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lieu commun
2 janvier 2009

Poètes d'AMÉRIQUE du SUD - Brésil, Chili, Argentine ...

Paysages d'Amérique du Sud 

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Chili

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Pablo Neruda (1904-1973) est le poète chilien le plus connu.
Dans le recueil "Vingt poèmes d'amour et une chanson désespérée" les poèmes ne portent aucun titre, ils sont numérotés de I à XX.

"Los Veinte poemas de amor y una canción desesperada son un libro doloroso y pastoril que contiene mis más atormentadas pasiones adolescentes, mezcladas con la naturaleza arrolladora del sur de mí patria" ...

Pablo Neruda dans son autobiographie "J'avoue que j'ai vécu" ("Confieso que he vivido")

(Passages)

XIV

Juegas todos los días con la luz del universo.
Sutil visitadora, llegas en la flor  y en el agua.
Eres más que esta blanca cabecita que aprieto
como un racimo entre mis manos cada día.

A nadie te pareces desde que yo te amo.
Déjame tenderte entre guirnaldas amarillas.
¿Quién escribe tu nombre con letras de humo entre las estrellas del sur ?
¡Ah, déjame recordarte cómo eras entonces, cuando aún no existías !

(...)

Hasta te creo dueño del universo.
Te traeré de las montañas flores alegres, copihues,
avellanas oscuras, y cestas silvestres de besos.

Quiero hacer contigo
lo que la primavera hace con los cerezos.

Tu joues tous les jours avec la lumière de l'univers ...

Tu joues tous les jours avec la lumière de l'univers.
Subtile visiteuse, tu viens sur la fleur et dans l'eau.
Tu es plus que cette blanche et petite tête que je presse
Comme une grappe entre mes mains chaque jour.

Tu ne ressembles à personne depuis que je t'aime.
Laisse-moi t'étendre parmi les guirlandes jaunes.
Qui inscrit ton nom avec des lettres de fumée parmi les étoiles du sud ?
Ah laisse-moi me souvenir comment tu étais alors, quand tu n'existais pas encore.

(...)

Je te crois même reine de l'univers.
Je t'apporterai des fleurs joyeuses des montagnes, des copihues,
des noisettes foncées, et des paniers sylvestres de baisers.

Je veux faire avec toi
ce que le printemps fait avec les cerisiers.
(...)

XVI

En mi cielo al crepúsculo eres como una nube
y tu color y forma son como yo los quiero.
Eres mía, eres mía, mujer de labios dulces
y viven en tu vida mis infinitos sueños

(...)

Tu es au crépuscule ...

Tu es au crépuscule un nuage dans mon ciel,
ta forme, ta couleur sont comme je les veux.
Tu es mienne, tu es mienne, ma femme à la lèvre douce
et mon songe infini s'établit dans ta vie.

(...)

Pablo Neruda ("Vingt poèmes d'amour et une chanson désespérée", 1998 - paru en Poésie/Gallimard)

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Du recueil de Pablo Neruda "Cien sonetos de amor", ce XXVe sonnet avec sa traduction, pour le paysage :

Soneto XXIV

Amor, amor, las nubes a la torre del cielo
subieron como triunfantes lavanderas,
y todo ardió en azul, todo fue estrella:
el mar, la nave, el día se desterraron juntos.

Ven a ver los cerezos del agua constelada
y la clave redonda del rápido universo,
ven a tocar el fuego del azul instantáneo,
ven antes de que sus pétalos se consuman.

No hay aquí sino luz, cantidades, racimos,
espacio abierto por las virtudes del viento
hasta entregar los últimos secretos de la espuma.

Y entre tantos azules celestes, sumergidos,
se pierden nuestros ojos adivinando apenas
los poderes del aire, las llaves submarinas.

Pablo Neruda ("Cien sonetos de amor")

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 traduction proposée par  Lieucommun :

Sonnet XXIV

Amour, amour, à la tour du ciel les nuages
montèrent telles de triomphantes lavandières,
et tout brûla en bleu d'azur, tout fut étoile :
la mer, le navire, le jour s'exilèrent ensemble.

Viens voir les cerisiers dans leur eau constellée
viens voir la ronde clef de l'univers rapide,
Viens toucher le feu de l'azur instantané,
viens avant que ses pétales se consument.

Il n'est ici que lumière, abondance*, grappes,
espace ouvert par les vertus du vent
jusqu'à livrer les derniers secrets de l'écume.

Et parmi tant de bleus célestes, submergés,
nos yeux se perdent, devinant à peine
les pouvoirs de l'air et les clefs de la mer.

Pablo Neruda ("La Centaine d'amour" - éditions Gallimard, 1995)

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Gabriela Mistral (1889-1957), est une poète chilienne, contemporaine de Pablo Neruda, qu’elle a côtoyé en Europe.
Ses premiers poèmes, dont "Junto al Mar" (Au bord de la mer) sont publiés en 1904 dans un journal chilien local.
Son pseudonyme, Mistral est emprunté au poète provençal français Frédéric Mistral.
Elle reçoit en 1945 le Prix Nobel de Littérature.

Où ferons-nous la ronde ?

Où ferons-nous la ronde ?
La ferons-nous au bord de la mer ?
La mer dansera de toutes ses vagues,
tressant des fleurs d’oranger.
La ferons-nous au pied de la montagne ?
La montagne nous répondra :
Ce sera comme si les pierres du monde entier
Se mettaient à chanter.
Mieux, la ferons-nous dans la forêt ?
Des chants d’enfants et d’oiseaux
tresseront des baisers dans le vent.
Nous ferons une ronde infinie :
Nous irons la danser dans la forêt,
nous la ferons au pied de la montagne,
et sur toutes les plages du monde.

Gabriela Mistral ( "Désolation"  - 1922) (traduction proposée par  Lieucommun)

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¿En dónde tejemos la ronda?

¿En dónde tejemos la ronda?
¿La haremos a orillas del mar?
El mar danzará con mil olas,
haciendo una trenza de azahar.
¿La haremos al pie de los montes?
El monte nos va a contestar.
¡Será cual si todas quisiesen,
las piedras del mundo, cantar !
¿La haremos, mejor, en el bosque ?
La voz y la voz va a trenzar,
y cantos de niños y de aves
se irán en el viento a besar.
¡Haremos la ronda infinita!
¡La iremos al bosque a trenzar,
la haremos al pie de los montes
y en todas las playas del mar !

Gabriela Mistral ("Desolación"  - 1922)

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Dans ce deuxième texte, l'auteur décrit "trois arbres" de Patagonie, cette région à l'extrème pointe de l'Amérique du Sud, à la frontière du Pôle sud. Terre de glace et "terre de feu" (les volcans), avec à l'ouest des forêts millénaires.
C'est en Patagonie que se trouve la ville d' Ushuaïa (l'émission de télévision sur la nature sauvage lui a emprunté son nom : "baie qui pénètre vers le couchant" dans la langue des indiens).

Trois arbres

Trois arbres tombés
sont restés au bord du sentier.
Oubliés du bûcheron, ils s'entretiennent*,
fraternellement serrés, comme trois aveugles.

Le soleil couchant verse
son sang vif dans les troncs éclatés,
les vents emportent le parfum
de leur flanc ouvert.

L'un, tout tordu, tend un bras immense,
frissonnant de feuillage, vers l'autre
et ses blessures sont pareilles
à des yeux pleins de prière.

Le bûcheron les a oubliés.
La nuit viendra. Je resterai avec eux.
Je recueillerai dans mon cœur
leurs douces résines, elles me tiendront lieu de feu.
Muets, pressés les uns contre les autres,
que le jour nous trouve monceau de douleur**.

* dans le sens de converser     -   ** traduction de Mathilde Pomès : "deuil" - lieucommun préfère traduire "duelo" par "douleur", vous choisirez ....

Gabriela Mistral ("Paysages de Patagonie, dans le recueil "Désolation"  - 1922). 
Traduction de Mathilde Pomès, auteur de "Gabriela Mistral" (collection Poètes d'aujourd'hui - éd Pierre Seghers - 1963)

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Tres árboles

Tres árboles caídos
quedaron a la orilla del sendero.
El leñador los olvidó, y conversan
apretados de amor, como tres ciegos.

El sol de ocaso pone
su sangre viva en los hendidos leños
¡y se llevan los vientos la fragancia
de su costado abierto!

Uno torcido, tiende
su brazo inmenso y de follaje trémulo
hacia el otro, y sus heridas
como dos ojos son, llenos de ruego.

El leñador los olvidó. La noche
vendrá. Estaré con ellos.

Recibiré en mi corazón sus mansas
resinas. Me serán como de fuego.
¡Y mudos y ceñidos,
nos halle el día en un montón de duelo* !

** traduction de Mathilde Pomès : "deuil" - lieucommun préfère traduire "duelo" par "douleur", vous choisirez ....

Gabriela Mistral ("Paisajes de la Patagonia" en "Desolación"  - 1922)
Ce texte a été chanté (en espagnol) par le chilien Angel Parra (en 1995 dans "Gabriela Mistral: "amado, apresura el paso")

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Vicente Huidobro (1893-1948) est un poète surréaliste et écrivain chilien, connu "pour être le fondateur du Créationnisme*, poésie caractérisée par l'absence de signes de ponctuation, la disposition des vers, les thèmes non transcendantaux et les images extraordinaires" - source Wikipédia

* Le Créationnisme n'a ici rien à voir avec la théorie du Dessein intelligent, qui professe que "le monde n’a pas plus de dix mille ans, qu'il a été créé en six jours et que l’être humain n’a aucun ancêtre commun avec d’autres espèces vivantes", niant ainsi toute théorie de l'évolution, initiée par Darwin.

Le début d'un poème :

Balada de lo que no vuelve

Venía hacia mí por la sonrisa
Por el camino de su gracia
Y cambiaba las horas del día
El cielo de la noche se convertía en el cielo del amanecer
El mar era un árbol frondoso lleno de pájaros
Las flores daban campanadas de alegría
Y mi corazón se ponía a perfumar enloquecido
(…)

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traduction (adaptée) par le blog lieucommun :

Ballade de ce qui ne revient pas 
 
Elle venait vers moi par le chemin de son sourire
Par le sentier de sa grâce
Elle changeait les heures du jour
Le ciel de la nuit devenait ciel d'aurore
La mer était un arbre au feuillage plein d'oiseaux
Les fleurs lançaient des chants joyeux
Et mon coeur affolé s'emplissait de parfums
(…)

Vicente Huidobro


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2 janvier 2009

Poètes du Proche-Orient et du Moyen-Orient - Iran, Palestine - Israël - Liban ...

Paysages du Proche-Orient et du Moyen-Orient 

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Iran

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Salah Al Hamdani est né en 1951 à Bagdad. Exilé depuis 30 ans en France. il écrit en arabe et en français, des pièces de théâtre, des récits, des nouvelles et des poèmes (Bagdad mon amour, 2003 - Ce qu’il reste de lumière, 1999 -  Au large de Douleur, 2000 - Le Doute, 1992).

Voici un poème écrit après la guerre d'Irak et la chute du régime de Saddam Hussein :

Trente jours après trente ans
 
N’ai-je pas à nommer les choses
comme une main tendue au naufragé,
comme le déroulement des saisons ?
 
N’ai-je pas dit
qu’une chose s’achève toujours au dépens de ce qui commence ?
 
Un flux de poussière achemine une odeur d’enfance
tandis que son cortège emporte mon incertitude
lentement
glissant sur la racine du jour ...
 
Je veux venir tout près de toi,
avec, dans les mots, ce que l’exilé laisse d’inachevé
 
L’aurore se lève sur Bagdad
et sa morsure se répand sur moi
 
Ma mère, comme la lumière,
n’a pas besoin du procès de l’obscurité
mais d’un peu de silence
quand son fils, l’exilé de retour,
se pose sur sa branche
en compagnie d’une étoile tatouée par la brume
 
Car il revient chez lui
comme un réfugié de passage
un fugitif qui cherche le partage :
un sourire,
un morceau de pain
un coin de lit
et le témoignage de la noyade du crépuscule.

Salah Al Hamdani ("Bagdad à ciel ouvert" - illustrations de Salah Ghiad" - éditions Écrits des forges, 2007)


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Israël

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Marlena Braester est une poète contemporaine israëlienne. Le recueil "Caractères" est paru en 2009.

les couleurs dansent

les couleurs dansent jusqu’au noir
dans la lumière
à un signe de l’air
elles se jettent aveugles de tous côtés
dans le vertige éblouissant
elles dansent jusqu’au noir
les ombres saignent
soudain
une couleur passe
les autres rentrent en-dessous
comme des pas étouffés dans les tapis de lumière
puis reprennent
la danse jusqu’au noir
derrière les couleurs
guette la lumière

Marlena Braester ("Poèmes" - Caractères, 2009)

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quelle langue parlent ces rues ?

quelle langue parlent ces rues
qui viennent vers nous
de leur lointain
horizon éclaté ?

Marlena Braester ("Poèmes" - Caractères, 2009)


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Liban

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On trouvera des poètes (au féminin) libanaises d'expression française (certaines ont vécu une grande partie de leur vie en France), dans la catégorie : PRINT POÈTES 2010 : DES FEMMES POÈTES

Vénus Khoury-Ghata,  Etel Adnan, Nouad Es-Sahad

sans oublier Andrée Chedid ici : PRINT POÈTES 2010 : ANDRÉE CHEDID


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Palestine

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Palestine, région du Proche-Orient aux contours incertains, tourmentés, revendiqués, inclus, exclus, paradoxale Terre Sainte-terre d'affrontements. La poésie de Palestine est à la fois poésie ancienne de toute la région, avant les découpages historiques, et poésie contemporaine de résistance et d'identité des "Territoires palestiniens".

Mahmoud Darwich est né en Galilée en 1941. Il est mort en 2008. ” Je suis celui que l’on désigne comme "le poète de la Palestine", et l’on requiert de moi de fixer mon lieu dans la langue, de protéger ma réalité du mythe et de maîtriser l’une et l’autre, pour être tout à la fois partie de l’Histoire et témoin de ce qu’elle m’a fait subir. C’est pourquoi mon droit à un lendemain requiert révolte contre le présent et défense de la légitimité de mon existence dans le passé. Mon poème se retrouve ainsi changé en preuve d’existence ou de néant"...

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"Je veux un lieu à la place du lieu pour revenir à moi-même "...
 

Au centre de sa poésie, la terre de Palestine et l'identité, toujours revendiquées

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Les oiseaux meurent en Galilée (passages)

pluie douce en un automne lointain
les oiseaux sont bleus, bleus
la terre en fête
Ne dis pas : Je suis un nuage suspendu sur le port
car je ne veux
de mon pays tombé de la fenêtre du train
que le mouchoir brodé de ma mère
et les raisons d’une mort nouvelle

pluie douce en un automne étrange
les fenêtres sont blanches, blanches
le soleil, un verger vespéral
et moi
je suis une orange spoliée
Pourquoi donc t’évades-tu de mon corps
alors que je ne veux
du pays des couteaux et du rossignol
que le mouchoir brodé de ma mère
et les raisons d’une mort nouvelle ?

pluie douce en un automne triste
les rendez-vous sont verts, verts
et le soleil argile
Ne dis pas : Nous t’avons vu quand le jasmin fut piétiné
vendant la mort et les calmants
ma face était nuit
ma mort un embryon
et moi je ne veux
de mon pays qui a oublié le langage des absents
que le mouchoir brodé de ma mère
et les raisons d’une mort nouvelle

pluie douce en un automne lointain
les oiseaux sont bleus, bleus
la terre en fête
les oiseaux se sont envolés vers un temps irrévocables
veux-tu malgré tout connaître mon pays
et ce qui nous unit ?

(...)

... je ne veux
de mon pays qui m’a tranché la gorge
que le mouchoir brodé de ma mère
et les raisons d’une mort nouvelle

(...)

Mahmoud Darwich ("Al-'Asafir tamut fi al-jalil, Les oiseaux meurent en Galilée" - 1970)

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Poème écrit entre 1966 et 1999, le texte intégral était déjà sur le blog, ici : http://lieucommun.canalblog.com/archives/poeme_du_jour/index.html)

Sécheresse (début du poème)

Cette année est difficile,
L'automne ne nous a rien promis,
Nous n'avons pas attendu les messagers
Et la sécheresse est telle qu'en elle-même : une terre souffrante
Et un ciel doré.
Que mon corps soit mon temple.

...À toi d'atteindre le pain de mon âme
Pour te connaître toi-même. Et je suis sans limites,
Si je le désire :
Avec un épi, j'agrandis mon champ.
Et j'élargis cet espace avec une tourterelle.
Que mon corps soit mon pays.

La sécheresse scrute le fleuve,
regarde les palmiers,
Mais elle ne remarque pas mon puits profond.
Et par toi je suis infini...
L'automne, le ciel est authentique.

[...]

Mahmoud Darwich - ("La terre nous est étroite et autres poèmes, 1966-1999" traduction d'Élias Sanbar* - Éditions Poésie-Gallimard, 2000)


retour au sommaire paysage, textes traduits en français ? cliquez ICI



2 janvier 2009

Poètes d'ASIE - Extrème-Orient - Chine, Japon, Viêt-Nam, Indonésie

Paysages d'Asie - Extrème-Orient 

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Chine

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Tu Fu (712-770) est un grand poète chinois de la dynastie des Tang, très prolifique.

Village près d'une rivière

Eau claire, méandres qui enserrent le village.
Longues jourbées d'été où tout est poésie.
Sans crainte vont et viennent les couples d'hirondelles ;
Les mouettes, les unes contre les autres, dans l'étang.
Ma vieille épouse dessine un échiquier sur papier.
Mon fils, pour pêcher, tord son hameçon d'une aiguille.
Souvent malade, je cherche les plantes qui guérissent :
Quoi d'autre peut-il désirer, mon humble corps ?

Tu Fu - 1938  (extrait de "L'Écriture poétique chinoise", de François Cheng)


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Japon (haïkus)

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Le haïku (prononcez : “haïkou”) est un court poème japonais classique, comportant trois versets de 5, 7 et 5 pieds et visant à traduire une forte émotion face à la nature et à une saison.
Mais, même au Japon, le haïku a beaucoup évolué : on trouve maintenant des haïkus “libres” (qui ne respectent pas la métrique) et des haïkus politiques, érotiques, gastronomiques." (Georges Friedenkraft, dans la revue Marco Polo n° 10, d'octobre 2005).

Les haïkus sont rangés dans les poèmes courts en première page de cette catégorie, dans la cétégorie (colonne de gauche) : HAÏKUS - poésies des saisons, et dans d'autres catégories du Printemps des Poètes (années 2007 à 2010)


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Viêt-Nam 

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Cù Huy Cân (1919-2005), auteur francophone bilingue, est un poète du Vietnam moderne ("Messages stellaires et terrestres" ; "Le temps des passages " ; "Écrits des Forges"). Engagé dans la lutte pour l'indépendance, il est en 1945, l’un des signataires de la Déclaration d’indépendance du Viêt-Nam, sous la présidence d' Hô-Chi-Minh. Il occupera différentes fonctions au sein du gouvernement de la République Démocratique du Viêt-Nam, dont celle de ministre de la Culture.

Je renais à toi chaque matin

Je renais à toi chaque matin
Et je regarde, émerveillé, la vie avec ton regard.
Je marche sur les bords de ta mer profonde
Et je rentre au plus profond de moi-même
En suivant ton sillage.
Nos deux destinées jumelles
Auront été deux vagues mêlées
Sur la grande Mer.
Nous écroulerons-nous en touchant les rivages ?
Je m’adosse aux bords de ton soir
Pour t’aimer dans tes racines
Pour avoir ta rose et tes épines.
Je renais à toi chaque matin.
Tu es mon aube et mon aurore,
Mon horizon fuyant et ma fixe horloge
Qui sonne gravement les heures de mon destin.
Saveur du jour, saveur de la nuit.
Tu es, mon amour, saveur de sève et de fruit
Que je hume et qui assouvit ma gourmandise.

Cù Huy Cân  ("Le Temps des Passages")
"Le Temps des Passages" réunit 24 poètes illustrés par des peintures de Chantal Legendre, dont le site est ici)


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Indonésie

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Asrul Sani (1926-2004), était journaliste, réalisateur de films ("Para Perintis Kemerdekaan" : "Pionniers de la liberté", 1980), écrivain et poète. Il est né à Sumatra. 

Lettre d'une mère

Va dans le vaste monde, mon cher enfant,
Va vers une vie libre !
Tant que le vent souffle en poupe.

Va vers la vaste mer, mon cher enfant,
Va vers le monde libre !
Tant qu’il ne fait pas encore noir
Et que le crépuscule ne rougit pas le ciel.

Lorsque les ombres s’effaceront,
Que l’aigle de mer sera retourné à son nid,
Que le vent soufflera vers la terre
Et que le timonier sera sans boussole,
Alors tu pourras revenir vers moi !

Reviens alors, mon cher enfant,
Reviens de l’autre côté de la nuit !
Et lorsque ton navire sera près du rivage,
Alors nous parlerons
De l’amour et de ta vie demain matin.

Asrul Sani  ("Le Temps des Passages") et "A Mother's letter" dans "Tiga Menguak Takdir" (anthologie de poèmes avec Chairil Anwar et Rivai Apin, 1950)



2 janvier 2009

Poètes d'OCÉANIE

Paysages d'Océanie

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Nouvelle-Calédonie

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La Nouvelle-Calédonie, archipel d'Océanie, ancienne colonie française, a acquis un statut d'autonomie, et selon les accords de Nouméa négociés en 1998, un référendum doit décider, à partir de 2014, de son indépendance ou de son maintien dans la République française.
Les kanak (en français canaques) sont les Mélanésiens autochtones. Le mot "kanak", invariable, signifie "homme".
La langue officielle est le français, mais ils parlent de nombreuses langues locales indigènes (dont le drehu, dans les Îles Loyauté), la plupart étant des langues orales.
Le drehu possède aujourd'hui une écriture et une grammaire et est enseigné à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales. On peut écouter ici un récit en drehu, une des langues kanak parlées en Nouvelle-Calédonie (à Ouvéa).

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Voici une chanson traditionnelle et sa traduction, empruntées à cette adresse (où on peut même l'écouter) :

http://www.mamalisa.com/fr/nouvellecaledonie.html

Vaka seke ifo (Le bateau est arrivé)

A fia fi e malino de tai
Touy foki o kilo polo aki
Denei de vaka e seke ifo
Fola ou inaghe

Taou imou kilo foki moa mai
O kitea dogou mata gode taghi
Denei de vata e seke ifo
Fola ou inaghe

Le bateau est arrivé

Un soir, la mer est calme
En regardant, je m'en vais
Voilà, le bateau est arrivé
A bientôt et au revoir.

Les amoureux regardent l'océan.
Regarde mes yeux, ils sont en larmes
Voilà, le bateau est arrivé
A bientôt et au revoir.

chanson traditionnelle kanak

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Wanir Wélépane est un poète et homme d'église (pasteur) calédonien kanak, né en 1941. Son prénom "Wanir" signifie "petite lumière" en kanak.
Il est l'auteur du recueil de textes multilingues "Aux vents des îles", accompagnés de photographies de Marie-Jacqueline Begueu (édité par l'Agence de développement de la culture kanak en 1993).

Kwènyii
Wêê
Numèè
Caac
Le mât est planté sur la terre
Dans l'aire de danse
Pour annoncer au peuple la danse sacrée
Prenez vos conques
Soufflez sur les montagnes
Soufflez sur les airs
Soufflez dans les forêts
Et dans les vallées
Pour appeler tout le monde
À danser la danse de la terre.

Wanir Wélépane, (texte emprunté à l'anthologie "Le français est un poème qui voyage" - Éditions Rue du Monde, 2006)

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Pierre Wakaw Gope est né en 1966.

Au rythme du bambou

Eau fluide
Long silence
Nuit creusée
D’un son lourd
Tumulte
Rage
Sourde
Mêlée
Sur la voix du bambou
Le danseur s’élance
Et sa joie relie
La forêt le vent les esprits la Lune
La terre tremble
Clameur
La terre tremble
Poussière de soie
Le danseur s’élance
Soulève
La forêt le vent les esprits la Lune
Et les mêle
            ivre
                   à sa joie

Pierre Wakaw Gope ("S'ouvrir" - éditions L'Herbier de Feu, 1999)

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Jean Mariotti (1901-1975) est un poète de Nouvelle-Calédonie.
Ce texte est extrait d'un poème d'exil :

Nostalgie

Quand l’âcre odeur du soir,
De la ville mouillée, monte aux toits de Décembre
(...)
Quand la bise aigre, rasant les murs, se rue avec furie
Transportant en longs couloirs
Les senteurs rances
De Paris qui fricotte la tambouille du soir,
Je songe à mon Océanie.

 

Mon regret vain s’égrène
Du corail caressé par la houle câline
A la senteur si douce
De la brousse violente
Et je crois voir alors,
Perçant les brumes sales
Crevant l’horizon lourd
D’un paysage aux perspectives lentes,
Je crois voir dans le soir
Monter le ciel si clair de mon île natale,
Ciel où l’océan navigue. Irréel concave
Serti de corail. Étincelle
En dérive sous les feux du soleil.

 

Cette lumière,
Par lambeaux brûle mon cœur gris
Sans le réchauffer
Car je sais, oui, je sens
Puisque, tout ensemble,
Je vois le soleil de midi et
la Croix
du Sud* étincelante,
Je sens que c’est un rêve qui me tourmente,
Que c’est Décembre
Et
Que je suis à Paris.

*La Croix du Sud est une constellation qu'on ne peut voir que dans le ciel nocturne de l'hémisphère sud.
Jean Mariotti.

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Déwé Gorodey, née en 1949 est une écrivaine kanak. Elle occupe des fonctions importantes dans le gouvernement Calédonien.

Araucaria

Araucaria
pin colonnaire*
qui troue le ciel de mon pays
de son tronc s'étirant
vers les souvenirs inavoués
de mon peuple humilié
réfugié dans le ciel des prières

pour oublier

Araucaria
arbre à palabres
de clans et tribus trahis
sur cette terre qui est leur
leurs paroles figées
dans ta dure résine solide
je les dirai en face car je ne veux

PAS OUBLIER

Je les écrirai
là où je le pourrai
du mieux que je le pourrai
ici et maintenant car

j'ai beau chercher
la nuit le jour
je ne vois rien d'autre dans le ciel que
pour éclairer ma mémoire

Le pin colonnaire, comme son nom l'indique, est un arbre qui pousse tout en hauteur et qui peut s'élever jusqu'à 50 m.
Dewe Gorodey ("Sous les Cendres des Conques", 1974)

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Le passage ci-dessous est emprunté ici : http://www.ac-noumea.nc/histoire-geo/progexam/doc/placeteroledelafemme.pdf

Utê Mûrûnû, petite fleur de cocotier

Peut-être est-ce depuis ce temps là que, parfois, seule aux champs, j’entends les voix de la Terre. Ces voix de la Terre, enseignait donc ma grand-mère Utê Mûrûnû, n’étaient autres que celles de la mère, celle de la femme. Et elles s’adressaient en premier lieu à nous les femmes qui, mieux que personne, pouvions les comprendre. Porteuses de semences, nous étions lardées d’interdits, marquées de tabous comme autant de pierres pour obstruer la vie. [..] Ädi, perles noires du mariage coutumier, nous étions échangées comme autant de poteries scellant une alliance entre deux guerres. Voies et pistes inter claniques, nous survivions tant bien que mal à nos enfances et à nos pubertés trop souvent violées par des vieillards… »

Peu après le retour à la terre de notre grand-mère Utê Mûrûnû, qui s’éteignit au tout début de ce siècle, nos pères et nos grands-pères m’accompagnèrent chez nos utérins de l’autre coté, pour m’offrir à l’un de nos vieux cousins, polygame dont je devins alors la plus jeune des femmes. [….] J’étais à peine pubère et aucun garçon ne m’avait approchée. Les grands-mères, tantes et soeurs aînées qui étaient là, les premières épouses, se chargèrent de parfaire mon éducation. […] Les unes et les autres me nourrissaient, m’épouillaient, me soignaient. Les unes et les autres m’ordonnaient les tâches quotidiennes, m’emmenaient aux champs, m’initiaient au tissage et à la vannerie, m’apprenaient les récits du clan, les chants et les danses de femmes. Ce fut la plus vieille d’entre elles […] qui m’accompagna au fil des nuits dans la case de notre grand cousin.

Déwé Gorodey ("Utê Mûrûnû, petite fleur de cocotier" -  Grain de sable, EDIPOP, 1994)


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Australie

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Dorothea Mackellar (1885-1968) a écrit ce poème à Londres, nostalgique de son Australie natale :

J'aime un pays ...

J'aime un pays brûlé par le soleil,
Terre des vastes plaines,
Des chaines de montagne déchiquetées,
De la sécheresse et des inondations.
J'aime ses horizons lointains,
J'aime le bijou qu'est sa mer,
Sa beauté et sa terreur
La grande terre brune pour moi !

Dorothea Mackellar ("My Country", 1908)



2 janvier 2009

Poètes du continent ARCTIQUE et du Grand Nord - Inuits

Paysages du Grand Nord

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Inuits

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livre_po_mes_eskimo_PEVLes Inuits vivent dans les régions arctiques de la Sibérie, paysages de neige, de glace et de toundra, de l'Amérique du Nord (l'Alaska, les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut, le Québec, le Labrador) ainsi que du Groenland (cette île, la plus étendue de la Terre après l'Australie, est un territoire autonome rattaché au Danemark).
Les Eskimo (ou "esquimaux") préfèrent qu'on les nomme "Inuits" (pluriel du mot "Inuk", qui signifie "l'homme par excellence").
En 1935 et 1936, à l'est du Groenland, l'explorateur Paul-Émile Victor a  collecté des récits, des chants et des poèmes traditionnels, réunis sous le titre "Poèmes eskimo" (Seghers jeunesse - 2005).

Le corbeau

Je suis montée sur le rocher
Sur le rocher de Krartoudouk*.
Comme un corbeau est ce rocher
Comme un corbeau posé sur le terre.
Derrière ce rocher j'ai vu les glaces
J'ai vu les glaces jusqu'au loin
Et je me suis assise sur ce rocher
Qui a l'air d'un corbeau.

poème anonyme (Krartoudouk* = corbeau)

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Je tremble de joie (titre proposé)

Le grand flux de l'océan me met en mouvement,
il me fait flotter.
Je flotte comme l'algue à la surface des eaux.
La voûte céleste m'agite
et l'air puissant agite mon esprit
et je me jette dans la poussière.
Je tremble de joie.

Chant inuit (dans "Paroles de bonheur" - Albin Michel)

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Qu'est-ce que je te promets ?

Qu'est-ce que je te promets ?
Des cieux brillants et clairs
C'est ce que je te promets.

poème anonyme

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Comment l’eau a commencé à jouer

L’eau voulait vivre,
elle alla voir le soleil
et revint en pleurant.

L’eau voulait vivre
Elle alla voir les arbres,
ils brûlèrent, ils pourrirent,
elle revint en pleurant.

L’eau voulait vivre
Elle alla vers les fleurs elles fanèrent,
elle revint en pleurant.

Jusqu’à n’avoir plus de larmes,
gisant au profond de toutes les choses
entièrement épuisée entièrement claire.

poème anonyme

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La plupart des Inuit maîtrisent la langue anglaise :

And yet there is only
One great thing,
The only thing:
To live to see in huts and journeys
The grest day that daws
And the little light that fills the world.

Kibkarjuk
(Cité par John Robert Colombo dans  " The poems of the Inuit" 1981)

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Traduction :

Et cependant il y a
une grande chose,
la seule grande chose :
Vivre pour voir dans nos huttes et nos voyages
le grand jour qui se lève
et la petite lumière qui remplit le monde.

Kibkarjuk

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Dans son étude "Réflexions sur une Iitterature orale : Les "chants" des anciens Eskimos", l'auteur, le linguiste chercheur Pierre Léon, de l'Université de Toronto, rapporte le texte qui suit, parmi d'autres chants ou poèmes des Eskimos du Canada.

Il précise : "il semble qu'il y ait trois categories de chants. La premiere serait constituee d'un fonds traditionnel, que toute la communaute se partage, la seconde d'improvisations personnelles et la troisieme de poemes de type professionnel- presque toujours ceux des angakoks, chamanes des groupes. [...] L'angakok compose [...] des chants pour toutes les grandes circonstances de la vie, les bonnes et les mauvaises. Il chante la misère, la faim, le froid, la peur, la famine et la mort. Il chante aussi la joie du chasseur, celle de la ripaille, les fêtes du printemps, les joutes, les concours de chants (poèmes) et de Katajjait (chants de gorge). [...]
Orpingalik, l'un des grands monstres sacrés de la poesie netsilike est l'auteur de toute une série de chants épiques qui retracent la genèse de l'univers eskimo. Ainsi la création du monde"
:

La terre etait là avant les hommes
Les tout premiers hommes sont sortis
De la terre
De la terre
Tout est sorti de la terre
Meme le caribou

Un jour les enfants ont poussé
Hors de la terre
Tout comme les fleurs....

Orpingalik (Cité par Pierre Léon dans  "Réflexions sur une Iitterature orale : Les "chants" des anciens Eskimos" 1981) - Ouvrage de Pierre Léon sur les chants et poèmes des Inuits du Canada : "Chants de la Toundra" (La Découverte, 1985)


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