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29 avril 2007

"L'autre" - Georges-Emmanuel Clancier

Georges-Emmanuel Clancier, né en 1914, est un écrivain romancier, poète, critique littéraire, journaliste (presse écrite et radio).
Son grand roman en plusieurs tomes, Le pain noir (éditions Robert Laffont, à partir de 1956), qui raconte l'histoire de sa famille maternelle (on parlerait aujourd'hui d'une saga familiale), est son œuvre la plus connue. Il a été porté à l'écran pour la télévision.
On trouve Le pain noir en livre de poche (éditions J'ai Lu).
Le dernier recueil de poésies en date de Georges-Emmanuel Clancier est Terres de mémoire, paru en 2003, et dont un passage est proposé plus bas. Ci-dessous un des extraits de Peut-être une demeure (1972).

Je suis celui qui pourrait être ...

Je suis celui qui pourrait être.
Tu n'es que songe du monde captif.
Il se fait tard mais le jour est sauvé.
Elle, ma voix, mon chant, ma liberté,
Nous errons sous la forêt solaire,
Vous y viendrez amoureux de notre ombre.
Ils savent, ils croient savoir, ils parlent
D'elles qui nous furent douces et ne sont que silence.

 

Georges-Emmanuel Clancier ("Peut-être une demeure" précédé de "Écriture des jours" - Gallimard, 1972)

Quelques passage poétiques, en forme d'éloges de l'autre (sans titres) :

Vieux berger ...

Vieux berger (fait de ronces, de pierres, de broussailles),
vieil homme sans peur, sans espoir, moqueur silex de
liberté, riant sec, goguenard, à la barbe de la mort.

Georges-Emmanuel Clancier ("Peut-être une demeure" précédé de "Écriture des jours" - Gallimard, 1972)


Vieil homme du futur ...

Vieil homme du futur
Voix de la vie,
Bouche de lumière,
Sous l'étincelle campagnarde
De tes yeux, de tes mots,
Te voici,
Père apaisé
Des caves et des granges
Anciennes,
Et fils
de l'usine univers.

Georges-Emmanuel Clancier ("Peut-être une demeure" précédé de "Écriture des jours" - Gallimard, 1972)


Les ajoncs, la pierraille ...

Les ajoncs, la pierraille au sursis de l'hiver,
Haute ruine aux lambeaux de songe,
Tous les siècles de l'obscur dans le vent,
La vallée, le grand pays familier et désert.
Le couple né de ces granits, de ces racines,
Et moi qui porte au fond des mots, au fond du sang
Je ne sais quel appel, je ne sais quel écho
De ce passage de serfs et de guerriers,
De vagabonds, de paysans et de rois,
D'enfances tenaces et terrifiées,
L'effrayante ou miraculeuse saveur
D'une lézarde entre deux nuits.

Georges-Emmanuel Clancier ("Terres de mémoire"- éditions Robert Laffont, 1965 et  "Terres de mémoire suivi de Vrai visage" - La Table Ronde, collection "la petite vermillon", 2003)


Escales

Flûte lointaine à travers les défilés,
Flûte et battements de mains heureuses,
Chant du souvenir et des espaces,
Chant du Pérou sur l'autre rive,
Là-bas sur l'autre rive des nuits :
Los Indios, los Indios ,tristesse
À perdre haleine aux plateaux de Cuzco,
Lamas et guenilles, enfance noire
Sous les blocs,sous les ruines Incas.
Je vous le dis, tapis au fond du songe
Il existe des pays tendres et féroces.
Flûte lointaine et battements de mains heureuses,
Flûte lointaine à travers tant de défilés.

Georges-Emmanuel Clancier (idem : "Terres de mémoire" - 1965 et 2003)


Le roi de l’île

Le roi de l’île
Est-ce un raisin    
Est-ce un poisson      
Est-ce un nuage ?             

Le roi de l’île            
Est-ce un caillou      
Est-ce un marin               
Est-ce un soleil ?

Le roi de l’île                
Est-ce un pied nu         
Est-ce un  navire       
Est-ce un silence ?       

Le roi de l’île         
Est-ce l’été 
Est-ce le chant      
Est-ce l’amour ?

Le roi de l’île            
Serait-ce lui
Serait-ce toi
Serait-ce moi ?

Georges-Emmanuel Clancier ("Poèmes en chansons" - publication phonogram Philips Livre-disque 33 tours, 1976 ; texte mis en musique et chanté par Max Rongier)


Mes amis (passage, titre proposé)

Mes amis fragiles vous donnerai-je
Ces jours entre soleil et neige
Quand l’un s’en va l’autre demeure
Et les nuages sont nos demeures
Ô frères fragiles amis allés pleurant
À mon image notre destin errant.

Georges Emmanuel Clancier (Le Poème hanté, Gallimard, 1983)


Le guet

Sur le fin taillis des ramilles
À contre-jour du ciel d’hiver
Longtemps l’oiseau en silhouette
Noire surveillait l’horizon.

Te voyait-il à ta lucarne
Vieil homme incertain de lui-même
Entre lassitude et bonheur
D’un œil inquiet le contemplant ?

De l’oiseau corneille ou corbeau
Guetteur à la cime des branches,
Du rêveur perdu dans la neige
De l’âge et des pensées frileuse

Lequel des deux inventait l’autre
Lequel à la vie démentielle,
Somptueuse, éparse en l’univers,
Serait messager du futur ?

Georges Emmanuel Clancier



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29 avril 2007

"L'autre" - Pierre Coran

Pierre Coran est né en 1934. Instituteur, poète et romancier pour la jeunesse, la liste est longue de ses écrits. Des textes sont présents sur ce blog : Paris blanc, Le chameau  (poésies cycle 2) et Le poisson rouge (poésies par thème : l'école, p 3).
Ici, sur le thème de "l'autre" :

Fakir bègue

Un fakir
Bégayait,
Bégayait
Tant
Par mot
Par mot
Par moment
Qu'il changea
Un ser
Un ser
Un serpent
En mètre pliant.

Pierre Coran


29 avril 2007

"L'autre" - Michelle Daufresne

livre_Michelle_Daufresne_EnvolMichelle Daufresne, auteure contemporaine, a publié des poèmes et des histoires qu'elle a elle-même illustrés pour des recueils et des albums destinés aux enfants et à la jeunesse ("Irma Bec en L'air" chez Syros, "Images, images", aux éditions L'Art à la page). Elle a aussi créé les illustrations pour des textes d'autres poètes ("Le rire des cascades", d' Alain Boudet aux éditions Motus). Et bien d'autres.

Petites ombres

Les petites ombres se promènent
serrant contre elles
un cabas,
un chien, un chat.

Personne ne les voit
on ne remarque pas
ces ombres
sombres.

Elles ont été
dans le passé
des charmantes,
des importantes,
des méchantes,
des vibrantes.
Elles ont été, cela les hante,
des amantes.

Dans les glaces des magasins,
glaces sans tain
elles croisent des reflets éteints
de fantômes anciens.

Pourquoi rentrer
retrouver
un passé
envolé ?
Qui les attend ?
Qui les entend ?

Les petites ombres se promènent
serrant contre elles
un chien, un chat
un cabas.
Elles déambulent
funambules.

Michelle Daufresne ("Envol" - éditions Lo Païs d'Enfance, 1999)


29 avril 2007

"L'autre" - Lucie Delarue-Mardrus

Lucie Delarue-Mardrus (1874-1945) a écrit de nombreux poèmes, romans, contes et nouvelles ...
Elle est aussi dessinatrice, sculptrice et historienne.

Voici un éloge de l'autre en négatif, à ne pas suivre donc :

Mauvaise rencontre

Antoine Lenoir dans le noir
Monte l'escalier sans y voir.
Henri Leborgne qui le lorgne
Soudain d'un coup de poing l'éborgne.
" Oh ! oh ! " dit Lenoir
" Hi ! hi ! " dit Leborgne.
- Répondez Lenoir
Fait-il toujours noir,
Ou vos marches s'allument-elles
Au clair de trente-six chandelles ? "

Lucie Delarue-Mardrus ("Poèmes mignons pour les enfants" - Gedalge, 1929)



29 avril 2007

"L'autre" - Marceline Desbordes-Valmore

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) publie à l'âge de 23 ans son premier recueil : Élégies, Marie et Romances. Sensible, romantique, lyrique, sa poésie humaniste et sociale invente de nouvelles formes dont se sont inspirés sans doute des poètes comme Verlaine et Rimbaud.
On retiendra aussi le beau texte "Les séparés", témoignage d'une souffrance réelle, que Julien Clerc a mis en musique (voir sur ce blog dans la catégorie "Lettera amorosa") :

N'écris pas. Je suis triste, et je voudrais m'éteindre.
les beaux étés sans toi, c'est la nuit sans flambeau.
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
Et frapper à mon cœur, c'est frapper au tombeau.
        N'écris pas !

N'écris pas. N'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes
Ne demande qu'à Dieu... qu'à toi, si je t'aimais!
Au fond de ton absence écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais.
        N'écris pas ! ...

Marceline Desbordes-Valmore

À mes enfants

Quand le soleil y passe, ouvrez votre fenêtre ;
Lui seul sait essuyer l’humide et sombre hiver.
Si le bonheur absent vient pour vous reconnaître,
Que votre cœur charmé, tout grand lui soit ouvert !

Gardez-vous de bouder, enfants, contre vous-mêmes.
Sachez : l’or est moins pur qu’un tendre et doux conseil.
Enfants : ne pas sourire à l’ami qui vous aime,
C’est tourner le dos au soleil.

Marceline Desbordes-Valmore


Un nouveau-né (passage)

...
Toi, cher petit dormeur, notre monde te plaît :
Ton âme est toute blanche et n'a bu que du lait !
Depuis si peu d'instants descendu sur la terre,
Tes yeux nagent encor dans un divin mystère ;
Tu revois la maison d'où tu viens, ton beau ciel,
Et ton baiser qui s'ouvre en a gardé du miel !

Marceline Desbordes-Valmore



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29 avril 2007

"L'autre" - Robert Desnos

Robert Desnos (1900-1945) a fait partie avec Benjamin Péret et André Breton du mouvement Dada et du  surréalisme. Il rompra plus tard avec eux. Auteur de nombreux textes poétiques, ses poèmes pour les enfants sont très connus (" Chantefables et Chantefleurs" - Gründ éditeur, 1995).
Engagé dans la Résistance, il est incarcéré à Compiègne, puis déporté. Il meurt au camp de concentration de Térézin (Theresienstadt, en Tchécoslovaquie).

... "Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne
Comme un soir en dormant tu nous en fis récit
Accomplir jusqu’au bout ta propre prophétie
Là-bas où le destin de notre siècle saigne

Je pense à toi Desnos et je revois tes yeux
Qu’explique seulement l’avenir qu’ils reflètent
Sans cela d’où pourrait leur venir ô poète
Ce bleu qu’ils ont en eux et qui dément les cieux" ...

Louis Aragon ("Complainte de Robert le Diable" dans "Il ne m'est Paris que d'Elsa" - Seghers 1975).

Des textes de Desnos sont déjà présents sur le blog dans les catégories C2 et C3 pour la classe (La fourmi - Le pélican - L'escargot - La grenouille aux  souliers percés - Les hiboux - Le zèbre - L'oiseau du Colorado - Il était une feuille).

En voici d'autres, qui tournent rond autour du thème.


Le carré pointu

Le carré a quatre côtés
Mais il est quatre fois pointu
Comme le Monde.
On dit pourtant que la terre est ronde
Comme ma tête
Ronde et monde et mappemonde :
Un anticyclone se dirigeant vers le nord-ouest...
Le monde est rond, la terre est ronde
Mais elle est, mais il est
Quatre fois pointu
Est Nord Sud Ouest
Le monde est pointu
La terre est pointue
L'espace est carré.

Robert Desnos ("Destinée arbitraire" - éditions Poésie/Gallimard, 1975 - publication posthume)


Par un point situé sur un plan...

Par un point situé sur un plan
On ne peut faire passer qu'une perpendiculaire
à ce plan.
On dit ça...
Mais par tous les points de mon plan à moi
On peut faire passer tous les hommes, tous les animaux de la terre
Alors votre perpendiculaire me fait rire.
Et pas seulement les hommes et les bêtes
Mais encore beaucoup de choses
Des cailloux
Des fleurs
Des nuages
Mon père et ma mère
Un bateau à voiles
Un tuyau de poêle
Et si cela me plaît
Quatre cents millions de perpendiculaires.

Robert Desnos ("Destinée arbitraire" - éditions Poésie/Gallimard, 1975 - publication posthume)


Conte de fée

Il était un grand nombre de fois
Un homme qui aimait une femme
Il était un grand nombre de fois
Une femme qui aimait un homme
Il était un grand nombre de fois
Une femme et un homme
Qui n'aimaient pas celui et celle qui les aimaient

Il était une fois
Une seule fois peut-être
Une femme et un homme qui s'aimaient.

Robert Desnos ("Les nuits blanches" dans "Destinée arbitraire" - éditions Poésie/Gallimard, 1975 - publication posthume)


Le Souci

Et pour qui sont ces six soucis ?
Ces six soucis sont pour mémoire.
Ne froncez donc pas les sourcils,
Ne faites donc pas une histoire,
Mais souriez, car vous aussi,
Vous aussi, aurez des soucis.

Robert Desnos ("Chantefables et Chantefleurs" - Gründ éditeur, 1995 - publication posthume)


L'anneau de Moebius

Le chemin sur lequel je cours
Ne sera pas le même quand je ferai demi-tour
J'ai beau le suivre tout droit
Il me ramène à un autre endroit
Je tourne en rond mais le ciel change
Hier j'étais un enfant
Je suis un homme maintenant
Le monde est une drôle de chose
Et la rose parmi les roses
Ne ressemble pas à une autre rose.

Robert Desnos ("La géométrie de Daniel" 1939, publié dans "Destinée arbitraire" - Poésie/Gallimard, 1975)


Demain

Âgé de cent-mille ans, j'aurais encore la force
De t'attendre, o demain pressenti par l'espoir.
Le temps, vieillard souffrant de multiples entorses,
Peut gémir: neuf est le matin, neuf est le soir.

Mais depuis trop de mois nous vivons à la veille,
Nous veillons, nous gardons la lumière et le feu,
Nous parlons à voix basse et nous tendons l'oreille
A maint bruit vite éteint et perdu comme au jeu.

Or, du fond de la nuit, nous témoignons encore
De la splendeur du jour et de tous ses présents.
Si nous ne dormons pas c'est pour guetter l'aurore
Qui prouvera qu'enfin nous vivons au présent.

Robert Desnos ("État de veille" 1942, édité par Robert-J. Godet en 1943 et dans "Destinée arbitraire" - Poésie/Gallimard, 1975)


C'était un bon copain

Il avait le cœur sur la main
Et la cervelle dans la lune
C'était un bon copain
Il avait l'estomac dans les talons
Et les yeux dans nos yeux
C'était un triste copain
Il avait la tête à l'envers
Et le feu là où vous pensez
Mais non quoi il avait le feu au derrière
C'était un drôle de copain
Quand il prenait les jambes à son cou
Il mettait son nez partout
C'était un charmant copain
Il avait une dent contre Étienne
A la tienne Étienne à la tienne mon vieux
C'était un amour de copain
Il n'avait pas la langue dans sa poche
Ni la main dans la poche du voisin
Il ne pleurait jamais dans mon gilet
C'était un copain
C'était un bon copain.

Robert Desnos ("Corps et biens" - Gallimard,1930 et Poésie/Gallimard, 1968)


Voici le poème Couplets de la rue Saint-Martin, que Desnos a écrit à la mémoire de son ami André Platard, résistant fusillé par les nazis.               

Couplets de la rue Saint-Martin

Je n'aime plus la rue Saint-Martin
Depuis qu'André Platard l'a quittée.
Je n'aime plus la rue Saint-Martin,
Je n'aime rien, pas même le vin.

Je n'aime plus la rue Saint-Martin
Depuis qu'André Platard l'a quittée.
C'est mon ami, c'est mon copain.
Nous partagions la chambre et le pain.

Je n'aime plus la rue Saint-Martin.
C'est mon ami, c'est mon copain.
Il a disparu un matin,
Ils l'ont emmené, on ne sait plus rien.

On ne l'a plus revu dans la rue Saint-Martin.
Pas la peine d'implorer les saints,
Saint Merri, Jacques, Gervais et Martin,
Pas même Valérien qui se cache sur la colline.

Le temps passe, on ne sait rien.
André Platard a quitté la rue Saint-Martin.

Robert Desnos ("État de veille" 1942, édité par Robert-J. Godet en 1943 et dans "Destinée arbitraire" - Poésie/Gallimard, 1975)


Un poème pour la classe à plusieurs niveaux, si on en propose des passages :

Ma sirène

Ma sirène est bleue comme les veines où elle nage
Pour l'instant elle dort sur la nacre
Et sur l'océan que je crée pour elle
Elle peut visiter les grottes magiques des îles saugrenues
Là des oiseaux très bêtes
conversent avec des crocodiles qui n'en finissent plus
Et les oiseaux très bêtes volent au-dessus de la sirène bleue
Les crocodiles retournent à leur boire
Et l'île n'en revient pas ne revient pas d'où elle se trouve
où ma sirène et moi nous l'avons oubliée
Ma sirène a des étoiles très belles dans son ciel
Des étoiles blondes aux yeux noirs
Des étoiles rousses aux dents étincelantes
et des étoiles brunes aux beaux seins
Chaque nuit trois par trois
alternant la couleur de leurs cheveux
Ces étoiles visitent ma sirène
Cela fait beaucoup d'allées et venues dans le ciel
Mais le ciel de ma sirène n'est pas un ciel ordinaire ...
Ma sirène a des savons de toutes formes et de toutes couleurs
C'est pour laver sa jolie peau
Ma sirène a beaucoup de savons
L'un pour les mains
L'autre pour les pieds
Un pour hier
Un pour demain
Un pour chacun des yeux
Et celui-là pour sa queue d'écailles
Et cet autre pour les cheveux
Et encore un pour son ventre
Et encore un pour ses reins.
Ma sirène ne chante que pour moi
J'ai beau dire à mes amis de l'écouter
Personne ne l'entendit jamais
Excepté un, un seul
Mais bien qu'il ait l'air sincère
Je me méfie car il peut être menteur.

Robert Desnos ("Les nuits blanches" dans "Destinée arbitraire" - éditions Poésie/Gallimard, 1975 - publication posthume)


L’hippocampe

Gloire, gloire au bel hippocampe,
Cheval marin, cheval de trempe,
Qu’aucun jockey n’a chevauché,
Hip ! Hip ! Hip ! pour l’hippocampe.

Gloire ! Gloire au bel hippocampe,
Dans une poche, sur son ventre,
Il porte et il couve ses œufs.
Là, ses petits sont bien chez eux.
Hip ! Hip ! Hip ! pour l’hippocampe.

Robert Desnos ("Chantefables et Chantefleurs" - Gründ éditeur, 1995 - publication posthume)


La fourmi

Une fourmi de dix-huit mètres
Avec un chapeau sur la tête,
Ça n'existe pas, ça n'existe pas.
Une fourmi traînant un char
Plein de pingouins et de canards,
Ça n'existe pas, ça n'existe pas.
Une fourmi parlant français;
Parlant latin et javanais,
Ça n'existe pas, ça n'existe pas.
Eh ! Pourquoi pas ?

Robert Desnos ("Chantefables et Chantefleurs" - Gründ éditeur, 1995 - publication posthume)


 



29 avril 2007

"L'autre" - Jean-Pierre Develle

Autocritique        

Qu’est-ce qui ne va pas sur Terre?
C’est le chat dit la souris
C’est le lion dit la gazelle
C’est le loup dit l’agneau
C’est l’homme dit l’homme.

Jean-Pierre Develle


29 avril 2007

"L'autre" - Paul Éluard

La biographie détaillée et des poèmes de Paul Éluard sont visibles sur le blog ici :
Des POÈTES et de la POÉSIE
en attendant d'autres textes, plus proches du thème.

... "Il y aurait un homme n’importe quel homme
Moi ou un autre
Sinon il n’y aurait rien."

(texte du poème plus bas)

Et un sourire

La nuit n'est jamais complète
Il y a toujours, puisque je le dis
Puisque je l'affirme
Au bout du chagrin
Une fenêtre ouverte
Une fenêtre éclairée
Il y a toujours un rêve qui veille
Désir à combler, faim à satisfaire
Un coeur généreux
Une main tendue, une main ouverte
Des yeux attentifs
Une vie, la vie à se partager.

Paul Éluard ("Le Phénix", éditions GLM, 1951 avec des dessins de Victor Hugo - éditions Seghers, 1954)


Bonne justice

C'est la douce loi des hommes
Du raisin ils font du vin
Du charbon ils font du feu
Des baisers ils font des hommes

C'est la dure loi des hommes
Se garder intact malgré
Les guerres et la misère
Malgré les dangers de mort

C'est la chaude loi des hommes
De changer l'eau en lumière
Le rêve en réalité
Et les ennemis en frères

Une loi vieille et nouvelle
Qui va se perfectionnant
Du fond du cœur de l'enfant
Jusqu'à la raison suprême.

Paul Éluard ("Pouvoir tout dire" - illustrations de Françoise Gilot, Éditions Raisons d'être, 1951)


Le miroir d'un moment

Il dissipe le jour,
Il montre aux hommes les images déliées de l'apparence,
Il enlève aux hommes la possibilité de se distraire.
Il est dur comme la pierre,
La pierre informe,
La pierre du mouvement et de la vue,
Et son éclat est tel que toutes les armures, tous les masques en sont faussés.
Ce que la main a pris dédaigne même de prendre la forme de la main,
Ce qui a été compris n'existe plus,
L'oiseau s'est confondu avec le vent,
Le ciel avec sa vérité,
L'homme avec sa réalité.

Paul Éluard ("Capitale de la douleur" - Éditions de la NRF, 1926 et Gallimard, diverses éditions, la dernière en 1995)


Monde ébloui,
Monde étourdi.

I

Toutes les femmes heureuses ont
Retrouvé leur mari - il revient du soleil
Tant il apporte de chaleur.
Il rit et dit bonjour tout doucement
Avant d'embrasser sa merveille.

II

Splendide, la poitrine cambrée légèrement,
Sainte ma femme, tu es à moi bien mieux qu'au temps
Où avec lui, et lui, et lui, et lui, et lui,
Je tenais un fusil, un bidon - notre vie!

III

Tous les camarades du monde,
O! mes amis!
Ne valent pas à ma table ronde
Ma femme et mes enfants assis,
O! mes amis!

IV

Après le combat dans la foule,
Tu t'endormais dans la foule.
Maintenant, tu n'auras qu'un souffle près de toi,
Et ta femme partageant ta couche
T'inquiétera bien plus que les mille autres bouches.

V

Mon enfant est capricieux -
Tous ces caprices sont faits.
J'ai un bel enfant coquet
Qui me fait rire et rire.

VI

Travaille.
Travail de mes dix doigts et travail de ma tête,
Travail de Dieu, travail de bête,
Ma vie et notre espoir de tous les jours,
La nourriture et notre amour.
Travaille.

VII

Ma belle, il nous faut voir fleurir
La rose blanche de ton lait.
Ma belle, il faut vite être mère,
Fais un enfant à mon image...

VIII

J'ai eu longtemps un visage inutile,
Mais maintenant
J'ai un visage pour être aimé,
J'ai un visage pour être heureux.

IX

Il me faut une amoureuse,
Une vierge amoureuse,
Une vierge à la robe légère.

X

Je rêve de toutes les belles
Qui se promènent dans la nuit,
Très calmes,
Avec la lune qui voyage.

XI

Toute la fleur des fruits éclaire mon jardin,
Les arbres de beauté et les arbres fruitiers.
Et je travaille et je suis seul dans mon jardin.
Et le soleil brûle en feu sombre sur mes mains.

Paul Éluard ("Poèmes pour la Paix" 1918)


Je te l'ai dit  (titre proposé) 

Je te l'ai dit pour les nuages
Je te l'ai dit pour l'arbre de la mer
Pour chaque vague, pour les oiseaux dans les feuilles
Pour les cailloux du bruit
Pour les mains familières
Pour l’œil qui devient visage ou paysage
Et le sommeil lui rend le ciel de sa couleur
Pour toute la nuit bue
Pour la grille des routes
Pour la fenêtre ouverte pour un front découvert
Je te l'ai dit pour tes pensées, pour tes paroles
Toute caresse, toute confiance se survivent

(pas de ponctuation) 
Paul Éluard ("L'amour la poésie" éditions Gallimard, 1929)


Ce texte difficile peut être adapté au niveau des élèves en ne proposant que certains passages (en couleur) :

Le droit le devoir de vivre

Il n’y aurait rien
Pas un insecte bourdonnant
Pas une feuille frissonnante
Pas un animal léchant ou hurlant
Rien de chaud rien de fleuri
Rien de givré de brillant rien d’odorant
Pas une ombre léchée par la fleur de l’été
Pas un arbre portant des fourrures de neige

Pas une joue fardée par un baiser joyeux
Pas une aile prudente ou hardie dans le vent
Pas un coin de chair fine pas un bras chantant
Rien de libre ni de gagner ni de gâcher
Ni de s’éparpiller ni de se réunir
Pour le bien pour le mal
Pas une nuit armée d’amour ou de repos
Pas une voix d’aplomb pas une bouche émue
Par un sein dévoilé pas une main ouverte
Pas de misère et pas de satiété
Rien d’opaque rien de visible
Rien de lourd rien de léger
Rien de mortel rein d’éternel

Il y aurait un homme n’importe quel homme
Moi ou un autre
Sinon il n’y aurait rien.

Paul Éluard ("Le livre ouvert" , 1938-1944 - éditions Poésie/Gallimard, 1974)


La terre est bleue

La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas
Ils ne vous donnent plus à chanter
Au tour des baisers de s'entendre
Les fous et les amours
Elle sa bouche d'alliance
Tous les secrets tous les sourires
Et quels vêtements d'indulgence
À la croire toute nue.
Les guêpes fleurissent vert
L'aube se passe autour du cou
Un collier de fenêtres
Des ailes couvrent les feuilles
Tu as toutes les joies solaires
Tout le soleil sur la terre
Sur les chemins de ta beauté.

Paul Éluard ("L'amour la poésie" éditions Gallimard, 1929)



29 avril 2007

"L'autre" - Pierre Emmanuel

Pierre Emmanuel (1916-1984) est un poète d'inspiration catholique. Il s'est engagé dans la Résistance : Jour de colère (1942), Combats avec tes défenseurs (1942), La liberté guide nos pas (1945). C'est l'un des plus importants poètes du XXe siècle.

Hymne de la Liberté (extrait)

...

Ô mes frères dans les prisons vous êtes libres
Libres les yeux brûlés les membres enchaînés
Le visage troué les lèvres mutilées
Vous êtes ces arbres violents et torturés
Qui croissent plus puissants parce qu'on les émonde
Et sur tout le pays d'humaine destinée
Votre regard d'hommes vrais est sans limites
Votre silence est la paix terrible de l' éther.(1)
Par-dessus les tyrans enroués de mutisme
Il y a la nef silencieuse de vos mains
Par-dessus l'ordre dérisoire des tyrans
Il y a l'ordre des nuées et des cieux vastes
Il y a la respiration des monts très bleus
Il y a les libres lointains de la prière
Il y a les larges fronts qui ne se courbent pas
Il y a les astres dans la liberté de leur essence
Il y a les immenses moissons du devenir
Il y a dans les tyrans une angoisse fatale
Qui est la liberté effroyable de Dieu.

(1) L'éther est ici synonyme de ciel ou de cieux.
Pierre Emmanuel ("Jour de colère" - 1942, publié en 1945 par les Éditions Charlot, Alger)


Voici la dernière strophe (le niveau de difficulté réserve sans doute ce texte au lycée) du beau poème Interrogatoire, où le thème de l'autre joue le "Je" de l'identité :

Interrogatoire (dernière strophe)

...

Homme debout telle une forêt d'hommes
Quand il dit Je chacun se nomme en lui
Sa frondaison bourgeonne de visages
Quêtant ses yeux pour s'y voir définis
Oui vraiment Je que nul moi n'incarcère
Centre parfait qui rayonne et s'oublie
Il a le temps d'être un dans tous ses frères
Et tout entier ici et maintenant
Foyer infime et raison de la sphère
Il est élu de l'éternel présent

Pierre Emmanuel ("Versant de l'Âge" - 1958 - Éditions du Seuil)


Les mots qui consolent ...
(texte à venir)

Les mots qui consolent
Pierre Emmanuel ("Chansons du dé à coudre" - 1948 - Éditions du Seuil)


L'étranger (titre proposé)

Écoute
Au tournant de la route
Ton pas te dépasser.
L'étranger qui est toi
Que te sert de l'attendre ?
Il est déjà passé.

Pierre Emmanuel ("Chansons du dé à coudre" - 1948 - Éditions du Seuil)


29 avril 2007

"L'autre" - Paul Fort

Les Ballades françaises de Paul Fort (1872-1960) sont éditées à partir de 1894, et jusqu'en 1958. Particularités : c'est sous ce seul titre qu'il continue à publier ensuite ses poèmes, aux vers disposés comme de la prose, et dont les textes occupent  40 tomes !
Le thème du poème suivant a inspiré une chanson (intitulée "Si tous les gars du monde"). D'autres poèmes de Paul Fort, souvent très connus, se promènent sur le blog (Le petit cheval, Le bonheur est dans le pré, La mer, La marine ...)

Georges Brassens a mis en musique (catégorie BRASSENS chante les poètes) Le petit cheval (titré La complainte du petit cheval blanc) et La marine.

La ronde autour du monde

Si toutes les filles du monde voulaient s'donner la main,
Tout autour de la mer elles pourraient faire une ronde.

Si tous les gars du monde voulaient bien êtr' marins,
Ils f'raient avec leurs barques un joli pont sur l'onde.

Alors on pourrait faire une ronde autour du monde,
Si tous les gens du monde voulaient s'donner la main.

Paul Fort (Ballades françaises T1 - 1897 - Flammarion)


 

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