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1 mars 2008

Max JACOB - le féminin en poésie

Max Jacob (1876-1944) est écrivain, poète et peintre, ami de peintres cubistes comme Pablo Picasso, Georges Braque et Juan Gris, et de poètes, comme Guillaume Apollinaire, puis plus tard, de Jean Cocteau, Modigliani, et encore Marcel Béalu, Michel Manoll, René-Guy Cadou et Jean Rousselot.
Il est auteur de contes pour enfants, et de nombreux recueils de poésie. Il est mort au camp d'internement de Drancy, en région parisienne,le 5 mars 1944.

Il s'agit ici d'humour, noir, à ne pas prendre au sérieux. La première partie (2 strophes) de ce poème musical, avec le personnage titre féminin, est parfois proposée aux élèves. Le second poème est dans le même registre.

Madame la Dauphine

Madame la Dauphine,
Phine, phine, phine, phine, phine, phine, phine, phine
Ne verra pas le beau film qu'on y a fait tirer
Qu'on y a fait tirer, ré, ré
Tirer les vers du nez
Car on l'a amenée en terre
Avec son premier-né

On l'a menée en terre, terre, terre
Avec son premier-né
En terre, terre, terre et à Nanterre
Où elle est enterrée

Quand un paysan de la Chine
Chine, chine, chine, chine, chine, chine, chine, chine
Veut avoir des primeurs, fruits mûrs
Il va chez l'imprimeur

Il va chez l'imprimeur, meur, meur
Ou bien chez sa voisine
Tous les paysans de la Chine
Les avaient épiés

Tous les paysans de la Chine
Les avaient épiés
Pour leur mettre des bottines, tines, tines
Ils leur coupent les pieds

Monsieur le Comte d'Artois
Toi, toi, toi, toi, toi, toi, toi, toi
Est monté sur le toit, toit, toit
Pour faire son compte d'ardoises

Et voir par la lunette, nette, nette
Pour voir si la lune est
Pour voir si la lune est
Plus grosse que le doigt

Un vapeur et sa cargaison
Zon, zon, zon, zon, zon, zon, zon, zon
Ont échoué contre la maison
Zon, zon, zon, zon, zon, zon, zon, zon

Chipons de la graisse d'oie
D'oie, d'oie, d'oie, d'oie, d'oie, d'oie, d'oie, d'oie
Chipons de la graisse d'oie, d'oie, d'oie
Pour en faire des... canons
.

Max Jacob ("Le laboratoire central", 1921, paru en Poésie/Gallimard, 1980) - Ce poème est chanté par Jacques Douai, sur une musique de Pierre Bertin (1955  "Chansons poétiques anciennes et modernes")

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La dame aveugle

La dame aveugle dont les yeux saignent choisit ses mots
Elle ne parle à personne de ses maux
Elle a des cheveux pareils à la mousse
Elle porte des bijoux et des pierreries rousses.
Elle a des cheveux pareils à la mousse
Elle porte des bijoux et des pierreries rousses.
La dame grasse et aveugle dont les yeux saignent
Écrit des lettres polies avec marges et interlignes
Elle prend garde aux plis de sa robe de peluche
Et s'efforce de faire quelque chose de plus
Et si je ne mentionne pas son beau-frère
C'est qu'ici ce jeune homme n'est pas en honneur
Car il s'enivre et fait s'enivrer l'aveugle
Qui rit, qui rit alors et beugle.

Max Jacob ("Le bal masqué", 1932)



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1 mars 2008

Jean DE LA FONTAINE - le féminin en poésie

Jean de la Fontaine (1621-1695), poète et fabuliste, a fréquenté Molière, Boileau et Racine et accédé à l'Académie Française, au fauteuil de Colbert.

Ses 243 fables sont pour la plupart inspirées des fables d'Ésope, dont il a réécrit la plupart en langue poétique.
Voici une sélection de fables pour la classe, mettant en scène des animaux (et une laitière), qui comme on le sait, représentent et critiquent des personnages de son époque, ici féminins, pour le thème du Printemps 2010.
La syntaxe et le lexique de l'ancien français réservent les textes ci-dessous au Collège, à une ou deux exceptions ...

La Cigale et la Fourmi

La Cigale, ayant chanté
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue :
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
"Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'Oût, foi d'animal,
Intérêt et principal. "
La Fourmi n'est pas prêteuse :
C'est là son moindre défaut.
Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
- Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
- Vous chantiez ? j'en suis fort aise.
Eh bien! dansez maintenant.

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Le Renard et la Cigogne

Compère le Renard se mit un jour en frais,
et retint à dîner commère la Cigogne.
Le régal fût petit et sans beaucoup d'apprêts :
Le galant pour toute besogne,
Avait un brouet clair ; il vivait chichement.
Ce brouet fut par lui servi sur une assiette :
La Cigogne au long bec n'en put attraper miette ;
Et le drôle eut lapé le tout en un moment.
Pour se venger de cette tromperie,
A quelque temps de là, la Cigogne le prie.
"Volontiers, lui dit-il ; car avec mes amis
Je ne fais point cérémonie. "
A l'heure dite, il courut au logis
De la Cigogne son hôtesse ;
Loua très fort la politesse ;
Trouva le dîner cuit à point :
Bon appétit surtout ; Renards n'en manquent point.
Il se réjouissait à l'odeur de la viande
Mise en menus morceaux, et qu'il croyait friande.
On servit, pour l'embarrasser,
En un vase à long col et d'étroite embouchure.
Le bec de la Cigogne y pouvait bien passer ;
Mais le museau du sire était d'autre mesure.
Il lui fallut à jeun retourner au logis,
Honteux comme un Renard qu'une Poule aurait pris,
Serrant la queue, et portant bas l'oreille.
Trompeurs, c'est pour vous que j'écris :
Attendez-vous à la pareille.

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La Colombe et la Fourmi

L'autre exemple est tiré d'animaux plus petits.
Le long d'un clair ruisseau buvait une Colombe,
Quand sur l'eau se penchant une Fourmi y tombe.
Et dans cet océan l'on eût vu la Fourmi
S'efforcer, mais en vain, de regagner la rive.
La Colombe aussitôt usa de charité :
Un brin d'herbe dans l'eau par elle étant jeté,
Ce fut un promontoire où la Fourmi arrive.
Elle se sauve ; et là-dessus
Passe un certain Croquant qui marchait les pieds nus.
Ce Croquant, par hasard, avait une arbalète.
Dès qu'il voit l'Oiseau de Vénus
Il le croit en son pot, et déjà lui fait fête.
Tandis qu'à le tuer mon Villageois s'apprête,
La Fourmi le pique au talon.
Le Vilain retourne la tête :
La Colombe l'entend, part, et tire de long.
Le soupé du Croquant avec elle s'envole :
Point de Pigeon pour une obole.

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Le Lièvre et la Tortue

Rien ne sert de courir ; il faut partir à point.
Le Lièvre et la Tortue en sont un témoignage.
Gageons, dit celle-ci, que vous n'atteindrez point
Sitôt que moi ce but. - Sitôt ? Etes-vous sage ?
Repartit l'animal léger.
Ma commère, il vous faut purger
Avec quatre grains d'ellébore.
- Sage ou non, je parie encore.
Ainsi fut fait : et de tous deux
On mit près du but les enjeux :
Savoir quoi, ce n'est pas l'affaire,
Ni de quel juge l'on convint.
Notre Lièvre n'avait que quatre pas à faire ;
J'entends de ceux qu'il fait lorsque prêt d'être atteint
Il s'éloigne des chiens, les renvoie aux Calendes,
Et leur fait arpenter les landes.
Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter,
Pour dormir, et pour écouter
D'où vient le vent, il laisse la Tortue
Aller son train de Sénateur.
Elle part, elle s'évertue ;
Elle se hâte avec lenteur.
Lui cependant méprise une telle victoire,
Tient la gageure à peu de gloire,
Croit qu'il y va de son honneur
De partir tard. Il broute, il se repose,
Il s'amuse à toute autre chose
Qu'à la gageure. A la fin quand il vit
Que l'autre touchait presque au bout de la carrière,
Il partit comme un trait ; mais les élans qu'il fit
Furent vains : la Tortue arriva la première.
Eh bien ! lui cria-t-elle, avais-je pas raison ?
De quoi vous sert votre vitesse ?
Moi, l'emporter ! et que serait-ce
Si vous portiez une maison ?

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La Laitière et le Pot au lait

Perrette sur sa tête ayant un Pot au lait
Bien posé sur un coussinet,
Prétendait arriver sans encombre à la ville.
Légère et court vêtue elle allait à grands pas ;
Ayant mis ce jour-là, pour être plus agile,
Cotillon simple, et souliers plats.
Notre laitière ainsi troussée
Comptait déjà dans sa pensée
Tout le prix de son lait, en employait l'argent,
Achetait un cent d'oeufs, faisait triple couvée ;
La chose allait à bien par son soin diligent.
Il m'est, disait-elle, facile,
D'élever des poulets autour de ma maison :
Le Renard sera bien habile,
S'il ne m'en laisse assez pour avoir un cochon.
Le porc à s'engraisser coûtera peu de son ;
Il était quand je l'eus de grosseur raisonnable :
J'aurai le revendant de l'argent bel et bon.
Et qui m'empêchera de mettre en notre étable,
Vu le prix dont il est, une vache et son veau,
Que je verrai sauter au milieu du troupeau ?
Perrette là-dessus saute aussi, transportée.
Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée ;
La dame de ces biens, quittant d'un oeil marri
Sa fortune ainsi répandue,
Va s'excuser à son mari
En grand danger d'être battue.
Le récit en farce en fut fait ;
On l'appela le Pot au lait.

Quel esprit ne bat la campagne ?
Qui ne fait châteaux en Espagne ?
Picrochole, Pyrrhus, la Laitière, enfin tous,
Autant les sages que les fous ?
Chacun songe en veillant, il n'est rien de plus doux :
Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes :
Tout le bien du monde est à nous,
Tous les honneurs, toutes les femmes.
Quand je suis seul, je fais au plus brave un défi ;
Je m'écarte, je vais détrôner le Sophi ;
On m'élit roi, mon peuple m'aime ;
Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant :
Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même ;
Je suis gros Jean comme devant.

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La deuxième partie de cette fable est souvent ignorée.

Le Chat, la Belette, et le petit Lapin

Du palais d'un jeune Lapin
Dame Belette un beau matin
S'empara ; c'est une rusée.
Le Maître étant absent, ce lui fut chose aisée.
Elle porta chez lui ses pénates un jour
Qu'il était allé faire à l'Aurore sa cour,
Parmi le thym et la rosée.
Après qu'il eut brouté, trotté, fait tous ses tours,
Janot Lapin retourne aux souterrains séjours.
La Belette avait mis le nez à la fenêtre.
O Dieux hospitaliers, que vois-je ici paraître ?
Dit l'animal chassé du paternel logis :
O là, Madame la Belette,
Que l'on déloge sans trompette,
Ou je vais avertir tous les rats du pays.
La Dame au nez pointu répondit que la terre
Etait au premier occupant.
C'était un beau sujet de guerre
Qu'un logis où lui-même il n'entrait qu'en rampant.
Et quand ce serait un Royaume
Je voudrais bien savoir, dit-elle, quelle loi
En a pour toujours fait l'octroi
A Jean fils ou neveu de Pierre ou de Guillaume,
Plutôt qu'à Paul, plutôt qu'à moi.
Jean Lapin allégua la coutume et l'usage.
Ce sont, dit-il, leurs lois qui m'ont de ce logis
Rendu maître et seigneur, et qui de père en fils,
L'ont de Pierre à Simon, puis à moi Jean, transmis.
Le premier occupant est-ce une loi plus sage ?
- Or bien sans crier davantage,
Rapportons-nous, dit-elle, à Raminagrobis.
C'était un chat vivant comme un dévot ermite,
Un chat faisant la chattemite,
Un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras,
Arbitre expert sur tous les cas.
Jean Lapin pour juge l'agrée.
Les voilà tous deux arrivés
Devant sa majesté fourrée.
Grippeminaud leur dit : Mes enfants, approchez,
Approchez, je suis sourd, les ans en sont la cause.
L'un et l'autre approcha ne craignant nulle chose.
Aussitôt qu'à portée il vit les contestants,
Grippeminaud le bon apôtre
Jetant des deux côtés la griffe en même temps,
Mit les plaideurs d'accord en croquant l'un et l'autre.
Ceci ressemble fort aux débats qu'ont parfois
Les petits souverains se rapportants aux Rois.

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La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Boeuf

Une Grenouille vit un Boeuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n'était pas grosse en tout comme un oeuf,
Envieuse, s'étend, et s'enfle, et se travaille,
Pour égaler l'animal en grosseur,
Disant : "Regardez bien, ma soeur ;
Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ?
- Nenni. - M'y voici donc ? - Point du tout. - M'y voilà ?
- Vous n'en approchez point.". La chétive pécore
S'enfla si bien qu'elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
Tout petit prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages.

Jean de La Fontaine ("Fables", 1668, 1678 et 1693)



1 mars 2008

Alphonse de LAMARTINE - le féminin en poésie

Alphonse de Lamartine (1790-1869), est un grand poète romantique et lyrique, ainsi qu'un écrivain et un homme politique français.

À Elvire

Lorsque seul avec toi, pensive et recueillie,
Tes deux mains dans la mienne, assis à tes côtés,
J'abandonne mon âme aux molles voluptés
Et je laisse couler les heures que j'oublie ;
Lorsqu'au fond des forêts je t'entraîne avec moi,
Lorsque tes doux soupirs charment seuls mon oreille,
Ou que, te répétant les serments de la veille,
Je te jure à mon tour de n'adorer que toi ;
Lorsqu'enfin, plus heureux, ton front charmant repose
Sur mon genou tremblant qui lui sert de soutien,
Et que mes doux regards sont suspendus au tien
Comme l'abeille avide aux feuilles de la rose ;
Souvent alors, souvent, dans le fond de mon coeur
Pénètre comme un trait une vague terreur ;
Tu me vois tressaillir ; je pâlis, je frissonne,
Et troublé tout à coup dans le sein du bonheur,
Je sens couler des pleurs dont mon âme s'étonne.
Tu me presses soudain dans tes bras caressants,
Tu m'interroges, tu t'alarmes,
Et je vois de tes yeux s'échapper quelques larmes
Qui viennent se mêler aux pleurs que je répands.
"De quel ennui secret ton âme est-elle atteinte ?
Me dis-tu : cher amour, épanche ta douleur ;
J'adoucirai ta peine en écoutant ta plainte,
Et mon coeur versera le baume dans ton coeur."
Ne m'interroge plus, à moitié de moi-même !
Enlacé dans tes bras, quand tu me dis : Je t'aime;
Quand mes yeux enivrés se soulèvent vers toi,
Nul mortel sous les cieux n'est plus heureux que moi ?
Mais jusque dans le sein des heures fortunées
Je ne sais quelle voix que j'entends retentir
Me poursuit, et vient m'avertir
Que le bonheur s'enfuit sur l'aile des années,
Et que de nos amours le flambeau doit mourir !
D'un vol épouvanté, dans le sombre avenir
Mon âme avec effroi se plonge,
Et je me dis : Ce n'est qu'un songe
Que le bonheur qui doit finir.
 

Alphonse de Lamartine ("Nouvelles Méditations Poétiques")

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Chant d'amour III

Pourquoi sous tes cheveux me cacher ton visage ?
Laisse mes doigts jaloux écarter ce nuage :
Rougis-tu d'être belle, ô charme de mes yeux ?
L'aurore, ainsi que toi, de ses roses s'ombrage.
Pudeur ! honte céleste ! instinct mystérieux,
Ce qui brille le plus se voile davantage ;
Comme si la beauté, cette divine image,
N'était faite que pour les cieux !

Tes yeux sont deux sources vives
Où vient se peindre un ciel pur,
Quand les rameaux de leurs rives
Leur découvrent son azur.
Dans ce miroir retracées,
Chacune de tes pensées
Jette en passant son éclair,
Comme on voit sur l'eau limpide
Flotter l'image rapide
Des cygnes qui fendent l'air !

Ton front, que ton voile ombrage
Et découvre tour à tour,
Est une nuit sans nuage
Prête à recevoir le jour ;
Ta bouche, qui va sourire,
Est l'onde qui se retire
Au souffle errant du zéphyr,
Et, sur ces bords qu'elle quitte,
Laisse au regard qu'elle invite,
Compter les perles d'Ophyr !

Ton cou, penché sur l'épaule,
Tombe sous son doux fardeau,
Comme les branches du saule
Sous le poids d'un passereau ;
Ton sein, que l'oeil voit à peine
Soulevant à chaque haleine
Le poids léger de ton coeur,
Est comme deux tourterelles
Qui font palpiter leurs ailes
Dans la main de l'oiseleur.

Tes deux mains sont deux corbeilles
Qui laissent passer le jour ;
Tes doigts de roses vermeilles
En couronnent le contour.
Sur le gazon qui l'embrasse
Ton pied se pose, et la grâce,
Comme un divin instrument,
Aux sons égaux d'une lyre
Semble accorder et conduire
Ton plus léger mouvement.

Pourquoi de tes regards
Percer ainsi mon âme ?
Baisse, oh! baisse tes yeux
Pleins d'une çhaste flamme :

Baisse-les, ou je meurs,
Viens plutôt, lève-toi !
Mets ta main dans la mienne,
Que mon bras arrondi
T'entoure et le soutienne
Sur ces tapis de fleurs
.

Alphonse de Lamartine ("Nouvelles Méditations Poétiques")



1 mars 2008

Jean L'ANSELME - le féminin en poésie

Jean L'Anselme, nom d'auteur de Jean-Marc Minotte (1919- 30 décembre 2011) est un poète vivant, comme on l'écrivait ici. Maintenant qu'il a disparu physiquement de notre horizon, il reste un poète atypique, comme on le dit parfois des auteurs qui déconcertent, qui n'entrent pas dans les catégories normalisées.Comme on le dit parfois des auteurs qui déconcertent, qui n'entrent pas dans les catégories poétiques normalisées, c'est un poète atypique.

Quelques titres d'ouvrages de Jean L'Anselme, tous parus aux éditions Rougerie :
Ça ne casse pas trois pattes à un canard et après (2005) ; La chasse d'eau, les poèmes cons, manifeste suivi d'exemples, Le ris de veau (1995) ; Pensées et proverbes de Maxime Dicton, banalités, bêtises, paradoxes, balivernes, lieux communs et autres propos sérieux de l'auteur (1991).

Voici un passage à lire aux élèves :
"...On ne naît pas poète, on naît comme on est, c'est-à-dire comme tout le monde. N'importe qui peut être poète, je suis moi-même n'importe qui. Il n'y a d'ailleurs pas d'école où on enseigne la poésie pour en ressortir avec un CAP alors que, dans les autres domaines de l'art, il existe des conservatoires et des académies. C'est une réalité à laquelle on ne songe guère. Nous sommes donc des millions de poètes comme toi. Souvent sans le savoir ..."
et il termine presque par ceci : "À présent oublie tout ce que je viens de te dire et n'écoute pas les autres..."

Jean L'Anselme - Conseils à un jeune poète (éditorial du n° 13 de la revue Poésie Première, à lire intégralement ici : http://poesiepremiere.free.fr/Lanselme.html).

On trouve sur le blog d'autres textes de Jean L'Anselme ici : PRINT POÈTES 2009 : L'HUMOUR des poètes

Un poème atypique donc  :

La femme qui a un gros ventre

Il faisait froid
très froid même
qu'elle avait les cuisses roses
et tout tout sec
et tout frissonnant
comme un poulet qui n'a plus de plumes
et dessus son ventre tout rond
qu'on disait qu'il tenait de la vie en conserve
et les poètes eux parlaient du blé de demain

c'est son blé qui relevait sa robe à fleurs
sur ses cuisses roses
comme aussi font les abat-jour
sur les lampes

Jean L'Anselme (Vers dépolis, dans le recueil "La Foire à la ferraille" - Éditeurs Français Réunis, 1974)

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C'est le grand amour

Elle avait des lunettes
et lui aussi
si bien qu'ils se voyaient mieux
pour se regarder dans les yeux.

Elle avait un Sonotone
et lui aussi
si bien qu'ils s'entendaient bien
et restaient sourds à tout
ce qui les entourait.

Mais, il avait un grand nez
et elle était obligée
de se mettre très en biais
pour l'embrasser.
Et sa moustache
ça la chatouillait ...

Il n'y a pas de bonheur complet.

Jean L'Anselme ("Le Ris de veau" - Éditions Rougerie, 1995)- source : Poéthèque du Printemps des Poètes

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La mort de la machine à laver

                        à la princesse Diana

Pendant bien, bien des années
elle brassa le linge à grande eau
comme aurait fait la Mère DENIS
pour vous le rendre aussitôt
blancheur OMO garantie.

Puis, sous le harnois, elle vieillit
et de la mort suivit la pente ...
On appelait souvent DARTY
le meilleur médecin d'après-vente,
liés à cet homme de science
par un contrat de confiance.

Il lui prescrivit une jouvence
dont le traitement lui fut bon
puisque, malgré sa déchéance,
elle retourna au charbon.
Mais le calcaire fut son calvaire :
on n'utilisait pas de CALGON !

Elle est morte un jour sans trompette
dans un grand roulement de tambour,
recrachant slips et chemisettes,
lingerie de nuit et de jour.
Puis, après un sursaut, sa turbine
dans un hoquet à fendre l'âme
vomit sa flotte dans la cuisine
aux yeux affolés de ma femme.

Cela s'est passé un matin.
C'était une ARTHUR MARTIN.

NB - Par le plus grand des hasards, ce poème est né le jour même de l'anniversaire de la mort de la Princesse Diana. C'est pourquoi il lui a été dédié. (cette note est de l'auteur, comme la dédicace)

Jean L'Anselme - source : le site du poète Guy Allix : http://guyallix.art.officelive.com/jeanlanselme.aspx



1 mars 2008

Boby LAPOINTE - le féminin en poésie

Boby_Lapointe_coffret_int_gr_33T

Boby Lapointe (1922-1972) est natif de Pézenas, dans l'Hérault. Poète, parolier-chanteur ? Les deux. C'est un humoriste, un joueur de mots hors pair, qu'il sait si bien mettre en musique, dont il faut réécouter plusieurs fois les interprétations  pour en saisir les astuces de langage. (photo coffret Intégrale 33 tours, présenté par son ami Georges Brassens - clic pour agrandir l'image)

On verra plus bas que Boby Lapointe est proche du mouvement Dada. Pas d'allusion ici au "Saucisson de cheval", titre d'une de ses chansons, mais plus précisément aux contraintes linguistiques qu'il s'est imposées avec le système "Bibi-binaire" de son invention.

On pourra s'amuser dans le texte qui suit, à repérer les jeux de mots et les doubles-sens :

La maman des poissons (extrait)

Si l'on ne voit pas pleurer les poissons
qui sont dans l'eau profonde
C'est que jamais quand il sont polissons
leur maman ne les gronde.

Quand ils s'oublient à fair' pipi au lit,
ou bien sur leurs chaussettes
Ou à cracher comme des pas polis,
elle reste muette

La maman des poissons
elle est bien gentille
Elle ne leur fait jamais la vie
Ne leur fait jamais de tartines
Ils mangent quand ils ont envie
Et quand ça a dîné ça r'dine
[...]
La maman des poissons
Elle a l'œil tout rond
On ne la voit jamais froncer les sourcils
Ses petits l'aiment bien, elle est bien gentille
Et moi je l'aime bien avec du citron
[...]
S'ils veulent être maquereaux
C'est pas elle qui les empêche
De s'faire des raies bleues sur le dos
Dans un banc à peinture fraîche
[...]
La maman des poissons
Elle a l'œil tout rond
On ne la voit jamais froncer les sourcils
Ses petits l'aiment bien, elle est bien gentille
Et moi je l'aime bien avec du citron

....

La maman des poissons
elle est bien gentille

Boby Lapointe - paroles et musique (éditions musicales Francis Dreyfus, 1971)

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Dans ce texte, Boby Lapointe joue avec les sonorités, les allitérations :

Ta Katie t'a quitté (extrait)

Ce soir au bar de la gare
Igor hagard est noir
Il n'arrête guère de boire
Car sa Katia, sa jolie Katia
Vient de le quitter
Sa Katie l'a quitté

Il a fait chou-blanc
Ce grand-duc avec ses trucs
Ses astuces, ses ruses de Russe blanc
Ma tactique était toc
Dit Igor qui s'endort
Ivre mort au comptoir du bar

Un Russe blanc qui est noir
Quel bizarre hasard se marrent
Les fêtards paillards du bar
Car encore Igor y dort
Mais près d'son oreille
Merveille un réveil vermeil
Lui prodigue des conseils
Pendant son sommeil

Tic-tac tic-tac
Ta Katie t'a quitté
Tic-tac tic-tac
Ta Katie t'a quitté
Tic-tac tic-tac
T'es cocu qu'attends-tu ?
Cuite-toi t'es cocu
T'as qu'à, t'as qu'à t'cuiter
Et quitter ton quartier
Ta Katie t'a quitté
Ta tactique était toc
Ta Katie t'a quitté
Ote ta toque et troque
Ton tricot tout crotté
Et ta croûte au couteau
Qu'on t'a tant attaqué
Contre un tacot coté
Quatre écus tout comptés
Et quitte ton quartier
Ta Katie t'a quitté
[...]

Boby Lapointe - paroles et musique (éditions musicales Intersong Tutti, 1975)

fille_verte_cr_ation__PP10Allitérations

Construire un poème privilégiant les allitérations, même si les vers ne rimant pas, la musique et le rythme seront donnés par la répétition du même ou de deux ou trois sons (consonnes) différents internes. Ci-dessous, les consonnes de l'alphabet international (source : http://membres.multimania.fr/clo7/grammaire/api.htm)

Consonnes



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1 mars 2008

Jean de LA VILLE DE MIRMONT - le féminin en poésie

Jean de La Ville de Mirmont (1886-1914) était un poète et romancier français. Il a été enlevé à la poésie par la guerre de 1914, au Chemin des Dames. On a publié de lui un recueil de poèmes posthume (L'Horizon chimérique), quelques contes et un roman (Les Dimanches de Jean Dézert).
"Sur la rive où nous aborderons un jour, nous reconnaîtrons d'abord ce jeune homme éternel. Mais lui, il ne nous reconnaîtra peut-être pas." (François Mauriac, son ami d'enfance). source : article de Jérôme Garcin, Le Nouvel Observateur, 26/06/2008.

La mer (sans titre dans le recueil)
(passage de "Poèmes Marins", dans le recueil cité, 1911)

...

II

Par l'appel souriant de sa claire étendue
Et les feux agités de ses miroirs dansants,
la mer, magicienne  éblouissante et nue,
Eveille aux grands espoirs les coeurs adolescents.

pour tenter de la fuir leu effort est stérile ;
Les moins aventureux deviennent ses amants,
Et, dès lors, un regret éternel les exile,
Car l'on ne guérit point de ses embrasements.

C'est elle, la première, en ouvrant sa ceinture
D"écume, qui m'offrit son amour dangereux
Dont mon âme a gardé pour toujours la brûlure
Et dont j'ai conservé le reflet dans mes yeux.

...

Jean de la Ville de Mirmont, 1903 ("L'Horizon chimérique", Cahiers Rouges, Grasset, 2008 - Éditions De La Table Ronde,1998)

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Amie aux gestes éphémères ... (sans titre dans le recueil)

Amie aux gestes éphémères,
Cher petit être insoucieux,
Je ne veux plus d'autre chimère
Que l'azur calme de tes yeux.

Pa besoin d'y chercher une âme !
De tels objets sont superflus.
Le seul bonheur que je réclame,
C'est de m'y reposer, sans plus.

Que m'importe l'horreur du vide ?
Je vais plonger, à tout hasard,
Ainsi qu'un nageur intrépide,
Dans le néant de ton regard.

Jean de la Ville de Mirmont, 1903 ("L'Horizon chimérique", Cahiers Rouges, Grasset, 2008 - Éditions De La Table Ronde,1998)



1 mars 2008

Maurice MAETERLINCK - le féminin en poésie

Maurice Maeterlinck (1862-1949) est un écrivain et poète belge de langue française, prix Prix Nobel de littérature en 1911. Il est surtout connu pour deux oeuvres d'entomologie : "La vie des abeilles" et "La vie des fourmis".

les poèmes qui suivent sont extraits du livre cité plus bas, dans le chapitre "Quinze chansons". En voici quelques passages sur le thème féminin. Ils portent pour titre le numéro d'ordre dans le recueil.

II

Et s'il revenait un jour, que faut-il lui dire ?
- Dites-lui qu'on l'attendit jusqu'à s'en mourir.

Et s'il m'interroge encore sans me reconnaître ?
- Parlez-lui comme une soeur. Il souffre peut-être.

Et s'il demande où vous êtes, que faut-il répondre ?
- Donnez-lui mon anneau d'or, sans rien lui répondre.

Et s'il veut savoir pourquoi la salle est déserte ?
- Montrez-lui la lampe éteinte et la porte ouverte.

Et s'il m'interroge alors sur la dernière heure ?
- Dites-lui que j'ai souri de peur qu'il ne pleure !

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IV

Les filles aux yeux bandés
    (Ôtez les bandeaux d'or)
Les filles aux yeux bandés
Cherchent leurs destinées ...

Ont ouvert à midi,
     (Gardez les bandeaux d'or)
Ont ouvert à midi,
Le palais des prairies ...

Ont salué la vie,
    (Serrez les bandeaux d'or)
Ont salué la vie,
Et ne sont point sorties ...

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VII

Les sept filles d'Orlamonde,
    Quand la fée fut morte,
Les sept filles d'Orlamonde,
    Ont cherché les portes.

Ont allumé leurs sept lampes,
    Ont ouvert les tours,
Ont ouvert quatre cents salles,
    Sans trouver le jour...

Arrivent aux grottes sonores,
    Descendent alors ;
Et sur une porte close,
    Trouvent une clef d'or.

Voient l'océan par les fentes,
    Ont peur de mourir,
Et frappent à la porte close,
    Sans oser l'ouvrir ...

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VIII

Elle avait trois couronnes d'or,
À qui les donna-t-elle ?
Elle en donne une à ses parents :
Ont acheté trois réseaux d'or
Et l'ont gardée jusqu'au printemps.

Elle en donne une à ses amants :
Ont acheté trois rets d'argent
Et l'ont gardée jusqu'à l'automne.

Elle en donne une à ses enfants :
Ont acheté trois nœuds de fer,
Et l'ont enchaînée tout l'hiver.

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IX

Elle est venue vers le palais
Le soleil se levait à peine ;
Elle est venue vers le palais,
Les chevaliers se regardèrent
Toutes les femmes se taisaient.

Elle s'arrêta devant la porte,
Le soleil se levait à peine ;
Elle s'arrêta devant la porte
On entendit marcher la reine
Et son époux l'interrogeait.

Où allez-vous, où allez-vous ?
- Prenez garde, on y voit à peine ;
Où allez-vous, où allez-vous ?
Quelqu'un vous attend-il là-bas ?
Mais elle ne répondait pas.

Elle descendit vers l'inconnue,
- Prenez garde, on y voit à peine -
Elle descendit vers l'inconnue,
L'inconnue embrassa la reine,
Elles ne se dirent pas un mot
Et s'éloignèrent aussitôt.

Son époux pleurait sur le seuil
- Prenez garde, on y voit à peine ;
Son époux pleurait sur le seuil,
On entendait marcher la reine,
On entendait tomber les feuilles.

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XI

Ma mère, n'entendez-vous rien?
Ma mère, on vient avertir...
Ma fille, donnez-moi vos mains.
Ma fille, c'est un grand navire...

Ma mère, il faut prendre garde...
Ma fille, ce sont ceux qui partent...
Ma mère, est-ce un grand danger ?
Ma fille, il va s'éloigner...

Ma mère. Elle approche encore...
Ma fille, il est dans le port.
Ma mère, Elle ouvre la porte...
Ma fille, ce sont ceux qui sortent.

Ma mère, c'est quelqu'un qui entre...
Ma fille, il a levé l'ancré.
Ma mère, Elle parle à voix basse...
Ma fille, ce sont ceux qui passent.

Ma mère, Elle prend les étoiles!...
Ma fille, c'est l'ombre des voiles.
Ma mère. Elle frappe aux fenêtres...
Ma fille, elles s'ouvrent peut-être...

Ma mère, on n'y voit plus clair...
Ma fille, il va vers la mer.
Ma mère, je l'entends partout...
Ma fille, de qui parlez-vous ?

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XIII

J'ai cherché trente ans, mes sœurs,
    Où s'est-il caché ?
J'ai marché trente ans, mes sœurs,
    Sans m'en approcher...

J'ai marché trente ans, mes sœurs,
    Et mes pieds sont las,
II était partout, mes sœurs,
    Et n'existe pas...

L'heure est triste enfin, mes sœurs,
    Ôtez mes sandales,
Le soir meurt aussi, mes sœurs,
    Et mon âme a mal ...

Vous avez seize ans, mes sœurs,
    Allez loin d'ici,
Prenez mon bourdon, mes sœurs,
    Et cherchez aussi ...

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XIV

Les trois sœurs ont voulu mourir
Elles ont mis leurs couronnes d'or
Et sont allées chercher leur mort.

S'en sont allées vers la forêt :
"Forêt, donnez-nous notre mort,
Voici nos trois couronnes d'or."

La forêt se mit à sourire
Et leur donna douze baisers
Qui leur montrèrent l'avenir.

Les trois sœurs ont voulu mourir
S'en sont allées chercher la mer
Trois ans après la rencontrèrent:

"Ô mer donnez-nous notre mort,
Voici nos trois couronnes d'or."

Et la mer se mit à pleurer
Et leur donna trois cents baisers,
Qui leur montrèrent le passé.

Les trois sœurs ont voulu mourir
S'en sont allées chercher la ville
La trouvèrent au milieu d'une île :

"Ô ville, donnez-nous notre mort,
Voici nos trois couronnes d'or."

Et la ville, s'ouvrant à l'instant
Les couvrit de baisers ardents,
Qui leur montrèrent leur présent.
 

Maurice Maeterlinck ("Serres Chaudes, Quinze Chansons, Nouveaux Poèmes" - éditions "À L'enseigne Du Chat Qui Pêche", 1947)



1 mars 2008

Jean-Hugues MALINEAU - le féminin en poésie

Jean-Hugues Malineau (né en 1945), est un poète d'aujourd'hui, et l'un des acteurs essentiels pour la diffusion, la connaissance des auteurs et des textes en milieu scolaire, animateur d'ateliers de création poétique.
"Jean-Hugues Malineau propose des rencontres scolaires (de la maternelle à l'université) sur la poésie, ou des ateliers d'écriture durant lesquels il s'adresse à la sensibilité, à l'humour, à l'imagination, au sens rythmique, à la sensualité comme à la logique ou à la culture de l'enfant." Plus d'infos à son adresse Web (lien cliquable) :
http://jhmalineau.free.fr/

La chenille

Elle épouse le rail unique des nervures
Avec ses soufflets ses wagons
tous nos raves en voiture
jusqu’à la gare papillon

Omnibus et chenillard
voici donc la gare cocon
agitez vos blancs mouchoirs
mon terminus c’est papillon

Voici la fin de l’aventure
je m’envole c’est ma station
qu’on me pardonne les ratures
puisque voilà le papillon.

Jean-Hugues Malineau ("Pas si bêtes, les animaux" - Éditions de L'École des loisirs, 2003)

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Virelangue*

Josette sans souci
chaussa ses chaussures

sur son sofa soyeux

Jean-Hugues Malineau (dans "Dix Dodus Dindons - le trésor des virelangues françaises" - illustrations de Pef - Albin Michel Jeunesse, 1997)

fille_verte_cr_ation__PP10*Création de virelangues

Il s'agit de proposer des comptines ou de "simples" phrases contenant des difficultés de diction et aussi de compréhension, car le résultat est quand même souvent très tordu, afin de mettre en difficulté celui qui les prononce. La virelangue (ce mot est au féminin comme "langue") joue le plus souvent sur la répétition de consonnes phonétiquement proches.

Exemples, souvent connus :
"Les chaussettes de l'archiduchesse sont sèches et archi sèches."
"Un chasseur sachant chasser doit savoir chasser sans son chien."
"Si six scient scient cent cyprès, six cent six scies scient six cent six cyprès".
"
Ton thé t'a-t-il ôté ta toux ?"
"Le geai gélatineux geignait dans le jasmin" (cité par René de Obaldia, voir son paragraphe).

Voici une adresse intéressante avec une présentation, des exemples, une démarche et des productions de virelangues :
http://www.csdm.qc.ca/fseguin/classe/janine/virelangues/realisations/index.htm



1 mars 2008

Stéphane MALLARMÉ - le féminin en poésie

Stéphane Mallarmé (1842-1898), est plus connu pour son oeuvre poétique difficile, ses pièces de théâtre ou ses traductions d'Edgar Poë que pour ses quatrains-poèmes, jugés mineurs.
Deux courts textes suffiront à saisir (?) le style de l'auteur. Ils concernent deux métiers féminins :

La marchande d'habits

Le vif oeil dont tu regardes
Jusques à leur contenu
Me sépare de mes hardes
Et comme un dieu je vais nu.

Stéphane Mallarmé ("Poésies complètes" - 1887)

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La marchande d'herbes aromatiques

Ta paille azur de lavandes,
Ne crois pas avec ce cil
Osé que tu me la vendes
Comme a l'hypocrite s'il
 
En tapisse la muraille
De lieux les absolus lieux
Pour le ventre qui se raille
Renaître aux sentiments bleus.
 
Mieux entre une envahissante
Chevelure ici mets-la
Que le brin salubre y sente
Zéphirine, Paméla
 
Ou conduise vers l'époux
Les prémices de tes poux.

Stéphane Mallarmé ("Poésies complètes" - 1887)

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Apparition

La lune s'attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l'archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles.
C'était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S'enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d'un rêve au coeur qui l'a cueilli.
J'errais donc, l'oeil rivé sur le pavé vieilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m'es en riant apparue
Et j'ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d'enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d'étoiles parfumées.

Stéphane Mallarmé ("Poésies complètes" - 1887)



1 mars 2008

Pierre MENANTEAU - le féminin en poésie

Pierre Menanteau (1895-1992), enseignant et poète, est l'auteur d'anthologies poétiques ("Florilèges"), dans lesquelles il s'attache à faire connaître les auteurs anciens et contemporains pour la jeunesse.
Ses Oeuvres poétiques complètes en plusieurs tomes sont parues  aux Éditions Soc et Foc.

À l'école du buisson

Marinette est à l'école.
Elle vole, vole, vole,
Sur les ailes d'un bourdon.
Vite on ouvre une fenêtre:
Un pinson alors pénètre
Sur des ailes de chanson.
Vite on ferme la fenêtre.
Mais l’œil voit l'escarpolette
D'une araignée au plafond.
Ah! l’écolière parfaite
Que vous êtes, Marinette,
À l'école du buisson !

Pierre Menanteau ("Oeuvres poétiques complètes" - tome V - Éd Soc et Foc)

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Les sept filles du ciel

Les sept filles du ciel ont dans leurs mains la clef.
La lumière et la pluie échangent leurs mirages
Et le dieu qui circule au milieu des nuages

Frappe d'un bâton d'or son cheval pommelé.
Les sept filles du ciel ont ouvert les coffrets
Qui tenaient enfermées les sept couleurs du monde ;
Sous le bel arc-en-ciel, elles font une ronde
Et la Terre, à chacune, offre son frais bouquet.

Pierre Menanteau ("Oeuvres poétiques complètes")

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Le premier vol de l’hirondelle

Mes ciseaux à peine aiguisés
Coupent le ciel qui se déplace.

Une brasse. Encore une brasse.
Dans l’ouverture de la nasse

- Bon hirondeau chasse de race  -
Un moustique s’est enfourné.

Ce petit nid où je suis né
Comme il s’éloigne dans l’espace !

A tire-ligne d’hirondelle
C’est un nom nouveau que j’écris

Et je l’écris à tire-d’aile
Et je l’écris à tire-cri

Pierre Menanteau ("Oeuvres poétiques complètes")



 

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