

Boby Lapointe - paroles et musique (éditions musicales Intersong Tutti, 1975)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Boby Lapointe, mathématicien de talent reconnu, est l'inventeur du système numérique "Bibinaire"ou "Bibi-binaire", dont on aura un aperçu à cette adresse :
http://pagesperso-orange.fr/therese.eveilleau/pages/truc_mat/textes/bibinaire.htm.
L'ordinateur a créé des pseudo-mots (on en trouve aussi des authentiques... le hasard ?)  qui forment une suite, en fonction de ce programme et des sons que l'auteur lui a fournis. Il ne s'agissait pas de construire des phrases, il n'y a pas de liaison entre les termes obtenus :

Adéli adémo mélami adéli
Laminja olala émiléli mimé
Malila jédélo mémimo odéli
Ladémi démodé admila matimé

À l'issue de cette production, Boby Lapointe a eu l'idée d'une chanson avec des mots existants : Méli-mélodie, dont voici juste un aperçu, vu que nous avons censuré certains pas-sages (on les trouvera ailleurs) :

Méli-mélodie

Oui, mon doux minet, la mini,
Oui, la mini est la manie
Est la manie de Mélanie
Mélanie l'amie d'Amélie...
[...]

Des minous menus de Lima
Miaulant dans les dais de damas
Et dont les mines de lama
Donnaient mille idées à Léda...

Léda dont les dix dents de lait
Laminaient les mâles mollets
D'un malade mendiant malais
Dinant d'amibes amidonnées
Mais même amidonnée l'amibe
Même l'amibe malhabile
Emmiellée dans la bile humide
L'amibe, ami, mine le bide...
Et le dit malade adulé
Dont Léda limait les mollets
Indûment le mal a donné
Dame Léda l'y a aidé !
[...]

Et les minets de maux munis
Mendiant de midi à minuit
[...]
Ah la la la la ! Quel méli mélo, dis !
Ah la la la la ! Quel méli mélo, dis !

Boby Lapointe - paroles et musique, 1968 (éditions Labrador, I.N.A. 1994)

logo_cr_ation_po_tique Jouer avec les sons, inventer des mots

Choisir comme dans le quatrain original ("adéli, adémo...") des sons durs ou plus doux, suivant l'impression à produire. Lister les différentes combinaisons possibles (modèle mathématique), et essayer des arrangements pour la création d'une suite de pseudo-mots musicaux, évocateurs, drôles.

Deux options possibles :

  • Utiliser les ressemblances avec des mots existants (parfois ces mots directement) et structurer ces suites de termes comme des phrases en plaçant déterminants, pronoms, prépositions, etc  :

ex (en gardant les sons du texte original) : lamilé a matimé toute la mélami avec l'odéli démodé d'adémo

  • Ne garder de la recherche que les mots reconnus, pour créer une petite histoire, forcément absurde, à la manière de Boby Lapointe dans sa chanson Méli-mélodie. C'est un exercice similaire au jeu des allitérations (ci-dessus, "Ta Katie t'a quitté, tic tac...") avec des assonances en prime :

ex (avec les mêmes  sons) : Oh la la ! Mélanie la maline a démoli la mélodie d'Émilie à midi ! Émilie est éliminée !

Voir aussi Guillevic, Henri Michaux, Boris Vian. 


- Michel-François Lavaur -

Michel-François Lavaur, poète français et néanmoins occitan est né en 1935. Il a publié la plupart de ses textes dans des revues (Traces, pour celui qui est présenté ici).

L’éléphantastique

Ils jouaient dans la classe
avec les mots et les images.
Ils apprivoisaient
peu à peu le langage.
Ils faisaient des charades,
des rébus, des comptines,
des bouts-rimés des acrostiches
et des calligrammes.
Ils dessinaient tout un bestiaire
d’oiseaux quadrupèdes,
velus ou bicéphales,
des martaureaux et des cerfeuilles,
des serpaons et des escargorilles.
C’est ainsi qu’il est né,
avec sa trompe longue
de papillon et ses
huit pattes frêles,
l’éléphantastique.

Michel-François Lavaur (dans la revue "Traces", juillet 1990)

logo_cr_ation_po_tique Mots-valises

Brigoler : éclater de rire en plantant un clou.
dans "Ralentir : mots-valises !" (Alain Finkielkraut, éditions du Seuil)

Un mot-valise est créé par fusion de deux mots ayant une syllabe commune, la dernière du premier mot et la première du second.
Exemple ici : éléphant / fantastique = éléphantastique (orthographié ainsi pour mettre l'accent sur l'animal, mais ce mot pourrait s'écrire éléfantastique.
On observera que les monosyllabes (paon) se situent forcément en dernière position, et que c'est alors l'orthographe modifiée qui indique le mariage, puisqu'il n'y a pas de différence perceptible à l'oreille ( serpent + paon = serpaon).

En s'aidant du dictionnaire, on recherchera des mots commençant par une syllabe de préférence sonore. À partir de la liste établie, on effectuera une seconde recherche, comme pour les rimes, de mots terminés par la même syllabe (sans tenir compte de l'orthographe). Dans un troisième temps, on expérimentera les mariages de mots, selon le thème et l'effet recherché.

Si on travaille sur un thème particulier pour construire un texte cohérent, il peut être intéressant de réunir de la documentation (livres sur les animaux, les plantes, catalogue de jouets, etc.)

Parfois, plusieurs syllabes sont communes ex : musaraigne + araignée = musaraignée.
Par nécessité, on s'accordera le droit de bricoler une syllabe, à condition que les mots fusionnés soient encore facilement repérables. ex : kangourou + rossignol = kangourossignol.
Les mots composés seront pris en compte. ex : souris + rigolote = sourigolote, et chauve-souris + rigolote = chauve sourigolote.

- - - - - - - - - - -

Création arts plastiques : "Animots-valise"
Encore un mariage (on dira pas de raison) entre la production d'écrit et les arts plastiques. Ici, on mesure l'étendue des possibilités, imagination et techniques pour illustrer les monstres hybrides produits à l'écrit  : découpage-collage, 3D...

Un exemple maison, sur ce blog, une fois n'est pas coutume, avec ce texte d'Antoine Bial (re-titré Animoches, anibeaux, ça sonne mieux !) :

  d__coccinelleAnimoches anibeaux

 

 Le concours de beauté approche.
On s'agite chez les petites bêtes,
anibeaux, animoches s'apprêtent.

Si le millépatant est encore en chaussettes,
L'escarbeau astique sa coquille,
la fourmignonne se maquille, se pomponne,
le ver-séduisant met ses Ray-Bans
et la coccibelle repeint ses ailes …

Qu'est-ce qu'on apprend ?
Le millépatant est maintenant
dans le cirage ?
Dommage,
le défilé commencera sans lui. ...

Très vite sont éliminés
La moche tsé-tsé et ses yeux cernés,
l'affrelon, qui a piqué un fard,
le poubeau, à cause de sa poubelle,
et bien sûr la punase (on l'a sentie venir !) ...

Le millépatant, épuisé,
fait son entrée en grandes pompes.
Trop tard,
la Coccibelle a raflé tous les points !

Antoine Bial

Ici un travail de production d'écrit et de graphisme, sous la forme d'un livret à feuilleter en ligne, réalisé en CM à partir de ce texte : http://www4.ac-nancy-metz.fr/ia54-circos/ientoul/spip.php?article593



11 novembre 2009

Auteurs L 2 - PP 2013 EN FRANÇAIS - Madeleine Le Floch - Madeleine Ley

- Madeleine Le Floch -

Madeleine Le Floch est une auteure contemporaine, qui a publié en 1975 "Petits contes verts pour le printemps et pour l'hiver". Un recueil dans lequel elle joue avec les différents sens, les à-peu-près et les homonymies du vert, pour l'écriture de (quand même !) soixante-treize petits poèmes. En voici un échantillon :

livre_Madeleine_Le_Floch_contes_vertsVers exclusif *

La mer
en s'en allant
écrivait sur le sable
un poème

que le vent
jaloux
effaçait.

Madeleine Le Floch ("Petits contes verts pour le printemps et pour l'hiver" - Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1975)

* Dans le recueil, ce texte porte le titre "Vert exclusif". Puisqu'il s'agit d'un poème que la mer écrit jalousement, est-ce une faute de frappe, ou faut-il titrer "Vers exclusifs" ?

- - - - -  - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Oiseau vert

Il était une fois
un oiseau
que l'on avait
enfermé
dans une cage.

Du matin au soir
il criait:
que je suis malheureux!
Ah! que je suis donc
malheureux!

Comme il chante bien
disait la petite fille.

Madeleine Le Floch ("Petits contes verts pour le printemps et pour l'hiver" - Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1975)



- Madeleine Ley -

Madeleine Ley (1901-1981) est une romancière et poétesse belge.

La girafe

Je voudrais une girafe
Aussi haute que la maison
Avec deux petites cornes
Et des sabots bien cirés
Je voudrais une girafe
Pour entrer sans escalier
Par la lucarne du grenier.

Madeleine Ley ("60 poésies 60 comptines" - éditions Le Centurion)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

En rêve j'ai trouvé

En rêve j'ai trouvé
(Le joli, joli rêve !)
en rêve j'ai trouvé
la clochette enchantée
qui dit la vérité.

En rêve j'ai trouvé
(Était-ce bien un rêve ?)
en rêve j'ai trouvé
les miettes semées par le Petit Poucet !

En rêve j'ai trouvé
(L'étrange, étrange rêve !)
en rêve j'ai trouvé
la citrouille si grosse
qui se change en carosse !

Dans mon plus joli rêve,
au pied d'un blanc perron,
j'ai trouvé, Cendrillon,
ta pantoufle de verre ...

(Madeleine Ley ("Petites voix" - Éditions Stock, 1930)

logo_cr_ation_po_tique Des exemples de création poétique en CE1 à la manière de Madeleine Ley :
http://www.ac-nancy-metz.fr/petitspoetes/HTML/SALLESDEJEUX/JEURIME.html

 

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Voici un dernier poème de Madeleine Ley, moins situé dans le thème de l'humour :

L’araignée

Araignée grise
Araignée d’argent
Ton échelle exquise
Tremble dans le vent.
Toile d’araignée
Émerveillement
Lourde de rosée
Dans le matin blanc !
Ouvrage subtil
Qui frissonne et ploie
Ô maison de fil
Escalier de soie.
Araignée grise
Araignée d’argent
Ton échelle exquise
Tremble dans le vent.

Madeleine Ley ("Petites voix" - Éditions Stock, 1930)



Publicité
<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 > >>
Publicité