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15 mai 2009

Jean LEBRAU, Madeleine LE FLOCH, Madeleine LEY - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Jean Lebrau, (1891-1983), contemporain de Francis Jammes, qu"il a rencontré, est, osons le terme, un "poète-paysan", puisqu'il était aussi viticulteur. Deux métiers, deux passions confondues, ses poésies célèbrent le terroir et le pays des Corbières (il est né et a vécu à Moux, dans l'Aude, au sud-ouest de la France).

Quelques titres de recueils : Sous le signe d'octobre (La Nouvelle Édition, 1943) ; Impasse du romarin (Gallimard, 1953) ;  Corbières (Gallimard, 1959) ; Au secret des pierres (Gallimard, 1962) ; Du cypès tourne l'ombre (éditions Aubanel, 1966). 

Dans les Corbières de Jean Lebrau, un village en novembre :

Dans les Corbières

La route tournait sous la pluie.
Novembre... Les eaux étaient grises.
Les enfants cueillaient des olives,
Le village sentait la suie.

L'église contre la montagne
N'était plus qu'une aile lassée,
Une bourrasque était passée,
Un troupeau regagnait l'Espagne

Sur un tapis de feuilles mortes,
Et la dernière rose blanche
S'ennuyait comme le dimanche
Dont le vent tourmentait les portes.

Jean Lebrau ("Corbières", éditions Gallimard, 1959)

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Poème sur paysage de vigne, attention aux groupes de souffle pour la diction, le découpage n'est pas évident :

Octobre

Octobre a blanchi la montagne
mais de nouveau le jour est bleu
Sur la vigne, attisant le feu
Dont elle empourpre la campagne.
 
Que me font le feu, cet azur ?
Je ne sonde qu'à des villages
Pareils à de vieilles images
Fumant contre le ciel obscur.
 
Des soirs de neige. Le vignoble
Emerveille certes nos yeux,
Mais je préfère ces hauts lieux.
La châtaigne n'est pas moins noble
 
Que le raisin, repas frugal …
Tandis qu'il vente sur l'ardoise,
Que des bêtes se cherchent noise,
Vieillir ainsi, d'un cœur égal.

Jean Lebrau ("Sous le signe d'octobre", Prix de l'Académie Française - La Nouvelle Édition, 1943, et "Florilège poétique", L'Amitié par le livre, 1959)

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La fleur rose (titre proposé)

Des pierres où le vent se pose
Et des cyprès qui font silence
Un fil brillant qui se balance
La fleur des garrigues est rose

Villages gris, villages fauves
Où le mirage d'un peu d'eau
Ne fait qu'altérer le troupeau
La fleur rose est la sœur des mauves

Fontcouverte * où grimpent les chèvres,
Moux * sous un mont couleur de mûre
Qui de son ombre en vain l'azure...
La fleur rose est la fleur des fièvres.
 

Jean Lebrau ("Du cyprès tourne l'ombre", éditions Aubanel, 1966) 

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Fin d'octobre

Le tilleul nu et noir pleure au bout de ses branches,
La grille pleure au long de ses barreaux,
Et la maison pleure au bord de ses tuiles ;
Dans le pin mouillé un nid de chenilles
Brille
Comme un flocon d'argent ;
L'eau de la petite pluie.
En s'écoulant dans le zinc,
Fait un bruit de tambourin ;
L'âtre sent les jours frais, les sarments et la suie.

Jean Lebrau ("La voix de là-bas" - Éditions du Divan, 1914)

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Le vent

Le vent superbe
Dont la caresse
Fait briller l'herbe
Aux cieux vous presse,
Agnelles folles,
Lourdes nuées
Ou fumerolles
D'azur trouées.

Le vent qui mène
Partout son branle,
Qui tout déchaîne
Et tout ébranle,
Les mers, la terre,
Vif comme flamme
Et salutaire,
Le vent est l'âme
De la montagne.

Il sonne aux pierres,
Il m'accompagne
De ses colères.

Jean Lebrau ("Sous le signe d'octobre", Prix de l'Académie Française - La Nouvelle Édition, 1943)



Madeleine Le Floch est une auteure contemporaine, qui a publié en 1975 "Petits contes verts pour le printemps et pour l'hiver". Un recueil dans lequel elle joue avec les différents sens, les à-peu-près et les homonymies du vert, pour l'écriture de (quand même !) soixante-treize petits poèmes. En voici un échantillon :

livre_Madeleine_Le_Floch_contes_vertsVers exclusif *

La mer
en s'en allant
écrivait sur le sable
un poème


que le vent
jaloux
effaçait.

Madeleine Le Floch ("Petits contes verts pour le printemps et pour l'hiver" - Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1975)

* Dans le recueil, ce texte porte le titre "Vert exclusif". Puisqu'il s'agit d'un poème que la mer écrit jalousement, il s'agit sans doute d'une coquille, et comme un poème comporte en général plus d'un vers, faudrait-il titrer "Vers exclusifs" ?



Madeleine Ley (1901-1981) est une romancière et poète belge.

Ici, la réparation du paysage, à la fin des vacances :

La fin des vacances

La nuit relèvera les gazons inusables.
Sur les berges de sable
Le ruisseau lavera la trace de vos pas,
Et aux trous de la haie la patiente araignée
Retissera les fils que vous avez brisés.

Madeleine Ley ("Petites voix" - Éditions Stock, 1930)

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En rentrant de l’école (ou Dans les bois noirs)

En rentrant de l’école
Par un chemin perdu,
J’ai rencontré la lune
Derrière les bois noirs.
Elle était ronde et claire
Et brillante dans l’air.

En rentrant de l’école
P
ar un chemin perdu,
A
vez-vous entendu
L
a chouette qui vole
Et le doux rossignol ?

Madeleine Ley ("Petites voix" - Éditions Stock, 1930)



 

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15 mai 2009

Bernard LORRAINE, Olivier de MAGNY - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Bernard Lorraine (1933-2002) a publié 27 recueils  (Vitriol, Voilà, Provocation, Sentences, Burlesques ...) et 10 anthologies poétiques (Trésors des épigrammes satiriques ; Une Europe des poètes ; Le cœur à l'ouvrage : anthologie de la poésie du travail ; Un poème, un pays, un enfant ...) ainsi que des essais et des pièces de théâtre.

(...)
"Je te porte en mes pas dans le jour des trottoirs
Flânant aveugle et sourd sans ta voix ni tes yeux".

(hommage de Robert Vigneau à Bernard Lorraine)

Le paysage se construit, de l'inanimé au vivant :

Au début ...

Il y avait un ciel
il y eut un nuage
Il y avait la boue
il y eut une plage
Il y avait une eau
il y eut un poisson
Il y avait un arbre
il y eut un oiseau
Il y avait la nuit
il y eut une femme
Il y avait le jour
et il y eut un homme
Il y avait l'amour
il y eut un silence
Mais il y eut un cri
et c'était un enfant
Et ce fut un poète
puisqu'il y eut un chant

Bernard Lorraine



Olivier de Magny (1529-1561) est un poète contemporain de Louise labé (voir la catégorie du blog PRINT POÈTES 2010 : DES FEMMES POÈTES ), dont il tombe amoureux, et de Joachim du Bellay (présenté quelques pages ci-avant). Il est l'auteur de recueils de sonnets, inspirés de Ronsard. (source Wikipédia, recoupée)

À sa demeure des champs

Petit jardin, petite plaine
Petit bois, petite fontaine,
Et petits coteaux d'alentour,
Qui voyez mon être si libre,
Combien serais-je heureux de vivre,
Et mourir en votre séjour !

Bien que vos fleurs, vos blés, vos arbres,
Et vos eaux ne soient près des marbres,
Ni des palais audacieux (1),
Tel plaisir pourtant j'y retire
Que mon heur, si je l'ose dire,
Je ne voudrais quitter aux dieux :

Car ou soit qu'un livre je tienne,
Ou qu'en rêvant je me souvienne
Des yeux qui m'enflamment le sein,
Ou qu'en chantant je me promène,
Toute sorte de dure peine
Et d'ennui me laisse soudain.

Toutes fois il faut que je parte,
Et faut qu'en partant je m'écarte
De vos solitaires détours,
Pour aller en pays étrange
Sous l'espoir de quelque louange
Mâlement travailler mes jours.

Ô chaste vierge Délienne,
De ces montagnes gardienne,
Si j'ai toujours paré ton dos
D'arc, de carquois et de sagettes,
Couronnant ton chef de fleurettes
Et sonnant sans cesse ton los
(2) :

Fais que longtemps je ne séjourne,
Ainçois
(3) que bien tôt je retourne,
En ces lieux à toi dédiés,
Revoir de tes nymphes la bande,
Afin qu'en ces autels j'appende
(4) 
Mille autres hymnes à tes pieds.

Mais soit qu'encore je revienne
Ou que bien loin on me retienne,
Il me ressouviendra toujours
De ce jardin, de cette plaine,
De ce bois, de cette fontaine
Et de ces coteaux d'alentour.

(1) sans doute un clin d'oeil à du Bellay en référence au poème "heureux qui, comme Ulysse" ? - (2) "ton los" : "tes louanges" - (3) "ainçois" peut avoir le sens de "plutôt que", "en attendant", "auparavant ...", on proposera ici, vu le sens général du passage:  "en attendant que", mais il peut y avoir des avis contraires !  - (4 ) "appendre" = suspendre, dans le sens d'accrocher 

Voici de ce poème lexte original en ancien français, juste pour le plaisir :

Petit jardin, petite plaide
Petit boys, petite fontaine,
Et petits coustaux d'alentour,
Qui voyez mon estre si libre,
Combien serois-je heureux de vivre,
Et mourir en vostre séjour I

Bien que vos fleurs, vos bleds, vos arbres.
Et vos eaux ne soyent près des marbres,
Ny des palais audacieux.
Tel plaisir pourtant j'y retire
Que mon heur, si je l'ose dire,
Je ne vouldroy quitter aux dieux :

Car ou soit qu'un livre je tienne.
Ou qu'en resvant il me souvienne
Des yeux qui m'enflamment le sein,
Ou qu'en cliantant je me promeine,
Toute sorte de dure peine
Et d'ennuy me laisse soubdain.

Toutes fois il fault que je parte,
Et fault qu'en partant je m'escarte
De vos solitaires destours,
Pour aller en pays estrange,
Sous l'espoir de quelque louenge
Malement travailler mes jours.

Chaste vierge Delienne,
De ces montagnes gardienne,
Si j'ay tousjours paré ton dos
D'arc, de carquois et de sagettes,
Couronnant ton chef de fleurettes
Et sonnant sans cesse ton los :

Fais que long temps je ne séjourne,
Ainçois que bien tost je retourne.
En ces lieux à toy dédiez.
Revoir de tes nymphes la bande.
Afin qu'en ces autels j'appende
Mille autres hymnes à tes pieds.

Mais soit qu'encore je revienne
Ou que bien loing on me retienne,
Il me resouviendra tousjours
De ce jardin, de ceste plaine,
De ce boys, de ceste fontaine
Et de ces coustaux d'alentour.

Olivier de Magny (textes à retrouver dans ses "Œuvres poétiques complètes", Textes de la Renaissance, 1999)



15 mai 2009

Jeanne MARVIG, Stéphane MALLARMÉ - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Jeanne Marvig (1882-1956), romancière et poète française, est née en Haute-Garonne. De son nom Jeannne Mary, née Viguier, elle a fait un pseudonyme. Elle est l'auteure de nombreux recueils de poèmes, de pièces de théâtre, et d'une intéressante anthologie : "La Poésie méridionale" (paru en 1939). Le poème le plus connu de l'auteure, "Le petit lapin", est ailleurs sur ce blog.

Le ruisseau

Ce n'est qu'un tout petit ruisseau,
Un peu d'eau vive qui glougloute,
Une vasque fut son berceau,
On ne le voit pas, on l'écoute.

Il a des façons de gamin
Pour sautiller de pierre en pierre,
On y puise au creux de la main
En écartant un brin de lierre.

Il a des franges de roseaux
Sur ses bords fleuris de pervenches
Et des aulnes où les oiseaux
Font du trapèze sur les branches.

Si, dans son lit, le vent brutal
Penche un brin d'osier qui le borde,
Le petit ruisseau de cristal
S'amuse à sauter à la corde.

Puis sous les aulnes chevelus,
Caressant le cresson et l'ache,
Il s'enfonce...On ne l'entend plus...
Sans doute il joue à cache-cache.

Petit ruisseau, je voudrais bien,
Moi qui suis un rêve qui passe,
Que dans mon cœur ainsi qu'au tien
Se mirent le ciel et l'espace !

Jeanne Marvig ("Le jardin d'Isabélou", édité par l'auteure, 1947) et dans l'anthologie d'Armand Got * et de Charles Vildrac , "La Poèmeraie", Armand-Colin, 1963) - * On le trouve aussi dans la précédente anthologie d'Armand Got : "La Poèmeraie", première partie, La Souris verte" (Librairie Gedalge, 1928)

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La voiture roulait

La voiture roulait doucement sous les arbres,
Platanes de novembre aux blondissants rameaux,
Aux fûts du blanc poli de l’ivoire ou des marbres,
Comme un cloître roman unissant leurs arceaux.

Nous nous sentions glisser sous la lente caresse
De la feuille, au matin, toute emperlée encor
Du vent, sur notre front agitant son ivresse
De l’automne accourant vers nous ruisselant d’or ! …

De l’or, de l’or, de l’or ! Or rougeoyant du cuivre,
Or des buires gardant de mystiques encens,
Or des fils de la vierge étincelants de givre,
Acajous mordorés ou chromes flavescents,

Tous les ors en suspens dans le jour et la flamme
Tourbillonnant au rythme lent des feuilles d’or,
Je les ai, frissonnants, recueillis dans mon âme,
Aux vestales du Temps ravissant leur trésor,

Pour qu’un jour très prochain où les corolles mortes
Auront livré leur corps fragile au vent brutal,
Je puisse, en vers dorés, rappeler leurs cohortes,
Et que mon cœur, pareil aux sources de cristal

Où, dans l’arbre penché, se mire tout l’automne,
Où la feuille, en glissant, dit tout le bois vermeil,
Te rende, aux jours éteints de l’hiver monotone,
Avec ses souvenirs émus, tout le soleil !

Jeanne Marvig ("Des riens …  tout l’infini ", Bibliothèque Internationale d'Édition, 1913)

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Ce passage d'une poésie plus longue, ici titré "L'Arbre", est emprunté au site http://arbrealettres.wordpress.com, où on trouvera d'autres textes de l'auteure, (trouvés et mis en ligne par Jean-François Laffont) 

L'Arbre (strophe extraite d'un poème, titre proposé)

Je suis l’Arbre : un tronc droit substantiel et dur,
La lente ascension d’un assemblage pur
De fibres, de rayons, de silence et de sève,
Je suis l’Arbre,une force invincible qui rêve,
La colonne du temple où sans faste et sans bruit
Le firmament s’unit aux mousses dans la nuit.
Je suis l’Arbre porteur de vie et de lumière,
L’eau puisée au cœur sombre et poreux de la terre
Qui rejoint dans l’orgueil du feuillage nombreux
Cette eau vive échappée aux prunelles des dieux.

Jeanne Marvig ("Des riens …  tout l’infini ", Bibliothèque Internationale d'Édition, 1913)



Stéphane Mallarmé  (1842-1898), est identifié comme poète ayant renouvelé le symbolisme, dans un style fermé, "difficile", où la musique du vers prime sur la lisibilité du propos. Il a écrit également des pièces de théâtre et traduit Edgar Poë.

Renouveau (titre original : Vere novo)

Le printemps maladif a chassé tristement
L’hiver, saison de l’art serein, l’hiver lucide,
Et dans mon être à qui le sang morne préside
L’impuissance s’étire en un long bâillement.

Des crépuscules blancs tiédissent sous mon crâne
Qu’un cercle de fer serre ainsi qu’un vieux tombeau,
Et, triste, j’erre après un Rêve vague et beau,
Par les champs où la sève immense se pavane.

Puis je tombe, énervé de parfums d’arbres, las,
Et creusant de ma face une fosse à mon Rêve,
Mordant la terre chaude où poussent les lilas,

J’attends en m’abîmant que mon ennui s’élève…
— Cependant l’Azur rit sur la haie en éveil,
Où les oiseaux en fleur gazouillent au soleil.

Stéphane Mallarmé ("Le Parnasse contemporain -Recueil de vers nouveaux", éditions Lemerre, 1867, et "Poésies complètes", 1887)

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De ce passage, où le poète voudrait, à la manière du "Chinois au coeur limpide et fin", peindre un paysage sur une tasse, on retiendra une étonnante image : "Un clair croissant perdu par une blanche nue / Trempe sa corne calme en la glace des eaux / Non loin de trois grand cils d'émeraude, roseaux." :

Peindre un paysage (titre proposé)
   
(fin du poème  "Las de l'amer repos")

[...]

 Serein, je vais choisir un jeune paysage
Que je peindrais encor sur les tasses, distrait.
Une ligne d'azur mince et pâle serait
Un lac, parmi le ciel de porcelaine nue,
Un clair croissant perdu par une blanche nue
Trempe sa corne calme en la glace des eaux,
Non loin de trois grand cils d'émeraude, roseaux
.

Stéphane Mallarmé ("Le Parnasse contemporain - Recueil de vers nouveaux", éditions Lemerre, 1867, et "Poésies complètes", 1887)


retour au sommaire Poésie en français sur le thème du paysage ? cliquez ICI



15 mai 2009

Guy de MAUPASSANT - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Guy de Maupassant (1850-1893) est un écrivain romancier (Une vie, Bel ami) ; auteur de nouvelles (Boule de Suif , Les Contes de la bécasse). On connaît moins son œuvre poétique. Il écrit des poésies dès son adolescence, et en publie dans des revues, mais le premier recueil  "Des vers" ne paraît qu'en 1880.

Les passages en couleur de la poésie qui suit sont proposés aux élèves d'élémentaire :

Nuit de neige

La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.
Mais on entend parfois, comme une morne plainte,
Quelque chien sans abri qui hurle au coin d'un bois.

Plus de chansons dans l'air, sous nos pieds plus de chaumes.
L'hiver s'est abattu sur toute floraison ;
Des arbres dépouillés dressent à l'horizon
Leurs squelettes blanchis ainsi que des fantômes.

La lune est large et pâle et semble se hâter.
On dirait qu'elle a froid dans le grand ciel austère.
De son morne regard elle parcourt la terre,
Et, voyant tout désert, s'empresse à nous quitter.

Et froids tombent sur nous les rayons qu'elle darde,
Fantastiques lueurs qu'elle s'en va semant ;
Et la neige s'éclaire au loin, sinistrement,
Aux étranges reflets de la clarté blafarde.

Oh ! la terrible nuit pour les petits oiseaux !
Un vent glacé frissonne et court par les allées ;
Eux, n'ayant plus l'asile ombragé des berceaux,
Ne peuvent pas dormir sur leurs pattes gelées.

Dans les grands arbres nus que couvre le verglas
Ils sont là, tout tremblants, sans rien qui les protège ;
De leur œil inquiet ils regardent la neige,
Attendant jusqu'au jour la nuit qui ne vient pas
.

Guy de Maupassant ("Des vers", 1880)

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Le moulin

(fragment) 

                       ... Tandis que devant moi,
Dans la clarté douteuse où s'ébauchait sa forme,
Debout sur le coteau comme un monstre vivant
Dont la lune sur l'herbe étalait l'ombre énorme,
Un immense moulin tournait ses bras au vent.
D'où vient qu'alors je vis, comme on voit dans un songe
Quelque corps effrayant qui se dresse et s'allonge
Jusqu'à toucher du front le lointain firmament,
Le vieux moulin grandir si démesurément
Que ses bras, tournoyant avec un bruit de voiles,
Tout à coup se perdaient au milieu des étoiles,
Pour retomber, brillant d'une poussière d'or
Qu'ils avaient dérobée aux robes des comètes?
Puis, comme pour revoir leurs sublimes conquêtes,
A peine descendus, ils remontaient encor.

Guy de Maupassant ("Le moulin" a été publié par le journal Le Gaulois en 1897)



15 mai 2009

Pierre MENANTEAU - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Pierre Menanteau (1895-1992) est très présent sur ce blog, dans les poésies pour la classe.

Qu’elle est belle la Terre

Qu’elle est belle la Terre, avec ses vols d’oiseaux
Qu’on entrevoit soudain à la vitre de l’air,
Avec tous ses poissons à la vitre de l’eau !
La peur les force vite à chercher un couvert
Et l’homme reste seul derrière le rideau.

Qu’elle est belle la Terre, avec ses animaux,
Avec sa cargaison de grâce et de mystère !
Le poète se tient à la vitre des mots.
Cette beauté qu’il chante, il la donne à son frère
Qui se lave les yeux dans le matin nouveau.

Pierre Menanteau ("Bestiaire pour un Enfant Poète" - Seghers 1958)

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Ah ! que la Terre est belle

Ah ! que la Terre est belle.
Crie une voix là-haut,
Ah ! que la Terre est belle.
Sous le beau soleil chaud !

Elle est encore plus belle,
Bougonne l’escargot
Elle est encore plus belle
Quand il tombe de l’eau.

Vue d’en bas, vue d’en haut,
La Terre est toujours belle
Et vive l’hirondelle
Et vive l’escargot.

Pierre Menanteau ("Bestiaire pour un enfant poète" - éditions Pierre Seghers, 1958)


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15 mai 2009

Henri MICHAUX - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Henri Michaux (1899-1984), né en Belgique, a acquis en 1955 la nationalité française.
Il découvre Lautréamont (Les chants de Maldoror), dont on retrouve l'empreinte dans son œuvre écrite poétique, à la marge du Surréalisme. Il écrit des carnets de voyages qu'il a réellement effectués ("Écuador", "Un Barbare en Asie"), mais où l'imaginaire transfigure le réel ; d'autres encore en contrées totalement imaginaires (la "Grande-Garabagne"), réunis dans le recueil "Ailleurs".

"De l'Équateur à la Grande Garabagne, de l'expérience de la mescaline au dessein d'une écriture universelle, de la rêverie éveillée du «sportif au lit» aux songes, tout est voyage, exploration de nouveaux territoires, d'autres paysages mentaux dans l'œuvre de Henri Michaux. Ailleurs (1948), qui réunit Voyage en Grande Garabagne ; Au pays de la Magie  et Ici, Poddema ; ne forme qu'une étape sur son itinéraire: il n'est pas le livre de celui qui manque de pérégrinations et tente de s'évader, mais bien le rejeton engendré par la perplexité d'un voyageur trop souvent déçu par le réel, qui découvre, à l'instar de Claude Lévi-Strauss, que tout voyage est avant tout exploration de soi." (Henri Michaux et les "états-tampons", aspects du voyage imaginaire dans "Ailleurs" - étude de Nicolas Ragonneau paru dans la revue "Textyles" 12: «Voyages, Ailleurs», Pierre Halen éditeur, 1995)

On trouve dans l'œuvre de Michaux une grande inventivité de langage (Nicolas Ragonneau note 82 mots inventés dans "Ailleurs").

Quelques titres : Écuador (1929) ; Un Barbare en Asie (1933) ;  La nuit remue (1935) ; Voyage en Grande Garabagne (1936) ; Plume, précédé de Lointain intérieur (1938) ; Au pays de la magie (1941) ; Je vous écris d'un pays lointain (1942) ;  Arbres des tropiques (1942) ; L'Espace du dedans (1944) ; Ici, Poddema (1946) ; Ailleurs (1948) ; La vie dans les plis (1949) ; Passages (1950) ; Connaissance par les gouffres (1961).

Voir sur ce blog la catégorie qui lui est consacrée  : HENRI MICHAUX et ses "Propriétés"

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Arbres des tropiques (passages)

Arbre blasphémateur. Arbre après la transe. Épouvante-arbre.
Arbre hurleur, tripes dehors, tripes de la lamentation.
Arbre à lance, arbre pieuvre, arbre exorbitant.
Arbre obèse, arbre bouteille.
[...]
Arbre à feuilles nageoires, arbre à palmes.
Arbre portant haltères, portant battoirs, portant fourches.
[...]

Henri Michaux ("Arbres des tropiques", éditions Gallimard, 1942)

PP_11_image_blogUne piste pour la création poétique avec ce texte :
On jouera sur les transformations, les métamorphoses possibles des arbres, pour la création poétique et la création graphique.
D'autres éléments du paysage, naturels ou artificiels, peuvent se prêter à l'exercice : nuage, fleuve, maison, ville, océan...

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Les deux passages qui suivent sont tirés, le premier, de la préface du recueil "Ailleurs", et le second de "Passages". Henri Michaux y présente ses pays imaginaires comme des contrées qu'il a parcourues, et en explique les raisons :

"L’auteur a vécu très souvent ailleurs : deux ans en Garabagne, à peu près autant au pays de la magie, un peu moins à Poddema. Ou beaucoup plus.
Les dates précises manquent. Ces pays ne lui ont pas toujours excessivement plu. Par endroits, il a failli s’y apprivoiser. Pas vraiment. Les pays, on ne saurait assez s’en méfier".

Henri Michaux (préface de l'auteur pour son recueil Ailleurs, 1948)

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"Mes pays imaginaires: pour moi une sorte d'États-tampons, afin de ne pas souffrir de la réalité.
En voyage où presque tout me heurte, ce sont eux qui prennent les heurts, dont j'arrive alors, moi, à voir le comique, à m'amuser...
"

Henri Michaux ("Passages", 1950).

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Contre !

Je vous construirai une ville avec des loques, moi !
Je vous construirai sans plan et sans ciment
Un édifice que vous ne détruirez pas,
Et qu’une espèce d’évidence écumante
Soutiendra et gonflera, qui viendra vous braire au nez,
Et au nez gelé de tous vos Parthénons, vos arts arabes, et de vos Mings

Avec de la fumée, avec de la dilution de brouillard
Et du son de peau de tambour,
Je vous assoierai des forteresses écrasantes et superbes,
Des forteresses faites exclusivement de remous et de secousses,
Contre lesquelles votre ordre multimillénaire et votre géométrie
Tomberont en fadaises et galimatias et poussière de sable sans raison
[...]


Henri Michaux ("La nuit remue" - Gallimard, 1935) 

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Dans ce pays, il n'y a pas de feuilles... (titre suggéré)

Dans ce pays, il n'y a pas de feuilles. J'ai parcouru plusieurs forêts. Les arbres paraissent morts. Erreur. Ils vivent. Mais ils n'ont pas de feuilles.
La plupart, avec un tronc très dur, vous ont partout des appendices minces comme des peaux. Les Barimes semblables à des spectres, tout entiers couverts de ces voiles végétaux; on les soulève, on veut voir la personne cachée. Non, dessous, ce n'est qu'un tronc
.
[...]

D'autres avec de grandes branches dansantes, souples comme tout, serpentines.
D'autres avec de courts rameaux fermes et tout en fourchettes.
D'autres, chaque année, forment un dôme ligneux. On en rencontre d'énormes, des vieux, carapace sur carapace, et s'il vient un incendie de forêt (on ne sait ce qu'ils ont), ils cuisent là à petit feu, tout seuls, pendant des six, sept semaines, alors que tout autour d'eux, sur des lieues de parcours, ce n'est que cendre grise et froid de la nature minérale.
D'autres qui se tendent sous la pluie comme des courroies et grincent; on se croirait dans une forêt en cuir.
Les arbres à chapelet et les arbres à relais.
Les arbres à boules terminales creuses, munies de deux rubans. Par grand vent étaient emportées ces boules, et volaient, ou plutôt flottaient lentement, semblables à des poissons, des poissons qui vont enfin regagner la rivière après un voyage pénible, mais le vent les chassait et elles allaient s'empaler sur les arbres à fourchettes, ou roulaient à terre par centaines, formant un immense plancher de billes, se bousculant et comme rieuses.
Les Badèges ont des racines grimpantes. Une racine sort tout à coup, vient s'appuyer contre une branche d'un air décidé, l'air d'une monstrueuse carotte.
Il y en a d'autres, l'écorce de leur tronc s'ouvre le jour, comme des capots d'automobiles avec leurs fentes d'aération; puis la nuit se ferment strictement et jamais on ne croirait qu'ils se sont jamais ouverts. Les indigènes se nourrissent d'une amande dont l'enveloppe est extrêmement dure. Ils la mettent l'après-midi dans les fentes de l'arbre et la retirent le matin, broyée, prête à être mangée.
L'arbre le plus agréable c'est le Vibon. L'arbre à laine. On voudrait vivre dans sa couronne. Quantité innombrable de rameaux ont ses branches, et chacune sécrète une antenne de laine, si bien qu'il y a là une grosse tête laineuse. C'est le Bouddha de la forêt. Mais il arrive que les Balicolica (ce sont des oiseaux) y viennent habiter. Ils crottent partout. Alors c'est une odeur infecte qui se forme là, et il faut brûler l'arbre.

Henri Michaux ("Mes propriétés" - chapitre Notes de Botanique, Gallimard, 1938) 

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Avec la traversée de l'Équateur, l'ouvrage "Ecuador" (1929) inaugure les recueils de voyage d'Henri Michaux, dans lesquels la fine observation, l'imagination et le subjectivisme exacerbé s'interpénètrent.   

Équateur

Équateur, Équateur, j'ai pensé bien du mal de toi.
Toutefois, quand on est près de s'en aller... et revenant à cheval à l'hacienda par un clair de lune comme je fais ce soir (ici les nuits sont toujours claires, sans chaleur, bonnes pour le voyage) avec le Cotopaxi dans le dos, qui est rose à six heures et demie et seulement une masse sombre à cette heure... mais il y a des mois que je ne le regarde plus...
Équateur, tu es tout de même un sacré pays. [...]

Henri Michaux ("Ecuador", éditions Gallimard, 1929)
 

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La forêt

Et l'on rentre dans la forêt. Cette forêt est chauffée. Immense appartement. On se méfie. On est mal à l'aise. C'est la forêt tropicale.
[...]

Quand les poètes chantaient les arbres du Nord, je croyais qu'ils le faisaient exprès. Ces arbres nus, sans famille, lisses, abandonnés, troncs hauts, et branches qui n'offrent aucun ouverture, (je songe surtout à vous, ô hêtres, que j'ai tant maudits, qu'on me voulait faire admirer, qui portez vers le haut le subit rire malin de toutes vos petites feuilles, qui ne veut rien dire), on ne vous réclame pas, vous tous que j'ai haïs.
[...]

Arbres des tropiques, à l'air un peu naïf, un peu bête, à grandes feuilles, mes arbres ! La forêt tropicale est immense et mouvementée, très humaine, haute, tragique, pleine de retours vers la terre. Les parasites veulent bien s'élever. Ils choisissent un arbre, mais après avoir pris quelque hauteur, les voici tous qui bêlent et reserpentent vers la terre.
Très habitée, la forêt, riche en morts et en vivants !

La forêt n'enterre pas ses cadavres ; quand un arbre meurt et tombe, ils sont tous tout autour, serrés et durs pour le soutenir, et le soutiennent jour et nuit. Les morts s'appuient ainsi jusqu'à ce qu'ils soient pourris. Alors suffit d'un perroquet qui se pose, et ils tombent avec un immense fracas, comme s'ils tenaient encore follement à la vie, avec un arrachement indescriptible.
[...]

L'arbre ici ne craint pas d'adopter une grande famille, et mène grand train. Il porte sur lui des orchidées et plus de cinquante lianes l'embrassent à la vie et à la mort. Ses branches largement occupées et à pendentifs, habitées comme au moyen âge les ponts, ont de loin la douceur, le velours des chenilles, et l'apparence sage et réfléchie que donnent les barbes.

Henri Michaux ("Ecuador", éditions Gallimard, 1929)

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La Cordillera de Los Andes

La première impression est terrible et proche du désespoir.
L'horizon d'abord disparaît.
Les nuages ne sont pas tous plus hauts que nous.
Infiniment et sans accidents, ce sont, où nous sommes,
Les hauts plateaux des Andes qui s'étendent, qui s'étendent.

Ne soyons pas tellement anxieux.
C'est le mal de montagne que nous sentons,
L'affaire de quelques jours.
Le sol est noir et sans accueil.
Un sol venu du dedans.
Il ne s'intéresse pas aux plantes.
C'est une terre volcanique.
Nu ! Et les maisons noires par-dessus,
Lui laissent tout son nu ;
Le nu noir du mauvais.

Qui n'aime pas les nuages,
Qu'il ne vienne pas à l'Équateur.
Ce sont les chiens fidèles de la montagne,
Grands chiens fidèles ;
Couronnent hautement l'horizon.
L'altitude du lieu est de 3000 mètres, qu'ils disent,
Est dangereux qu'ils disent, pour le cœur, pour la respiration, pour l'estomac
Et pour le corps tout entier de l'étranger.

Henri Michaux ("Ecuador", éditions Gallimard, 1929)

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Arbres (titre suggéré)

L'arbre ici ne s'occupe pas de la terre,
Il faut en sortir et vite,
Il s'agit de s'élever car on étouffe,
Et il part.
Ni branches, ni fleurs, ni pousses, rien qu'un tronc direct
Et s'il vient une branche elle se colle au tronc
Et fait flèche avec lui.
Il s'élève donc.
[...]
Et quand ils n'en peuvent plus,
les arbres*,
Une fois arrivés à l'extrême bout de leur taille,
Lorsqu'ils s'abandonnent enfin et se répandent en feuilles,
Les voici tous, tous à peu près à la même hauteur,
Et la forêt paraît unie.

Henri Michaux ("Ecuador", éditions Gallimard, 1929) - *les arbres a été ajouté pour assurer le passage du singulier au pluriel, en raison de la suppression d'une partie du texte.


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15 mai 2009

Jean MORÉAS, Jean-Luc MOREAU - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Jean Moréas (1856-1910), à l'état civil Ioannis Papadiamantopoulos, est un auteur grec d'expression française.
C'est un poète symboliste, qui définit joliment ce genre poétique : "la poésie symbolique cherche à vêtir l'Idée d'une forme sensible... » .
Les Syrtes
composent un très long poème découpé en paragraphes. "La feuille des forêts" en est un passage.

La feuille des forêts

La feuille des forêts
Qui tourne dans la bise
Là-bas, par les guérets,
La feuille des forêts
Qui tourne dans la bise,
Va-t-elle revenir
Verdir* la même tige ?

L'eau claire des ruisseaux
Qui passe claire et vive
A l'ombre des berceaux,
L'eau claire des ruisseaux
Qui passe claire et vive,
Va-t-elle retourner
Baigner* la même rive ?

Jean Moréas ("Les Syrtes - conte d'amour XI", 1884)
* Le tiret (Verdir - la même tige ?... Baigner - la ...) a été supprimé par commodité, on peut le restituer au texte original de Moréas.

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Un autre beau passage sans titre, des "Syrtes" :

Dans l'âtre brûlent les tisons,
les tisons noirs aux flammes roses ;
dehors hurlent les vents moroses,
les vents des vilaines saisons.
Contre les chenets roux de rouille,
mon chat frotte son maigre dos.
En les ramages des rideaux,
on dirait un essaim qui grouille :
c'est le passé, c'est le passé
qui pleure la tendresse morte ;
c'est le bonheur que l'heure emporte
qui chante sur un ton lassé.

Jean Moréas ("Les Syrtes - Remembrances" , 1884)  

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La vallée de la Bièvre a été aussi mise en vers par Jean Moréas, comme par Victor Hugo et d'autres auteurs (voir le paragraphe "Victor Hugo") :

Memento *

La route monte entre des murs et tourne et longe l'enclos planté d'arbres rangés, qui n'ont encore de vert, sinon un peu de mousse.

Allée, platanes
De belle écorce,
Vieux bancs de pierre,
Je vous revois
Dans la lumière
De cette fin
D'hiver bénin.

Dans la vallée
Au creux charmant
La Bièvre coule
Et se déroule
Comme un ruban.

Jean Moréas ("Esquisses et souvenirs", Mercure de France, 1908) * Memento signifie ici Souviens-toi. On pourrait titrer ce texte La Bièvre.

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Permanence de "La lune d'argent", dans les paysages nocturnes de Jean Moréas.

La lune d'argent

Dans l'âtre brûlent les tisons,
Belle lune d'argent, j'aime à te voir briller
Sur les mâts inégaux d'un port plein de paresse,
Et je rêve bien mieux quand ton rayon caresse,
Dans un vieux parc, le marbre où je viens m'appuyer.

J'aime ton jeune éclat et tes beautés fanées,
Tu me plais sur un lac, sur un sable argentin,
Et dans la vaste nuit de la plaine sans fin,
Et dans mon cher Paris, au bout des cheminées.


Jean Moréas ("Les Stances", 1893) 

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Eau printanière, pluie harmonieuse ...

Eau printanière, pluie harmonieuse et douce
Autant qu'une rigole à travers le verger
Et plus que l'arrosoir balancé sur la mousse,
Comme tu prends mon coeur dans ton réseau léger !

À ma fenêtre, ou bien sous le hangar des routes
Où je cherche un abri, de quel bonheur secret
Viens-tu mêler ma peine, et dans tes belles gouttes
Quel est ce souvenir et cet ancien regret ?


Jean Moréas ("Les Stances", 1893) 

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Ô mer immense ...

Ô mer immense, mer aux rumeurs monotones,
Tu berças doucement mes rêves printaniers ;
Ô mer immense, mer perfide aux mariniers,
Sois clémente aux douleurs sages de mes automnes.

Vague qui viens avec des murmures câlins
Te coucher sur la dune où pousse l'herbe amère,
Berce, berce mon cœur comme un enfant sa mère,
Fais-le repu d'azur et d'effluves salins.

Loin des villes, je veux sur les falaises mornes
Secouer la torpeur de mes obsessions,
- Et mes pensers, pareils aux calmes alcyons,
Monteront à travers l'immensité sans bornes
.


Jean Moréas ("Les Syrtes", 1884) 

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Ultime paysage, dans lequel voudrait se fondre l'auteur :

Quand je viendrai m'asseoir dans le vent ...
 
Quand je viendrai m'asseoir dans le vent, dans la nuit,
Au bout du rocher solitaire,
Que je n'entendrai plus, en t'écoutant, le bruit
Que fait mon cœur sur cette terre,
 
Ne te contente pas, Océan, de jeter
Sur mon visage un peu d'écume :
D'un coup de lame alors il te faut m'emporter
Pour dormir dans ton amertume
.


Jean Moréas ("Les Stances", 1893)


Jean-Luc Moreau est né en 1937. Il a publié des histoires et des poèmes pour les enfants et les adolescents, (Sous le masque des mots, Devinettes, Poèmes de la souris verte … ) et des anthologies de poésie contemporaine ou plus classique (Poèmes à saute-mouton, Poèmes de Russie ...). Voir la catégorie POÉSIES PAR THÈME : l'école

Un voyage à travers des paysages variés, avec "l'oncle Octave" :

L'oncle Octave

J'ai bourlingué, dit l'oncle Octave,
De Vancouver à Tamatave,
De ShangaÏ au Cap et jusqu'à
San José de Costa Rica.
Souventes fois je rêve encore
DeTimor et de Travancore,
Mais sachez-le, par-dessus tout
J'aime le Perche et le Poitou.

Jean-Luc Moreau ("L'arbre perché" - éditions Pierre Jean Oswald)



15 mai 2009

Georges MOUSTAKI - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Georges Moustaki, né en 1934 , est un parolier-poète, auteur compositeur interprète à qui on doit de beaux textes : "Milord", "Eden blues", pour Edith Piaf, "La Dame brune" avec Barbara, "Ma liberté", "Ma solitude", "Grand-père"... Voici son Île de France :

Deux suggestions pour l'utilisation de ce texte dans les classes élémentaires :

  • ne proposer aux élèves que les 4 premières strophes
  • Pour la construction poétique différente de celle d'une chanson, garder "Mon" dans la première strophe, et le remplacer par "En" dans les trois suivantes.

Avec nos excuses à Georges Moustaki.

Mon Île de France

Elle n'est même pas au bout du monde
On n'y va pas chercher de l'or
Il n'y a pas de plages blondes
Ce n'est pas une île au trésor
Mon île de France

Elle n'est pas dans le Pacifique
Ni dans aucun autre océan
On peut y aller en péniche
Ou bien couper à travers champs
Mon* île de France

Il n'y a pas de sortilège
Qui vous ensorcelle le cœur
L'hiver il tombe de la neige
Le printemps ramène les fleurs
Mon* île de France

Lorsque le vent pousse ma voile
Sur les vagues des champs de blé
Je m'arrête pour une escale
A l'ombre de ses marronniers
Mon* île de France

Là sur un rivage de mousse
L'aventure au bout du sentier
M'offre une fille à la peau douce
Et un coin d'herbe pour aimer
Mon* île de France

Adieu Tahiti, Fort-de-France
Adieu Doudou et Vahiné
Qu'elle est douce ma douce France
Depuis que je l'ai rencontrée
Mon île de France

Elle n'est même pas au bout du monde
On n'y va pas chercher de l'or
Il n'y a pas de plages blondes
Ce n'est pas une île au trésor
Mon île de France

Georges Moustaki (Ducretet-Thomson, 1962) - * On suggère de remplacer "Mon" par "En"...



15 mai 2009

Alfred de MUSSET - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Alfred de Musset (1810-1857) est un des plus importants poètes du XIXe siècle. Une biographie et une bibliographie sont visibles à cette adresse : http://www.etudes-litteraires.com/musset.php

On trouve sur le blog ICI la Chanson de Barberine et le poème À Ninon. 

La poésie À mon frère, revenant d'Italie est publiée intégralement dans la catégorie BRASSENS chante les poètes.
En voici un court extrait, on y trouvera des cartes postales d'Italie :

À mon frère, revenant d'Italie

Ainsi, mon cher, tu t'en reviens
Du pays dont je me souviens
Comme d'un rêve,
De ces beaux lieux où l'oranger
Naquit pour nous dédommager
Du péché d'Ève.

Tu t'es bercé sur ce flot pur
Où Naple enchâsse dans l'azur
Sa mosaique,
Oreiller des lazzaroni
Où sont nés le macaroni
Et la musique.

Qu'il soit rusé, simple ou moqueur,
N'est-ce pas qu'il nous laisse au coeur
Un charme étrange,
Ce peuple ami de la gaieté
Qui donnerait gloire et beauté
Pour une orange ?

 

Toits superbes ! froids monuments !
Linceul d'or sur des ossements !
Ci-gît Venise.
Là mon pauvre coeur est resté.
S'il doit m'en être rapporté,
Dieu le conduise !

Mais de quoi vais-je ici parler ?
Que ferais-je à me désoler,
Quand toi, cher frère,
Ces lieux où j'ai failli mourir,
Tu t'en viens de les parcourir
Pour te distraire ?

Ami, ne t'en va plus si loin.
D'un peu d'aide j'ai grand besoin,
Quoi qu'il m'advienne.
Je ne sais où va mon chemin,
Mais je marche mieux quand ma main
Serre la tienne.

Alfred de Musset ("Poésies nouvelles")



15 mai 2009

Gérard de NERVAL - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Gérard de Nerval  (1808-1855) est le pseudonyme qu'a emprunté Gérard Labrunie, poète "moderne". Il est l'auteur des Filles du Feu (1854) ; Les Chimères (1854) ; Aurélia ou le rêve et la vie (1855) et a traduit le poète allemand Heinrich Heine.
En grande détresse matérielle et morale, il finit par se pendre.

Voici deux tableaux, où s'exprime en touches discrètes la sensibilité du poète (tiens, ça rime, pur hasard, Gérard)...

Avril

Déjà les beaux jours, - la poussière,
Un ciel d’azur et de lumière,
Les murs enflammés, les longs soirs ;
Et rien de vert : à peine encore
Un reflet rougeâtre décore
Les grands arbres aux rameaux noirs !

Ce beau temps me pèse et m’ennuie.
Ce n’est qu’après des jours de pluie
Que doit surgir, en un tableau,
Le printemps verdissant et rose,
Comme une nymphe fraîche éclose
Qui, souriante, sort de l’eau.

Gérard de Nerval ("Odelettes", 1853)

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Le coucher du soleil
   
Quand le Soleil du soir parcourt les Tuileries
Et jette l'incendie aux vitres du château,
Je suis la Grande Allée et ses deux pièces d'eau
Tout plongé dans mes rêveries !

Et de là, mes amis, c'est un coup d'œil fort beau
De voir, lorsqu'à l'entour la nuit répand son voile,
Le coucher du soleil, riche et mouvant tableau,
Encadré dans l'arc de l'Étoile !

Gérard de Nerval ("Odelettes", 1853) - Des signes de ponctuation, les tirets, ont été supprimés des textes pour simplifier la pérsentation.


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