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1 avril 2008

Michelle Daufresne

Michelle Daufresne, auteure contemporaine, a publié des poèmes et des histoires qu'elle a elle-même illustrés pour des recueils et des albums destinés aux enfants et à la jeunesse ("Irma Bec en L'air" chez Syros, "Images, images", aux éditions L'Art à la page). Elle a aussi créé les illustrations pour des textes d'autres poètes ("Le rire des cascades", d' Alain Boudet aux éditions Motus). Et bien d'autres.

 

Petites ombres

Les petites ombres se promènent
serrant contre elles
un cabas,
un chien, un chat.

Personne ne les voit
on ne remarque pas
ces ombres
sombres.

Elles ont été
dans le passé
des charmantes,
des importantes,
des méchantes,
des vibrantes.
Elles ont été, cela les hante,
des amantes.

Dans les glaces des magasins,
glaces sans tain
elles croisent des reflets éteints
de fantômes anciens.

Pourquoi rentrer
retrouver
un passé
envolé ?
Qui les attend ?
Qui les entend ?

Les petites ombres se promènent
serrant contre elles
un chien, un chat
un cabas.
Elles déambulent
funambules.

Michelle Daufresne ("Envol" - éditions Lo Païs d'Enfance, 1999)



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1 avril 2008

Lise Deharme, Lucie Delarue-Mardrus

Lise Deharme (1907-1981), est une romancière et poète française, proche des Surréalistes.

L'horloger

La petite bête
Qui est dans la montre
Je l’entends gratter
Je l’entends taper
Je l’entends sonner
Que dit-elle ? Tic-tac
Tic-tac-tic

La petite bête
Est morte ce soir
Monsieur l’horloger
Veux-tu la retrouver
Veux-tu la ramener
Ma petite bête.
Ne veut plus chanter

La petite bête
Monsieur l’horloger
Me l’a retrouvée
Elle était coincée
Par un grain de blé
Que dit-elle ? Tic-tac
Tic-tac-tic

Lise Deharme ("Le coeur de Pic" -  photographies de Claude Cahun - éditions Corti, 1937 et Éditions MeMo, 2004)

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La poule noire

La poule noire
dans le potager
a crié
comme une enragée.
Les fermiers
sont allés la voir ;
elle a dit qu'il allait pleuvoir.
On ne l'a pas crue lanturlu,
et mon beau chapeau est perdu !

Lise Deharme ("Cahiers de curieuse personne" - éditions des Cahiers libres, 1933)

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La plume

Une plume est tombée
par terre.
Va la ramasser.
- Pour quoi faire ?
Il va pousser un plumier.

Lise Deharme ("Le coeur de Pic" -  photographies de Claude Cahun - éditions Corti, 1937 et Éditions MeMo, 2004)

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Curieuse

Tes cheveux sont des araignées noires et griffues
ton front un désert de sable blond
ton nez une vague de son
tes dents ont faim
ta bouche est fine
ton menton
une colline aiguë
mais tes yeux sont deux cratères
de lave et de gouffres ouverts
semés d'étincelles et de feu
Tes yeux sont deux mondes perdus.

Lise Deharme ("Le coeur de Pic" -  photographies de Claude Cahun - éditions Corti, 1937 et Éditions MeMo, 2004)

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La cage vide

J'ai raté
le livre de ma vie
une nuit
qu'on avait oublié
de mettre un crayon taillé
a côté de mon lit.

Lise Deharme ("Cahiers de curieuse personne" - éditions des Cahiers libres, 1933)

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Le cochon blond

Le cochon blond
aime le jambon
Il l’aime
jusqu’à l’indigestion
mais ce n’est pas bon
pour lui-même.

Lise Deharme ("Cahiers de curieuse personne" - éditions des Cahiers libres, 1933)

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Les pâquerettes

Les pâquerettes
trop simplettes
sont des petites dames
sans âme.
Elles font des rondes le jeudi
et sont mangées par les brebis
le vendredi.

Lise Deharme ("Cahiers de curieuse personne" - éditions des Cahiers libres, 1933)



Lucie Delarue-Mardrus (1874-1945) a écrit de nombreux poèmes, romans, contes et nouvelles. Elle était aussi dessinatrice, sculptrice et historienne.
Notre recueil référence est "Poèmes mignons pour les enfants". C'est de cet ouvrage que sont tirés les poèmes ci-dessous.

Mauvaise rencontre

Antoine Lenoir dans le noir
Monte l'escalier sans y voir.
Henri Leborgne qui le lorgne
Soudain d'un coup de poing l'éborgne.
" Oh ! oh ! " dit Lenoir
" Hi ! hi ! " dit Leborgne.
- Répondez Lenoir
Fait-il toujours noir,
Ou vos marches s'allument-elles
Au clair de trente-six chandelles ? "

Lucie Delarue-Mardrus (ouvrage cité)

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Petites souris

C’est la petite souris grise,
Dans sa cachette elle est assise.
Quand elle n’est pas dans son trou,
C’est qu’elle galope partout.

C’est la petite souris blanche
Qui ronge le pain sur la planche.
Aussitôt qu’elle entend du bruit,
Dans sa maison elle s’enfuit.

C’est la petite souris brune
Qui se promène au clair de lune,
Si le chat miaule en dormant,
Elle se sauve prestement.

C’est la petite souris rouge,
Elle a peur aussitôt qu’on bouge !
Mais, lorsque personne n’est là,
Elle mange tout ce qu’on a.

Lucie Delarue-Mardrus (ouvrage cité)

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Problème

On coupe deux pommes en quatre,
Combien cela fait-il de quarts ?

Hélas ! Au lieu de me débattre,
J'aimerais mieux manger les parts !

Lucie Delarue-Mardrus (ouvrage cité)

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Le chat noir

J'ai dans ma cave un chat noir.
Ses yeux sont de couleur claire.
Mais s'il les ferme, bonsoir !
Pour le trouver, rien á faire !

Lucie Delarue-Mardrus (ouvrage cité)

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Les poissons rouges

- Les poissons rouges du bocal
Ont de l'eau par-dessus la tête.
Cela ne leur fait donc pas mal ?

- Bien sûr que non, petite bête !
Vois s'ils sont vifs et déliés !
C'est dans l'air qu'ils seraient noyés.

Lucie Delarue-Mardrus (ouvrage cité)

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Les vaches

Quand je traverse le terrain,
Les vaches des fermes modèles,
Pourquoi donc me regardent-elles ?
Pourtant je ne suis pas un train !

Lucie Delarue-Mardrus (ouvrage cité)

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Le cochon

- Pourquoi marche-t-il, le cochon,
Si fier à travers la prairie ?

- C'est qu'à lui tout seul, des pieds au front,
Il est une charcuterie.

Lucie Delarue-Mardrus ("Poèmes mignons pour les enfants" - Gedalge, 1929)

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Ballade des échecs

Sur l'échiquier, luisant miroir,
Quand brillent, rangés en bataille,
Deux peuples, l'un du plus beau noir,
L'autre, du plus beau jaune paille,
Quand, redressant leur haute taille,
La Reine et le Roi, couple fat,
Se rengorgent comme à Versailles,
Qui va donner l'échec et mat ?

Chacun fera tout son devoir,
Comme il pourra, vaille que vaille,
Le Roi tremble en son étouffoir,
Fous, chevaux, tours et valetaille,
Tout le monde bientôt s'égaille ;
L'action s'engage : à Deu vat !
L'un se défend et l'autre l'assaille.
Qui va donner l'échec et mat ?

Les pions vont à l'abattoir,
Le cheval rue et le fou raille,
Tandis que, lente à s'émouvoir,
La tour, ronde comme futaille,
Attend pour lancer sa mitraille,
L'occasion d'un exeat.
- Échec au Roi ! - Bien. Qu'il s'en aille !
Qui va donner l'échec et mat ?

Lucie Delarue-Mardrus - source du texte : site officiel, http://www.printempsdespoetes.com/



1 avril 2008

Marceline Desbordes-Valmore, Anne-Marie Désert

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) publie à l'âge de 23 ans son premier recueil : Élégies, Marie et Romances. Sensible, romantique, lyrique, sa poésie humaniste et sociale invente de nouvelles formes dont se sont inspirés sans doute des poètes comme Verlaine et Rimbaud.

"Les séparés", témoignage d'une souffrance réelle, un texte que Julien Clerc a mis en musique :

N'écris pas

N'écris pas, je suis triste, et je voudrais m'éteindre
Les beaux étés sans toi, c'est la nuit sans flambeau
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
Et frapper à mon coeur, c'est frapper au tombeau
N'écris pas !

N'écris pas, n'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes
Ne demande qu'à Dieu ... qu'à toi, si je t'aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais
N'écris pas !

N'écris pas, je te crains ; j'ai peur de ma mémoire;
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire
Une chère écriture est un portrait vivant
N'écris pas !

N'écris pas ces mots doux que je n'ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon coeur ;
Et que je les voix brûler à travers ton sourire ;
Il semble qu'un baiser les empreint sur mon coeur
N'écris pas ! ...

Marceline Desbordes-Valmore ("Poésies inédites")

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Ma fille

T'es ma fille ! T'es ma poule !
T'es le petit coeur qui roule
Tout à l'entour de mon coeur !
T'es le p'tit Jésus d'ta mère !
Tiens ! gnia pas d'souffrance amère
Que ma fill' n'en soit l'vainqueur.

Gnia pas à dir', faut qu'tu manges.
Quoiqu' tu vienn's d'avec les anges,
Faut manger pour bien grandir.
Mon enfant, j't'aim' tant qu'ça m'lasse;
C'est comme un' cord' qui m'enlace,
Qu' çà finit par m'étourdir.

Qué qu'ça m'fait si m' manqu' queuqu'chose,
Quand j'vois ton p'tit nez tout rose,
Tes dents blanch's comm' des jasmins ;
J'prends tes yeux pour mes étoiles,
Et quand j'te sors de tes toiles
J'tiens l'bon Dieu dans mes deux mains.

T'es ma fille ! T'es ma poule !
T'es le petit coeur qui roule
Tout à l'entour de mon coeur !
T'es le p'tit Jésus d'ta mère !
Tiens ! gnia pas d'souffrance amère
Que ma fill' n'en soit l'vainqueur !
 

Marceline Desbordes-Valmore ("Poésies en patois")

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À mes enfants

Quand le soleil y passe, ouvrez votre fenêtre ;
Lui seul sait essuyer l’humide et sombre hiver.
Si le bonheur absent vient pour vous reconnaître,
Que votre cœur charmé, tout grand lui soit ouvert !

Gardez-vous de bouder, enfants, contre vous-mêmes.
Sachez : l’or est moins pur qu’un tendre et doux conseil.
Enfants : ne pas sourire à l’ami qui vous aime,
C’est tourner le dos au soleil.

Marceline Desbordes-Valmore

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Au revoir

Sous tes longs cheveux d'or, quand tu cours sur la grève
Au vent,
Si quelque prompt ramier touche ton front qui rêve
Souvent,
De cette aile d'oiseau ne prends pas, ô ma fille !
D'effroi :
Pour baiser son enfant** c'est une âme qui brille :
C'est moi !
Parmi d'autres enfants qui te font toute heureuse,
Le soir,
Quand tu vas au jardin, lasse d'être rieuse,
T'asseoir;
Si tu t'inquiétais comment je passe l'heure,
Sans toi,
Penche un peu ton oreille à cet oiseau qui pleure :
C'est moi !

Marceline Desbordes-Valmore

* "t'inqui-étais"
** Variante possible : "pour aimer son enfant "... Le sens du verbe baiser a évolué ... On peut, peut-être, garder  la version originale et l'expliquer ?

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Un nouveau-né (passage)

...
Toi, cher petit dormeur, notre monde te plaît :
Ton âme est toute blanche et n'a bu que du lait !
Depuis si peu d'instants descendu sur la terre,
Tes yeux nagent encor dans un divin mystère ;
Tu revois la maison d'où tu viens, ton beau ciel,
Et ton baiser qui s'ouvre en a gardé du miel !

Marceline Desbordes-Valmore

Une lettre de femme

Les femmes, je le sais, ne doivent pas écrire ;
J'écris pourtant,
Afin que dans mon coeur au loin tu puisses lire
Comme en partant.

Je ne tracerai rien qui ne soit dans toi-même
Beaucoup plus beau ;
Mais le mot cent fois dit, venant de ce qu'on aime,
Semble nouveau.

Qu'il te porte au bonheur ! Moi, je reste à l'attendre,
Bien que, là-bas,
Je sens que je m'en vais, pour voir et pour entendre
Errer tes pas.

Ne te détourne point s'il passe une hirondelle
Par le chemin,
Car je crois que c'est moi qui passerai, fidèle,
Toucher ta main.

Tu t'en vas, tout s'en va ! Tout se met en voyage,
Lumière et fleurs,
Le bel été te suit, me laissant à l'orage,
Lourde de pleurs.

Mais si l'on ne vit plus que d'espoir et d'alarmes,
Cessant de voir,
Partageons pour le mieux : moi, je retiens les larmes,
Garde l'espoir.

Non, je ne voudrais pas, tant je te suis unie,
Te voir souffrir :
Souhaiter la douleur à sa moitié bénie,
C'est se haïr
.

Marceline Desbordes-Valmore ("Poésies inédites")

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Les roses de Saadi

J'ai voulu, ce matin, te rapporter des roses;
Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les nœuds trop serrées n'ont pu les contenir.

Les nœuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées.
Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir;

La vague en a paru rouge et comme enflammée :
Ce soir, ma robe encore en est toute embaumée…
Respires-en sur moi l'odorant souvenir.
 

Marceline Desbordes-Valmore ("Poésies inédites")

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Qu'en avez-vous fait ?
   
Vous aviez mon cœur
Moi, j'avais le vôtre :
Un cœur pour un cœur,
Bonheur pour bonheur !

Le v
ôtre est rendu,
Je n'en ai plus d'autre;
Le v
ôtre est rendu,
Le mien est perdu !

La feuille et la fleur
Et le fruit lui-même,
La feuille et la fleur,
L'encens, la couleur,

Qu'en avez-vous fait,
Mon maître suprême ?
Qu'en avez-vous fait,
De ce doux bienfait ?

Comme un pauvre enfant
Quitté par sa mère,
Comme un pauvre enfant
Que rien ne défend,

Vous me laissez là
Dans ma vie amère,
Vous me laissez là,
Et Dieu voit cela !

Savez-vous qu'un jour
L'homme est seul au monde ?
Savez-vous qu'un jour
Il revoit l'Amour ?

Vous appellerez,
Sans qu'on vous réponde
Vous appellerez,
Et vous songerez !…

Vous viendrez rêvant
Sonner à ma porte,
Ami comme avant,
Vous viendrez rêvant,

Et l'on vous dira :
"Personne !… elle est morte."
On vous le dira,
Mais, qui vous plaindra ?
 

Marceline Desbordes-Valmore ("Poésies inédites")

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Jours d'été

Pour regarder de près ces aurores nouvelles,
Mes six ans curieux battaient toutes leurs ailes ;
Marchant sur l'alphabet rangé sur mes genoux,
La mouche en bourdonnant me disait : "Venez-vous ? ..."
et mon nom qui teintait dans l'air ardent de joie,
les pigeons sans liens sous leur robe de soie,
Mollement envolés de maison en maison,
Dont le fluide essor entraînait ma raison,
Les arbres, hors des murs, poussant leurs têtes vertes,
jusqu'au fond des jardins les demeures ouvertes,
le rire de l'été sonnant de toutes parts,
Et le congé, sans livre ! errant aux vieux remparts :
Tout combattait ma soeur à l'aiguille attachée ;
tout passait en chantant sous ma tête penchée ;
Tout m'enlevait, boudeuse, et riante à la fois ;
Et l'alphabet toujours s'endormait dans ma voix.

Marceline Desbordes-Valmore ("Bouquets et prières")


Anne-Marie Désert est une auteure contemporaine. Elle a publié deux recueils : "L'arbre transparent", 1974, réédité en 1983, et le récent "Quatre saisons dans l'arbre transparent", éditions Books On Demand, juin 2010. On retrouve dans ce dernier, avec d'autres textes, les poèmes du premier recueil.

"j'ai ma maison dans un arbre ..."

Oubliée par le blog dans cette catégorie du Printemps des poètes 2010 (mais heureusement présente ailleurs), Anne-Marie Désert a publié son premier recueil en 1983, que des poètes ont salué (Norge, Guillevic ...). Elle nous donne à voir (août 2010) ce beau texte, qui peut ouvrir les chemins de la poésie sensible aux élèves dès l'élémentaire :

LES VACHES (titre proposé)

UN TEMPS J’AVAIS UN GRAND SAC
OÙ S’ÉGARAIENT PARFOIS LES VACHES.

J’AIMAIS OUVRIR MON SAC
POUR REGARDER LES TROUPEAUX.

SANS UN REGARD,
LEURS YEUX TROUVAIENT DES CHEMINS
DE TRAVERSE EN HAUT DES ARBRES.

ET DANS LE SILENCE
JE NE LAISSAIS RIEN ENTRER
QUE LEURS SABOTS
.

Anne-Marie Désert ("L'arbre transparent")


1 avril 2008

Lucienne Desnoues, Béatrice de Die

Lucienne Desnoues (1921-2004) poète, a également écrit des contes pour les enfants,.

Hiboux (extrait)

Vous hiboux, ténébreux hiboux, ne voyez pas,
Bien que fils des forêts, que les forêts sont vertes.
Comptez-vous comme nous sur l'éclair du trépas
Pour faire du réel l'entière découverte?

Lucienne Desnoues ("Quatrains pour crier avec les hiboux" - Éditions Gérard Oberlé, 1984) source : terresdefemmes.blogs.com

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Rimes riches pour mirliton (extrait)

Pourquoi grognes-tu Gaston ?
T'agace-t-on ?
As-tu pris la grippe ? A-t-on
Écrasé ton ripaton ?
Sur la patte à ton chaton
Marcha-t-on ?
...

Lors des étés à hannetons
Ahane-t-on ?
Quand on est un baryton,
Barrit-on ?
Et python,
Épie-t-on ?
Lorsqu'on est émir, lit-on
En jouant du mirliton ?

Lucienne Desnoues (dans "Mon premier livre de poèmes pour rire" - réunis par Jacques Charpentreau - Éditions Ouvrières, Petite Enfance heureuse, 1986)

Mesures

Les kilomètres signés
Marquise de Sévigné.
Les arpents de La Fontaine
Aux mesures bien certaines
Dans leurs jalons inégaux.
Les hectares de Hugo.
Flaubert qui ponce et qui rogne.
Verlaine en ses doigts d'ivrogne.
Une jauge de cristal.
Le gros tonnage mental
Des Écoles, des Églises,
Quatre vers qui se relisent,
Quatre mille jamais plus,
Quatre millions jamais lus.
Rimbaud, voltage terrible.
Mallarmé, avare crible
Pour des onces, des carats.
Le gramme qui survivra.
Le quintal qu'on enterre.
L'alexandrin solitaire
Qui reverdira pourtant,
Repercement du printemps.
La toise du grand Molière.
Le lourd aunage de lierre
Qui drape Chateaubriand.
Tes sveltes compas brillants,
Tes balances minuscules,
Proust. O Balzac, tes bascules.
L'acre et le mille hantés
De Shakespeare et de Bronté.
Melville, tes encablures
Où des baleines se plurent.
La veste de Féodor,
La lieue où l'ogre s'endort.

Quels mesureurs elles eurent
Nos humaines démesures !

Lucienne Desnoues ("La plume d'oie", 1971)

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Le face-à-face

Toute droite, la violette,
Avec ses oreilles de faon,
Ecoute le chant triomphant
De la source qui la reflète.

A h ! Quelle passion me pousse
A saisir ce gibier subtil,
Ce frais petit fauve d'avril,
Entre mon index et mon pouce ?

je te hausserai vers la nue
Et je renverserai le front
Et face-à-face nous serons,
Moi le géant, toi la menue.

Si claire figure foncée,
Lueur montant du fond du noir,
Mon espoir et mon désespoir,
L'infini dans une pincée,

Fleur enfant, très ancien sourire,
Éternel museau d'un instant,
Qu'avons-nous donc tous les printemps
De si pathétique à nous dire ?

Lucienne Desnoues 



Béatrice de Die (XIIe siècle). C'est en Provence et en langue d'oc que les poèmes de la comtesse Béatrice de Die sont chantés par les troubadours.

Voici un poème, en occitan, suivi de sa traduction en français moderne (source : www.horslesmurs.ning.com )
 

Estat ai en greu cossirier (extrait)

Estat ai en greu cossirier
per un cavallier qu'ai agut,
e vuoil sia totz temps saubut
cum ieu l'ai amat a sobrier;
ara vei qu'ieu sui trahida
car ieu non li donei m'amor
don ai estat en gran error
en lieig e quand sui vestida.

Ben volria mon cavallier
tener un ser en mos bratz nut,
qu'el s'en tengra per ereubut
sol qu'a lui fezes cosseillier;
car plus m'en sui abellida
no fetz Floris de Blanchaflor:
ieu l'autrei mon cor e m'amor
mon sen, mos huoillis e ma vida.
...

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Grande peine m'est advenue
(extrait)

Grande peine m'est advenue
par un chevalier que j'ai eu.
je veux qu'on sache toujours
que j'ai pour lui tant d'amour.
à présent me voilà trahie,
pour ne lui point donner d'amour
quand je fus en grande folie,
au lit comme toute vêtue.

Je voudrais mon chevalier
tenir un soir dans mes bras nus ;
il en serait comblé de joie
si je lui servais de doux coussin;
je suis plus amoureuse de lui
qu'un jour Flore de Blanchefleur,
je lui donne mom amour et ma vie,
mon âme, mes yeux et mon coeur.
...

Béatrice de Die (la traduction en français est de Pierre Seghers)



1 avril 2008

Hélène Dorion, Denise Dubois-Jallais

Hélène Dorion est une poète du Québec, née en 1958.

On peut très bien vivre ...

On peut très bien vivre
sans rien d'autre que ces tendresses journalières :
une carte postale dans la boîte, un bruit de vague
le bleu sur la plaine, les mots d'un poème.
L'univers réduit à peu d'attaches
au trajet ordinaire
de sa propre mort.

On peut très bien n'être qu'une aventure d'atomes
et de questions dérisoires.

Hélène Dorion

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La terre, l'univers

La terre, l'univers
Quelques traits sur le mur de la grotte
les couleurs de la bête
la forme visible de la vie;
en ce mouvement le monde a commencé.
Par le silence et la nuit
la gravité du noir, la terre
dans les mains qui tâtonnent;
par les galets, l'eau, les fruits
l'oiseau secouant l'espace
et le bruit des pas incertains
nous avons commencé.
Lumières éteintes, portes refermées
au bout de l'horizon, le monde
ne tenait qu'à un fil.

Hélène Dorion ("Les murs de la grotte" - éditions la Différence, 1998)



Denise Dubois-Jallais, romancière et poète, est née en 1932. "Exaltation de la vie quotidienne" rassemble une partie de son oeuvre poétique.

Le temps des mirages

Tu dis
Regarde les cheveux
Et c'est un arbre
Tu dis
Donne la lune
Pour manger
Tu dis
Je t'aime
Grand comme une maison
Tu prends les grains de café
Pour des chocolats
Le mimosa
Pour des œufs durs
Les nuages
Pour des locomotives
Tu crois
Que les phares ont des yeux
Que les autos ont des oreilles
Que les chats parlent
Que les vaches existent
Seulement sur les gruyères.

Denise Dubois-Jallais ("Exaltation de la vie quotidienne"- éditions Stock, 1976)

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Les rites

Je te dis
Bonsoir Cerise
Bonsoir Pain d'épice
Dors bien mon sapin
À demain laitue
Sois sage écureuil à la crème
Et tu ris
Tu ris de toute ta bouche claire
Et j'entends ton cœur qui bat fort
Comme celui d'un faon qui court
Et tu m'embrasses
Et tu jettes tous
les draps
Et tu tires mes tresses
Et tu me dis bonsoir à l'oreille
En trébuchant
Sur tes deux ans
Et ton pyjama

Denise Dubois-Jallais ("Les couleurs de la mer"- éditions Seghers, 1956)

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L'hiver est comme une orange ouverte

L'hiver est comme une orange ouverte
Et je suis assise au fond de l'hiver
A manger des pépins
Toi, tu lis le journal
Et son ombre sur le mur
Est comme une feuille de yucca
Dans un jardin

Denise Dubois-Jallais ("Les couleurs de la mer"- éditions Seghers, 1956)

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Assise sur la dune ...

Assise sur la dune
Je regarde les feux du carrefour

Rouges pour arrêter ton coeur
Jaunes pour t'ensoleiller
Verts pour te permettre

Et les voitures roulent sous la pluie
Comme dans une brume jaillissante
Vers l'odeur mêlée de la plage et des chênes verts

Je regarde les feux du carrefour
Sages comme des phares de mer
Et ton ombre changeante
Qui grandit lentement
Du fond de la route

Mon corps dans tes yeux
Allume de petits poignards verts
Tu aimes mes cheveux et mes jambes
Mon coeur et ma bouche
Mais moi je n'aime plus t'aimer

Denise Dubois-Jallais ("Les couleurs de la mer"- éditions Seghers, 1956)



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1 avril 2008

Chantal Dupuy-Dunier, Marie-Jeanne Durry

Chantal Dupuy-Dunier est née en 1949.

Les animaux ...

Les animaux,
Les petits,
Les gros aussi, ils meurent tous,
ceux des maisons
comme ceux qui vivent dehors,
Les fourmis de dix-huit mètres
avec ou sans chapeau,
les étourneaux trop étourdis,
la chèvre de Monsieur Seguin.
Elle s'est battue toute la nuit
avant de se faire bouffer par le loup
au matin
- ça m'fout encore la larme à l'oeil
cette histoire parfumée
d'accent provençal et de serpolet -,
cette chèvre-là, elle est restée,
en quelque sorte,
mon héros dans la vie,
une libertaire,
une vraie résistante.

Chantal Dupuy-Dunier ("Où qu'on va après ?" - éditions Le dé bleu)

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L’hiver baisse la garde

L’hiver baisse la garde.
Convulsions des dernières glaces.
Les rivières sont grosses.
Des lézards réveillent les pierres.
Quelque chose amorce un retour
que les poètes ont trop chanté.

Chantal Dupuy-Dunier (inédit, source du texte : http://ericdubois.over-blog.fr/) 

ce poème se réfère au monastère franciscain de Saorge, dans l’arrière-pays niçois, qui a été aménagé en résidence d’écrivains et où l'auteur a séjourné :

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Saorge

Saorge germinative,
perlée, dépouillée,
humble sous la lombarde
qui manie le fouet
avec sa poigne de vent.

Saorge panifère et abreuvante.

Dehors,
sur une terrasse du jardin,
un laurier amoureux,
dont deux branches enserrent
le tronc entre leurs bras,
fait rougir de désir les orangers voisins.
Déjà, quelques abeilles inventorient
les promesses des mélèzes.

Midi :

Sous les ardoises lisses de la cuisine,
une femme, brune et belle,
fait frire des panisses,
semées de parmesan.
( Nice et l’Italie pacifiées.)

Le miel chante dans la cuillère.

Chantal Dupuy-Dunier ("Saorge, dans la cellule du poème" - Éditions Voix d’encre, 2009 - Illustrations de Michèle Dadolle.)

 



Marie-Jeanne Durry (1901-1980) est une poète, essayiste et universitaire, auteure de recueils de poésie et d'ouvrages sur des écrivains (Chateaubriand, Flaubert ...)

Chanson

J'ai volé un petit nuage
Pour me promener

Je flotte sur les villages
D'un monde abandonné

Vous pouvez vous mettre en chasse
Vous ne m'attraperez pas

Mais d'en haut je tends mes nasses
Viens partager mon repas

De gouttes et d'étincelles
Viens partager mon repas

Je plonge et je te soulève
Jusqu'à mon nid dans le ciel

Le soleil est sur nos lèvres
Un gâteau de miel

Écoute comme je chante
Vois naître dans l'air

Les agiles couleurs changeantes
Qui frémissent sur la mer.

Marie-Jeanne Durry



1 avril 2008

Nouhad Es-Saad, Marie de France

Nouhad Es-Saad, contemporaine, est une poète libanaise de langue française .

Je t’ai suivie

Je t’ai suivie à perdre haleine
Tu marchais vite comme le passé
Je t’ai aimée dans le silence
Des nuits blanchies par tes cheveux
Je te devine ma belle absence
Hier encore
A la fontaine
Je buvais tes baisers
Que de bonheur volé sans peine
Ne pleure pas ma pureté les cyprès savent combien je t’aime
Tu es en moi
Tu es ma peine
Je t’ai construit l’éternité.
 

Nouhad Es-Saad ("Itinéraires", 1972 et dans "Poèmes de Femmes", anthologie de Régine Desforges au cherche midi éditeur, 2009)



Marie de France est une des premières (la première ?) poètes françaises. Elle a vécu au XIIe siècle, comme Claude de Burine (voir page 1) et écrit une série de 12 lais. En voici un, connu pour ses deux derniers vers, très repris :

Le lai du chèvrefeuille

Tristan longtemps a demeuré
Et attendu et séjourné
Pour épier et pour savoir
Comment il la pourra revoir :
Il ne peut vivre sans Iseult
Car il en était ainsi d'eux
Comme il en est du chèvrefeuille
Qui s'est à la coudre attaché :
Quand il s'est enlacé et pris
Et tout autour du fût s'est mis
Ensemble ils peuvent bien durer.
Mais si l'on veut les séparer
La coudre meurt hâtivement
Le chèvrefeuille également.
"Ma belle amie, ainsi de nous,
Ni vous sans moi, ni moi sans vous !"

Marie de France - traduction en français moderne de Gérard Cartier.

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Le corbeau et le goupil

Le corbeau et le goupil

Il advint, la chose est bien possible,
qu'un corbeau vola
devant la fenêtre
d'un garde-manger ; il aperçut
des fromages qui étaient à l'intérieur,
posés sur une claie.
Il en prit un, et s'enfuit avec.
Un goupil passait, qui l'épia ;
il eut grand désir
de manger sa part du fromage.
Il voudra essayer par ruse
d'enjôler le corbeau.
« Ah ! seigneur Dieu, fait-il,
comme cet oiseau est gentil !
Il n'y a au monde tel oiseau,
de mes yeux je n'en vis plus beau.
Si son chant était comme son corps,
il vaudrait mieux qu'or fin ».

Le corbeau s'entendit si bien vanter
qu'il n'y avait son pareil au monde,
qu'il résolut de chanter.
en chantant il ne perdra rien à sa renommée.
Il ouvrit le bec et commença :
le fromage lui échappa
et ne put faire autrement que tomber à terre.
Le goupil s'empresse de le saisir.
Après il n'avait cure du chant du corbeau,
car il avait satisfait son envie du fromage.

Cet exemple s'applique aux orgueilleux
qui convoitent grande renommée.
par flatteries et par mensonges
on peut les servir à leur gré ;
ils dépensent follement ce qu'ils ont
pour être loués des gens.

Marie de France - source du texte : site officiel,  http://www.printempsdespoetes.com/



1 avril 2008

Rosemonde Gérard

Rosemonde Gérard (1871-1953), épouse d'Edmond Rostand, l'auteur de Cyrano de Bergerac, est la mère du grand biologiste et écrivain Jean Rostand. Elle a écrit des pièces de théâtre et des poèmes, dont le recueil "Les pipeaux". Les deux premiers ci-dessous sont connus de beaucoup d'écoliers :

Bonne année !

Bonne année à toutes les choses :
Au monde ! À la mer ! Aux forêts !
Bonne année à toutes les roses
Que l’hiver prépare en secret.

Bonne année à tous ceux qui m’aiment
Et qui m’entendent ici-bas …
Et bonne année aussi, quand même
À tous ceux qui ne m'aiment pas !

Rosemonde Gérard ("Les pipeaux" éditions Lemerre, 1889 - Fasquelle éditeur, 1923)

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L'année

Janvier nous prive de feuillage ;
Février fait glisser nos pas ;
Mars a des cheveux de nuage,
Avril, des cheveux de lilas ;

Mai permet les robes champêtres ;
Juin ressuscite les rosiers ;
Juillet met l'échelle aux fenêtres,
Août, l'échelle aux cerisiers.

Septembre, qui divague un peu,
Pour danser sur du raisin bleu
S'amuse à retarder l'aurore ;

Octobre a peur ; Novembre a froid ;
Décembre éteint les fleurs ; et moi,
L'année entière je t'adore !

Rosemonde Gérard ("Les pipeaux" éditions Lemerre, 1889 - Fasquelle éditeur, 1923)

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Du texte émouvant qui suit on a déjà rencontré ce passage, commercialisé à l'excès :

"Et, comme chaque jour je t'aime davantage,
Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain"

L'éternelle chanson
(mis en musique sous le titre Le dernier rendez-vous)

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.

Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête,
Nous nous croirons encor de jeunes amoureux,
Et je te sourirai tout en branlant la tête,
Et nous ferons un couple adorable de vieux ;

Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
Avec de petits yeux attendris et brillants,
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.

Sur le banc familier, tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d'autrefois nous reviendrons causer ;
Nous aurons une joie attendrie et très douce,
La phrase finissant souvent par un baiser.

Combien de fois jadis j'ai pu dire : « Je t'aime ! »
Alors, avec grand soin, nous le recompterons ;
Nous nous ressouviendrons de mille choses, même
De petits riens exquis dont nous radoterons.

Un rayon descendra, d'une caresse douce,
Parmi nos cheveux blancs, tout rose, se poser,
Quand, sur notre vieux banc tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d'autrefois nous reviendrons causer.

Et, comme chaque jour je t'aime davantage -
Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain -,
Qu'importeront alors les rides du visage,
Si les mêmes rosiers parfument le chemin.

Songe à tous les printemps qui dans nos coeurs s'entassent,
Mes souvenirs à moi seront aussi les tiens,
Ces communs souvenirs toujours plus nous enlacent
Et sans cesse entre nous tissent d'autres liens ;

C'est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l'âge.
Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main,
Car, vois-tu, chaque jour je t'aime davantage :
Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain !

Et de ce cher amour qui passe comme un rêve
Je veux tout conserver dans le fond de mon coeur,
Retenir, s'il se peut, l'impression trop brève,
Pour la ressavourer plus tard avec lenteur ;

J'enferme ce qui vient de lui comme un avare,
Thésaurisant avec ardeur pour mes vieux jours ;
Je serai riche alors d'une tristesse rare,
J'aurai gardé tout l'or de mes jeunes amours ;

Ainsi, de ce passé de bonheur qui s'achève,
Ma mémoire parfois me rendra la douceur,
Et de ce cher amour qui passe comme un rêve
J'aurai tout conservé dans le fond de mon coeur.

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.

Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête,
Nous nous croirons encore aux heureux jours d'antan,
Et je te sourirai tout en branlant la tête,
Et tu me parleras d'amour en chevrotant ;

Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
Avec des yeux remplis des pleurs de nos vingt ans...
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs !

Rosemonde Gérard ("Les pipeaux" éditions Lemerre, 1889 - Fasquelle éditeur, 1923)

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Le sommeil

Tout s’endort à son tour : le nuage et la branche,
La fleur, à l’instant même où respire le fruit,
La semaine, aussitôt que sonne le dimanche,
L’été, pendant l’hiver, le jour, pendant la nuit.

Le soleil, sur un lac, et l’oiseau, sur un arbre,
Le grand tigre doré, sur le sable trompeur,
L’ombre, dans un cyprès, la blancheur, dans un marbre,
Tout s’endort à son tour : le rêve et le rêveur.

L’avenir, dans un mot, le passé, dans un livre
Et, dans le jeune corps qui continue à vivre,
L’âme, vieille déjà, peut parfois s’endormir…

Puis elle se réveille ! … et, d’un sursaut de flamme,
Elle voit ce qu’a fait le pauvre corps sans âme…
Et, du cri qu’elle pousse, on peut très bien mourir !

Rosemonde Gérard ("Les pipeaux" éditions Lemerre, 1889 - Fasquelle éditeur, 1923)

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Paysage

Un cimetière et des troupeaux,
C’est ce qu’on voit sur l’autre rive.
Les arbres, de verdure vive,
Semblent faits avec des copeaux.

Côte à côte vont les tombeaux …
Un mouton veut qu’un mouton suive …
Un cimetière et des troupeaux,
C’est ce que l’on voit sur l’autre rive.

Ah ! cher village de repos,
Qu’elle est loin, la locomotive;
Seul, jusqu’à toi, le fleuve arrive;
Et tu dors, entre une lessive,
Un cimetière et des troupeaux !

Rosemonde Gérard ("Les pipeaux" éditions Lemerre, 1889 - Fasquelle éditeur, 1923)

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Une rose

Cette rose vivait au-dessus du jardin,
N’ayant, sur son front pur, qu’une âme pour aigrette,
Et ne comprenant rien à la foule secrète
Qui se cachait le soir et courait le matin.

Aspirant à l’étoile et fuyant le ravin
Il lui fallait le ciel pour appuyer sa tête …
Cette rose vivait au-dessus du jardin,
N’ayant, sur son front pur, qu’une âme pour aigrette.

Elle n’avait jamais, pour lire le destin,
Effeuillé le cœur d’or d’une humble pâquerette ;
Elle n’avait jamais, penchant son cœur lointain,
Vu trembler l’herbe folle ou l’herbe d’amourette …
Cette rose vivait au-dessus du jardin.

Rosemonde Gérard ("Les pipeaux" éditions Lemerre, 1889 - Fasquelle éditeur, 1923) 

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Le dernier papillon

Quand ne chante plus le grillon
Et qu’on est avant dans l’automne,
Quelque matin gris l’on s’étonne
De voir un dernier papillon.

Plus d’or, d’azur, de vermillon ;
Son coloris est monotone ;
La cendre dont il se festonne
Se mêle au sable du sillon.

D’où vient-il ?... et par quelle porte ?...
Est-ce, parmi la feuille morte,
Le seul des papillons vivants ?

Ou, parmi la neige vivante,
La petite ombre transparente
D’un papillon mort au printemps ?

Rosemonde Gérard ("Les pipeaux" éditions Lemerre, 1889 - Fasquelle éditeur, 1923)

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Le crapaud

Perdrix dont le cœur se tracasse
En longeant le pré de colza,
Aronde* dont le chant se casse
Sitôt que le vol se posa,

Lézard dont le rayon traverse,
Vert, le mur des abricotiers,
Colimaçon des jours d’averse,
Rose, au bord de tous les sentiers ;

Nous connaissons votre manière
De vivre, enfantine et légère,
Mais vous, Crapaud, toujours si vieux,

Est-ce vrai qu’une année entière
Vous demeurez dans une pierre
Avec du soleil dans les yeux ?
 

Rosemonde Gérard ("Les pipeaux" éditions Lemerre, 1889 - Fasquelle éditeur, 1923) - * l'aronde : l'hirondelle

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Le recueil "Les Muses françaises" est le dernier véritable recueil poétique de Rosemonde Gérard. C'est une anthologie poétique qui rassemble des textes de 39 auteures, hommage à la poésie féminine des origines à la première moitié du XXe siècle. Rosemonde Gérard y a dédié un poème à chacune d'elles, celui qui suit illustre sa propre poésie, et le suivant est un hommage à Sabine Sicaud, poète qu'on retrouvera plus loin dans cette catégorie du blog.

Le jardin vivant

Quand je n’étais encore au monde qu’une enfant
Qui vivait au jardin et croyait au feuillage,
J’allais souvent revoir, dans un jardin vivant,
Tous ces perroquets bleus qui font tant de tapage.

Je suivais, sur le bord d’un ruisseau palpitant,
Le canard mandarin, cet arc-en-ciel qui nage ;
Et, lorsque je tendais du pain à l’éléphant,
Je lui tendais mon cœur encor bien davantage.

Le singe était partout ; l’ours était dans un coin ;
Sur un petit rocher méditait le pingouin ;
Le monde était absent du rêve qui m’effleure.

Je respirais un chant. Je comprenais un cri.
Et puis, je rapportais quelque lilas fleuri…
Et je n’ai pas beaucoup changé depuis cette heure !

Rosemonde Gérard ("Les Muses françaises", éditions Charpentier, 1943)

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Sabine Sicaud

Douze ans... Une petite fille...
Un jardin... du soleil... des fleurs...
Et chaque instant léger qui brille
Semble rimer avec bonheur.

L'oiseau vient boire à la fontaine...
Le soir s'endort sur un glaïeul...
La poupée, oubliée à peine,
Reste encor là sur un fauteuil...

Et, pris par une âme charmante
Qui palpite avec l'univers,
Les fleurs, les animaux, les plantes
Viennent d'eux-mêmes dans les vers.

Treize ans... Sur la nature tendre,
Elle penche son coeur tremblant...
Mais pourquoi veut-elle comprendre
Tant de choses déjà ?... Treize ans...

Pourquoi cette angoisse si forte
Pour tout ce qui meurt dans les bois ?
Le fruit tombé... la feuille morte...
Est-ce un pressentiment ?... Pourquoi

Interroge-t-elle les choses
Avec des mots illimités ?
Croit-elle un instant que les roses
Lui répondront la vérité ?...

Quinze ans... l'âge de Juliette...
L'âge où l'amour est sans péché...
Pauvre petite âme inquiète,
Sens-tu comme une ombre approcher ?

Tu t'éloignes de la nature
Qui trembla si près de ton coeur...
Et pourtant ta courte aventure
Ressemble à celle de ses fleurs...

Ainsi qu'une fleur infinie
Sous un soleil trop épuisant,
Brûlée à ton propre génie,
Tu meurs !... et tu n'as que quinze ans !

Rosemonde Gérard ("Les Muses françaises", éditions Charpentier, 1943)



1 avril 2008

Marie Gevers, Claire Goll

Marie Gevers (1883-1975) est une romancière et poète belge.

Chanson pour apprendre aux cinq sens à aimer la pluie

Il pleut des résilles d’argent :
Vois, la tintante joie
De l’étang aux roseaux penchants,
Où le jardin se noie.

La saveur d’air des champignons,
Cueillis dans les prairies,
Dans le brouillard du matin fond
En savoureuse pluie.

Sur le toit écoute couler
Les gouttes et bruire
De tuile en tuile les colliers
De perles de leur rire.

Respire le parfum moisi
Et tiède de la terre
Où des bulles glissent ainsi
Que des ronds de lumière.

Ouvre les paumes de tes mains
Pour recueillir l’ondée,
En t’imaginant que tu tiens
Les cheveux des nuées.

Et tâche d’être alors à la fois,
Dans le frais paysage,
L’étang, les champignons, le toit,
La terre et les nuages.
 

Marie Gevers ("Missembourg" - Buschmann, 1917)

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Les poèmes du recueil "Antoinette" sont dédiés à sa fille :

Repas du matin

Dans ce lait où fleurit le printemps des prairies,
Et le sucre où l'hiver des betteraves brille,
dans le pain qui concentre les moissons d'été,
Et dans la confiture où la maturité
De l'automne à ta bouche joyeuse est donnée,

Trouve la saveur des journées
Et la joie diverse des mois
Qui nous amènent trois par trois
Les saisons dont la belle ronde
Sans cesse tourne autour du monde.
 

Marie Gevers ("Antoinette" - Buschmann éditeur, 1925)



Claire Goll (1890-1977) a écrit de nombreux poèmes et publié également des recueils communs avec son époux Yvan Goll.

Danse captive

Éphèbe éclaboussé par le noir
Et le jaune des bougies instables
Homme ailé que les cadences soulèvent
Du tapis vibrant de la chambre
Tourne fouetté par la musique
Dans ton boléro de peau musquée
Mime le rapt de l’âme ivre
Danse sur le sol incertain
Ta rage canaille ta perte
La joie proche des larmes acides
Les lacets de feu contre la neige
Tu ressembles aux bougies
À leur volupté de brûler un soir.
 

Claire Goll

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Démunie

Pourquoi n'ai-je pas conservé
Tes sourires précieux
Et préservé l'ombre
Que tu jetais sur nos routes ?

Pourquoi n'ai-je pas mis de côté
Tes regards d'ambre et d'or,
Fortune fabuleuse pour plus tard
Quand je serai à court de tendresse ?

J'ai gaspillé tes caresses
Je n'ai aucun disque de tes pas
L'orage a éparpillé tes étreintes
Et détruit les silos remplis de baisers.
Le dernier son de ta voix
S'est perdu dans le sable
Et je dessine en vain ton profil
Dans le givre de ma fenêtre.

Claire Goll



1 avril 2008

Luce Guilbaud

Luce Guilbaud , enseignante en arts plastiques, écrivain et poète, est née en 1941.
On trouvera d'autres textes pour la classe dans les catégories rangées par cycles.

Deux ouvrages parmi d'autres : Le dé bleu, ; La petite fille aux yeux bleus.

Pas de rire aux éclats, un sourire, de la gaieté, ou du moins la joie de vivre, dans ces poèmes, dont les titres sont suggérés par le blog.

On retrouvera avec d'autres auteures, les deux premiers textes sur le site du Printemps des poètes : http://www.printempsdespoetes.com/

Grand-mère

Grand-mère sur le seuil
avec son sourire
et autour un visage
bien ridé, déjà
(elle a quel âge ? on ne compte pas!)

Elle est là avec la maison
les chambres les fenêtres
les escaliers la cheminée
tout ça pêle-mêle
avec les valises les raquettes
les épuisettes

et la mer tout à côté
qui commence à chanter.

La maison du matin
habillée de rires
et d'odeurs de pain grillé
de confitures de coing
maison de carrelage frais lavé

c'est une maison qui va et vient
de la cave au jardin
en berçant ses grands pins
une maison avec des bras
si doux si près du rêve

c'est la maison de grand-mère
maison d'été maison d'hier
qui ferme ses volets l'hiver.

Luce Guilbaud

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Attendre

Attendre dans la paix
Tracer une ligne
joignant
main et main
pour serrer
très fort

Attendre dans la paix
Sonner les cloches
pour entendre

à l'horizon
l'heure
du silence

Attendre dans la paix
Règnera le vent
qui souffle
uniformément
du nord
au sud

Attendre dans la paix

Luce Guilbaud

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Dans ma boîte

J’aurai une grande boîte
pleine de soleil
pour les jours de pluie
pleine de sourires
pour les jours de grogne
pleine de courage
pour les jours de flemme.

Et dans ma boîte j’aurai aussi
plein de coquillages
pour écouter la mer.

Luce Guilbaud

fille_verte_cr_ation__PP10À la manière de "Dans ma boîte" ...

Voir ici des productions d'élèves :
en CE1 : http://ecoles18.tice.ac-orleans-tours.fr/php5/rosieres/articles.php?lng=fr&pg=159si
et en CM2 ici, sous forme de petit livre à plier au format pdf :
http://petitslivres.free.fr/petitslivres/AUT/SEB0708002C.pdf

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Un déjeuner de fous

J’organise aujourd’hui
un déjeuner de fous
une chasse à l’herbe folle
un braconnage de fruits verts.
Nous boirons sous les pommiers
du cidre de la pleine lune,
nous ferons un jardin
des moissons d’amitié
de mots sans trèves
et de soleils givrés.
Et dans ce paysage
de rêveries bruissantes
nous danserons
sur l’ennui des dimanches.


Luce Guilbaud ("La petite feuille aux yeux bleus" - Éditions Le farfadet bleu/Le dé bleu, 1998)

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Le nuage

Un joli nuage blanc
arrive sur la ville
il joue
entre les toits
entre les tours
entre les flèches
il passe sur les ponts
et se voit gris
dans les reflets de l'eau
il se sent fatigué
il tousse un peu
il se regarde dans les vitrines
il se fait peur
il est devenu noir

le nuage s'en va
lâchant quelques larmes
quelques gouttes de pluie
il va se refaire une santé
à la campagne.

    Luce Guilbaud

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Une petite maison

Une petite maison de branches
Avec sa porte d’herbes
Et son lit de mousse
Une petite maison dans les bois
Pour cacher ses secrets
Pour inventer le monde.
Une petite maison
Une cabane
Pour être ici
Pour être ailleurs
Dans nos histoires.


Luce Guilbaud ("Une cigale dans la tête" - Éditions Le farfadet bleu/Le dé bleu, 1998)

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Le monstre de pierre

Le vent et la pluie me hantent
Le gel fait craquer mes grimaces
Le soleil me nargue et me brûle
Mais je lui tire la langue !


Je ricane et je vocifère
Je gronde et je balbutie
J’étonne et j’effraie
J’ai mille frères et mille soeurs
Avec des queues des cornes
Des griffes des écailles des hures
Des groins des serres
Des dents pointues
Des trognes ébouriffées
Des nez épatés des yeux exorbités


Armé de piques de fourches
Je harcèle, j’étrangle, j’étripe
J’ouvre les portes de l’enfer
Je suis griffon, cerbère, chimère
Je suis un monstre de pierre.

Luce Guilbaud ("Loup y es-tu ?" - éditions Enfance heureuse)

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Une image

Quel dommage,
Pensait une image
D’être attachée sur cette page !
Car la belle image
Rêvait de voyage
Et de vent du large
Elle en pleurait de rage
Mais un vieux sage
Conseilla l’image :
"Pour partir en voyage ?
Il suffit de tourner la page !"

Luce Guilbaud

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Le petit rêve

C’est un petit rêve léger
Un rêve bien plié sous mon oreiller
C’est un rêve doux et chaud
Qui va pieds nus dans l’herbe fraîche,
Un rêve transparent
Qui glisse entre les yeux
Et se blottit sous les paupières.
C’est un rêve coloré qui murmure
Encore en moi quand le soleil
Ouvre ma porte.
C’est un petit rêve léger
Qui accompagne ma journée.

Luce Guilbaud ("Les oiseaux sont pleins de nuages" - éditions Soc et Foc)

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Le vent

Je plains le vent
Le vent se plaint
le vent gémit
le vent souffre quand il souffle
le vent voudrait se reposer
déposer sa douleur
dans le creux d’un rocher
danser avec les mouettes
doucement tranquillement
les emporter sur un nuage
le vent rêve de tendresse
mais il est condamné à hurler
à déchirer les feuilles mortes
à griffer nos visages dans la pluie
ça le met en colère le vent
d’être si méchant !
Alors il s’emporte et devient fou
le vent tornade tempête
sa douleur n’a plus de bornes
il détruit tout sur son passage
puis il s’arrête essoufflé désespéré
dans un lointain désert
et là-bas il s’endort
en rêvant de caresses.
Je plains le vent.

Luce Guilbaud

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J’étais perdue

J’étais perdue dans la ville
Entre les façades noires
Et les boutiques bariolées
J’étais perdu parmi la foule
J’avais perdu mon nom
Et le chemin de ma maison.
C’est en suivant un pigeon
Puis un couple de pinsons*
Qu’au détour des violettes
Et du bleu des arbres
J’ai retrouvé mon nom
Et le chemin de ma maison.


Luce Guilbaud - * et pas "un couple de personnes", erreur signalée par une lectrice, merci !

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Je t'offre un soleil

Je t'offre un soleil
dans mes mains nues
quelques touches de brume
un dé de pluie
et la ligne bleue des collines

sans guirlande
sans papier cadeau
je t'offre un monde
avec mon coeur

Luce Guilbaud ("La petite feuille aux yeux bleus" - Éditions Le farfadet bleu/Le dé bleu, 1998)

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Je jouais

Je jouais à grimper à l'arc-en-ciel
comme à l'échelle
Sur le jaune
j'ai cueilli des boutons d'or
Sur l'orange
j'ai des clémentines
Sur le rouge
des framboises et des cerises
Plus haut, j'ai respiré les violettes
Dans le bleu
j'ai coupé une fenêtre de ciel
pour voir l'indigo
Et je suis tombé par la fenêtre
sur l'herbe verte.

Luce Guilbaud

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Année nouvelle

Année nouvelle
Donne moi les oiseaux
Qui possèdent les mots
Doux et tendres
Les mots du coeur
Du grand large
Et de l'évasion

Année nouvelle
Donne moi les fruits d'or
Dont chaque graine
Égrène les notes
Qui chantent la douceur
D'aimer en arpège
Jusqu'aux montagnes bleues
Derrière l'horizon.

Luce Guilbaud



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