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1 mars 2008

Jean-Luc MOREAU - le féminin en poésie

Jean-Luc Moreau, né en 1927, est écrivain, poète et universitaire. Il est l’auteur de recueils de poèmes (comme Poèmes de la souris verte, Hachette Jeunesse, 2003) et d’anthologies (La Liberté racontée aux enfants, éditions ouvrières, 1988), et a également écrit des contes pour les enfants.
On trouvera sur ce blog d'autres textes de Jean-Luc Moreau, en particulier ici : PRINT POÈTES 2009 : L'HUMOUR des poètes

Devinette

Ma face lisse
Que rien ne plisse
Nul sauf Alice
Ne la franchit.

D'où que je vienne,
Venise ou Vienne,
Qu'on s'en souvienne :
Je réfléchis.

solution : (riorim el)

Jean-Luc Moreau ("Mon premier livre de devinettes" - Recueil d'auteurs sous la directon de Jacques Charpentreau - Collection Enfance heureuse, Éditions ouvrières et Le Temps apprivoisé, 1986)

fille_verte_cr_ation__PP10Devinettes

La devinette peut prendre la forme d'un petit poème.
Le mot à deviner, en général objet ou animal (mais on peut jouer par exemple avec les noms de métiers) peut se trouver caché dans le poème, en acrostiche, en anagramme ou sous la forme d'une rime incomplète qui termine le dernier vers. Pour plus de détails voir ici sur le blog (bas de page) : PRINT POÈTES 2009 : L'HUMOUR des poètes



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1 mars 2008

Jean de MEUNG - le féminin en poésie

Jean de Meung (1240-1305, dates approximatives) est un poète français dont le nom d'auteur varie selon les sources et les mises en français moderne : Jean de Meun, Jehan de Meung, Jehan de Meun (il est né à Meung-sur-Loire, dans le Loiret). Son nom véritable serait Jean Chopinel ou Jean Clopinel.

Un texte de jadis repris par les mouvements féministes d'aujourd'hui :

Les femmes sont nées libres

Les femmes sont nées libres
car nature n'est pas si sotte
qu'elle fasse naître Marotte
seulement pour son Robichon
et non plus, si bien regardons
Robichon pour la Mariette
ni pour Agnès, ni pour Perrette,
mais nous a faits, mon fils, n'en doute
toutes pour tous et tous pour toutes.
Chacune pour chacun commune
et chacun commun à chacune.

Jean de Meung



1 mars 2008

Alfred de MUSSET - le féminin en poésie

Alfred de Musset (1810-1857) est un des plus importants poètes du XIXe siècle. Une biographie et une bibliographie sont visibles à cette adresse : http://www.etudes-litteraires.com/musset.php

Chanson de Barberine

Beau chevalier qui partez pour la guerre,
Qu'allez-vous faire
Si loin d'ici ?
Voyez-vous pas que la nuit est profonde,
Et que le monde
N'est que souci ?

Vous qui croyez qu'une amour délaissée
De la pensée
S'enfuit ainsi,
Hélas ! hélas ! chercheurs de renommée,
Votre fumée
S'envole aussi.

Beau chevalier qui partez pour la guerre,
Qu'allez-vous faire
Si loin de nous ?
J'en vais pleurer, moi qui me laissais dire
Que mon sourire
Était si doux.

Alfred de Musset ("Poésies nouvelles")

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La poésie suivante est souvent raccourcie pour la classe (sans les passages en italique). Encore une fois, c'est dommage, mais à vous de voir ...

À Ninon

Si je vous le disais pourtant, que je vous aime,
Qui sait, brune aux yeux bleus, ce que vous en diriez ?
L'amour, vous le savez, cause une peine extrême ;
C'est un mal sans pitié que vous plaignez vous-même ;
Peut-être cependant que vous m'en puniriez.

Si je vous le disais, que six mois de silence
Cachent de longs tourments et des voeux insensés :
Ninon, vous êtes fine, et votre insouciance
Se plaît, comme une fée, à deviner d'avance ;
Vous me répondriez peut-être : Je le sais.

Si je vous le disais, qu'une douce folie
A fait de moi votre ombre, et m'attache à vos pas :
Un petit air de doute et de mélancolie,
Vous le savez, Ninon, vous rend bien plus jolie ;
Peut-être diriez-vous que vous n'y croyez pas.

Si je vous le disais, que j'emporte dans l'âme
Jusques aux moindres mots de nos propos du soir :
Un regard offensé, vous le savez, madame,
Change deux yeux d'azur en deux éclairs de flamme ;
Vous me défendriez peut-être de vous voir.

Si je vous le disais, que chaque nuit je veille,
Que chaque jour je pleure et je prie à genoux ;
Ninon, quand vous riez, vous savez qu'une abeille
Prendrait pour une fleur votre bouche vermeille ;
Si je vous le disais, peut-être en ririez-vous.

Mais vous ne saurez rien. Je viens, sans rien en dire,
M'asseoir sous votre lampe et causer avec vous ;
Votre voix, je l'entends ; votre air, je le respire ;
Et vous pouvez douter, deviner et sourire,
Vos yeux ne verront pas de quoi m'être moins doux.

Je récolte en secret des fleurs mystérieuses :
Le soir, derrière vous, j'écoute au piano
Chanter sur le clavier vos mains harmonieuses,
Et, dans les tourbillons de nos valses joyeuses,
Je vous sens, dans mes bras, plier comme un roseau.

La nuit, quand de si loin le monde nous sépare,
Quand je rentre chez moi pour tirer mes verrous,
De mille souvenirs en jaloux je m'empare ;
Et là, seul devant Dieu, plein d'une joie avare,
J'ouvre, comme un trésor, mon coeur tout plein de vous.

J'aime, et je sais répondre avec indifférence ;
J'aime, et rien ne le dit ; j'aime, et seul je le sais ;
Et mon secret m'est cher, et chère ma souffrance ;
Et j'ai fait le serment d'aimer sans espérance,
Mais non pas sans bonheur ;  je vous vois, c'est assez.

Non, je n'étais pas né pour ce bonheur suprême,
De mourir dans vos bras et de vivre à vos pieds.
Tout me le prouve, hélas ! jusqu'à ma douleur même ...
Si je vous le disais pourtant, que je vous aime,
Qui sait, brune aux yeux bleus, ce que vous en diriez ?

Alfred de Musset ("Poésies posthumes")

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Le rideau de ma voisine

Le rideau de ma voisine
Se soulève lentement.
Elle va, je l'imagine,
Prendre l'air un moment.

On entr'ouvre la fenêtre :
Je sens mon cœur palpiter.
Elle veut savoir peut-être
Si je suis à guetter.

Mais, hélas ! ce n'est qu'un rêve ;
Ma voisine aime un lourdaud,
Et c'est le vent qui soulève
Le coin de son rideau.

Alfred de Musset ("Poésies nouvelles")

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Pour les (très) grandes classes, cette superbe Andalouse :

L'Andalouse

Avez-vous vu, dans Barcelone,
Une Andalouse au sein bruni ?
Pâle comme un beau soir d'automne !
C'est ma maîtresse, ma lionne !
La marquesa d'Amaëgui !

J'ai fait bien des chansons pour elle,
Je me suis battu bien souvent.
Bien souvent j'ai fait sentinelle,
Pour voir le coin de sa prunelle,
Quand son rideau tremblait au vent.

Elle est à moi, moi seul au monde.
Ses grands sourcils noirs sont à moi,
Son corps souple et sa jambe ronde,
Sa chevelure qui l'inonde,
Plus longue qu'un manteau de roi !

C'est à moi son beau col qui penche
Quand elle dort dans son boudoir,
Et sa basquina sur sa hanche,
Son bras dans sa mitaine blanche,
Son pied dans son brodequin noir !

Vrai Dieu ! Lorsque son oeil pétille
Sous la frange de ses réseaux,
Rien que pour toucher sa mantille,
De par tous les saints de Castille,
On se ferait rompre les os.

Qu'elle est superbe en son désordre,
Quand elle tombe, les seins nus,
Qu'on la voit, béante, se tordre
Dans un baiser de rage, et mordre
En criant des mots inconnus !

Et qu'elle est folle dans sa joie,
Lorsqu'elle chante le matin,
Lorsqu'en tirant son bas de soie,
Elle fait, sur son flanc qui ploie,
Craquer son corset de satin !

Allons, mon page, en embuscades !
Allons ! la belle nuit d'été !
Je veux ce soir des sérénades
A faire damner les alcades
De Tolose au Guadalété
.

Alfred de Musset ("Premières poésies")

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Cantate de Bettine

Nina, ton sourire,
Ta voix qui soupire,
Tes yeux qui font dire
Qu'on croit au bonheur,

Ces belles années,
Ces douces journées,
Ces roses fanées,
Mortes sur ton cœur ...

Nina, ma charmante,
Pendant la tourmente,
La mer écumante
Grondait à nos yeux ;

Riante et fertile,
La plage tranquille
Nous montrait l'asile
Qu'appelaient nos v
œux !

Aimable Italie,
Sagesse ou folie,
Jamais ne t'oublie
Qui t'a vue un jour !

Toujours plus chérie,
Ta rive fleurie
Toujours sera la patrie
Que cherche l'amour
.

Alfred de Musset ("Poésies complémentaires")

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La nuit d'octobre (passage adressé par "Le Poète" à sa Muse)

Honte à toi qui la première
M'as appris la trahison,
Et d'horreur et de colère
M'as fait perdre la raison !
Honte à toi, femme à l'oeil sombre,
Dont les funestes amours
Ont enseveli dans l'ombre
Mon printemps et mes beaux jours !
C'est ta voix, c'est ton sourire,
C'est ton regard corrupteur,
Qui m'ont appris à maudire
Jusqu'au semblant du bonheur ;
C'est ta jeunesse et tes charmes
Qui m'ont fait désespérer,
Et si je doute des larmes,
C'est que je t'ai vu pleurer.
Honte à toi, j'étais encore
Aussi simple qu'un enfant ;
Comme une fleur à l'aurore,
Mon coeur s'ouvrait en t'aimant.
Certes, ce coeur sans défense
Put sans peine être abusé ;
Mais lui laisser l'innocence
Était encor plus aisé.
Honte à toi ! tu fus la mère
De mes premières douleurs,
Et tu fis de ma paupière
Jaillir la source des pleurs !
Elle coule, sois-en sûre,
Et rien ne la tarira ;
Elle sort d'une blessure
Qui jamais ne guérira ;
Mais dans cette source amère
Du moins je me laverai,
Et j'y laisserai, j'espère,
Ton souvenir abhorré !

Alfred de Musset ("Poésies nouvelles - Les Nuits")



1 mars 2008

Gérard de NERVAL - le féminin en poésie

Gérard de Nerval, pseudonyme de Gérard Labrunie (1808-1855) est un poète "moderne", auteur des "Filles du Feu" (1854) ; Les Chimères (1854) ; "Aurélia ou le rêve et la vie" (1855). Il a traduit le poète allemand Heinrich Heine.
En grande détresse matérielle et morale, il se pend dans une rue de Paris.

... "Je suis le ténébreux, le veuf, l'inconsolé,
Le prince d'Aquitaine à la tour abolie:
Ma seule étoile est morte, et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la Mélancolie ...
Gérard de Nerval  dans le poème El Desdichado
("le malheureux", en espagnol) ("Les Chimères")

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Une allée du Luxembourg

Elle a passé, la jeune fille,
Vive et preste comme un oiseau ;
À la main une fleur qui brille,
À la bouche un refrain nouveau.

C' est peut-être la seule au monde
Dont le coeur au mien répondrait ;
Qui, venant dans ma nuit profonde,
D' un seul regard l'éclairerait ! ...

Mais non, ma jeunesse est finie ...
Adieu, doux rayon qui m' a lui,
Parfum, jeune fille, harmonie...
Le bonheur passait, il a fui !
 

Gérard de Nerval ("Odelettes", 1832)

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La Grand-mère

Voici trois ans qu'est morte ma grand'mère,
La bonne femme, et, quand on l'enterra,
Parents, amis, tout le monde pleura
D'une douleur bien vraie et bien amère.

Moi seul j'errais dans la maison, surpris
Plus que chagrin ; et, comme j'étais proche
De son cercueil, quelqu'un me fit reproche
De voir cela sans larmes et sans cris.

Douleur bruyante est bien vite passée :
Depuis trois ans, d'autres émotions,
Des biens, des maux, des révolutions,
Ont dans les murs sa mémoire effacée.

Moi seul j'y songe, et la pleure souvent ;
Depuis trois ans, par le temps prenant force,
Ainsi qu'un nom gravé dans une écorce,
Son souvenir se creuse plus avant !
 

Gérard de Nerval ("Odelettes", 1832)



1 mars 2008

NORGE - le féminin en poésie

Géo Norge (1898-1990), qui signe la plupart du temps "Norge" tout court, est un poète belge.

Voici un poème sur un objet personnalisé, au féminin. On n'en garde souvent pour la classe que les deux premières strophes :

Petite pomme

La petite pomme s'ennuie
De n'être pas encore cueillie.
Les autres pommes sont parties,
Petite pomme est sans amie.

Comme il fait froid dans cet automne !
Les jours sont courts ! Il va pleuvoir.
Comme on a peur au verger noir
Quand on est seule et qu'on est pomme.

Je n'en puis plus viens me cueillir,
Tu viens me cueillir Isabelle ?
Comme c'est triste de vieillir
Quand on est pomme et qu'on est belle.

Prends-moi doucement dans ta main,
Mais fais-moi vivre une journée,
Bien au chaud sur ta cheminée
Et tu me mangeras demain.

Géo Norge

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Au petit bonheur

Rien qu'un petit bonheur, Suzette,
Un petit bonheur qui se tait.
Le bleu du ciel est de la fête;
Rien qu'un petit bonheur secret.

Il monte ! C'est une alouette
Et puis voilà qu'il disparaît;
Le bleu du ciel est de la fête.
Il chante, il monte, il disparaît.

Mais si tu l'écoutes, Suzette,
Si dans tes paumes tu le prends
Comme un oiseau tombé des crêtes,
Petit bonheur deviendra grand.

Géo Norge

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Tout autre chose, avec ce texte en "langue verte", juste pour la "tortorelle", "zoziau" tout  "zouli" de la "purnelle". Une idée peut-être de création poétique sur les sonorités féminines.

Zoziaux

Amez bin li tortorelle,
Ce sont di zoziaux
Qui rocoulent por l’orelle
Di ronrons si biaux.

Tout zoulis de la purnelle,
Ce sont di zoziaux
Amoreux du bec, de l’aile,
Du flanc, du mousiau.

Rouketou, rouketoukou
Tourtourou torelle
Amez bin li roucoulou
De la tortorelle.

On dirou quand on l’ascoute
Au soleil d’aoûte
Que le bonhor, que l’amor
Vont dorer tozor.

Géo Norge ("La Langue verte", Œuvres poétiques - Seghers, 1978)

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Une chanson

Une chanson bonne à mâcher
Dure à la dent et douce au cœur.
Ma sœur, il faut pas te fâcher,
Ma sœur.

Une chanson bonne à mâcher
Quand il fait noir, quand il fait peur,
Comme à la lèvre du vacher,
La fleur.

Une chanson bonne à mâcher
Qui aurait le goût du bonheur,
Mon enfance, et de tes ruchers
L’odeur.

Géo Norge

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Paysage

Laisse ton pied dans le cresson,
Le joli cresson de fontaine,
Françoise ; ta jeune chanson
Sent le thym et la marjolaine,
Et je ne sais si tu le sais,
Mais un merle, un merle au buisson
T'écoute (et retient son haleine)
Pour mieux apprendre le français.

Géo Norge



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1 mars 2008

René de OBALDIA - le féminin en poésie

René de Obaldia, né en 1918 est toujours aussi actif et malicieux. Auteur de théâtre (Le Satyre de la Villette, Le Banquet des méduses, Du vent dans les branches de sassafras ...) et de romans (Tamerlan des coeurs, Le centenaire), il est membre de l'Académie française depuis 1999.

livre_innocentines

 "Innocentines" (1969 - collection "Les cahiers rouges" - Grasset) est un de ses quatre recueils de poésies, 8 € en librairie. (Photo : Lieucommun)
Le sous-titre annonce : "Poèmes pour les enfants et quelques adultes".
René de Obaldia y prend avec le langage et les situations, toutes les libertés, privant ainsi (pour notre plaisir quand même), les élèves de l'école élémentaire de l'accès à la plupart des textes.

Voici deux textes déjà présentés sur ce blog,  (en particulier dans la catégorie "l'humour des Poètes"), et quelques autres poèmes sur le thème du féminin (à venir).

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Dimanche

Charlotte
fait de la compote

Bertrand
suce des harengs

Cunégonde
se teint en blonde

Épaminondas
cire ses godasses

Thérèse
souffle sur la braise

Léon
peint des potirons

Brigitte
s'agite, s'agite

Adhémar
dit qu'il en a marre

La pendule
fabrique des virgules

Et moi dans tout cha ?
Et moi dans tout cha ?
Moi, ze ne bouze pas
Sur ma langue z'ai un chat

René de Obaldia

fille_verte_cr_ation__PP10Poèmes à la manière de "Dimanche" 

Document autour de ce texte, avec commentaires et exploitation ici à cette adresse :
http://www.gommeetgribouillages.fr/CP/Dimanche.pdf
(copier-coller dans votre navigateur, le lien s'ouvrira avec Acrobat Reader - fichier protégé en copie).

On choisira  en fonction des rimes recherchées, des prénoms féminins, pour le thème du Printemps 2010.

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Le texte qui suit est présenté pour la classe en version réduite :

Chez moi (extrait)

Chez moi, dit la petite fille
On élève un éléphant.
Le dimanche son oeil brille
Quand Papa le peint en blanc.

Chez moi, dit le petit garçon
On élève une tortue.
Elle chante des chansons
En latin et en laitue.

Chez moi, dit la petite fille
Notre vaisselle est en or,
Quand on mange des lentilles
On croit manger un trésor.

Chez moi, dit le petit garçon
Vit un empereur chinois.
Il dort sur le paillasson
Aussi bien qu’un Iroquois.

Iroquois ! dit la petite fille.
Tu veux te moquer de moi.
Si je trouve mon aiguille,
Je vais te piquer le doigt !

René de Obaldia (Innocentines")

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En voici la version intégrale, pour les grandes classes et les grands enfants adultes que nous sommes :

Chez moi

Chez moi, dit la petite fille
On élève un éléphant.
Le dimanche son œil brille
Quand papa le peint en blanc

Chez moi, dit le petit garçon
On élève une tortue.
Elle chante des chansons
En latin et en laitue.

Chez moi, dit la petite fille
Notre vaisselle est en or.
Quand on mange des lentilles
On croit manger un trésor.

Chez moi, dit le petit garçon
Nous avons une soupière
Qui vient tout droit de Soissons
Quand Clovis était notaire.

Chez moi, dit la petite fille
Ma grand-mère a cent mille ans.
Elle joue encore aux billes
Tout en se curant les dents.

Chez moi, dit le petit garçon
Mon grand-père a une barbe
Pleine pleine de pinsons
Qui empeste la rhubarbe.

Chez moi, dit la petite fille
Il y a trois cheminées
Et lorsque le feu pétille
On a chaud de trois côtés.

Chez moi, dit le petit garçon
Passe un train tous les minuits.
Au réveil mon caleçon
Est tout barbouillé de suie.

Chez moi, dit la petite fille
Le pape vient se confesser.
Il boit de la camomille
Une fois qu’on l’a fessé.

Chez moi, dit le petit garçon
Vit un Empereur chinois.
Il dort sur un paillasson
Aussi bien qu’un Iroquois.

Iroquois ! dit la petite fille
Tu veux te moquer de moi !
Si je trouve mon aiguille
Je vais te piquer le doigt !

Ce que c’est d’être une fille !
Répond le petit garçon.
Tu es bête comme une anguille
Bête comme un saucisson.

C’est moi qu’ai pris la Bastille
Quand t’étais dans les oignons.
Mais à une telle quille
Je n’en dirai pas plus long !

René de Obaldia (Innocentines")

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Grand'mère

Grand'mère
Se courbe toujours vers la terre
Et au début
Je me demandais ce qu'elle avait perdu ?

Mais elle n'a rien perdu du tout
Elle a plein de tours polissons
Et si elle plie comme ça les genoux
À les rentrer dans le menton
C'est pour mieux jouer à saute-mouton.

René de Obaldia ("Innocentines" - les Cahiers Rouges - Grasset 1969). 



1 mars 2008

Jean ORIZET - le féminin en poésie

Jean Orizet, né en 1937, est l'auteur de nombreux recueils et d'anthologies de poésie. C'est l'un des fondateurs de la revue Poésie 1, devenue Poésie1/Vagabondages (éditions le cherche midi), première revue de poésie distribuée en kiosques. Parmi les derniers livres parus de Jean Orizet : Une anthologie de la poésie amoureuse en France (Bartillat, janvier 2008) ; Anthologie de la Poésie Française (Larousse, 2007) ; L'attrapeur de rêves, roman poétique (Melis, 2006) ; et pour les enfants de 7 à 12 ans : Les plus beaux poèmes pour les enfants (le cherche midi, 1997, paru aussi en Livre de Poche, 2004)

À tes yeux ...

À tes yeux de surprise matinale
je veux m'étonner le premier

À tes lèvres de verveine
je veux boire encore ce rire ailé de gazelle

À tes cheveux de poivre blond
je veux renouveler ma soif

À ton ventre de jeune pêche
je veux attendre l'été mûrissant

Oreille contre cœur
Merveille pour merveille.

Jean Orizet ("Miroir oblique" - Librairie Saint-Germain-des-Prés, 1969)



1 mars 2008

Charles PÉGUY - le féminin en poésie

Charles Péguy (1873-1914) est un écrivain et un poète d'inspiration mystique.

Péguy a consacré à Jeanne d'Arc un drame en 3 parties (Domrémy, Les Batailles, Rouen) intitulé simplement "Jeanne d'Arc". En voici un extrait :

Jeanne d'Arc

Le soir est descendu sur la bataille humaine,
Les femmes de chez nous dorment dans les maisons,
Le soir est descendu sur la souffrance humaine ;

À présent il fait nuit pour le repos du monde,
Les femmes d'Orléans dorment dans les maisons,
Les soldats sont couchés pour le repos du monde,

Les soldats sont couchés pour le repos des blés.

Il fait nuit par le monde et sur toute souffrance,
Mais moi je suis enclose en la prison mauvaise,
En attendant la geôle infernale éternelle,
Et je suis toute seule enclose en la prison,
Seule avec ceux-là ...

Charles Péguy ("Jeanne d'Arc" - éditions Gallimard, 1897)



1 mars 2008

Benjamin PÉRET - le féminin en poésie

Benjamin Péret (1899-1959) est un poète français surréaliste ("Le Grand jeu", 1928). Membre actif du Mouvement Dada (voir Breton, Desnos, Tzara...), il est celui qui a le plus exploré et pratiqué l'écriture automatique. Révolutionnaire, contre toutes les institutions, il s'engage aux côtés des Républicains en 1936 pendant la guerre civile d'Espagne.
Sur sa tombe on peut lire cette épitaphe qui lui avait sans doute tenu lieu de règle de vie : "Je ne mange pas de ce pain-là.", titre d'un de ses recueils (1936).

 Allô

Mon avion en flammes mon château innondé de vin du Rhin
mon ghetto d'iris noir mon oreille de cristal
mon rocher dévalant la falaise pour écraser le garde champêtre
mon escargot d'opale mon moustique d'air
mon édredon de paradisiers ma chevelure d'écume noire
mon tombeau éclaté ma pluie de sauterelles rouges
mon île volante mon raisin de turquoise
ma collision d'autos folles et prudentes ma plate-bande sauvage
mon pistil de pissenlit projeté dans mon œil
mon oignon de tulipe dans le cerveau
ma gazelle égarée dans un cinéma des boulevards
ma cassette de soleil mon fruit de volcan
mon rire d'étang caché où vont se noyer les prophètes distraits
mon inondation de cassis mon papillon de morille
ma cascade bleue comme une lame de fond qui fait le printemps
mon revolver de corail dont la bouche m'attire comme l'œil d'un puits
scintillant
glacé comme le miroir où tu contemples la fuite des oiseaux-mouches
de ton regard perdu dans une exposition de blanc encadrèe de momies
je t'aime
 

Benjamin Péret ("Je Sublime", 1936)



1 mars 2008

Pierre PERRET - le féminin en poésie

Pierre PERRET (né en 1934) est un auteur compositeur interprète français.

Lily

On la trouvait plutôt jolie, Lily
Elle arrivait des Somalies Lily
Dans un bateau plein d'émigrés
Qui venaient tous de leur plein gré
Vider les poubelles à Paris

Elle croyait qu'on était égaux Lily
Au pays de Voltaire et d'Hugo Lily
Mais pour Debussy en revanche
Il faut deux noires pour une blanche
Ça fait un sacré distinguo

Elle aimait tant la liberté Lily
Elle rêvait de fraternité Lily
Un hôtelier rue Secrétan
Lui a précisé en arrivant
Qu'on ne recevait que des Blancs

Elle a déchargé des cageots Lily
Elle s'est tapé les sales boulots Lily
Elle crie pour vendre des choux-fleurs
Dans la rue ses frères de couleur
L'accompagnent au marteau-piqueur

Et quand on l'appelait Blanche-Neige Lily
Elle se laissait plus prendre au piège Lily
Elle trouvait ça très amusant
Même s'il fallait serrer les dents
Ils auraient été trop contents

Elle aima un beau blond frisé Lily
Qui était tout prêt à l'épouser Lily
Mais la belle-famille lui dit nous
Ne sommes pas racistes pour deux sous
Mais on veut pas de ça chez nous

Elle a essayé l'Amérique Lily
Ce grand pays démocratique Lily
Elle aurait pas cru sans le voir
Que la couleur du désespoir
Là-bas aussi ce fût le noir

Mais dans un meeting à Memphis Lily
Elle a vu Angela Davis Lily
Qui lui dit viens ma petite sœur
En s'unissant on a moins peur
Des loups qui guettent le trappeur

Et c'est pour conjurer sa peur Lily
Qu'elle lève aussi un poing rageur Lily
Au milieu de tous ces gugus
Qui foutent le feu aux autobus
Interdits aux gens de couleur

Mais dans ton combat quotidien Lily
Tu connaîtras un type bien Lily
Et l'enfant qui naîtra un jour
Aura la couleur de l'amour
Contre laquelle on ne peut rien

On la trouvait plutôt jolie, Lily
Elle arrivait des Somalies Lily
Dans un bateau plein d'émigrés
Qui venaient tous de leur plein gré
Vider les poubelles à Paris.

Pierre Perret (33 tours n° AD 39 522, enregistré en 1977 - ADELE)


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