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4 janvier 2009

Poètes d'OUTRE-MER - Les Seychelles

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Les Seychelles 

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carte_Seychelles

Les Seychelles, encore une destination touristique "les pieds dans l'eau", que les touristes en mal de sable fin et de soleil (et suffisamment fortunés), ne choisissent pas pour sa culture, ses traditions ni à fortiori sa littérature. L'archipel des Seychelles, à un millier de kilomètres au nord-est de Madagascar, dans l'Océan Indien occidental, compte une centaine d'îles (Mahé étant la plus importante), représentant un seul état : La République des Seychelles (en créole Repiblik Sesel) , depuis 1976.

Trois langues officielles aux Seychelles : le créole (seychellois), l'anglais, et le français, langue privilégiée des auteurs.

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Paul-Jean Toulet (1867-1920) n'est pas un poète seychellois, mais de passage à Mahé, en 1886, il a écrit ce poème, image convenue de l'île à cette époque - On retrouvera un autre texte de Toulet, cette fois sur l'Île Maurice dans cette même catégorie, et des poèmes de l'auteur sur le thème du paysage ici, toujours sur le blog : PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français :

Mahé (titre proposé)

Mahé des Seychelles, le soir :
Zette est sur son dimanche,
Et sous la mousseline blanche
Brille son mollet noir.

Les cases aux fraîches varangues
Bâillent le long des quais ;
Dans les branches d'un noir bosquet
Etincellent les mangues.

Tandis qu'en ses jardins fleuris
Mystérieuse et belle,
Rêve une pâle demoiselle
Aux chapeaux de Paris.

Paul-Jean Toulet, 1886 (publié dans "Contrerimes", 1921, et "Nouvelles contrerimes", 1936) 

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Antoine Abel (1834-2004) est le poète le plus célèbre de l'île. Il était natif de Mahé, l'île principale de l’archipel. Il publie en 1969 son premier recueil de poésie : "Paille en queue", puis des recueils de contes, dont "Contes et poèmes des Seychelles", en 2004. Il a également écrit des pièces de théâtre.   

Danses d'hier

J'entends encore les staccatos
Le prolongement des sons des tam-tams
Des tam-tams du temps jadis

Alors les collines s'enflamment
Dans la nuit sèche
Les pieds des danseurs
Se baignent dans la fine poussière
De latérite
Et leurs pas scandent sauvagement
Un rythme endiablé

J'entends encore les notes rapides
La voix étouffée du « commandeur »
Se modulant dans l'air tiède du soir.

Alors les échines s'arc-boutent
Les unes aux autres
Et les hanches roulent comme des houles
Les ventres des danseuses voluptueuses
Ondulent lascivement...
Et des voix confuses s'interpellent
Impudemment.

Je perçois toujours les staccatos
Les grondements des "grosses caisses"
Par delà les années de mon enfance ...
Je les porte en moi
Comme des stigmates.

Antoine Abel

 

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Magie Fauré-Vidot, devenue Maggie Vijay-Kumar, poète contemporaine, est née aux Seychelles. Elle écrit ses textes en français. On citera parmi ses écrits, deux recueils de poésie : “Un Grand Coeur Triste”(1983), et “L’Âme Errante” (2003).

Seul (début du poème)

Vent du large qui souffle sur les terres
Soulage les coeurs endoloris
Et ployant sous la souffrance et le pilori
Aide-les à sortir du sanctuaire !

Ouvre-leur toutes grandes tes voiles
Et abrite-les sous ton nuage
Apprends-leur docilement à être sages
Et sous leurs corps en feu tisse tes toiles.

[...]

Marie Fauré-Vidot 



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4 janvier 2009

Poètes d'OUTRE-MER- Saint-Barthélémy - Saint-Martin

Polynésie française - Saint-Barthélémy et Saint-Martin  

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carte_Saint_Barth_Saint_Martin

Saint-Barthélémy (ou Saint-Barth, pour les familiers et les touristes), et Saint-Martin, distantes d'une vingtaine de kilomètres, sont deux petites îles des Petites Antilles, au nord-ouest de la Guadeloupe.

Quand on débarque dans le port de Gustavia ou qu'on atterrit à l'aéroport Saint-Jean de Saint-Barth, on réalise combien d'efforts il faut faire (c'est la même chose à l'île Maurice, à Tahiti, en République Dominicaine, etc), pour sortir de la bulle touristique, qui protège le visiteur de la culture, et même de la vie quotidienne des autochtones. La plage de sable blanc vue du transat sur l'horizon bleu total, le buffet à volonté, et même la piscine pour les réfractaires à un Océan trop commun...
... alors la poésie ... en dehors des cartes postales et des formules répétées sur les coquillages de vitrine ...

 Jean-Marie Lédée, (1954-2009) est pourtant né à Saint Barthélemy. Mais comme la poésie ne paie pas, c'est à compte d'auteur qu"il a publié ses ouvrages, des romans et des recueils de poésie ("Réflexions d’un papivore illettré", essai poétique, en 2002, "Réalités utopiques" en 2005, et "Un nouveau souffle" en 2007), évidemment introuvables, même actuellement épuisés à La Case aux Livres, la librairie de Gustavia (la plus importante bourgade de l'île), au 9 de la rue de la République. Ajoutons qu"il est absent des anthologies, logique commerciale
Et voilà pourquoi on n'a pour le moment aucun texte de l'auteur à vous proposer. Mais on ne renonce pas ...
Si un lecteur de passage pouvait nous en confier un, de passage d'un poème ...

Au lendemain de la disparition de Jean-Marie Lédée, le poète martiniquais Raphaël Confiant (voir au paragraphe Martinique en page 1 de cette catégorie Outre-Mer) raconte sa rencontre avec l'auteur, et rapporte ce que Jean-Marie Lédée lui disait :
" [...] Un auteur saint-barth, ça ne fait pas sérieux aux yeux des éditeurs. A moins d’écrire un guide touristique, on ne vous lit pas, me dit-il un peu amer tout en me tendant le manuscrit de son sixième roman dans le secret espoir que je pourrais le faire publier. [...] Et sache aussi que nous, les St-Barth, on n’a rien à voir avec les Blancs-France. Ha-ha-ha ! D’ailleurs puisque tu dis vouloir revenir, évite surtout la haute saison, quand la baie de Gustavia est encombrée de yatchs de milliardaires. Ah, on ne crache pas sur cette manne ! Elle profite à beaucoup de St-Barth, mais on n’en devient pas pour autant milliardaires à notre tour [...]"
Raphaël Confiant précise : En fait, à St-Barth, deux mondes se côtoient. Celui des riches étrangers et le vrai, celui des natifs, des descendants de Bretons dont une partie parle le créole guadeloupéen et l’autre une manière de patois français, énigme linguistique qui, à ma connaissance, n’a pas été résolue à ce jour.
 [...] Son  écriture appliquée  [l'écriture de Jean-Marie Lédée], faite de pleins et de déliés, me rappelle celle que nous forçait à adopter, à coups de baguette sur la pointe des doigts, nos maîtres d’école dans les années 50-60. Cette écriture me parlera toujours de celui qui devint, en peu de jours, un ami-frère.
Nous nous connaissions par téléphone depuis des lustres et voici que nous nous rencontrions de visu et que nous nous découvrions des goûts communs dans pas mal de domaines [...] .
Je ne doute pas que les proches amis de Jean-Marie Lédée s’emploieront à faire vivre sa mémoire et surtout à republier ses livres, lui, l’écrivain de son île heureuse. J’espère que la Collectivité de St-Barth ne se contentera pas de baptiser une rue de son nom. En Martinique, il existe des rues, voire des écoles, Vincent Placoly ou Xavier Orville, mais les ouvrages de ces deux éminents auteurs sont introuvables en librairie ! Et cela depuis des années…"

texte attendu, mais rien à l'horizon de Saint-Barth pour le moment ... on guette

Jean-Marie Lédée (à venir)

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Georges Cocks dont le nom fait songer à celui d'un vieil aventurier explorateur, est un jeune poète, puisqu'il est né en 1975 sur l'île de Saint-Martin (qu'il quitte à 6 ans pour la sœur Guadeloupe voisine). Après un premier ouvrage, "Kala-Pani" (Comédie théâtrale dramatique), écrit en 2003 mais édité seulement en 2009, il publie "Lettres et Aquarelles"  en décembre 2010, ouvrage de poésies illustrées, comme son nom l'indique. Autres ouvrages : en janvier 2010 "Carnet de route - Voyage en Afrique", et en juin 2010 "Souvenirs d'antan de la Guadeloupe". On retrouve sur son site des éléments de bio et de bibliographie, ainsi que les deux premiers poèmes qui suivent. Le troisième, Éléphants du Sanaga, est directement emprunté au recueil référencé :  

Les barques amoureuses
 
Couchées, à l’ombre d’une cocoteraie sur le sable blanc ;
David et Marie font bronzer leur teint chatoyant,
Nues, elles se plaisent dans ce petit paradis des Saintes,
Triste quand même, de ne pas pouvoir s’offrir une étreinte.

Souvent séparée entre deux mers, loin de leur nid d’amour,
Un petit poisson volant les rassure, tour à tour;
Chaque jour, quand il saute par-dessus la ligne d’horizon,
Il risque de retomber entre deux gigantesques fanons.

Chaque jour, quand elles rentrent, toutes dégoulinantes de sueur,
Elles admirent à travers les palmes, le mélange des couleurs,
Un feu d’artifice, comme une parade nuptiale,
Un couchant radieux, où les grillons ouvrent déjà le bal.

Georges Cocks ("Lettres et Aquarelles", éditions "Books on demand", décembre 2010) - 29 €, en édition limitée, et n'oubliez pas que le prix du livre est fixe)

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Le rêve bleu
 
Le soleil se lève, il faut scruter l’horizon,
La radio, sans cesse épie les conversations,
Mais rien, juste un poisson frit pris dans les antennes,
Un grésillement, qui laisse la chance incertaine.

A chaque bruit de moteur le rideau est tiré,
Sous la bâche bleue on ne peut plus respirer,
Dieu, lui, ferme les yeux, mais les pilotes eux,
Accrochés au manche et la radio, passent aux aveux.

Il suffit d’une lame, et le rêve bleu,
Comme une ancre sans chaîne ne peut,
Trouver mieux que le fond de l’océan
Pour s’écraser rapidement et rouiller lentement.

Terre en vue ! Mais le ciel ne sera pas clément,
Ils viennent tous de perdre leur argent,
Des femmes avec leurs enfants se jettent à la mer,
Elles préfèrent mourir, que retourner à la misère.

Il fallait tenter le coup, même si le rafiot est vieux,
Dans ces cas là, la chance est souvent un destin malicieux,
Un bateau, chargé à craquer, prêt à couler,
Des hommes, toujours prisonniers
D’un rêve qui ne cesse de les tourmenter.

Georges Cocks ("Carnet de route - Voyage en Afrique", éditions "Books on demand", janvier 2010), à se procurer auprès de l'auteur, à l'adresse du site indiquée plus haut, ou en le commandant chez votre libraire - 13 € - n'oubliez pas que le prix du livre est fixe !

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Éléphants du Sanaga
 
Au bord du fleuve Sanaga,
Un éléphanteau et sa mère
Ressentent aussi la misère,
Même si à l'orée du bois
Ils viennent brouter quelques feuilles
Et vont boire à cette eau grisâtre.

De deux ils passent à quatre,
Le troupeau se tient en éveil,
Mais à cette période de l'année
L'eau est aussi rare que l'or,
La sécheresse a tout balayé !
C'est la canicule dehors.

Georges Cocks ("Carnet de route - Voyage en Afrique")



4 janvier 2009

Poètes d'OUTRE-MER - Nouvelle-Calédonie

Poètes d'Outre-mer

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Océanie - Nouvelle Calédonie 

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caledonie

La Nouvelle-Calédonie, archipel d'Océanie, ancienne colonie française, a acquis un statut d'autonomie, et selon les accords de Nouméa négociés en 1998, un référendum doit décider, à partir de 2014, de son indépendance ou de son maintien dans la République française.

 Les kanak (en français canaques) sont les Mélanésiens autochtones. Le mot "kanak", invariable, signifie "homme".
 
La langue officielle est le français, mais ils parlent de nombreuses langues locales indigènes (dont le drehu, dans les Îles Loyauté), la plupart étant des langues orales.
 
Le drehu possède aujourd'hui une écriture et une grammaire et est enseigné à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales. On peut écouter ici un récit en drehu, une des langues kanak parlées en Nouvelle-Calédonie (à Ouvéa).

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Voir plus haut Walis et Futuna

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Déwé Gorodey, née en 1949 est une écrivaine kanak. Elle occupe des fonctions importantes dans le gouvernement Calédonien.

Araucaria

Araucaria
pin colonnaire*
qui troue le ciel de mon pays
de son tronc s'étirant
vers les souvenirs inavoués
de mon peuple humilié
réfugié dans le ciel des prières

pour oublier

Araucaria
arbre à palabres
de clans et tribus trahis
sur cette terre qui est leur
leurs paroles figées
dans ta dure résine solide
je les dirai en face car je ne veux

PAS OUBLIER

Je les écrirai
là où je le pourrai
du mieux que je le pourrai
ici et maintenant car

j'ai beau chercher
la nuit le jour
je ne vois rien d'autre dans le ciel que
pour éclairer ma mémoire

Le pin colonnaire, comme son nom l'indique, est un arbre qui pousse tout en hauteur et qui peut s'élever jusqu'à 50 m.
Dewe Gorodey ("Sous les Cendres des Conques", 1974)

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Le passage ci-dessous est emprunté ici : http://www.ac-noumea.nc/histoire-geo/progexam/doc/placeteroledelafemme.pdf

Utê Mûrûnû, petite fleur de cocotier

Peut-être est-ce depuis ce temps là que, parfois, seule aux champs, j’entends les voix de la Terre. Ces voix de la Terre, enseignait donc ma grand-mère Utê Mûrûnû, n’étaient autres que celles de la mère, celle de la femme. Et elles s’adressaient en premier lieu à nous les femmes qui, mieux que personne, pouvions les comprendre. Porteuses de semences, nous étions lardées d’interdits, marquées de tabous comme autant de pierres pour obstruer la vie. [..] Ädi, perles noires du mariage coutumier, nous étions échangées comme autant de poteries scellant une alliance entre deux guerres. Voies et pistes inter claniques, nous survivions tant bien que mal à nos enfances et à nos pubertés trop souvent violées par des vieillards… »

Peu après le retour à la terre de notre grand-mère Utê Mûrûnû, qui s’éteignit au tout début de ce siècle, nos pères et nos grands-pères m’accompagnèrent chez nos utérins de l’autre coté, pour m’offrir à l’un de nos vieux cousins, polygame dont je devins alors la plus jeune des femmes. [….] J’étais à peine pubère et aucun garçon ne m’avait approchée. Les grands-mères, tantes et soeurs aînées qui étaient là, les premières épouses, se chargèrent de parfaire mon éducation. […] Les unes et les autres me nourrissaient, m’épouillaient, me soignaient. Les unes et les autres m’ordonnaient les tâches quotidiennes, m’emmenaient aux champs, m’initiaient au tissage et à la vannerie, m’apprenaient les récits du clan, les chants et les danses de femmes. Ce fut la plus vieille d’entre elles […] qui m’accompagna au fil des nuits dans la case de notre grand cousin.

Déwé Gorodey ("Utê Mûrûnû, petite fleur de cocotier" -  Grain de sable, EDIPOP, 1994)

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Voici une chanson traditionnelle et sa traduction, empruntées à cette adresse (où on peut même l'écouter) :

http://www.mamalisa.com/fr/nouvellecaledonie.html

Vaka seke ifo (Le bateau est arrivé)

A fia fi e malino de tai
Touy foki o kilo polo aki
Denei de vaka e seke ifo
Fola ou inaghe

Taou imou kilo foki moa mai
O kitea dogou mata gode taghi
Denei de vata e seke ifo
Fola ou inaghe

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 (traduction)

Le bateau est arrivé

Un soir, la mer est calme
En regardant, je m'en vais
Voilà, le bateau est arrivé
A bientôt et au revoir.

Les amoureux regardent l'océan.
Regarde mes yeux, ils sont en larmes
Voilà, le bateau est arrivé
A bientôt et au revoir

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Wanir Wélépane est un poète et homme d'église (pasteur) calédonien kanak, né en 1941. Son prénom "Wanir" signifie "petite lumière" en kanak.
Il est l'auteur du recueil de textes multilingues "Aux vents des îles", accompagnés de photographies de Marie-Jacqueline Begueu (édité par l'Agence de développement de la culture kanak en 1993).

Kwènyii
Wêê
Numèè
Caac
Le mât est planté sur la terre
Dans l'aire de danse
Pour annoncer au peuple la danse sacrée
Prenez vos conques
Soufflez sur les montagnes
Soufflez sur les airs
Soufflez dans les forêts
Et dans les vallées
Pour appeler tout le monde
A danser la danse de la terre.

Wanir Wélépane, (texte emprunté à l'anthologie "Le français est un poème qui voyage" - Éditions Rue du Monde, 2006)

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Les textes qui suivent sont empruntés (avec gratitude) à cette adresse :

http://lemouton.canalblog.com/archives/livres__poesie__bd___/index.html

Nicolas Kurtovitch est né en 1955 à Nouméa.

Contempler le ciel

Contempler la mer éternelle
C'est comme être transporté
D'un seul vol
Au-dessus d'une vallée
Mystérieuse et embrumée.

Le regard se perd
À attendre un signe de vie,
Comme un appel d'en bas
Qu'il est possible de vivre.

Le brouillard la plume la pluie
Peut-être les nuages cachent
L'herbe épaisse.

Nos pas étouffent ceux d'un
Rôdeur joyeux et malin
Venu subrepticement
Ouvrir les portes et les toits.

Qu'entre le vent et ressortent
Les âmes des morts.

Seuls les vivants restent en bas

Contempler le ciel est comme
Vivre l'éternité.

Nicolas Kurtovitch ("L'arme qui me fera vaincre" - Éditions Vent du Sud, 1989

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Jean Mariotti (1901-1975) est un poète de Nouvelle-Calédonie.

Ce texte est extrait d'un poème d'exil.

Nostalgie

 

Quand l’âcre odeur du soir,
De la ville mouillée, monte aux toits de Décembre
(...)
Quand la bise aigre, rasant les murs, se rue avec furie
Transportant en longs couloirs
Les senteurs rances
De Paris qui fricotte la tambouille du soir,
Je songe à mon Océanie.

 

Mon regret vain s’égrène
Du corail caressé par la houle câline
A la senteur si douce
De la brousse violente
Et je crois voir alors,
Perçant les brumes sales
Crevant l’horizon lourd
D’un paysage aux perspectives lentes,
Je crois voir dans le soir
Monter le ciel si clair de mon île natale,
Ciel où l’océan navigue. Irréel concave
Serti de corail. Étincelle
En dérive sous les feux du soleil.

Cette lumière,
Par lambeaux brûle mon cœur gris
Sans le réchauffer
Car je sais, oui, je sens
Puisque, tout ensemble,
Je vois le soleil de midi et
la Croix
du Sud* étincelante,
Je sens que c’est un rêve qui me tourmente,
Que c’est Décembre
Et
Que je suis à Paris.

*La Croix du Sud est une constellation qu'on ne peut voir que dans l'hémisphère sud
Jean Mariotti

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 Pierre Wakaw Gope est né en 1966.

Au rythme du bambou

Eau fluide
Long silence
Nuit creusée
D’un son lourd
Tumulte
Rage
Sourde
Mêlée
Sur la voix du bambou
Le danseur s’élance
Et sa joie relie
La forêt le vent les esprits la Lune
La terre tremble
Clameur
La terre tremble
Poussière de soie
Le danseur s’élance
Soulève
La forêt le vent les esprits la Lune
Et les mêle
            ivre
                   à sa joie

Pierre Wakaw Gope ("S'ouvrir" - éditions L'Herbier de Feu, 1999)

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Denis Pourawa est né en 1974 à Nouméa. On citera le recueil "Téâ Kanaké : l'homme aux cinq vies"  ; "Entre voir, les mots des murs" ; et le dernier en date : "La Tarodière".

Les  extraits de poèmes de l'ouvrage référencé : "Entre voir, les mots des murs" ont été empruntés à cette indispensable adresse déjà sollicitée (copiez-collez le lien) : http://www.lehman.cuny.edu/ile.en.ile/paroles/pourawa_entrevoir.html

Témoin
Chacun l'a vécue
Une histoire de terre revendiquée
De rêve désemparé
D'habitation carbonisée
D'effort blessé

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Rosée du chemin
Quand tu lèches le grand matin
Gonfle nos vies entre tes mains
Nous t'aimons libre
Rosée du chemin
Sans cesse tu renais
Dans la magie d'un monde aîné
Amour et longue nuit
Xwi xwâî rè ngêê pa dopua
Kè va fa xëtë têpe rè nèjâârèköö
Mè ngêê nöö va xwèrii rö
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Crache ton venin sur ces murs de béton
Frappe du poing et que gicle ton sang
Tiens-toi debout, à genoux sur ton ombre
Respecte le danger et ne souffre jamais
Le premier respire avec dignité
Le second renifle sa fierté
Le troisième cherche
Trouve
Chaussure à son pied
Dans cette terre plus qu'ailleurs
Respecte et ne doute jamais.

Denis Pourawa (extraits de l'ouvrage "Entre voir : les mots des murs" - poèmes accompagnés de photographies de Tokiko - L'Herbier de feu - Grain de sable, 2006)

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L'île de Tiga (Toka Nod) est réputée en Nouvelle-Calédonie pour la qualité de ses chants et de ses danses traditionnels :

Berceuse de la chenille (comptine chantée)

Chenille, chenille,
Si tu vas à la mer,
Si tu reviens encore,
Ferme, ferme de tes doigts
Les deux yeux de bébé.

Le sommeil te mange les yeux.
Dors, petit.

Anonyme - Toka Nod (île de Tiga, Nouvelle-Calédonie)

Texte original :

Wa’eni wa’eni
Thahue ricele
Thahue lo yawe
Cani cani lu ore rue
Vaegogo ni wamoro

Mere Kweremeu
Nikwêrê miaro.


 

 

4 janvier 2009

Poètes d'OUTRE-MER - Terres Australes et Antarctiques françaises

Poètes d'Outre-mer

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Terres Australes et Antarctiques françaises 

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taaf

Les Terres Australes et Antarctiques françaises, comprennent des îles situées au sud de l'océan Indien : les îles Kerguelen (volcaniques), les îles Crozet (classées réserve naturelle,dont la faune est protégée), ces deux régions étant essentiellement occupées par des stations scientifiques d'observation. deux autres îles dans la même région : les îles Saint-Paul (quelques îlots pour la plupart dans le canal du Mozambique) et l'île d'Amsterdam, en Terre-Adélie, toutes deux volcaniques, sans habitants résidents, mais où se sont également implantées des bases scientifiques.

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On trouvera des poèmes sur les paysages régions froides désertiques d'auteurs français en fouillant dans la catégorie PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français ou en traduction dans la catégorie  PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES - traductions (Canada, Inuits en particulier).
Voir aussi le poème "La vallée blanche", de Kenneth White, en bas de page de la catégorie PRINT POÈTES 11 : Butor Depestre Velter White



4 janvier 2009

Poètes d'OUTRE-MER - Polynésie française

Poètes d'Outre-mer

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Polynésie française

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polynesie

La Polynésie française comprend environ 120 îles, d’origine volcanique ou corallienne, dispersées sur une étendue comparable à celle du continent européen.
Cinq archipels comprennent ces territoires :

  • L’archipel des Îles de la Société, où se trouvent les Iles du Vent (Tahiti, la plus peuplée, avec Papeete pour capitale, Moorea et Tetiaroa) et les Iles Sous le Vent (Raiatea, Tahaa, Huahine, Bora Bora et Maupiti).
  • L’archipel des Marquises, qui comprend une douzaine d’îles.
  • L’archipel des Australes, L’archipel des Tuamotu, et L’archipel des Gambier.

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C'est aux Marquises, l'île définitive de Paul Gauguin, que Jacques Brel a décidé de finir ses jours (voir le texte 'Les Marquises" dans la catégorie PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français).

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Leconte de Lisle, qui a aussi "chanté" l'île de La Réunion, et Victor Segalen, célèbres poètes français, ont écrit sur la Polynésie, en particulier sur Tahiti, l'île-phare, le joyau revendiqué de l'archipel. On trouvera à leur paragraphe quelques textes sur le thème du paysage dans la catégorie  PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Henri Hiro  (1944-1990) est né à Huahine, l'une des îles Sous-le-Vent, qui font partie de l'archipel des îles de la Société. C'est un écrivain, poète, dramaturge et cinéaste, en révolte contre le colonialisme et l'exploitation des ressources locales, revendiquant une identité polynésienne.
"Figure emblématique de la Polynésie, Henri Hiro a essayé de lutter toute sa vie pour la sauvegarde ainsi que la réhabilitation de  la culture ma’ohi, et en a revalorisé les fondements identitaires dissipés." (site http://www.hiroa.pf)

Un poème en forme de fable :

Le pêcheur de la nuit

Le paresseux se remarque entre tous
Les nuits poissonneuses, il ne s’en soucie guère,
La nuit sans poisson, c’est tout ce qu’il désire.
Chasser les mouches, c’est là ce qui l’occupe,
Pêcheur de la pêche des autres,
c’est son métier,
profiter de la  moisson d’autrui.

Le courageux se démarque de tous,
Les nuits poissonneuses sont
son spectacle favori,
et les nuits sans poisson, il les met en attente.
Réparer son filet, c’est son travail,
conserver son poisson dans un vivier
c’est son métier,
profiter de sa propre moisson.

Le soir de la première nuit de Taaroa,
nos deux  hommes se distinguent.
Il y a l’homme des ténèbres
et l’homme civilisé.

Henri Hiro ("Message Poétique", Éditions Haere Po, 1990)

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Sur le site des éditions Haere Po cet extrait d'un des poèmes du recueil cité, bilingue.
"Pour assurer la continuité [culturelle], il faut que le Polynésien se mette à écrire… il doit écrire et ainsi s’exprimer, peu importe que ce soit en reo ma’ohi, en français ou en anglais, l’important est qu’il s’exprime."  (Henri Hiro)

Qu’en sera-t-il ? […]

Ceci est une prière !
Oh, l’amour de mon pays,
dont le flot sans relâche a baigné ma jeunesse
en son âge le plus tendre !
Qu’il oigne encore mon corps tout mortel,
Et vive cet amour !
Vive ! Vive ! Vive encore et toujours !
Qu’il vive et abreuve ma terre natale,
Pour que fleurissent en leur essaim
Les enfants de ce sol,
enfants de mon pays.

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traduction

E aha atu ra ?
[…]
Eiaha na pai !
Te here o to u aia i tavai ia u mai te hii mai i apiti
mai i to u nei tino tahuti.
E, ia vai a, e ia vai a !
E, ia vai a, e ia vai noa atu a !
Ei para haamaitai i to u aia tumu,
ia ruperupe, e ia hotu te huaai,
no to u nei aia.

Henri Hiro ("Message Poétique", Éditions Haere Po, 1990)

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Bobby Holcomb  (1944-1991) était natif d'Hawaï (Hawaï est un État des États-Unis situé dans l'océan Pacifique, à environ 3 900 kilomètres au sud-ouest de San Francisco). Il s'est installé en 1976 à Huahine, cette île qui a vu naître Henri Hiro (ci-dessus). Il adopte la langue et la culture tahitiennes, et est considéré comme un des artistes majeurs de la Polynésie. C'est un auteur-compositeur-interprète, de style reggae, et un peintre.

Trois chansons, dont la première en anglais et en tahitien, sans traduction. Les textes et leurs traductions (la traduction de la dernière chanson a été adaptée par lieucommun) sont empruntés au site http://www.polynesiepassion.net/   :

My island home

Six Years I've lived in the desert


And every night I dream of the sea

They say home is where you find it

But this place ever satisfy me.

E ono matahiti i te faeara'a

I roto i te mete para

 Teie ta'u vahi horo'a hia

E vahi ra, aura'a ore.

Chorus :

 To'u fenua

To'u fenua ti'ai mai ia'u

My island home

My island home is awaiting for me.

For I come from the saltwater people

We always lived by the sea

Now I'm out here west of Alice Springs

With a wife and a family.

E tama ho'i au no te miti

Ua ora ho'i te reira vahi

Faaea nei au i nia moua

E ta'u vahine, e ta'u tamarii.
(Chorus)

In the evening the dry winds blow

From the hills and across the plains

I close my eyes and I'm standing
In a boat on the sea again.

Tape'a atu vau ta'u omore

Mana'o atu ra vau

 Ua ora ho'i au

 To'u fenua ti'ai mai ia'u.
(Chorus)

Bobby Holcomb

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Ancêtre

La mer est là.
Chacun peut y pêcher
La terre est là
Chacun peut la cultiver
Ma'ohi tu ne
Mourras jamais de faim.
Ancêtre, ancêtre, ê
Dans les îles
Tes enfants préservent
Ton mode de vie.
Mais hélas
Nous vivons une époque nouvelle
L'époque de la facilité
Où la parole peut tout réaliser
Mais cela n'est qu'apparence
Ma'ohi
Tu es pris au piège.
Ancêtre, ancêtre, ê
Ne t'inquiète pas
Tes enfants respecteront
Ton oeuvre.
Mais...
Où est le temps
De l'abondance
Et des bienfaits que
Nous donnait la nature
Tout périt peu à peu.
Ancêtre, ancêtre, ê
Il semble que, lentement
La nature veuille reprendre
Tous ses dons.

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Tupuna Tupuna e

Val noa ra te tai
Taata tana tautai
Val roa ra te fenua
Taata tana faapu
Maohi e aore hoi oe
E pohe ! te poia.
Tupuna Tupuna e
Na te mau motu
Aupuru noa ra to hua'ai
To oe oraraa (Tahito).
E inaha...
Tau api teie o
Te tau o te ohie
Tao'a parau noa
Te faahiahia ra'a
Maohi e ua roohia oe
E te maramarama.
Tupuna Tupuna e
A tia noa atura
Faatura noa ra to hua'ai
Ta oe ! ha'a mai.
Are'a ra...
Tei hea atura ra
Te mau tau auhune
Te mau faufa'a rahi.
Ta te Natura
E horo'a nei, aue ho'i e
Te mau rii rii noa atura
Tupuna Tupuna e
Mai te mea atura
Te rave rii maru noa atura
Ta natura i tona mau maitai. 
 

Bobby Holcomb (traduction présentée sur le site

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Orio te atua

Vahine no te moana
Tautai rava’i
Tape’a ta’oe ofe
Hi’o 'oe na te a’au
Orio atua vahine
Orio, Orio e
A ho’i mai uta nei
Afai mai te faufa’a
No te moana nui e
No te moana nui e
Orio te atua
Tane no te moana
Ohopu e te a’ahi
Tape’a ta’oe ofe
Hi’o 'oe i tua
Orio atua tana
No te moana nui e
No Maeva nui e
Orio te atua
Vahine no te moana
Tautai rava’i
Orio te atua
Tane no te moana
Ohopu e te a’ahi
Orio, Orio e
A ho’i mai uta nei
Afai mai te faufa’a
No Maeva nui e

Bobby Holcomb

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Orio est le dieu polynésien, ici parfois appelé déesse, de la mer et de ses ressources. Maeva, qui signifie "bienvenue" en tahitien, vient du canaque, langue Néo-Calédonienne. Il semble que le poète appelle la mer de ce nom, Maeva   :

Orio

Orio, dieu de la mer
Orio, déesse de la mer
pêcheur
maintiens ta canne de bambou
tu pêches sur le récif

Orio, dieu de la mer
Orio, déesse de la mer
reviens au rivage
apporte des richesses
de la mer profonde

de la mer profonde

Orio, dieu
de la mer
de la bonite et du thon
maintiens ta canne de bambou
tu pêches au large

Orio, dieu
de la mer profonde
de la grande Maeva
Orio, dieu de la mer
Orio, déesse de la mer
pêcheur

Orio, dieu
de la mer
de la bonite et du thon
reviens au rivage
apporte des richesses
de la grande Maeva

Bobby Holcomb - L'adaptation en français de cette chanson est proposée par lieucommun



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2 janvier 2009

PRINT POÈTES 2011 : PAYSAGES -textes traduits en français - sommaire

 sens_interdit_sourire_et_tristeLes textes publiés n'ont pas tous fait l'objet d'une demande d' autorisation.
  Les ayants droit peuvent nous en demander le retrait. 


paysage_palette_3"d'infinis paysages"

"Exprimer les liens profonds qui unissent l'homme à la nature, les célébrer ou les interroger est un des traits les plus constants de la poésie universelle. Mers et montagnes, îles et rivages, forêts et rivières, ciels, vents, soleils, déserts et collines, la plupart des poèmes porte comme un arrière-pays la mémoire des paysages vécus et traversés.
Se reconnaître ainsi tributaire des infinis visages du monde, c'est sans doute, comme le voulait Hölderlin, habiter en poète sur la terre".

Jean-Pierre Siméon, directeur artistique du Printemps des Poètes

Dans cette page et les suivantes,
des textes d'auteurs d'autres langues,
traduits en français

  Quelques pistes pour la création poétique accompagnent les textes
Beaucoup d'autres sont rangées dans les catégories précédentes
du Printemps des Poètes, et en particulier
>> PRINT POÈTES 2009 : L'HUMOUR des poètes

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SOMMAIRE

par noms d'auteurs ( les pages ne correspondent pas encore)

auteurs traduits en langue française
contenu et rangement en cours

Textes traduits : France, langues régionales
Textes traduits : Europe
Textes traduits : Afrique
Textes traduits : Asie
Textes traduits : Amérique
Textes traduits : Océanie
Textes traduits : régions arctiques 

 page 1 : 

Langues régionales de France 

Bretagne - Anjela Duval, Jean-Pierre Calloc'h ; Xavier Grall ; Gilles Servat ; Glenmor ; Manu Lann Huel
langue d'Oc / Occitanie - Max Rouquette ; Alan Pelhon ; Louisa Paulin ; Jean Boudou ou Joan Bodon
langue d'Oc / Provence - Frédéric Mistral, Sextius Michel
Pays basque/ Jean-Baptiste Elissamburu 
Alsace / Claude Vigée, Nathan Katz 
Nord, Picardie / Jules Mousseron ; Pierre Garnier ; Ilse Garnier

Langues d'Europe 

allemand / Autriche : Rainer Maria Rilke ; Allemagne : Paul Celan ; Hermann Hesse
anglais / Irlande : Samuel Beckett ; William Butler Yeats ; James Joyce ; Thomas Moore ; Angleterre : Percy Bysshe Shelley ; Pays de Galles : Dylan Thomas
 

page 2 :

langues d'Europe (suite)

espagnol / José Agustín Goytisolo ; Antonio Machado ; José Ángel Valente ; Federico García Lorca
italien / Cesare Pavese
portugais / Fernando Pessoa

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2 janvier 2009

BRETAGNE- Anjela Duval, Jean-Pierre Calloc'h, Xavier Grall - Langues régionales -

Paysages d'Europe

Bretagne

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Xavier Grall est présenté dans cette page, mais on trouvera de nombreux autres poètes bretons d'expression française (Guillevic par exemple) dans la catégorie PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

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Anjela Duval (1905-1981) n'a pas un nom à consonance celte, certes, mais ...
"Anjela Duval est cette femme qui pendant le jour cultive la terre de sa petite ferme, Traoñ an Dour, et qui le soir sort ses cahiers et écrit des poèmes, devenus parmi les plus aimés de la langue bretonne. Le breton est sa langue de tous les jours, et elle a appris la langue littéraire, qu'elle enrichit de ses mots, de sa sensibilité. Ses poèmes révèlent son amour lucide de la nature, sa rage contre le déclin organisé du breton, ses angoisses, son humour..."
source : http://www.breizh.net/anjela/barzhonegou.php ou on trouvera ses poèmes en breton et certains traduits en français.

Un poème, traduit par Paol Keineg (comme tous les textes à l'adresse ci-dessus) :

La feuille

Des deux côtés du Léguer noir
Les rangs de peupliers minces
Jettent au ciel leurs mâts droits.
De-ci de-là un frêne :
Tulle vert qui tremble dans les souffles.
La surface tranquille de l’eau : miroir clair
Qui renvoie l’image :
Moutons d’un blanc exquis dans le ciel bleu
Et arc-de-triomphe des grands arbres.
Face à face de l’abîme et de l’espace.

Une feuille rousse tombe de l’espace.
Une feuille rousse sort de l’abîme.
À la même vitesse : lentes, de biais
Toutes deux de même taille, même couleur
L’une descend doucement de biais
L’autre monte doucement de biais
À la surface tranquille de l’eau elles se baisent
Il ne reste plus qu’une feuille
Qui s’obstine, paisible, à s’en aller
au fil de son destin.

Anjela Duval (automne 1963)

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Dans le bois
   
Sur le tapis mou du bois
Avancer à pas de velours
S’asseoir à votre pied
Dans le clair-obscur et le silence.
Loin des querelles du monde.
Écouter le bruissement de votre feuillage…
Et caresser alternativement
De la main et de l’œil…
Vous appeler à voix basse
Par vos noms merveilleux :
Chêne blanc. Tremble
Érable. Charme
Bourdaine. Osier. Bouleau blanc
Mes mille amis muets ! ...
 

Anjela Duval (décembre 1967)


Jean-Pierre Calloc'h, (Yann-Ber Kalloc'h en breton), est un barde. Il publie ses poèmes sous le pseudonyme de Pen men (Tête de pierre) puis de Bleimor (loup de mer). source : http://calloch.jp.free.fr/Pages/fspoete.htm

Le poème qui suit, Me zo ganet e-kreiz ar mor a été mis en musique  par Jef Le Penven et est devenu une chanson traditionnelle bretonne :

Me zo ganet é kreiz er mor
(trois premières strophes)

Me zo ganet é kreiz er mor
Tèr lèu ér méz;
Un tiig gwenn duhont em-es,
Er benal 'gresk etal en nor
Hag el lann e hol en anvez.
Me zo ganet é kreiz er mor,
E bro Arvor

Me zad e oé, èl é dadeu,
Ur matelod;
Béùet en-des kuh ha diglod
- Er peur ne gan dén é glodeu -
Bamdé-bamnoz ar er mor blod.
Me zad e oé, el e dadeu,
Stleijour-rouédeu.

Me mamm eùé e laboura
- Ha gwenn hé blèu -;
Geti, en hwéz ar on taleu,
Disket em-es bihannig tra,
Médein ha tennein avaleu.
Me mamm eùè e laboura
D'hounid bara...

[...]

----- (traduction) -----

Je suis né au milieu de la mer

Je suis né au milieu de la mer
Trois lieues au large;
J'ai une petite maison blanche là-bas,
Le genêt croît près de la porte,
Et la lande couvre les alentours.
Je suis né au milieu de la mer,
Au pays d' Armor.

Mon père était comme ses pères
Un matelot.
Il a vécu obscur et sans gloire,
- Le pauvre, personne ne chante ses gloires -
Tous les jours, toutes les nuits sur la mer souple
Mon père était comme ses pères,
Traîneur de filets.

Ma mère aussi travaille,
- Malgré ses cheveux blancs -;
Avec elle, la sueur à nos fronts,
J'ai appris, tout petit,
A moissonner et à arracher les pommes de terre;
Ma mère aussi travaille
Pour gagner du pain ...

[...]

Jean Pierre Calloc'h  ("Ar en deulin", Paris 1914) - extrait de "Prière dans les ténèbres", (recueil "A genoux", Paris 1914)


On range ici, bien qu'il soit journaliste et poète breton d'expression française, Xavier Grall (1930-1981), qui revendique son identité bretonne. Sa poésie est toute entière de roc, de lande et d'océan, et d'humanité :

Allez dire à la ville

Terre dure de dunes et de pluies
c'est ici que je loge
cherchez, vous ne me trouverez pas
c'est ici, c'est ici que les lézards
réinventent les menhirs
c'est ici que je m'invente
j'ai l'âge des légendes
j'ai deux mille ans
vous ne pouvez pas me connaître
je demeure dans la voix des bardes
0 rebelles, mes frères
dans les mares les méduses assassinent les algues
on ne s'invente jamais qu'au fond des querelles

Allez dire à la ville
que je ne reviendrai pas
dans mes racines je demeure
Allez dire à la ville qu'à Raguénuès et Kersidan
la mer conteste la rive
que les chardons accrochent la chair des enfants
que l'auroch bleu des marées
défonce le front des brandes

Allez dire à la ville
que c'est ici que je perdure
roulé aux temps anciens
des misaines et des haubans
Allez dire à la ville
que je ne reviendrai pas

Poètes et forbans ont même masure
les chaumes sont pleins de trésors et de rats
on ne reçoit ici que ceux qui sont en règle avec leur âme sans l'être avec la loi
les amis des grands vents
et les oiseaux perdus
Allez dire la ville
que je ne reviendrai pas

Terre dure de dunes et de pluies
pierres levées sur l'épiphanie des maïs
chemins tordus comme des croix
Cornouaille
tous les chemins vont à la mer
entre les songes des tamaris
les paradis gisent au large
Aven
Eden
ria des passereaux
on met le cap sur la lampe des auberges
les soirs sont bleus sur les ardoises de Kerdruc
O pays du sel et du lait
Allez dire à la ville
Que c'en est fini
je ne reviendrai pas
Le Verbe s'est fait voile et varech
bruyère et chapelle
rivage des Gaëls
en toi, je demeure.

Allez dire à la ville
Je ne reviendrai pas.

Xavier Grall ("Les vents m'ont dit" - éditions Calligrammes, Quimper)On range ici, bien qu'il soit journaliste et poète breton d'expression française,


2 janvier 2009

BRETAGNE- Gilles Servat, Glenmor - Langues régionales

Paysages d'Europe

Bretagne (suite)

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Gilles Servat (né en 1945), est un auteur-compositeur-interprète breton. Indissociable de sa Bretagne et des luttes pour la liberté et la justice sociale, et pour une reconnaissance d'identité, il écrit et chante ses textes profonds dune voix tout aussi grave (vous ne connaissez pas ? il n'est pas trop tard), ses révoltes en breton et en français (parfois en anglais). Sa chanson la plus connue,  "La blanche hermine" (1971), est devenue un hymne identitaire, parfois hélas récupéré par des nationalistes.

En 1980, Gilles Servat sort un magnifique disque "Hommage à René Guy Cadou", avec une dizaine de poèmes mis en musique (Phonogram). Derniers CD en date : Sous le soleil de cuivre et d'eau ( Coop Breizh, 2005) et le double album  "Je vous emporte dans mon cœur" (2006).

Les derniers rayons (passages)
...
Ne jamais se soumettre et désirer toujours
Atteindre l'irréel domaine de l'amour
Ici et maintenant, sur les rayons de lune
...
Suivre la voix du vent, ivre d'air et de chants
Nourrir des utopies et manger des chimères
Aimer l'intensité des instants éphémères
Ici et maintenant, sur les rayons du ciel
...
Si le ciel est trop noir, inventer des aurores
Naître encore une fois et chanter à tue-tête
Apprendre à s'envoler dans la joie des alouettes
Ici et maintenant, sur les rayons de lune
...
Ici et maintenant, sur les rayons du ciel
Faire rimer la pluie avec le grand soleil
Irriguer les terrains, rêvant de forêt vierge

Glisser presque immobile sur l'aile des nuages
Insouciant des tempêtes, impatient de partir
Loin des sombres tunnels nimbés de frénésie
Lancer au ciel des notes et cela par plaisir
Etre comme un oiseau ailé de fantaisie
Sur les derniers rayons dévorant l'horizon et la vie.

(album "Sur les quais de Dublin", 1994)

Servat_l_hirondelle

"L'hirondelle", n'est pas un paisible paysage de landes, mais une chanson de résistance (comme "La blanche Hermine") :

 L'hirondelle

Les corbeaux et les sansonnets
Par bandes passent dans le ciel
Dans l'air neigeux, par dessus genêts
Et s'abattent dru comme grêle
Sur les labours de ce pays

Mon beau pays par l'hiver soumis
Quand reverrons-nous l'hirondelle
Noire et blanche, noire et blanche
Quand reverrons-nous l'hirondelle
Blanche au ventre et noire aux ailes

Les arbres dressent branches nues
Vers les cieux gris silencieux
Tendent leurs branches nues vers les nues
Tandis que des loups orgueilleux
Hurlent partout sur le pays

Mon beau pays par l'hiver soumis
Quand reverrons-nous l'hirondelle
Noire et blanche, noire et blanche
Quand reverrons-nous l'hirondelle
Blanche au ventre et noire aux ailes

Sur la campagne démembrée
Que le vent transit toute entière
En place des talus arrachés
Poussent les arbres des cimetières
Plantés tous noirs sur le pays

Mon beau pays par l'hiver soumis
Quand reverrons-nous l'hirondelle
Noire et blanche, noire et blanche
Quand reverrons-nous l'hirondelle
Blanche au ventre et noire aux ailes

Les gens immobiles se taisent
La langue engourdie dans la bouche
Serrés autour de l'âtre où les braises
Rougeoient comme les tas de souches
Qu'on voit fumer sur le pays

Mon beau pays par l'hiver soumis
Quand reverrons-nous l'hirondelle
Noire et blanche, noire et blanche
Quand reverrons-nous l'hirondelle
Blanche au ventre et noire aux ailes

Les corbeaux et les sansonnets
Par bandes passent dans le ciel
Dans l'air neigeux, par dessus genêts
Et s'abattent dru comme grêle
Sur les labours de ce pays

Mon beau pays par l'hiver soumis
Quand reverrons-nous l'hirondelle
Noire et blanche, noire et blanche
Quand reverrons-nous l'hirondelle
Blanche au ventre et noire aux ailes.

Gilles Servat, (disques Kalondour, 1974) - L'album CD "Les Albums de la Jeunesse" (1994, inclus Kalondour et La blanche hermine), Escales (2005, inclus La blanche hermine), ainsi que le double album  "Je vous emporte dans mon cœur" (2006, inclus Kalondour et Les quais de Dublin), comportent ce titre.

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"Kalondour", nom de la maison d'édition de Gilles Servat, est le titre de ce poème. C'est ici  le lieu qui réunit l'esssence de la Bretagne, terre maritime. La langue bretonne assemble souvent des mots pour en forger d'autres, "kalon" est le cœur et "dour" est l'eau.

On nous excusera (?) d'avoir coupé dans ce beau texte, pour le thème du paysage, et pour les élèves :

 Kalondour

 
[...]

La Bretagne a-t-elle autant de charme
Pour border de sable l'horizon
Pour inonder mes yeux de ces vagues
Et couronner mon front de ces algues
J'ai des landes farouches dans la tête
J'ai des vents parfumés dans l'oreille
Le ressac palpite dans mon cœur ...

[...]

Au fil des quais glissant sous les arches
Où l'herbe pousse entre les pavés
Je cherche dans des reflets d'enfance
Des souvenirs d'avant que je marche
Ma mer est là qui coule toute grise
Et qui se brise en écumes blanches
Sur les étraves des piliers des ponts
Comme des phares sillagent mon front ..
.


Glenmor (1931-1996), est, comme Servat ci-dessus, un auteur-compositeur-interprète breton. Et comme Servat, ses chansons engagées célèbrent l'identité bretonne et la revendiquent, dans ce qu'elle porte de valeurs humaines. Il écrit ses textes en français, pour la plupart, ou en breton.

"L'homme qui se veut tel ne peut être qu'insoumis."
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Le retour
(Et voici bien ma terre)

Et voici bien ma terre
la vallée de mes amours
quand bien même se lève
en fleur de bruyère
la graine d'insoumission
je retrouve ici ma terre
la vallée de mes amours
en ma chaumière
se refont les vents du nord
traînant dans leur colère
Ie duvet des oiseaux morts
et la sombre demeure
qui se rit de la pluie
se refait d'heure en heure
beauté sans nuages
et nuages sans oubli
et voici bien ma terre
la vallée de mes amours
ce fut la rosée de mai
qui fit partir l'enfant
en quête de nouvelles rosées
tout est gîte au printemps
ce fut décembre qui ramena l'oiseau
aux granges du passé
l'hiver il n'est qu'un nid
un visage sans appel
cette odeur de fumée
piquée de gel
et voici bien ma terre
la vallée de mes amours
voici venir ailé de nuages
le sourire d'une mère
cheveux blancs en bandeau de lumière
c'est bien ici ma terre
la vallée de mes amours
.

Glenmor (album "Et voici bien ma terre", album 2 CD, An Distro, Coop Breizh, 1995)
 

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Interlude 

Les blés ont mûri, la moisson sera belle. Vois la tendresse du moissonneur. Il est tant de soleil en barricade, à peine une coulée de vent sur l'or des champs, à peine une vague de mobilité sur la ronce et la fougère.
La besace est gonflée, la charge grande. Nourrice, garde le lait et le ferment. La piétaille a corne d'abondance. Conte nous l'aimable folie des fillettes et le bronze des bras. Dis nous pourquoi la femelle a joues rouges et le regard lointain.
Dame paysanne, dis nous la main gercée par la poussière de tous les blés. Une gerbe à chaque pas, une grange à chaque toit, une moisson d'hommes de rires et de fleurs et pour l'Automne qui nous vient, une cueillette d'humble et de silence.

Et coupe pleine, une halte au fermage du bonheur.


Glenmor (album "E dibenn miz gwengolo",  disque vinyl 33 Tours, Le Chant du monde, 1977)

 



Manu Lann Huel (né en 1949), est aussi auteur-compositeur-interprète. Poète du Finistère sud, du côté de Douarnenez, il chante des poèmes de René-Guy Cadou qu'il a mis en musique, et des chansons de Léo Ferré, dans deux de ses albums.  Source des textes de Glenmor et de Manu Lann Huel : http://www.glenmor.net/


Pibrock

Île juché
Avec de l'aile
Sous la pogne
Colère machée
D'étincelles
De cocagne
Le vent caché
Sous l'échelle
Des montagnes
Homme ébranché
Contre le ciel
Où ça saigne
Pibrock haché
En dentelle
De campagne
Coup de rocher
Harpe de sel
À castagne
Vrillé clocher
En chapelle
De Bretagnes

----- (traduction) -----

Pibrock

 
Enezet kludet
'N askell ludet
A-hed-dorn
Fulor chaoket
Dre fulenn aour
Bro an unkorn
Avel kuzhet
Dindan ar skeul
Ar menezioù
Den divranket
Ouzh an oabl
'Lec'h a wad
Pibroc'h drailhet
E dantel
Ar maezioù
Taol ar roc'h
Telenn holen
Kan an emgann
Biñsellet kloc'hdi
E chapel-kreiz
Broioù Breizh
 

Manu Lann Huel (Chant du monde, 1995)
 

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Interlude

Les blés ont mûri, la moisson sera belle. Vois la tendresse du moissonneur. Il est tant de soleil en barricade, à peine une coulée de vent sur l'or des champs, à peine une vague de mobilité sur la ronce et la fougère. La besace est gonflée, la charge grande. Nourrice, garde le lait et le ferment. La piétaille a corne d'abondance. Conte nous l'aimable folie des fillettes et le bronze des bras. Dis nous pourquoi la femelle a joues rouges et le regard lointain. Dame paysanne, dis nous la main gercée par la poussière de tous les blés. Une gerbe à chaque pas, une grange à chaque toit, une moisson d'hommes de rires et de fleurs et pour l'Automne qui nous vient, une cueillette d'humble et de silence.

Et coupe pleine, une halte au fermage du bonheur.

Glenmor (album "E dibenn miz gwengolo",  disque vinyl 33 Tours, Le Chant du monde, 1977)


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2 janvier 2009

LANGUE D'OC- OCCITAN, PROVENÇAL - Anjela Duval, Jean-Pierre Calloc'h, Xavier Grall - Langues régionales -

Paysages d'Europe

Languedoc et Provence

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La langue d'Oc, observeront les lecteurs attentifs, est différente à l'oral et à l'écrit selon les régions (et même à l'intérieur d'une même région). Témoin ces textes, de Provence et de Languedoc.

Louisa Paulin, auteure bilingue, est présentée dans cette page, mais on rencontrera d'autres auteurs occitans ou provençaux d'expression française, dans la catégorie PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

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Occitan

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Max Rouquette "est né en 1908 à Argelliers, près de Montpellier, dans un paysage inoubliable et jamais oublié de bois de chênes verts sombres, de garrigues colorées, de vignes tendrement odorantes et de figuiers bibliques. Ce paysage est la clé de son écriture. Parce que c'est en ce lieu, et en ce lieu seulement, que s'est effectuée la fusion des mots et du monde.
Max Rouquette a écrit en occitan (...)
Tous les textes de Max Rouquette résonnent de cette origine féconde. Ils en tirent probablement leur sève unique, et cette faculté d'éblouissement, tissée de beautés et d'angoisses, qui nous les rend communicables et si précieux."
(Philippe Gardy)

Les recueils de Max Rouquette sont épuisés, mais une réédition, sous le titre "Les Psaumes de la nuit / Los Saumes de la nuòch", est disponible aux éditions Obsidiane (1984)  Cet ouvrage rassemble : "Somis dau matin", "Somis de la nuòch", "La Pietat dau matin", en édition bilingue. Max Rouquette a lui-même traduit ses poèmes en français.

C'est à l'adresse http://melior.univ-montp3.fr/slo/roqueta/fr/, où Philippe Gardy veille à la présence de Max Rouquette, que deux des poèmes qui suivent, Larzac et Comba de la trelha (Combe de la treille), ont été empruntés :

Larzac

DE LA TÈRRA sul cèu lo teunhe fiu
ennevat per la flor de l’aleda
partís ton camp peirós, ò feda,
de las doças planas de Dieu ;
e de mirar la lutz, abandonada,
los uòlhs perduts, non te sovèn
se siás encara a la tèrra mairala
ò se caminas dins lo temps,
dins lo temps blau, de nivols ennevadas,
dins lo temps blau onte los jorns passats
coma los jorns a venir son tas clars.

----- (traduction de l'auteur) -----

Larzac

LE FIL TÉNU de la terre sur le ciel
enneigé par la fleur de l’asphodèle
sépare ton champ pierreux, brebis,
des douces plaines de Dieu ;
et de contempler la lumière abandonnée,
les yeux perdus, tu ne sais plus
si tu es encore de la terre maternelle
ou si tu chemines dans le temps,
dans le temps bleu aux neigeuses nuées,
dans le temps bleu où les jours du passé
sont aussi clairs que les jours à venir.

Max Rouquette ("Sòmnis de la nuòch", Toulouse, Societat d’Estudis Occitans, 1942, réédité en 1984 : "Les psaumes de la nuit", éd Obsidiane -bilingue)

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Comba de la trelha

Lo MERLE que va d’una mata
a l’autra mata e que seguís
los vielhs camins, e que s’acata
en lo bois e los romanins,
sol poiriá dire amb la palomba
e la mostèla e lo singlar
tota la patz d’aquela comba.

----- (traduction de l'auteur) -----

 

Combe de la treille

Le MERLE qui va d’une touffe
à l’autre touffe, et qui suit
les vieux chemins, et qui se cache
dans le buis et le romarin,
seul pourrait dire avec la palombe
et la belette et le sanglier,
toute la paix de cette combe.

* une combe, en languedoc, est une petite vallée. On trouve ce terme dans des noms de villages ou des noms de famille (Lacombe)

Max Rouquette ("Los Sòmnis dau matin", Toulouse, Societat d’Estudis Occitans, 1937 (réédition 1963)

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Du même auteur, une jolie scène nocturne :

Lo sabaud

Perque sus uolhs s'enclausisson de luna
clara dins lo ceu escur
un sabaud de l'estiu, doçament nada
dins l'aiga plana, miralh pur.

Mai naut que la mai nauta branca
ela, que landa eternament
davala e dins l'aiga, un moment
dansa per el en rauba blanca.

Max Rouquette ("Los saumes de la nuoch" - éd Obsidiane -bilingue, 1984)

----- (traduction de l'auteur) -----

 

Le crapaud

Parce que ses yeux s'enchantent de la lune
claire dans le ciel obscur
un crapaud de l'été doucement nage
dans l'eau plane, pur miroir.

Plus haut que la plus haute branche
elle*, qui glisse éternellement,
descend, et dans l'eau un moment
danse pour lui en robe blanche.

Max Rouquette ("Les psaumes de la nuit" - éd Obsidiane -bilingue, 1984) - * la lune


Alan Pelhon  (1946-1994) est né à Coaraze (Alpes-Maritimes), et c'est dans cette région qu"il a passé sa courte vie.

La jòia (titre proposé)

La jòia serà fuec
Cant dau gal
Parpalhon virolant d'aquí ailà
Lutz esclapant la nuech
Aiga fresca dau sorgent
Mar breçolada per li gabians
Solelh que s'escorre plan-plan
En la mieu boca
En una jòia que ren arresta

----- (traduction) -----

La joie

La joie sera feu
Chant du coq
Papillon pirouettant ça et là
Lumière brisant la nuit
Eau fraîche de la source
Mer bercée par les mouettes
Soleil qui ruisselle doucement
Dans ma bouche
Dans une joie que rien n'arrête

Alan Pelhon ("Vi devi parlar"/"Je dois parler") - éditions La Dralha, 2004.


Louisa Paulin (1888-1944), Loïza Paulin en occitan (1888-1944) a vécu dans le Tarn, où elle fut institutrice. Elle a d'abord écrit ses poèmes uniquement en français, puis en français et en occitan.
Je me suis mise à la langue d'Oc par repentir d'avoir si longtemps ignoré mon pays et peut-être de l'avoir un peu méprisé”.

On trouvera sur le site des éditions Vent Terral, des recueils bilingues qu'on peut commander (2 € de frais de port seulement). Mais qu'est-ce qu'on attend ? C'est ici (copier-coller) : http://www.ventterral.com/tema/ome.php?lien=tema#louisa

Silenci de l'auton

Silenci de l'auton quand lo vent s'es pausat
doç coma una pluma de palomba
escapada de la negra man del caçaire.
Silenci saure de l'auton
ont s'ausis la darrièra vèspa
e lo mai escondut al plus prigond del còr.

----- (traduction de l'auteure) -----

Silence de l'automne

Silence de l'automne quand le vent s'est posé,
doux comme une plume de palombe
échappée de la noire main du chasseur.
Silence blond de l'automne
où l'on entend la dernière guêpe
et le plus caché au plus profond du cœur.

Louisa Paulin  ("Direm a la nòstra nena", Vent Terral, 1994, bilingue)

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À partir du texte occitan, une version non autorisée de ce poème, très légèrement différente (avec tout le respect qu'on doit à la mémoire de Louisa Paulin).

Pour rétablir dans le deuxième vers l'ordre naturel adjectif-nom substantif ("negra man" peut se dire plus naturellement "main noire"), et surtout éviter la répétition dans le dernier vers, absente en occitan. Mais on chipote peut-être  : 

Silence de l'automne

Silence de l'automne quand le vent s'est posé,
doux comme une plume de palombe
échappée de la main noire du chasseur.
Silence blond de l'automne
où l'on entend la dernière guêpe
et ce qui est caché au plus profond du cœur.

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La cançon del silenci.

Vèni, ausirem, anuèit, la Cançon del silenci,
la cançon que comença,
quand s'escantís, la nuèit, lo cant del rossinhòl ;
la cançon que s'ausís al doç cresc de l'erbeta,
la cançon de l'aigueta
que se pausa, un moment, al rebat d'un ramèl ;
la cançon de la branca
que fernís e que dança
desliurada del pes amorós d'un ausèl ;
la secreta conçon breçant l'ombra blavenca
del lir còrfondut de promessa maienca,
qu'espèra, per florir, un signe del azur.

----- (traduction de l'auteure) -----

La chanson du silence

Viens, nous entendrons, ce soir, la chanson du silence,
la chanson qui commence,
quand s'achève, la nuit, le chant du rossignol ;
la chanson qu'on entend à la douce croissance de l'herbe,
la chanson de l'eau vive
qui se repose, un moment, au reflet d'un rameau ;
la chanson de la branche
qui frissonne et qui danse
délivrée du poids amoureux d'un oiseau ;
la secrète chanson berçant l'ombre bleuâtre
du lis défaillant de promesse printanière,
qui attend, pour fleurir, un signe de l'azur.

Louisa Paulin  ("Chants d'amour et de paix" - "Les Amis de Louisa Paulin", 1998) - Aux éditions Vent Terral, les recueils de Louisa Paulin ont été réédités.

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Fum 

Non, non, anuèit vòli fugir l'ostal !
Vòli lo fial de lum que s'estira suls camps
Quand lo lauraire aluca un fuòc d'erbassas.
O fial de fum, vèni ligar un raive,
Un rave que m'escapa
– coma tu, lial de fum –
Per fugir cap a las estelas.

----- (traduction de l'auteure) -----

Fumée

Non, non, ce soir je veux fuir la maison !
Je veux le fil de fumée qui s'étire sur les champs
Quand le laboureur allume un feu de mauvaises herbes.
Ô fil de fumée, viens lier un rêve,
Un rêve qui m'échappe
comme toi, fil de fumée
Pour fuir vers les étoiles.

Louisa Paulin ("Sorgas- Sources", Bibliothèque de la Revue du Tarn, Édouard Privat, 1940 et "Poèmes", Éditions de la Revue du Tarn, 1969) - Aux éditions Vent Terral, les recueils de Louisa Paulin ont été réédités)


Jean Boudou ou Joan Bodon (1920-1975), instituteur aveyronnais, est considéré comme le plus grand des poètes du Languedoc. Il est l'auteur de romans et de poésies en occitan, exclusivement.

Recueil le plus connu : Sus la mar de las galèras (Sur la mer des galères), dont on peut trouver le texte intégral ici (format pdf mais non traduit)

Alba de Pigala

Cercavi fortuna, la trobèri lèu;
Aquela nuèch blanca tombava de nèu.
Canti çò que canti, plore lo que vòl...
Mas per cridar l’alba cal un rossinhòl.

Gardèt los debasses e lo casabèc:
De què ne pensavas, Tolosa-Lautrèc ?
Sus una flaçada, sens cap de lençòl ...
Mas per cridar l’alba cal un rossinhòl.

Qu’es aquela trèva que totjorn me sèc ?
Lautrèc es Tolosa: lo comte bufèc ...
Quand l’amor se paga per un blavairòl.
Mas per cridar l’alba cal un rossinhòl.

Al fons de la prada sabi lo pibol,
Sabi la montanha ... Caminarai sol.
La fortuna vira que me ten pel còl.
Mas per cridar l’alba cal un rossinhòl.

Joan Bodon

----- (traduction proposée par le blog lieucommun) -----

L'aube de Pigala

Je cherchais fortune, la trouvai bientôt,
Cette nuit blanche où tombait la neige.
Je chante ce que je chante, pleure qui veut
Mais pour appeler l'aube il faut un rossignol ...

...

Au fond de la prairie je sais le peuplier,
Je sais la montagne ... seul, je marcherai
La fortune tourne qui me tient par le cou.
Mais pour appeler l'aube il faut un rossignol ...

Ce texte est chanté en occitan par Mans de Breish, tout comme le suivant. La libre traduction de la première et de la dernière strophe est proposée par le blog.

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Alba d'Occitania (extrait)            Aube d'Occitanie

La nuèch e la pluèja e lo gèl  La nuit et la pluie et le gel
Pas una estela dins lo cèl       Pas une étoile dans le ciel
Quora tornara l'alba ?            Quand viendra l'aube ?
Encara canta pas l'aucèl         L'oiseau ne chante pas encore
Quora tornara l'alba ?            Quand viendra l'aube ?

Una nuèch longa sens amor    Une longue nuit sans amour
Lo rosal plora sus la flor        Le rosier pleure sur la fleur
Quora tornara l'alba ?            Quand viendra l'aube ?
S'entrevesiam una lusor ...     On entrevoit une lueur ...

Paraulas de Joan Bodon, Cantat per Mans de Breish
Paroles de Joan Bodon, Chanté par Mans de Breish  traduction Lieucommun



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Provençal
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Frédéric Mistral (1830-1914) est un écrivain et poète provençal, prix Nobel de littérature en 1904.Il fonde en 1854 avec d'autres poètes provençaux, le Félibrige, pour défendre les cultures régionales traditionnelles et la langue occitane.

"Les arbres aux racines profondes sont ceux qui montent haut"
Frédéric Mistral

Voici une petite fable, avec un rossignol dans le paysage :

Lou gripo-roussignòutexte_Mistral_le_rossignol_orig

Au mes de mai, sus uno busco.
Lou roussignòu, plegant lis iue,
S'èro endourmi dedins la niue ;
Mai lou rejit d'uno lambrusco
Dins sa vediho l'arrapè
E lou vaqui pres pèr li ped.

... (suite du texte en cliquant sur l'image ci-contre >)

Frédéric Mistral ("Lis òulivado")

Le grippe-rossignoltexte_Mistral_le_rossignol

Au mois de mai, sur une branche,
Le rossignol, clignant des yeux,
S'était endormi dans la nuit ;
Mais le jet d'une vigne folle
Le saisit dans sa vrille,
Et le voilà pris par les pieds.

... (suite de la traduction en cliquant sur l'image ci-contre >)

Frédéric Mistral ("Les Olivades") en français par l'auteur.


Sextius Michel 1827-1906) est né à Sénas (Provence). Il "monte à Paris", avec ses premiers poèmes et préside les félibres (voir ci-dessus Frédéric Mistral) de Paris, puis devient maire du XVe arrondissement, de 1871 à sa mort.
Il est le fondateur d'une des premières Caisses des écoles de Paris, pour financer les cantines scolaires, d'une colonie de vacances, ainsi que d'une mutualité scolaire (en 1900).

Cette légende a pour cadre un château :

Les hirondelles (légende)texte_hirondelles_orig

Les hirondelles ont fait leur nid
dans la toiture ensoleillée
d'un petit château. L'aube rit
aux piaulements de la nichée.

Vivait dans ce paradis
une charmante dame adorée
d'un galant jouvenceau du pays.
Oh ! Quels tendres embrassements !

Un jour, crime ou folie,
on la trouva morte dans son lit,
la jeune dame, hélas ! toute seule.

L'amant avait disparu.
Revient l'été avec le ciel bleu,
mais ne reviennent pas les hirondelles.

Sextius Michel ("Le long du Rhône et de la mer") ("Long dóu Rose e de la mar" - Flammarion et Roumanillo 1892)

... (lire la traduction du poème  "Li dindouleto" en cliquant sur l'image ci-contre >)



2 janvier 2009

PAYS BASQUE - Langues régionales de France

Paysages d'Europe

Pays Basque 

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Jean-Baptiste Elissamburu (1828-1891), parfois orthographié Elissamburuk ou encore Elizanburu - source des textes : le portail de la poésie basque : http://www.basquepoetry.net et le site : http://www.gaztelua.com/

----- (version originale : Agur Herriari) -----

Salut à mon village ! (passages)

Ahaide delezius huntan bi berset gei tit khantatü,
Ene bizitze mulde gaitza münd'orori deklaratü:
Ihuri sos bat ebatsi gabe ez eskandalik txerkhatü,
Hamar urtheren galeretan nahi ükhen naie sarthü.
[...]
Adio erraiten dereñat, ene alhaba bakhotxa:
Etxen edük-ezan üsatü diñan kundüta,
Küñat küñater eman beria, haurrer Jinkuen kreinta,
Senharraren hun izan eta zaharrak errespeta.

Etxahun, nausi famatia, galdü dük libertatia;
Eta orai dük trixtezia, hareki ezin-bestia,
Hire ixter-begiek aisa goihera die erria:
Amuinan behar dük ebili, edo hartü pelegri bidia.

Izan nüzü Jondane Jaka'n, Erruma'n eta Loreta'n,
Bethi, jente hunen medioz, biz'izan niz ene bidajitan.
Orai ere abiatzen beniz leheneko ber gisatan,
Jinko Jauna, lagünt nezazü ene behar-ordietan.

[...]

Jean-Baptiste Elissamburu, 1862

----- (traduction de Peio Heguy) -----

Salut à mon village ! (passages)

Je vois au loin, je vois la montagne
Derrière laquelle se trouve mon village...
J'entends déjà, quel immense bonheur,
Le doux soupir de la cloche bien aimée !
[...]
En t'écartant de la route, par le flanc de la montagne
Tel un ruban qui glisse le long de la côte,
Tu descends, sentier, tout droit vers la vallée
Mène-moi, sans détour, auprès des miens.

Chêne du bord du chemin, que de fois dans mon enfance,
Le dimanche en revenant de la messe à la maison,
Oui ! Que de fois me suis-je assis, auprès de ma mère,
À l'ombre de tes longues branches !

Et toi, aubépine du fond du jardin,
Tu gardes toujours le lieu de mon enfance,
Pourquoi, comme toi, branche pure,
Ne puis-je passer ma vie là où je suis né ?

[...]

Jean-Baptiste Elissamburu, 1862

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La maison, ou le bonheur du paysan  (début)

Voyez-vous le matin
     Lorsque pointe la lumière
     Au sommet d'une colline
     Une maisonnette à façade blanche
     Au milieu de quatre grands chênes ?
     Une petite fontaine à côté,
     Un chien blanc devant la porte,
     C'est là que je vis en paix.

[...]

Jean-Baptiste Elissamburu (cité dans l'ouvrage "Les Basques", de Philippe Veyrin, Arthaud 1975)

----- (texte original en basque) -----

Etxea edo ... laborariaren zoriona

Ikhusten duzu goizean
Argia asten denean
Menditto baten gainean
Etche ttikitto aintzin churi bat
Lau haitz handiren artean ?
Ithurritto bat aldean,
Chakhur churi bat athean,
Han bizi naiz ni bakean.

[...]

Jean-Baptiste Elissamburu



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