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2 janvier 2009

Poètes d'AFRIQUE du Nord - Algérie, Maroc, Tunisie, Égypte

Paysages des poètes d'Afrique

Afrique du Nord - Algérie, Maroc, Tunisie, Égypte

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Algérie

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Mohammed Dib (1920-2003) est un grand romancier et poète algérien de langue française. C'est aussi un journaliste engagé.
Mohammed Dib a reçu entre-autres, le prix de l'Académie de poésie en 1971, le prix de l'Association des Écrivains de langue française en 1978, le Grand Prix de la Francophonie de l'Académie française en 1994, attribué pour la première fois à un écrivain maghrébin. Il a obtenu en 1998 le Prix Mallarmé pour son recueil de poèmes L'enfant-jazz.
Il quitte l'Algérie (expulsion) dans les années 60, et s'installe en France  (source : Wikipedia)

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Le passage en italique n'est pas toujours proposé :

Je marche sur la montagne (extrait - titre proposé)

Mais je chanterai à peine

Pour que ne se mêle guère

La peine à votre sommeil ;

Paix à vous, mères, épouses,

Le tyran buveur de sang

Dans vos vans sera poussière.
Je marche sur la montagne
Où le printemps qui arrive
Met des herbes odorantes,
Vous toutes qui m'écoutez,
Quand l'aube s'attendrira
Je viendrai laver vos seuils
Et je couvrirai de chants
Les ululements du temps.

Mohammed Dib ("Ombre gardienne", Gallimard, 1960 - Sindbad, 1981 - La Différence, 2003)

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Printemps

Il flotte sur les quais une haleine d'abîmes,
L'air sent la violette entre de lourds poisons,
Des odeurs de goudron, de varech, de poisson ;
Le printemps envahit les chantiers maritimes.

Ce jour de pluie oblique a doucement poncé
Les gréements noirs et gris qui festonnent le port;
Eaux, docks et ciel unis par un subtil accord
Inscrivent dans l'espace une sourde pensée.

En cale sèche on voit des épaves ouvertes;
En elles l'âme vit peut-être... Oiseau têtu,
Oiseau perdu, de l'aube au soir reviendras-tu
Rêver rie haute mer, d'embruns et d'îles vertes ?

Je rôde aussi, le coeur vide et comme aux abois,
Un navire qui part hurle au loin sous la brume ;
Je tourne dans la ville où les usines fument,
Je cherche obstinément à me rappeler, quoi ?

Mohammed Dib ("Ombre gardienne", Gallimard, 1960 - Sindbad, 1981 - La Différence, 2003)

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Heure folle

L'heure folle erre. Noire,
Vous la reconnaîtrez
À trop de haine noire,
Trop de cris, trop de vent.

Nés d'antiques calcaires
Et des feux de la mer,
Ses ramiers pour la mort
Resplendissent, étranges.

Vous la reconnaîtrez
C'est l'heure de deuil, l'heure
De sang roux sur les vignes,
La folle de lumière.

Mohammed Dib ("Ombre gardienne", Gallimard, 1960 - Sindbad, 1981 - La Différence, 2003)


Anna Greki (1931-1966) est née à Batna, dans les Aurès, mais c'est "Alger la Blanche" dont elle dessine ici, dans les nuances de bleu, le paysage poétique :
    

Alger (titre proposé)

J'habite une ville si candide
Qu'on l'appelle Alger la Blanche
Ses maisons chaulées sont suspendues
En cascade en pain de sucre
En coquilles d'oeufs brisés
En lait de lumière solaire
En éblouissante lessive passée au bleu
En plein milieu
De tout le bleu
D'une pomme bleue
Je tourne sur moi-même
Et je bats ce sucre bleu du ciel
Et je bats cette neige bleue du ciel
Bâtis sur des îles battues qui furent mille
Ville audacieuse Ville démarrée
Ville au large rapide à l'aventure
On l'appelle El Djezaïr
Comme un navire
De la compagnie Charles le Borgne.

Anna Greki ("Algérie, Capitale Alger" - éditions S.N.E.D. Tunis, 1963)


Bachir Hadj Ali, homme politique, essayiste, journaliste et poète, est né dans la Casbah d'Alger. Combattant pour la libération de son pays, il connaît la clandestinité, et subit après la déclaration d'Indépendance, la torture et la prison, pour son engagement politique (au Parti communiste, et dans l'Organisation de la Résistance Populaire). Il est, avec Jean Sénac et d'autres écrivains,  l'un des fondateurs de l'Union des Écrivains d'Algérie.

Ce paysage rêvé est celui des espoirs du prisonnier :

Rêves en désordre

Je rêve d'îlots rieurs et de criques ombragées

Je rêve de cités verdoyantes silencieuses la nuit
Je rêve de villages blancs bleus sans trachome
Je rêve de fleuves profonds sagement paresseux
Je rêve de protection pour les forêts convalescentes
Je rêve de sources annonciatrices de cerisaies
Je rêve de vagues blondes éclaboussant les pylônes
Je rêve de derricks couleur de premier mai
Je rêve de dentelles langoureuses sur les pistes brûlées
Je rêve d'usines fuselées et de mains adroites
Je rêve de bibliothèques cosmiques au clair de lune
Je rêve de réfectoires fresques méditerranéennes
Je rêve de tuiles rouge au sommet du Chélia
Je rêve de rideaux froncés aux vitres de mes tribus
Je rêve d'un commutateur ivoire par pièce
Je rêve d'une pièce claire par enfant
Je rêve d'une table transparente par famille
Je rêve d'une nappe fleurie par table
Je rêve de pouvoirs d'achat élégants
Je rêve de fiancées délivrées des transactions secrètes
Je rêve de couples harmonieusement accordés
Je rêve d'hommes équilibrés en présence de la femme
Je rêve de femmes à l'aise en présence de l'homme
Je rêve de danses rythmiques sur les stades
Et de paysannes chaussées de cuir spectatrices
Je rêve de tournois géométriques inter-lycées
Je rêve de joutes oratoires entre les crêtes et les vallées
Je rêve de concerts l'été dans des jardins suspendus
Je rêve de marchés persans modernisés
Pour chacun selon ses besoins
Je rêve de mon peuple valeureux cultivé bon
Je rêve de mon pays sans tortures sans prisons
Je scrute de mes yeux myopes mes rêves dans ma prison.

Bachir Hadj Ali ("Que ma joie demeure ! " - éditions Oswald, 1970 et l'Harmattan, 1981)

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Terre je t'écoute
   
Je t'écoute tisser des clairs-obscurs sur mes nuits.
Je t'écoute veiller le soleil agoniser à l'Est
Je t'écoute sécher le sel sur le front des mers
Je t'écoute réveiller des pommes innocentes
Je t'écoute greffer la jeunesse du citronnier

Je t'écoute respirer entre les doigts et l'orange
Je t'écoute battements de cils rouge-gorge des bois
Je t'écoute verser la rosée sur la plante médicinale
Je t'écoute pluie sur la mer collier de la baie
Je t'écoute nuage rire ailes colorées
Je t'écoute marche secrète des hommes droits
Je t'écoute clairière de la recherche libre
Je t'écoute vivre au rythme de mes aspirations
Je t'écoute chanter le chant de l'an deux mille
.

Bachir Hadj Ali ("Que ma joie demeure ! " - éditions Oswald, 1970 et l'Harmattan, 1981)


Soumya Benkelma (pseudonyme de Soumya Bemmalek), est une poétesse algérienne dont les premiers poèmes ont été publiés en juillet-août 1976 dans la revue "Europe" (n° 567-568, spécial Littérature algérienne). Elle était, précise la revue, étudiante à cette époque ...

Partir

Partir et rien que partir
Partir et pour toujours
Ne plus revenir
Ne plus attendre
Voir du bleu et du blanc
Du rouge et du merveilleux
Aller à la rencontre du néant
Sans le savoir sans le vouloir
M'y enfoncer tout entière
Les yeux fermés
Me voir me sentir
Mourir mourir
Sentir d'instant en instant
Se détacher de tout moi
Tout ce que j'ai mal aimé
Tout ce que j'ai haï
Me voir morte sous une tombe blanche
Sous la terre ma terre rouge sang
Là-haut sur une montagne
Entourée d'ombre et de silence
De lumière folle et de chants
Là-haut sur une montagne
Une montagne près du soleil.

Soumya Benkelma, 1974


Lounès Matoub , en kabyle : Lwennas Meɛṭub (1956-1998), plus fréquemment appelé Matoub Lounès, est un chanteur et poète kabyle , notamment connu pour son engagement dans la revendication identitaire berbère. a été assassiné* le 25 juin 1998 sur la route de Ath Douala. Officiellement, cet assassinat est atribué au GIA (qui l'a revendiqué) mais sa famille et toute la kabylie accuse le pouvoir algérien de l'avoir fait supprimer. (source : Wikipedia)

Matoub Lounès se lit et surtout s'écoute, ici par exemple, avec Avrid ireglen (La route entravée) en concert au Zénith de Paris en 1995, chanson sous-titrée en français : http://fr.youtube.com

Un autre texte de chanson :

D idurar ay d lâamriw s / Les montagnes sont ma vie (extrait)

Xellsegh adrar s yidammen-iw : a d-yeqqim later-iw
Xas gullen ard a t-sefden

Wid yetganin di lmut-iw, yessamsen isem-iw
Kul tizi a yi-d-mlilen

Atas i ggigh si lheqq-iw armi i qqwlegh seg yilexxaxen
Wwtegh, dligh ghef nnif-iw ufigh wigad i t-yesxewden
Xas yegga lgehd ighallen-iw
Mazal ssut-iw ad yebbaâzeq... as-d-slen !

(...)
A lâamer-iw, a lâamer-iw... d idurar ay d lâamer-iw !

traduction :

Les montagnes sont ma vie

Du tribut de mon sang j'ai irrigué les monts
mon empreinte s'imprime à jamais,
quand ils ont en juré l'anéantissement ;

Qui s'impatiente de me voir mort,
et qui calomnie mon nom,
À chaque col devra m'affronter,

J'ai laissé mon bien à l'abandon,
Je l'ai trouvé gisant dans l'immondice,
J'ai porté le regard sur mon honneur,
J'ai vu des bourreaux. Bien que la force ait fui mes membres,
Ma voix demeure, qui retentira,
Ils l'entendront !
(...)

Ma vie ! ma vie !
Les montagnes sont ma vie !

Matoub Lounès (1989)


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Maroc

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Tahar Ben Jelloun est né à Fès, au Maroc, en 1944. Écrivain et poète, il est l'auteur de deux recueils de poésie, dont Les Amandiers sont morts de leurs blessures, et de romans : La Nuit sacrée a obtenu le Prix Goncourt 1987.

Les textes qui suivent sont tous extraits du recueil "Les Amandiers sont morts de leurs blessures" édité en 1976 par la Librairie François Maspero, dans PCM (Petite Collection Maspero).

Ils ne portent pas de titre, ne sont pas consécutifs dans le recueil, mais l'ordre de présentation est respecté.

Tous les matins
le soleil entre chez Si Lmokhtar
pille la mémoire du miroir
monte sur l'échelle
et s'en va en riant

Tahar Ben Jelloun (dans "Asilah, saison d'écume")

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Un verre de thé sur la natte
le vent ramène le nuage bleu
égaré dans le bois
les vieux parlent du passé
les jeunes parlent peu
fument et rient
le ciel s'éloigne des sables

Tahar Ben Jelloun (dans "Asilah, saison d'écume")

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Le silence d'une étoile
échangé contre un peu d'eau

Tahar Ben Jelloun (dans "Asilah, saison d'écume")

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L'épicerie de Si Abdessalam
Du vinaigre doux dans une bouteille en plastique National
des portions de savon La Main
un sac de farine Drissi
des allumettes Le Lion
une barbe grise toujours naissante
une main ouverte
le regard tendre
amical
fraternel comme le soleil
et une balance qui sépare le temps


Tahar Ben Jelloun (dans "Asilah, saison d'écume") - les noms des marques sont mis en italique pour le blog (pas par l'auteur).

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C'est la fin de la journée
le poisson est rentré
la barque est repartie
les petits soleils s'éloignent
un grand verre de thé
pour réchauffer les mains et le front
la parole nue
on regarde la mer
et l'on parle de l'avenir
on joue aux cartes
on fume quelque pensée
les chats tirent l'azur
on ne regarde plus la mer
on regarde la télévision

Tahar Ben Jelloun (dans "Asilah, saison d'écume")

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Étranger

Étranger
prends le temps d'aimer l'arbre
accoude-toi à terre
un cavalier t'apportera de l'eau, du pain,
et des olives amères
c'est le goût de la terre et des semences de la mémoire
c'est l'écorce du pays
et la fin de la légende
ces hommes qui passent n'ont pas de terre
et ces femmes usées
attendent leur part d'eau.
Étranger,
laisse la main dans la terre pourpre
ici
il n'est de solitude que dans la pierre.

 Tahar Ben Jelloun, ("À l'insu du souvenir" - François Maspero éditeur, 1980).


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Tunisie

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Tahar Bekri est né en 1951 en Tunisie. C'est un écrivain-poète qui écrit en français et dans sa langue maternelle : l'arabe. Il vit en France depuis 1976.

C’était le temps des jarres (extrait)

C’était le temps des jarres remplies de dattes
Dans les cabanes aux toits de palme
La lampe à pétrole notre trésor
Les citronniers parfumaient nos demeures
Guêpes et abeilles pour la meilleure aigreur
Dans les treilles se confondaient raisins et étoiles

La nuit tombait céleste comme une figue noire

Tahar Bekri ("La Brûlante Rumeur de la mer" dans "Poésie du Maghreb" - éd Al Manar, Paris, 2004)

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Retour à Nouakchott* (extrait)

Je te retrouve dans le souffle du vent
Exsangue brûlé par le sable sans relâche
Tant de dunes impatientes le long de ma route
Surgissent des limbes de l’inconsolé mirage

Les caravanes portées par la distance d’antan
Immobiles et langoureuses l’ombre aussi rare
Que l’acacia sec et endurci sous le soleil de plomb
Mon chant comme prière implorant le firmament

J’ai de toi désert la soif affranchie des frontières
Le rêve qui s’enlise ensablé habillé de lumière
Tout l’océan aimant chargé de lourdes pirogues
Butin d’arc-en-ciel pour des frères noirs et blancs

Où as-tu égaré fleuve ton limon pour nourrir la terre ?

*Nouakchott est la capitale de la Mauritanie.

Tahar Bekri (dans "Confluences poétiques" - Mercure de France, 2006)

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Un poème difficile, dont on ne garde souvent que la première strophe :

 L'exil (passages)

I

S’envolent
les colombes
à l’ombre de la lumière
la pierre
lourde de ses usures
sera colonne d’or ou poussière

Dans les royaumes de feu, la cendre

[...]

III

Sur les lèvres
du soleil
ivre d’étés purs j’emporte
ta voix au matin des présages
le soir comme un rose en transe
je remonte le cours du fleuve sec

Dans les arènes du souvenir, l’insomnie

[...]

V

Nouée
dans l’éclat
des ciels avares parole d’outre-mémoire
cette pluie pétrifiée au creux de ma voix
il me faudra toutes ces hirondelles
et la crinière du rêve pour l’enfanter

Dans les bras du laboureur, les oiseaux

[...]

XI

Parfois
je demande
à la voie lactée sa nuit claire
ses étoiles épurent mes soucis
sur la voûte céleste
les traces guident mes pensées

Entre deux pôles, l’échappée nacrée

XII

J’entends
au loin
évadées de vos déserts
des braises comme des cymbales
rouler sur des cordes de sang
assourdies par la discorde et le vent

Tapie dans la brûlure, ma rage

Tahar Bekri ("les chapelets d'attache" L'Harmattan, 1994) adaptation en français de Barbara Beck.


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Égypte ancienne et moderne

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Les textes sont présentés en traduction française uniquement, pour des raisons techniques.
On peut s'initier à l'écriture de l'ancienne Égypte, les hiéroglyphes, à cette adresse :
http://artchives.samsara-fr.com/hieroglyph.htm
Ce site peut permettre également de proposer aux élèves une activité graphique : "traduire" le prénom (et tout autre mot) en hiéroglyphes, selon une correspondance alphabétique. 

D'autre part, il est possible de télécharger des polices de caractères hiéroglyphes pour Mac et PC à cette adresse :
http://www.egypt.edu/etaussi/informatique/meroitique/meroitique01.htm

Des textes d'Égypte ancienne :
Le premier, qu'on peut approximativement dater de 2200 avant notre ère, est une glorification de la crue du Nil (Hâpy). Avant la construction du grand barrage d'Assouan, et d'autres aménagements, la crue d'été apportait le limon et l'eau nécessaires aux cultures sur les rives du fleuve.
Kemet ("la terre noire") était le nom donné à l'Égypte antique.

Ce texte est présenté ici dans une version réduite et réorganisée :

L'Hymne à la crue du Nil  (extrait) 

Salut à toi, Crue
Maîtresse des poissons.
Tu conduis les oiseaux migrateurs vers le Sud.
Tu fais naître les herbes pour le bétail.
Tu es dans le monde souterrain
et le ciel et la terre reposent sur toi.
Tu pénètres les collines.
Tu emplis la Haute et la Basse-Égypte.
Tu établis la vérité dans le coeur des hommes.
Tu veilles à ce que les oiseaux reviennent de leur pays.
Sois verte, alors tu viendras !
Sois verte, alors tu viendras !
Crue, sois verte, alors tu viendras !

D'après le texte retranscrit par Dirk Van der Plas ("L'hymne à la crue du Nil" dans la Revue Le Monde de la Bible n° 138 - Paris, 2001).

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Le texte suivant est attribué, sans certitude, au pharaon Akhénaton, époux de Néfertiti (14e siècle avant notre ère), encore appelé Amenhotep IV ou Aménophis IV. Pour l'anecdote, c'est le pharaon Toutankhamon, son fils, qui lui a succédé.

Akhenaton signifie qui est utile à Aton (Aton étant une des représentations du dieu Soleil).

Ce texte, est gravé sur la tombe d’Aÿ (personnage de la Cour et pharaon par la suite).

Hymne à Aton ou Hymne au Soleil  (passages) 

Tu apparais resplendissant à l'horizon du ciel,
Disque vivant qui as inauguré la vie !
Sitôt tu es levé à l'horizon oriental,
Que tu emplis chaque contrée de ta perfection.
Tu es beau, grand, brillant, élevé au-dessus de tout l'univers.
Tes rayons entourent les pays jusqu'à l'extrémité de tout ce que tu as créé.
[...]
Si éloigné sois-tu, tes rayons touchent la terre.
Tu es devant nos yeux mais ta marche demeure inconnue.

 

Lorsque tu te couches à l'horizon occidental,
L'univers est plongé dans les ténèbres et comme mort.
Les hommes dorment dans leurs demeures, la tête enveloppée,
Et aucun d'eux ne peut voir son frère.
[...]
Tous les lions sont sortis de leurs antres,
Et tous les reptiles mordent.
Ce sont les ténèbres d'un four et le monde gît dans le silence,
C'est que leur créateur repose dans son horizon.

 

Mais à l'aube, dès que tu es levé à l'horizon,
Tu chasses les ténèbres et tu dardes tes rayons.
Alors le Double-Pays est en fête,
L'humanité est éveillée et debout sur ses pieds;
C'est toi qui les as fait lever !
[...]

Tu a mis chaque homme à sa place et tu as pourvu à son nécessaire.
Chacun possède de quoi manger et le temps de sa vie est compté.
Les langues sont variées dans leurs expressions ;
Leurs caractères comme leurs couleurs sont distincts,
Puisque tu as distingué les étrangers.
Tu crées le Nil dans le monde inférieur
Et tu le fais venir à ta volonté pour faire vivre les Egyptiens,
[...]
Disque du jour au prodigieux pouvoir !
Tout pays étranger, si loin soit-il, tu le fais vivre aussi:
Tu as placé un Nil dans le ciel qui descend pour eux;
Il forme les courants d'eau sur les montagnes comme la mer très verte,
Pour arroser leurs champs et leurs territoires.
Qu'ils sont efficients tes desseins, Seigneur de l'éternité !
Un Nil dans le ciel, c'est le don que tu as fait aux étrangers
Et à toute bête des montagnes qui marche sur ses pattes,
Tout comme le Nil qui vient du monde inférieur pour le Pays-Aimé.
[...]

Akhenaton

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Un parmi d'autres textes dédiés au Soleil, Aton, et dont sans doute Akhenaton s'est inspiré :

Les saisons

Tu fis les saisons pour créer toutes les œuvres,
L’hiver pour les rafraîchir, et l’été pour la chaleur.
Tu as fait le ciel lointain pour t’y lever,
Pour observer tout que tu as fait,
Tout seul, étincelant sous ta forme d’Aton animé,
Depuis l’aube rayonnant, puis t’éloignant et revenant.

Texte issu des Pyramides de Saqqarah dans le delta du Nil (Basse-Egypte), daté de la VIe dynastie (vers 2200 av notre ère)

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Le poème qui suit est d'un auteur contemporain :

Egypte_Assouan_1

Au petit matin à Assouan (en nov 2007) - phot Lieucommun


Abderrahman (ou Abderrahmane) Al-Abnoudi, poète égyptien, est né en 1938. Il a publié son premier recueil de poèmes en 1963 : Mawwal al-bohaïra (Le Chant du lac).

Le recueil "La mort de l'épouvantail", dont est extrait le poème ci-dessous a été traduit par Jean-Claude Rolland, linguiste, formateur en didactique des langues, auteur et traducteur (de textes d'auteurs de langue arabe et de langue espagnole). Nous lui présentons nos excuses pour cet oubli, maintenant réparé.

Voici une scène de rue, pour humaniser le paysage :

Le verre de thé

 

Rue de Shubra dans un café je me suis attablé
Le garçon m’a apporté un verre de thé
Absolument sans comparaison avec le verre de thé de la maison

J’ai vu passer un homme au crâne complètement rasé
Une fille avec un plat de fèves très léger
Et une femme toute de noir habillée
J’ai vu passer une voiture neuve
Où des visages apparaissaient complètement muets
Un jeune homme parlait à une fille sur le trottoir
À voix basse complètement, complètement terrorisée

Sur le trottoir d’en face l’étal d’un fruitier parfaitement bien rangé
Était complètement complètement noyé
Dans la lumière de ses néons un homme est passé
Qui n’était pas descendu de son vélo depuis des années
Et qui était très fatigué
Il est passé la tête baissée sans du tout pédaler

Le garçon a pris deux piastres de pourboire
Il m’a longuement regardé
Et a paru très très étonné

Abderrahman Al-Abnoudi ("La mort de l'épouvantail" - Éd CTFE - 1985)


retour au sommaire paysage, textes traduits en français ? cliquez ICI



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2 janvier 2009

Poètes d'AFRIQUE Noire - Sénégal, Mali, Burkina Faso ...

Paysages des poètes d'Afrique

Afrique Noire

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Sénégal

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Léopold Sédar Senghor (1906-2001), a été le premier président du Sénégal, de 1960 à 1980. Voir également cet auteur dans la catégorie PRINT POÈTES 2010 : LE FÉMININ EN POÉSIE

Nuit de Sine (extrait)

Femme, pose sur mon front tes mains balsamiques, tes mains douces plus que fourrure.
Là-haut les palmes balancées qui bruissent dans la haute brise nocturne
À peine. Pas même la chanson de nourrice.
Qu'il nous berce, le silence rythmé.
Écoutons son chant, écoutons battre notre sang sombre, écoutons
Battre le pouls profond de l'Afrique dans la brume des villages perdus.

Voici que décline la lune lasse vers son lit de mer étale
Voici que s'assoupissent les éclats de rire, que les conteurs eux-mêmes
Dodelinent de la tête comme l'enfant sur le dos de sa mère
Voici que les pieds des danseurs s'alourdissent, que s'alourdit la langue des chœurs alternés.

C'est l'heure des étoiles et de la Nuit qui songe
S'accoude à cette colline de nuages, drapée dans son long pagne de lait.
Les toits des cases luisent tendrement. Que disent-ils, si confidentiels, aux étoiles ?
Dedans, le foyer s'éteint dans l'intimité d'odeurs âcres et douces.

(...) 

Léopold Sédar Senghor ("Chants d'ombre" - Éditions du Seuil, 1945)

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David Diop (1927-1960) est un poète Wolof* sénégalais né en France de parents africains. Il a vécu en France et au Sénégal. Sa poésie (un seul recueil), est très engagée contre le colonialisme.Un autre texte est ici : PRINT POÈTES 2008 : L'AUTRE (Monde)
* Les Wolof sont une ethnie d'Afrique de l'Ouest. Le wolof est la langue la plus parlée au Sénégal. Son écriture utilise aujourd'hui l'alphabet latin

Celui qui a tout perdu
 
Le soleil brillait dans ma case
Et mes femmes étaient belles et souples
Comme les palmiers sous la brise des soirs.
Mes enfants glissaient sur le grand fleuve
Aux profondeurs de mort
Et mes pirogues luttaient avec les crocodiles
La lune, maternelle, accompagnait nos danses
Le rythme frénétique et lourd du tam-tam,
Tam-tam de la joie, tam-tam de l'insouciance
Au milieu des feux de liberté.
 
Puis un jour, le Silence ...
Les rayons du soleil semblèrent s'éteindre
Dans ma case vide de sens.
Mes femmes écrasèrent leurs bouches rougies
Sur les lèvres minces et dures des conquérants aux yeux d'acier
Et mes enfants quittèrent leur nudité paisible
Pour l'uniforme de fer et de sang.
Votre voix s'est éteinte aussi.
Les fers de l'esclavage ont déchiré mon coeur,
Tams-tams de mes nuits, tam-tams de mes pères.  

David Diop ("Coups de pilon" - Présence Africaine, 1956)

Afrique (extrait)

Afrique mon Afrique
Afrique des fiers guerriers dans les savanes ancestrales
Afrique que chante ma grand-mère
Au bord de son fleuve lointain
Je ne t'ai jamais connue
Mais mon regard est plein de ton sang
Ton beau sang noir à travers les champs répandu
Le sang de ta sueur
La sueur de ton travail
Le travail de I' esclavage
L'esclavage de tes enfants
Afrique dis-moi Afrique
Est-ce donc toi ce dos qui se courbe
Et se couche sous le poids de l'humilité
Ce dos tremblant à zébrures rouges
Qui dit oui au fouet sur les routes de midi
Alors gravement une voix me répondit
Fils impétueux cet arbre robuste et jeune
Cet arbre là-bas
Splendidement seul au milieu des fleurs
blanches et fanées
C'est I'Afrique ton Afrique qui repousse
Qui repousse patiemment obstinément
Et dont les fruits ont peu à peu
L' amère saveur de la liberté.

David Diop ("Coups de pilon" - Présence Africaine, 1956)

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Malick Fall (1920-1978) écrivain et diplomate sénégalais, est né à Saint-Louis du Sénégal.

Crépuscule

Mes villages ont peur de l’ombre
Mais l’ombre les prévient
Avant de les habiller de nuit

Une mère avive le tison pâle
Un enfant ramène les chèvres
Un père bénit le soir hésitant
Et l’ombre mord un pan du village
Si doucement que la peur s’estompe

Bonne nuit villages d’Afrique
.  

Malick Fall ("Reliefs" - Présence Africaine, 1964)

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Sidi Ahmed Cheik Aliou Ndao, né en 1933, est un romancier sénégalais Wolof*, auteur de deux romans en wolof : Buur Tillen (1967) et Mbaam Dictateur (Présence Africaine, 1997) ; et d'autres en français.
Il est également auteur de nouvelles, de pièces de théâtre (l'Exil d'Albouri , 1967 ; L'Ile de Bahila, 1975) et de poèmes (Kairée, 1964 ; Mogariennes, 1970).
* Les Wolof sont une ethnie d'Afrique de l'Ouest. Le wolof est la langue la plus parlée au Sénégal. Son écriture utilise aujourd'hui l'alphabet latin.

Midi (extrait)

Voici que l’air s’immobilise
Pas une aile d’oiseau
La cigale a délaissé l’archet de son violon
Aucune cadence du pilon de Kumba
Ô femme pas une graine de mil
Concassé sur ton van
Midi tu me fais peur
Tu as éparpillé tes braises
La femme assise à l’ombre
Tresse les cheveux de ses compagnes
Femme à l’affût d’un imprudent
Midi tu me fais peur
Voici que l’air s’immobilise
Comme du lait caillé au fond
D’une calebasse

Cheik Aliou Ndao

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Texte en wolof :

Njolloor

Jaww ji ne tekk
Ni mbaanig ci layten
Du picc muy fër-fëri
Mbaa petax muy pët-pëti
Riiti salliir du ñu tanqal
Kumba kandaŋul di fi lay sanqal
Njolloor maa la ragal
Wesaare nga say xal
Jabaru jinne gappariku
Ci keppaar di létt moroomam
Mbaa di xaar ku laar
Jaww ji ne tekk ni mbaanig ci layten

Cheik Aliou Ndao


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Mali (ethnie Peul)

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Amadou Hampâté Bâ (1900-1991) est un écrivain ("Amkoullel, l'enfant Peul"), poète et ethnologue Peul né au Mali (et mort en Côte d'Ivoire). Les Peuls sont une ethnie d'Afrique Occidentale, nomades  éleveurs de bétail.
Amadou Hampâthé Bâ est attaché à tradition orale des Peuls, moyen de transmission de la culture et de l'Histoire, par les contes initiatiques, légendes, poésies ...

"Je suis un diplômé de la grande université de la Parole enseignée à l’ombre des baobabs"...
"En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle"...

Il a publié des poésies et des contes, et ses mémoires sont édités après sa disparition : Amkoullel l’enfant peul (mémoires I, 1991) et Oui mon commandant ! (mémoires II, 1994) ; livre_tour_de_terre

Lôtori (extrait)

Levez-vous ! les poules du villages ont crié ;
les ânes ont brait à s’en lasser ;
les oiseaux se sont éveillés ; les hyènes ont filé ;
le caméléon est entré dans la rosée et voici le calao qui cherche à s’envoler
Lôtori ! Lôtori, conduisez les troupeaux à la mare de Béla !

Amadou Hampâté Bâ

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Et voici le début de ce poème dans son texte original en langue peul :

Lootori  

Ummee ! cofe ngenndi woyii ;
dakiiji kiikii fa comii ;
pooli pinii pobbi dogii ; doonyo naatii saawandere [...]

Amadou Hampâté Bâ ("L'éclat de la grande étoile "; Bain rituel" - Classiques africains - éditions Belin)

Le texte en français est consultable sur le Web. Le passage traduit ci-dessus est emprunté à l'ouvrage "Tour de Terre en poésie", de Jean-Marie Henry et Mireille Vautier (éditions Rue du Monde - 1998)


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Burkina Faso

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Armand Balima est un auteur contemporain Burkinabé ("le pays des hommes intègres"), anciennement Haute-Volta, ce pays où le Sahel, au nord, marque la zone désertique saharienne :

Sahara

Sahara
Mamelles de sable
Qui portent les caresses
Des caravanes
Sahara
Mamelles de sable
Qui enveloppent
La tiédeur des nuits
                                Bleues

Armand  Balima ("Voiles marines", Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1979



2 janvier 2009

Poètes d'AMÉRIQUE du NORD- Indiens

Paysages des poètes d'Amérique

Amérique du Nord - Indiens 

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Les Iroquois, tribu indienne d'Amérique du Nord, qu'on appelle aussi Cinq-Nations (à l'origine) compteront en tout six nations amérindiennes de langues iroquoises vivant historiquement dans le nord de l'État de New York, aux États-Unis d'Amérique.

Chant Iroquois

Nous rendons grâces à notre mère la terre, qui nous soutient.
Nous rendons grâces aux rivières et aux ruisseaux qui nous donnent l'eau.
Nous rendons grâces à toutes les plantes qui nous donnent les remèdes contre nos maladies.
Nous rendons grâces au maïs et à ses soeurs les fèves et les courges, qui nous donnent la vie.
Nous rendons grâces aux haies et aux arbres qui nous donnent leurs fruits.
Nous rendons grâces au vent qui remue l'air et chasse les maladies.
Nous rendons grâces à la lune et aux étoiles qui nous ont donné leur clarté après le départ du Soleil.
Nous rendons grâces à notre grand-père Hé-no, pour avoir protégé ses petits-enfants des sorcières et des reptiles, et nous avoir donné sa pluie.
Nous rendons grâces au Soleil qui a regardé la terre d'un oeil bienfaisant.
Enfin, nous rendons grâces au Grand Esprit en qui s'incarne toute bonté et qui mène toutes choses pour le bien de ses enfants.

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Plenty Coups (1848-1932) était le chef de la tribu des Crows, tribu amérindienne qui vivait historiquement dans la vallée du fleuve Yellowstone, et qui ont été déplacés par le gouvernement des États-Unis d’Amérique dans une réserve au sud du Montana. "Plenty Coups" signifie "beaucoup de coups, ou de victoires", surnom gagné contre les ennemis traditionnels des Crows, les Cheyennes, les Lakotas ou les Blackfeet.

Message d'adieu

Passent encore quelques soleils, et on ne nous verra plus ici.
Notre poussière et nos ossements se mèleront à ces prairies.
Je vois comme dans une vision, mourrir la lueur de nos feux du conseil, leurs cendres devenues froides et blanches.
Je ne vois plus s'élever les spirales de fumée au-dessus de nos tentes.
Je n'entends plus le chant des femmes préparant le repas.
Les entilopes ont fui ; les terres des bisons sont vides.
On n'entend plus que la plaite des coyottes.
La "médecine" de l'homme blanc est plus forte que la nôtre ;
le cheval de fer s'élance sur les pistes du bison.
Il nous parle à travers son "esprit qui murmure"(le telephone).
Nous sommes comme des oiseaux à l'aile brisée.
Mon coeur est froid au-dedans de moi.
Mes yeux se troublent ! Je suis vieux.

Plenty Coups, en 1909

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Éléonore Sioui est une écrivaine contemporaine du Québec, d'origine Amérindienne huronne-wendate, à qui on a imposé la langue française. Elle veut "donner la parole à celles qui se sont tues", et pratique la langue française à sa manière, nous rendant sa culture accessible.

La mer

Je ramasse tout près d'elle
Toutes sortes d'herbes
Et j'en fais des bouquets
Pour offrir à ceux
Qui peut-être
Viendront m'aimer.

Éléonore Sioui ("Andatha") Andatha signifie : 'Là où tout converge"

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Obedjiwan

Obedjiwan
La ouate
De tes neiges
Sans fin
Renferme
Les glaçons
Aigus
Argentés
Des sanglots
Perdus.

Éléonore Sioui

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Gilles Hénault (1920-1996) est (selon Paul-Marie Lapointe dans son ouvrage "Poètes québécois"), un "québécois rouge, abénaki, maya, nègre de Birmingham".

Paysages dans lesquels se fond l'histoire du peuple Peau-Rouge :

Je te salue

Peaux-rouges
Peuplades disparues dans la conflagration de l’eau de feu et des tuberculoses
Traquées par la pâleur de la mort et des Visages-Pâles
Emportant vos rêves de mânes et de manitou
Vos rêves éclatés aux feux des arquebuses
Vous nous avez légué vos espoirs totémiques
Et notre ciel a maintenant la couleur des fumées de vos calumets de paix.

Nous sommes sans limites
Et l’abondance est notre mère.
Pays ceinturé d’acier
Aux grands yeux de lacs
A la bruissante barbe résineuse
Je te salue et je salue ton rire de chutes.
Pays casqué de glaces polaires
Auréolé d'aurores boréales
Et tendant aux générations futures
L'étincelante gerbe de tes feux d'uranium.
Nous lançons contre ceux qui te pillent et t'épuisent
Contre ceux qui parasitent sur ton grand corps d'humus
et de neige
Les imprécations foudroyantes
Qui naissent aux gorges des orages.

J'entends déjà le chant de ceux qui chantent :
Je te salue la vie pleine de grâces
le semeur est avec toi
tu es bénie par toutes les femmes
et l'enfant fou de sa trouvaille
te tient dans sa main
comme le caillou multicolore de la réalité.

Belle vie, mère de nos yeux
vêtue de pluie et de beau temps
que ton règne arrive
sur les routes et sur les champs
Belle vie
Vive l'amour et le printemps.

Gilles Hénault ("Signaux pour les voyants, poèmes, 1941-1962" - éditions de l'Hexagone, 1972)

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Miroir transparent

L’amour est plus simple qu’on le dit
Le jour est plus clair qu’on le croit
La vie est plus forte que la mer
La poésie coule dans la plaine
où s’abreuvent les peuples.

L’absence est un glacier
L’hiver de l’amour nous fait un cœur très sec
Mais que viennent deux ou trois flèches de soleil
Un seul printemps debout sur la montagne de neige
Et refleurira la simplicité des temps sur les tempes
Des doigts entrelacés au-dessus des ruisseaux du cœur.

Gilles Hénault ("Signaux pour les voyants, poèmes, 1941-1962" - éditions de l'Hexagone, 1972)


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2 janvier 2009

Poètes d'AMÉRIQUE du NORD - États-Unis

Paysages des poètes d'Amérique

Amérique du Nord - États-Unis 

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Emily Dickinson (1830-1886) est une des plus importantes poètes des États-Unis d'Amérique.

"Je donnerais tous les poètes pour Emily Dickinson".
Cioran

Je reviens du Ciel

Je reviens du Ciel.
C'est un village ;
Pour lampe, un rubis ;
Du coton pour lattes.

Calme - plus qu'un champ
Au fort de la rosée ;
Plus beau qu'une image
Inventée par l'homme.
Les gens, tels des phalènes,
Etaient faits de dentelle ;
De gaze étaient leurs devoirs,
Et leur nom, de duvet.
Contente - ou presque,
Je pourrais être
En compagnie
Si singulière.

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I went to Heaven

I went to Heaven –
‘Twas a small Town –
Lit – with a Ruby –
Lathed – with Down –

Stiller – than the fields
At the full Dew –
Beautiful – as Pictures –
No Man drew.
People – like the Moth –
Of Mechlin – frames –
Duties – of Gossamer.
And Eider – names –
Almost – contented
I – could be –
‘Mong such unique
Society –

Emily Dickinson

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 Walt Whitman (1819-1892) est un poète des Etats-Unis d'Amérique. Leaves of Grass ("Feuilles d'herbe"), qu'il a publié à compte d'auteur, avant que d'autres éditeurs ne l'acceptent, est son recueil de poèmes le plus représentatif.

"Qui dégrade autrui me dégrade ;
Et rien ne se dit ou se fait qui ne retourne enfin à moi."

"Whoever degrades another degrades me ;
And whatever is done or said returns at last to me."

(Feuilles d'herbes - Leaves of Grass)

Salut au Monde !

Et voici les marins du monde,
Les uns au milieu des tempêtes, d'autres dans la nuit avec le quart en veille,
D'autres en train de dériver sans merci, d'autres atteints de maladies contagieuses.
Voici les navires à voile et à vapeur du monde, les uns uns groupés dans les ports, d'autres en cours de traversée.
D'autres doublent le cap des tempêtes, d'autres le Cap Vert, d'autres les caps Gardafui, Bon ou Bojador
D'autres la pointe de Dondrah,
D'autres le cap Horn, d'autres voguent sur le golfe du Mexique ou le long de Cuba ou Haïti, d'autres sur la baie d'Hudson ou la baie de Baffin,
D'autres franchissent le Pas de Calais, d'autres entrent dans le Wash, d'autres dans le golfe de Solway, d'autres font le tour du cap Clear, d'autres du cap Land's End.
D'autres traversent le Zuyderzée ou l'Escaut,
D'autres touchent et quittent Gibraltar et aux Dardanelles,
D'autres se fraient rigoureusement leur route à travers les banquises du nord.
D'autres descendent l'Obi ou la Léna,
D'autres le Niger ou le Congo, d'autres l'Indus, le Brahmapoutre et le Mékong.
D'autres attendent sous pression prêts à partir dans les ports d'Australie.
Attendent à Liverpool, Glasgow, Dublin, Marseille, Lisbonne, Naples, Hambourg, Brême, Bordeaux, La Haye, Copenhague,
Attendent à Valparaiso, Rio de Janeiro, Panama.

Walt Whitman ("Feuilles d'herbes")

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Wallace Stevens (1879-1955) a publié son premier livre, Harmonium, en 1923. Prix Pulitzer en 1955.

Bonhomme de neige

Il faut posséder un esprit d’hiver
Pour regarder le gel et les branches
Des pins sous leur croûte de neige ;

Avoir eu froid pendant longtemps
Pour contempler les genévriers hérissés de glace,
Les épicéas, bruts dans l’éclat lointain

Du soleil de janvier ; et ne pas imaginer
De détresse aucune dans le bruit du vent,
Le bruit d’une poignée de feuilles,

Qui est le bruit de l’étendue
Emplie du même vent
Soufflant dans le même lieu nu

Pour qui écoute, écoute dans la neige,
Et, n’étant rien lui-même, ne contemple
Rien qui ne soit là et le rien qui est.

(traduction de Claire Malroux)

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texte original :

The snow Man

One must have a mind of winter
To regard the frost and the boughs
Of the pine-trees crusted with snow;

And have been cold a long time
To behold the junipers shagged with ice,
The spruces rough in the distant glitter

Of the January sun; and not to think
Of any misery in the sound of the wind,
In the sound of a few leaves,

Which is the sound of the land
Full of the same wind
That is blowing in the same bare place

For the listener, who listens in the snow,
And, nothing himself, beholds
Nothing that is not there and the nothing that is.

Wallace Stevens, ("Harmonium" - Éditions Corti, 2002)



2 janvier 2009

Poètes d'AMÉRIQUE CENTRALE - Cuba, Guatemala ...

Paysages d'Amérique Centrale

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Cuba

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Alberto Edel Morales est né en 1961 à Cuba.

livre_po_sie_cubaineEn regardant les autos passer (extrait)

Dans les petites villes du centre de Cuba
les rues habituellement bruyantes et douces,
deviennent vides aux mois d'hiver.
J'ai vécu cette pesante quiétude.
...
Dans les petites villes du centre de Cuba
tout est absence et attente aux mois d'hiver.
J'ai vécu cette pesante quiétude.

Alberto Edel Morales ("Poésie Cubaine 1980 - 2000" numéro 24 de la revue Bacchanales - 2001 - Maison de la Poésie Rhône-Alpes)

traduction :

Viendo los autos pasar

En las pequeñas ciudades del centro de Cuba
las calles, habitualmente bulliciosas y dulces,
se quedan vacías en los meses de invierno.
Yo he vivido esa pesada quietud.

En las pequeñas ciudades del centro de Cuba
todo es ausencia y espera en lo meses de invierno.
Yo he vivido esa pesada quietud.

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Nicolas Guillén (1902-1989) est sans doute le plus connu des poètes cubains.
Sa poésie parle du métissage, du respect de l’autre, du refus de l’injustice, contre l’impérialisme et la colonisation.

Un son para niños antillos      

Por el Mar de las Antillas
anda un barco de papel
anda y anda el barco barco,
Sin timonel.

De la Habana a Portobelo,
de Jamaica a Trinidad,
anda y anda al barco barco,
Sin capitan.

Una negra va en la popa
va en la proa un español :
Anda y anda el barco barco,
con ellos dos.

Pasan islas, islas, islas,
muchas islas, siempre mas ;
anda y anda el barco barco,
sin descansar.

Un cañon de chocolate
contra el barco disparo,
y un cañon de azucar, zucar,
le contesto.

¡Ay, mi barco marinero,
con su casco de papel !
¡Ay, mi barco negro y blanco
sin timonel !

Alla va la negra negra
junto junto al español ;
anda y anda al barco barco
con ellos dos.

Nicolas Guillén ("El son entero")

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Traduction de Claude Couffon :

Une chanson pour les enfants antillais

Voguant sur la Mer des Antilles
avance un bateau de papier
le bateau avance, avance,
sans timonier.

De La Havane à Portobel,
de Jamaïque à Trinité,
le bateau avance, avance,
sans capitaine.

Une négresse est à la poupe
à la proue est un espagnol :
le bateau avance, avance,
avec eux.

Passent des îles et des îles,
des îles et puis d’autres îles ;
le bateau avance, avance,
sans repos.

Un canon tout en chocolat
a tiré contre le bateau,
qui de son canon tout en sucre,
a répondu.

Ah ! mon bateau filant sur l’eau
avec sa coque de papier !
Ah ! mon bateau tout noir et blanc,
sans timonier !

Sur le bateau va la négresse
et l’espagnol
le bateau avance, avance
avec eux.

Nicolas Guillén ("Poésie Cubaine du XXème siècle" - Patiño, 1998)

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Un largo lagarto verde (extrait) - titre proposé

Por el Mar de las Antillas
(que también Caribe llaman)
batida por olas duras
y ornada de espumas blandas,
bajo el sol que la persigue
y el viento que la rechaza,
cantando a lágrima viva
navega Cuba en su mapa :
un largo lagarto verde,
con ojos de piedra y agua.

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Un long lézard vert

Dans la mer des Antilles
(Qu'on nomme aussi Caraïbe)
fouettée de violentes vagues
et ornée de blanche écume,
sous le soleil qui la persécute
et le vent qui la repousse,
chantant à chaudes larmes
Cuba navigue sur sa carte :
long crocodile vert
aux yeux d'eau et de pierre.

Nicolas Guillén ("Un largo lagarto verde" - 1958) traduction Lieucommun


Paysages d'Amérique Centrale

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Guatemala

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Le territoire des Mayas occupe essentiellement le sud du Mexique et le nord du Guatemala et du Belize. La langue la plus parlée par les mayas est le quiché (maya quiché) et l'espagnol, mais il existe d'autres langues suivant les régions.
Les Mayas d'aujourd'hui sont agriculteurs et artisans, mais nombre d'entre-eux ont quitté leur territoire d'origine pour les grandes villes du Guatemala et du Mexique.
Deux adresses pour ceux qui voudraient en savoir davantage : l'historique et la civilisation Maya sur Wikipedia ; et le site ami JSE2 pour des techniques textiles et des actions solidaires (On trouvera facilement de très nombreux autres sites).
 

 Pour se familiariser avec la langue maya (et l'espagnol), on trouvera des textes et quelques éléments lexicaux ici, et même des cours de maya, avec le son ! : http://www.lexilogos.com/maya_langue_dictionnaire.htm
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Le Rabinal Achi (l’Homme de Rabinal) est une oeuvre poétique et théâtrale dramatique expliquant le mode de vie et les coutumes mayas. C'est une danse rituelle du village de Rabinal, au Guatemala, toujours célébrée le jour de la Saint-Paul, le 25 janvier, dans ce village.
Le texte original en avait été découvert puis publié en 1862 par Charles Étienne Brasseur de Bourbourg. C'est à partir d’un autre manuscrit en langue quichéachi (Miguel Pérez, 1913) qu'a été établie l'édition actuelle.
Voici donc  un passage du Rabinal Achi, avec l'aimable autorisation d'Alain Breton, qui en a dirigé la traduction et l'édition (Rabinal Achi, Un drame dynastique maya du XVe siècle).

On trouvera ici un passage plus long de ce texte : Printemps des Poètes 2008 - Rabinal Achi

Rabinal Achi     l’Homme de Rabinal (extrait)

ajkaroq ba la kaj    « Ô, ciel
ajkaroq ba la ulew       ô, terre !
we qatz waral in kamel    Si vraiment ici je meurs
                       in sachel                            je disparais,
waral chi uxmut kaj    ici, au nombril du ciel
          chi uxmut ulew          au nombril de la terre,
are k’u x chinwachilibej la kuk    alors, que je ressemble à cet écureuil
                                       la tz’ikin                                        à cet oiseau
la xkam chi uq’ab che’    qui mourut sur la branche
             chi uxum che’                      sur le rameau de l’arbre
chirech utzukuxik la recha’    dont est tirée sa nourriture
                             la uk’uxun                         sa subsistance,
waral chi uxmut kaj    ici, au nombril du ciel
          chi uxmut ulew          au nombril de la terre ! »

ix ba ri kot    « Ô, vous, les Guerriers Aigles
ix ba ri balam       ô, vous, les Guerriers Jaguars,
kixpeta ba la    venez !
chibana ba ri ichak    Faites votre travail
chibana ba ri ipatan    accomplissez votre charge,
chibana ba la ri iwe’    faites donc agir vos crocs
                      ri iwixkaq                          et vos serres,
ma k’u qatz jumer wachil kiniwismarisaj    afin qu’en un instant vous me fassiez devenir plumage
rumal xa xinoyew wi    puisque je fus seulement valeureux
chi nupetik chi nujuyubal    en venant de mes montagnes
                   chi nutaq’ajal                    de mes vallées !
keje kaj    Que le ciel
       ulew chik’oji’ iwuk’        et la terre demeurent avec vous,
ix kot        vous, les Guerriers Aigles,
ix balam    vous, les Guerriers Jaguars ! »

D’après : Alain Breton (éd.) : Rabinal Achi. Un drame dynastique maya du quinzième siècle - Nanterre, Société des américanistes & Société d’ethnologie, 1994, pp. 315-319.

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Humberto Ak’abal, né en 1952, est un poète Maya du Guatemala. Les Mayas représentent plus de la moitié de la population de ce pays, mais c'est un peuple qui lutte pour son existence et sa culture (300 000 indiens mayas ont été tués dans les années 80). On trouvera ici sur le blog, d'autres petits poèmes de cet auteur.

" La justice ne parle pas la langue des indiens,
la justice ne descend pas chez les pauvres,
la justice ne porte pas de caites,
la justice ne marche pas pieds nus
sur les chemins de terre..."

Les caites sont les sandales des indiens mayas

La justicia no habla en lengua de indios,
la justicia no desciende a los pobres,
la justicia no usa caites,
la justicia no camina descalza
por caminos de tierra ...

Le poème qui suit est paru dans le journal "La Jornada" (La Journée) sous le titre La memoria del árbol (La mémoire de l'arbre), présenté par Eduardo Galeano. Ak'abal l'a écrit en maya quiché et traduit en espagnol. Nous vous en proposons la traduction en français.

B'alam

K'o taq mul in b'alam,
kinxak'in pa taq siwan,
kinch'opin puwi' taq ri tanatik
kinb'inib'ej, kinq'axaj juyub'.

Kinwil ri unimal ri kaj,
ri uchowil, jela' che ri ja',
ri uk'ux ri ulew.

Kintzijon ruk' ri q'ij,
kinetz'an ruk' ri ik',
kinb'oq' ch'umil
kinnak' chuwij.

Kinsilob'aj ri nuje',
kinq'oyi' cho ri le'anik
kinkosik', kinwesaj ri waq'.

Humberto Ak’abal

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en espagnol :

Jaguar

Otras veces soy jaguar,
corro por barrancos,
salto sobre peñascos,
trepo montañas.

Miro más allá del cielo,
más allá del agua,
más allá de la tierra.

Platico con el sol,
juego con la luna,
arranco estrellas
y las pego a mi cuerpo.

Mientras muevo la cola,
me echo sobre el pasto
con la lengua de fuera

Humberto Ak’abal (dans le quotidien "La Jornada" du 17 février 1999)

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Traduction en français proposée par Lieucommun :

Jaguar
 
 Parfois, je suis jaguar,
je cours par les ravins,
je saute par-dessus les rochers,
j'escalade les montagnes.

Je regarde au-delà du ciel,
au-delà de l'eau,
au-delà de la terre.

Je parle avec le soleil,
je joue avec la lune,
J'arrache des étoiles
et je les fixe sur mon corps.

En remuant la queue,
je me précipite dans l'herbe,
la langue dehors.

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Autres textes en espagnol (avec traduction) :

Las luciérnagas

Las luciérnagas
son estrellas
que bajaron del cielo

y las estrellas
son luciérnagas
que no pudieron bajar.

Apagan y encienden sus ocotíos
para que les duren
toda la noche.

Humberto Ak’abal

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Traduction proposée par Lieucommun :

Les lucioles

Les lucioles
sont des étoiles
descendues du ciel

et les étoiles
sont des vers luisants
qui n'ont pas pu descendre.

Ils éteignent et allument leur petits braseros
pour avoir de la lumière
toute la nuit.

Humberto Ak’abal

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Allá

Allá
de donde yo soy

es el único lugar
donde uno
puede agarrarse de la noche
como de una baranda

para no caer
en la oscuridad.

Humberto Ak’abal

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Traduction proposée par Lieucommun :

Là-bas

Là-bas
où moi je suis né,

c'est le seul lieu

où l'on peut s'appuyer sur la nuit
comme sur une balustrade

pour ne pas tomber

dans l'obscurité.

Humberto Ak’abal

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Árbol

Libro verde
árbol poeta
¡cuánta poesía en tus hojas!
Quienquiera
que se pose en tus ramas
se vuelve cantor.

 

Humberto Ak’abal

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Traduction proposée par Lieucommun :

Arbre

Livre vert
arbre poète
que de poésie dans tes feuilles !
Quiconque
se pose sur tes branches
devient chanteur.

Humberto Ak’abal

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Miguel Angel Asturias (1899-1974), prix Nobel de littérature, est un romancier ("El señor Presidente" - "Monsieur le Président"), nouvelliste ("Hombres de maíz" - "Les hommes de maïs"), poète et diplomate guatémaltèque.
Deux recueils de poèmes parmi les plus connus : Rayito de estrellas (Petit rayon de lumière d'étoile, 1925) et Clarivigilia primaveral (Claire veillée de printemps, 1965).

Poème traduit de l'espagnol par lieucommun :

Les indiens descendent de Mixco

Les Indiens viennent
de Mixco
chargés de bleu-nuit
et la ville les accueille
avec ses rues effarouchées
par un bouquet de lumières
qui s'éteignent comme des étoiles
au lever du jour.

Leurs mains qui rament
comme deux rames dans le vent
font un bruit de cœurs battants,
et leurs pieds laissent
des empreintes, comme de petites plantes,
dans la poussière du chemin.

Les étoiles qui apparaissent
à Mixco, restent à Mixco,
car les Indiens les capturent
et ils en font des paniers qu'ils garnissent
de poules et de grappes de fleurs blanches
d'izote* doré.

La vie indienne est une vie
plus discrète que la notre.
Quand ils descendent de Mixco,
on n'entend que le bruit de leur souffle

qui siffle entre leurs lèvres
comme une vipère de soie.

Miguel Angel Asturias

* L'izote, fleur nationale du Salvador, pousse dans toute l'Amérique Centrale. Cette belle plante, que les botanistes appellent Yucca elephantipes possède des fleurs blanches comestibles (mais aussi très décoratives), et de longues feuilles rigides et pointues, avec lesquelles on fabrique du tissu.

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Los indios bajan de Mixco

Los indios bajan de Mixco
cargados de azul oscuro
y la ciudad les recibe
con las calles asustadas
por un manojo de luces
que, como estrellas, se apagan
al venir la madrugada.

Un ruido de corazones
dejan sus manos que reman
como dos remos al viento;
y de sus pies van quedando
como plantillas las huellas
en el polvo del camino.

Las estrellas que se asoman
a Mixco, en Mixco se quedan,
porque los indios las cogen
para canastos que llenan
con gallinas y floronas
blancas de izote* dorado.

Es mas callada la vida
de los indios que la nuestra,
y cuando bajan de Mixco
solo se escucha el jadeo
que a veces silba en sus labios
como serpiente de seda.
 

Miguel Angel Asturias

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Méditation devant le lac Titicaca
(dernière partie du poème)

[...]

La vie du haut plateau au cœur du paysage
m'escorte en mon voyage, aujourd'hui même, aujourd'hui même,
oh ! dites le à mes amis,
aux spectres de mes étudiants, à mes enfants,
aux femmes de ma chair,
et à l'eau du sol que je porte
contre la plante de mes pieds cicatrisée,
depuis que je me suis arraché à ma terre,
moi qui ne pourrais plus m'attacher nulle part
sans courir le péril d'être changé en arbre !
Oui, je cours le péril d'être changé en arbre. Pour cela
je m'en vais demain, aujourd'hui, en cet instant
qui peut être fatal à l'homme qui vivant,
revêt une peau de feuillage.

Tranchez net mes racines avec les fers les plus profonds,
avec les haches les plus dures, tranchez mes branches
avec l'acier de votre chant,
que mes racines cessent ici de s'accroître,
mes racines que guide leur subconscience végétale,
parce que mon corps a été humus :
sa peau brûlée muée en écorce,
sa salive en sève exténuée, ses narines en suc,
ses cheveux en cheveux de nopal,
maintenant chevelure de cacique,
et tout l'engrenage des dents
en rire d'épis de maïs que protègent les thyms,
le timide ravin, la fronde belliqueuse du cactus !
Tranchez net mes racines, mes branches et leur ombre !
 

Miguel Angel Asturias (Traduction de Claude Couffon)

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Méditación frente al lago Titicaca (última parte del poema)

[...]

La vida de la puna en el paisaje
va de viaje conmigo, hoy mismo, hoy mismo,
comunicadlo a mis amigos,
a los espectros de mis estudiantes y mis niños,
a las mujeres de mi carne
y a la humedad del suelo que llevo
en la planta de los pies cicatrizada,
después que me arrancara de mi tierra
al costo de no estar nunca en un sitio,
por el peligro de volverme árbol.
Corro el peligro de volverme árbol y por eso me voy,
mañana mismo, hoy mismo, en este instante
que puede ser fatal para el que vive con la piel de la hoja siendo humano.

¡Cortad, cortadme las raíces con los filos más hondos,
con las hachas más duras, y cortadme las ramas
con los filos del canto,
para que no se multipliquen mis raíces aquí,
mis raíces de subconsciencia vegetal,
porque mi ser ha sido humus:
tiene la piel quemada de corteza,
la saliva de jugo de fatiga,
las narices de zumo,
el pelo de pelo de nopal,
ya cabellera de cacique,
y todo el engranaje de los dientes
de risa de mazorca conseguida a favor de los tomillos,
la tímida hondonada y la honda de pita pendenciera!
¡Cortadme las raíces, las ramas y la sombra! 

Miguel Angel Asturias (Traduction de Claude Couffon - anthologie "Visages de l'Amérique latine", textes réunis par Poeta Tristan)


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2 janvier 2009

Poètes d'AMÉRIQUE du SUD - Brésil, Chili, Argentine ...

Paysages d'Amérique du Sud 

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Chili

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Pablo Neruda (1904-1973) est le poète chilien le plus connu.
Dans le recueil "Vingt poèmes d'amour et une chanson désespérée" les poèmes ne portent aucun titre, ils sont numérotés de I à XX.

"Los Veinte poemas de amor y una canción desesperada son un libro doloroso y pastoril que contiene mis más atormentadas pasiones adolescentes, mezcladas con la naturaleza arrolladora del sur de mí patria" ...

Pablo Neruda dans son autobiographie "J'avoue que j'ai vécu" ("Confieso que he vivido")

(Passages)

XIV

Juegas todos los días con la luz del universo.
Sutil visitadora, llegas en la flor  y en el agua.
Eres más que esta blanca cabecita que aprieto
como un racimo entre mis manos cada día.

A nadie te pareces desde que yo te amo.
Déjame tenderte entre guirnaldas amarillas.
¿Quién escribe tu nombre con letras de humo entre las estrellas del sur ?
¡Ah, déjame recordarte cómo eras entonces, cuando aún no existías !

(...)

Hasta te creo dueño del universo.
Te traeré de las montañas flores alegres, copihues,
avellanas oscuras, y cestas silvestres de besos.

Quiero hacer contigo
lo que la primavera hace con los cerezos.

Tu joues tous les jours avec la lumière de l'univers ...

Tu joues tous les jours avec la lumière de l'univers.
Subtile visiteuse, tu viens sur la fleur et dans l'eau.
Tu es plus que cette blanche et petite tête que je presse
Comme une grappe entre mes mains chaque jour.

Tu ne ressembles à personne depuis que je t'aime.
Laisse-moi t'étendre parmi les guirlandes jaunes.
Qui inscrit ton nom avec des lettres de fumée parmi les étoiles du sud ?
Ah laisse-moi me souvenir comment tu étais alors, quand tu n'existais pas encore.

(...)

Je te crois même reine de l'univers.
Je t'apporterai des fleurs joyeuses des montagnes, des copihues,
des noisettes foncées, et des paniers sylvestres de baisers.

Je veux faire avec toi
ce que le printemps fait avec les cerisiers.
(...)

XVI

En mi cielo al crepúsculo eres como una nube
y tu color y forma son como yo los quiero.
Eres mía, eres mía, mujer de labios dulces
y viven en tu vida mis infinitos sueños

(...)

Tu es au crépuscule ...

Tu es au crépuscule un nuage dans mon ciel,
ta forme, ta couleur sont comme je les veux.
Tu es mienne, tu es mienne, ma femme à la lèvre douce
et mon songe infini s'établit dans ta vie.

(...)

Pablo Neruda ("Vingt poèmes d'amour et une chanson désespérée", 1998 - paru en Poésie/Gallimard)

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Du recueil de Pablo Neruda "Cien sonetos de amor", ce XXVe sonnet avec sa traduction, pour le paysage :

Soneto XXIV

Amor, amor, las nubes a la torre del cielo
subieron como triunfantes lavanderas,
y todo ardió en azul, todo fue estrella:
el mar, la nave, el día se desterraron juntos.

Ven a ver los cerezos del agua constelada
y la clave redonda del rápido universo,
ven a tocar el fuego del azul instantáneo,
ven antes de que sus pétalos se consuman.

No hay aquí sino luz, cantidades, racimos,
espacio abierto por las virtudes del viento
hasta entregar los últimos secretos de la espuma.

Y entre tantos azules celestes, sumergidos,
se pierden nuestros ojos adivinando apenas
los poderes del aire, las llaves submarinas.

Pablo Neruda ("Cien sonetos de amor")

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 traduction proposée par  Lieucommun :

Sonnet XXIV

Amour, amour, à la tour du ciel les nuages
montèrent telles de triomphantes lavandières,
et tout brûla en bleu d'azur, tout fut étoile :
la mer, le navire, le jour s'exilèrent ensemble.

Viens voir les cerisiers dans leur eau constellée
viens voir la ronde clef de l'univers rapide,
Viens toucher le feu de l'azur instantané,
viens avant que ses pétales se consument.

Il n'est ici que lumière, abondance*, grappes,
espace ouvert par les vertus du vent
jusqu'à livrer les derniers secrets de l'écume.

Et parmi tant de bleus célestes, submergés,
nos yeux se perdent, devinant à peine
les pouvoirs de l'air et les clefs de la mer.

Pablo Neruda ("La Centaine d'amour" - éditions Gallimard, 1995)

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Gabriela Mistral (1889-1957), est une poète chilienne, contemporaine de Pablo Neruda, qu’elle a côtoyé en Europe.
Ses premiers poèmes, dont "Junto al Mar" (Au bord de la mer) sont publiés en 1904 dans un journal chilien local.
Son pseudonyme, Mistral est emprunté au poète provençal français Frédéric Mistral.
Elle reçoit en 1945 le Prix Nobel de Littérature.

Où ferons-nous la ronde ?

Où ferons-nous la ronde ?
La ferons-nous au bord de la mer ?
La mer dansera de toutes ses vagues,
tressant des fleurs d’oranger.
La ferons-nous au pied de la montagne ?
La montagne nous répondra :
Ce sera comme si les pierres du monde entier
Se mettaient à chanter.
Mieux, la ferons-nous dans la forêt ?
Des chants d’enfants et d’oiseaux
tresseront des baisers dans le vent.
Nous ferons une ronde infinie :
Nous irons la danser dans la forêt,
nous la ferons au pied de la montagne,
et sur toutes les plages du monde.

Gabriela Mistral ( "Désolation"  - 1922) (traduction proposée par  Lieucommun)

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¿En dónde tejemos la ronda?

¿En dónde tejemos la ronda?
¿La haremos a orillas del mar?
El mar danzará con mil olas,
haciendo una trenza de azahar.
¿La haremos al pie de los montes?
El monte nos va a contestar.
¡Será cual si todas quisiesen,
las piedras del mundo, cantar !
¿La haremos, mejor, en el bosque ?
La voz y la voz va a trenzar,
y cantos de niños y de aves
se irán en el viento a besar.
¡Haremos la ronda infinita!
¡La iremos al bosque a trenzar,
la haremos al pie de los montes
y en todas las playas del mar !

Gabriela Mistral ("Desolación"  - 1922)

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Dans ce deuxième texte, l'auteur décrit "trois arbres" de Patagonie, cette région à l'extrème pointe de l'Amérique du Sud, à la frontière du Pôle sud. Terre de glace et "terre de feu" (les volcans), avec à l'ouest des forêts millénaires.
C'est en Patagonie que se trouve la ville d' Ushuaïa (l'émission de télévision sur la nature sauvage lui a emprunté son nom : "baie qui pénètre vers le couchant" dans la langue des indiens).

Trois arbres

Trois arbres tombés
sont restés au bord du sentier.
Oubliés du bûcheron, ils s'entretiennent*,
fraternellement serrés, comme trois aveugles.

Le soleil couchant verse
son sang vif dans les troncs éclatés,
les vents emportent le parfum
de leur flanc ouvert.

L'un, tout tordu, tend un bras immense,
frissonnant de feuillage, vers l'autre
et ses blessures sont pareilles
à des yeux pleins de prière.

Le bûcheron les a oubliés.
La nuit viendra. Je resterai avec eux.
Je recueillerai dans mon cœur
leurs douces résines, elles me tiendront lieu de feu.
Muets, pressés les uns contre les autres,
que le jour nous trouve monceau de douleur**.

* dans le sens de converser     -   ** traduction de Mathilde Pomès : "deuil" - lieucommun préfère traduire "duelo" par "douleur", vous choisirez ....

Gabriela Mistral ("Paysages de Patagonie, dans le recueil "Désolation"  - 1922). 
Traduction de Mathilde Pomès, auteur de "Gabriela Mistral" (collection Poètes d'aujourd'hui - éd Pierre Seghers - 1963)

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Tres árboles

Tres árboles caídos
quedaron a la orilla del sendero.
El leñador los olvidó, y conversan
apretados de amor, como tres ciegos.

El sol de ocaso pone
su sangre viva en los hendidos leños
¡y se llevan los vientos la fragancia
de su costado abierto!

Uno torcido, tiende
su brazo inmenso y de follaje trémulo
hacia el otro, y sus heridas
como dos ojos son, llenos de ruego.

El leñador los olvidó. La noche
vendrá. Estaré con ellos.

Recibiré en mi corazón sus mansas
resinas. Me serán como de fuego.
¡Y mudos y ceñidos,
nos halle el día en un montón de duelo* !

** traduction de Mathilde Pomès : "deuil" - lieucommun préfère traduire "duelo" par "douleur", vous choisirez ....

Gabriela Mistral ("Paisajes de la Patagonia" en "Desolación"  - 1922)
Ce texte a été chanté (en espagnol) par le chilien Angel Parra (en 1995 dans "Gabriela Mistral: "amado, apresura el paso")

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Vicente Huidobro (1893-1948) est un poète surréaliste et écrivain chilien, connu "pour être le fondateur du Créationnisme*, poésie caractérisée par l'absence de signes de ponctuation, la disposition des vers, les thèmes non transcendantaux et les images extraordinaires" - source Wikipédia

* Le Créationnisme n'a ici rien à voir avec la théorie du Dessein intelligent, qui professe que "le monde n’a pas plus de dix mille ans, qu'il a été créé en six jours et que l’être humain n’a aucun ancêtre commun avec d’autres espèces vivantes", niant ainsi toute théorie de l'évolution, initiée par Darwin.

Le début d'un poème :

Balada de lo que no vuelve

Venía hacia mí por la sonrisa
Por el camino de su gracia
Y cambiaba las horas del día
El cielo de la noche se convertía en el cielo del amanecer
El mar era un árbol frondoso lleno de pájaros
Las flores daban campanadas de alegría
Y mi corazón se ponía a perfumar enloquecido
(…)

- - - -

traduction (adaptée) par le blog lieucommun :

Ballade de ce qui ne revient pas 
 
Elle venait vers moi par le chemin de son sourire
Par le sentier de sa grâce
Elle changeait les heures du jour
Le ciel de la nuit devenait ciel d'aurore
La mer était un arbre au feuillage plein d'oiseaux
Les fleurs lançaient des chants joyeux
Et mon coeur affolé s'emplissait de parfums
(…)

Vicente Huidobro


2 janvier 2009

Poètes du Proche-Orient et du Moyen-Orient - Iran, Palestine - Israël - Liban ...

Paysages du Proche-Orient et du Moyen-Orient 

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Iran

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Salah Al Hamdani est né en 1951 à Bagdad. Exilé depuis 30 ans en France. il écrit en arabe et en français, des pièces de théâtre, des récits, des nouvelles et des poèmes (Bagdad mon amour, 2003 - Ce qu’il reste de lumière, 1999 -  Au large de Douleur, 2000 - Le Doute, 1992).

Voici un poème écrit après la guerre d'Irak et la chute du régime de Saddam Hussein :

Trente jours après trente ans
 
N’ai-je pas à nommer les choses
comme une main tendue au naufragé,
comme le déroulement des saisons ?
 
N’ai-je pas dit
qu’une chose s’achève toujours au dépens de ce qui commence ?
 
Un flux de poussière achemine une odeur d’enfance
tandis que son cortège emporte mon incertitude
lentement
glissant sur la racine du jour ...
 
Je veux venir tout près de toi,
avec, dans les mots, ce que l’exilé laisse d’inachevé
 
L’aurore se lève sur Bagdad
et sa morsure se répand sur moi
 
Ma mère, comme la lumière,
n’a pas besoin du procès de l’obscurité
mais d’un peu de silence
quand son fils, l’exilé de retour,
se pose sur sa branche
en compagnie d’une étoile tatouée par la brume
 
Car il revient chez lui
comme un réfugié de passage
un fugitif qui cherche le partage :
un sourire,
un morceau de pain
un coin de lit
et le témoignage de la noyade du crépuscule.

Salah Al Hamdani ("Bagdad à ciel ouvert" - illustrations de Salah Ghiad" - éditions Écrits des forges, 2007)


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Israël

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Marlena Braester est une poète contemporaine israëlienne. Le recueil "Caractères" est paru en 2009.

les couleurs dansent

les couleurs dansent jusqu’au noir
dans la lumière
à un signe de l’air
elles se jettent aveugles de tous côtés
dans le vertige éblouissant
elles dansent jusqu’au noir
les ombres saignent
soudain
une couleur passe
les autres rentrent en-dessous
comme des pas étouffés dans les tapis de lumière
puis reprennent
la danse jusqu’au noir
derrière les couleurs
guette la lumière

Marlena Braester ("Poèmes" - Caractères, 2009)

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quelle langue parlent ces rues ?

quelle langue parlent ces rues
qui viennent vers nous
de leur lointain
horizon éclaté ?

Marlena Braester ("Poèmes" - Caractères, 2009)


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Liban

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On trouvera des poètes (au féminin) libanaises d'expression française (certaines ont vécu une grande partie de leur vie en France), dans la catégorie : PRINT POÈTES 2010 : DES FEMMES POÈTES

Vénus Khoury-Ghata,  Etel Adnan, Nouad Es-Sahad

sans oublier Andrée Chedid ici : PRINT POÈTES 2010 : ANDRÉE CHEDID


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Palestine

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Palestine, région du Proche-Orient aux contours incertains, tourmentés, revendiqués, inclus, exclus, paradoxale Terre Sainte-terre d'affrontements. La poésie de Palestine est à la fois poésie ancienne de toute la région, avant les découpages historiques, et poésie contemporaine de résistance et d'identité des "Territoires palestiniens".

Mahmoud Darwich est né en Galilée en 1941. Il est mort en 2008. ” Je suis celui que l’on désigne comme "le poète de la Palestine", et l’on requiert de moi de fixer mon lieu dans la langue, de protéger ma réalité du mythe et de maîtriser l’une et l’autre, pour être tout à la fois partie de l’Histoire et témoin de ce qu’elle m’a fait subir. C’est pourquoi mon droit à un lendemain requiert révolte contre le présent et défense de la légitimité de mon existence dans le passé. Mon poème se retrouve ainsi changé en preuve d’existence ou de néant"...

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"Je veux un lieu à la place du lieu pour revenir à moi-même "...
 

Au centre de sa poésie, la terre de Palestine et l'identité, toujours revendiquées

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Les oiseaux meurent en Galilée (passages)

pluie douce en un automne lointain
les oiseaux sont bleus, bleus
la terre en fête
Ne dis pas : Je suis un nuage suspendu sur le port
car je ne veux
de mon pays tombé de la fenêtre du train
que le mouchoir brodé de ma mère
et les raisons d’une mort nouvelle

pluie douce en un automne étrange
les fenêtres sont blanches, blanches
le soleil, un verger vespéral
et moi
je suis une orange spoliée
Pourquoi donc t’évades-tu de mon corps
alors que je ne veux
du pays des couteaux et du rossignol
que le mouchoir brodé de ma mère
et les raisons d’une mort nouvelle ?

pluie douce en un automne triste
les rendez-vous sont verts, verts
et le soleil argile
Ne dis pas : Nous t’avons vu quand le jasmin fut piétiné
vendant la mort et les calmants
ma face était nuit
ma mort un embryon
et moi je ne veux
de mon pays qui a oublié le langage des absents
que le mouchoir brodé de ma mère
et les raisons d’une mort nouvelle

pluie douce en un automne lointain
les oiseaux sont bleus, bleus
la terre en fête
les oiseaux se sont envolés vers un temps irrévocables
veux-tu malgré tout connaître mon pays
et ce qui nous unit ?

(...)

... je ne veux
de mon pays qui m’a tranché la gorge
que le mouchoir brodé de ma mère
et les raisons d’une mort nouvelle

(...)

Mahmoud Darwich ("Al-'Asafir tamut fi al-jalil, Les oiseaux meurent en Galilée" - 1970)

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Poème écrit entre 1966 et 1999, le texte intégral était déjà sur le blog, ici : http://lieucommun.canalblog.com/archives/poeme_du_jour/index.html)

Sécheresse (début du poème)

Cette année est difficile,
L'automne ne nous a rien promis,
Nous n'avons pas attendu les messagers
Et la sécheresse est telle qu'en elle-même : une terre souffrante
Et un ciel doré.
Que mon corps soit mon temple.

...À toi d'atteindre le pain de mon âme
Pour te connaître toi-même. Et je suis sans limites,
Si je le désire :
Avec un épi, j'agrandis mon champ.
Et j'élargis cet espace avec une tourterelle.
Que mon corps soit mon pays.

La sécheresse scrute le fleuve,
regarde les palmiers,
Mais elle ne remarque pas mon puits profond.
Et par toi je suis infini...
L'automne, le ciel est authentique.

[...]

Mahmoud Darwich - ("La terre nous est étroite et autres poèmes, 1966-1999" traduction d'Élias Sanbar* - Éditions Poésie-Gallimard, 2000)


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2 janvier 2009

Poètes d'ASIE - Extrème-Orient - Chine, Japon, Viêt-Nam, Indonésie

Paysages d'Asie - Extrème-Orient 

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Chine

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Tu Fu (712-770) est un grand poète chinois de la dynastie des Tang, très prolifique.

Village près d'une rivière

Eau claire, méandres qui enserrent le village.
Longues jourbées d'été où tout est poésie.
Sans crainte vont et viennent les couples d'hirondelles ;
Les mouettes, les unes contre les autres, dans l'étang.
Ma vieille épouse dessine un échiquier sur papier.
Mon fils, pour pêcher, tord son hameçon d'une aiguille.
Souvent malade, je cherche les plantes qui guérissent :
Quoi d'autre peut-il désirer, mon humble corps ?

Tu Fu - 1938  (extrait de "L'Écriture poétique chinoise", de François Cheng)


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Japon (haïkus)

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Le haïku (prononcez : “haïkou”) est un court poème japonais classique, comportant trois versets de 5, 7 et 5 pieds et visant à traduire une forte émotion face à la nature et à une saison.
Mais, même au Japon, le haïku a beaucoup évolué : on trouve maintenant des haïkus “libres” (qui ne respectent pas la métrique) et des haïkus politiques, érotiques, gastronomiques." (Georges Friedenkraft, dans la revue Marco Polo n° 10, d'octobre 2005).

Les haïkus sont rangés dans les poèmes courts en première page de cette catégorie, dans la cétégorie (colonne de gauche) : HAÏKUS - poésies des saisons, et dans d'autres catégories du Printemps des Poètes (années 2007 à 2010)


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Viêt-Nam 

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Cù Huy Cân (1919-2005), auteur francophone bilingue, est un poète du Vietnam moderne ("Messages stellaires et terrestres" ; "Le temps des passages " ; "Écrits des Forges"). Engagé dans la lutte pour l'indépendance, il est en 1945, l’un des signataires de la Déclaration d’indépendance du Viêt-Nam, sous la présidence d' Hô-Chi-Minh. Il occupera différentes fonctions au sein du gouvernement de la République Démocratique du Viêt-Nam, dont celle de ministre de la Culture.

Je renais à toi chaque matin

Je renais à toi chaque matin
Et je regarde, émerveillé, la vie avec ton regard.
Je marche sur les bords de ta mer profonde
Et je rentre au plus profond de moi-même
En suivant ton sillage.
Nos deux destinées jumelles
Auront été deux vagues mêlées
Sur la grande Mer.
Nous écroulerons-nous en touchant les rivages ?
Je m’adosse aux bords de ton soir
Pour t’aimer dans tes racines
Pour avoir ta rose et tes épines.
Je renais à toi chaque matin.
Tu es mon aube et mon aurore,
Mon horizon fuyant et ma fixe horloge
Qui sonne gravement les heures de mon destin.
Saveur du jour, saveur de la nuit.
Tu es, mon amour, saveur de sève et de fruit
Que je hume et qui assouvit ma gourmandise.

Cù Huy Cân  ("Le Temps des Passages")
"Le Temps des Passages" réunit 24 poètes illustrés par des peintures de Chantal Legendre, dont le site est ici)


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Indonésie

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Asrul Sani (1926-2004), était journaliste, réalisateur de films ("Para Perintis Kemerdekaan" : "Pionniers de la liberté", 1980), écrivain et poète. Il est né à Sumatra. 

Lettre d'une mère

Va dans le vaste monde, mon cher enfant,
Va vers une vie libre !
Tant que le vent souffle en poupe.

Va vers la vaste mer, mon cher enfant,
Va vers le monde libre !
Tant qu’il ne fait pas encore noir
Et que le crépuscule ne rougit pas le ciel.

Lorsque les ombres s’effaceront,
Que l’aigle de mer sera retourné à son nid,
Que le vent soufflera vers la terre
Et que le timonier sera sans boussole,
Alors tu pourras revenir vers moi !

Reviens alors, mon cher enfant,
Reviens de l’autre côté de la nuit !
Et lorsque ton navire sera près du rivage,
Alors nous parlerons
De l’amour et de ta vie demain matin.

Asrul Sani  ("Le Temps des Passages") et "A Mother's letter" dans "Tiga Menguak Takdir" (anthologie de poèmes avec Chairil Anwar et Rivai Apin, 1950)



2 janvier 2009

Poètes d'OCÉANIE

Paysages d'Océanie

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Nouvelle-Calédonie

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La Nouvelle-Calédonie, archipel d'Océanie, ancienne colonie française, a acquis un statut d'autonomie, et selon les accords de Nouméa négociés en 1998, un référendum doit décider, à partir de 2014, de son indépendance ou de son maintien dans la République française.
Les kanak (en français canaques) sont les Mélanésiens autochtones. Le mot "kanak", invariable, signifie "homme".
La langue officielle est le français, mais ils parlent de nombreuses langues locales indigènes (dont le drehu, dans les Îles Loyauté), la plupart étant des langues orales.
Le drehu possède aujourd'hui une écriture et une grammaire et est enseigné à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales. On peut écouter ici un récit en drehu, une des langues kanak parlées en Nouvelle-Calédonie (à Ouvéa).

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Voici une chanson traditionnelle et sa traduction, empruntées à cette adresse (où on peut même l'écouter) :

http://www.mamalisa.com/fr/nouvellecaledonie.html

Vaka seke ifo (Le bateau est arrivé)

A fia fi e malino de tai
Touy foki o kilo polo aki
Denei de vaka e seke ifo
Fola ou inaghe

Taou imou kilo foki moa mai
O kitea dogou mata gode taghi
Denei de vata e seke ifo
Fola ou inaghe

Le bateau est arrivé

Un soir, la mer est calme
En regardant, je m'en vais
Voilà, le bateau est arrivé
A bientôt et au revoir.

Les amoureux regardent l'océan.
Regarde mes yeux, ils sont en larmes
Voilà, le bateau est arrivé
A bientôt et au revoir.

chanson traditionnelle kanak

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Wanir Wélépane est un poète et homme d'église (pasteur) calédonien kanak, né en 1941. Son prénom "Wanir" signifie "petite lumière" en kanak.
Il est l'auteur du recueil de textes multilingues "Aux vents des îles", accompagnés de photographies de Marie-Jacqueline Begueu (édité par l'Agence de développement de la culture kanak en 1993).

Kwènyii
Wêê
Numèè
Caac
Le mât est planté sur la terre
Dans l'aire de danse
Pour annoncer au peuple la danse sacrée
Prenez vos conques
Soufflez sur les montagnes
Soufflez sur les airs
Soufflez dans les forêts
Et dans les vallées
Pour appeler tout le monde
À danser la danse de la terre.

Wanir Wélépane, (texte emprunté à l'anthologie "Le français est un poème qui voyage" - Éditions Rue du Monde, 2006)

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Pierre Wakaw Gope est né en 1966.

Au rythme du bambou

Eau fluide
Long silence
Nuit creusée
D’un son lourd
Tumulte
Rage
Sourde
Mêlée
Sur la voix du bambou
Le danseur s’élance
Et sa joie relie
La forêt le vent les esprits la Lune
La terre tremble
Clameur
La terre tremble
Poussière de soie
Le danseur s’élance
Soulève
La forêt le vent les esprits la Lune
Et les mêle
            ivre
                   à sa joie

Pierre Wakaw Gope ("S'ouvrir" - éditions L'Herbier de Feu, 1999)

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Jean Mariotti (1901-1975) est un poète de Nouvelle-Calédonie.
Ce texte est extrait d'un poème d'exil :

Nostalgie

Quand l’âcre odeur du soir,
De la ville mouillée, monte aux toits de Décembre
(...)
Quand la bise aigre, rasant les murs, se rue avec furie
Transportant en longs couloirs
Les senteurs rances
De Paris qui fricotte la tambouille du soir,
Je songe à mon Océanie.

 

Mon regret vain s’égrène
Du corail caressé par la houle câline
A la senteur si douce
De la brousse violente
Et je crois voir alors,
Perçant les brumes sales
Crevant l’horizon lourd
D’un paysage aux perspectives lentes,
Je crois voir dans le soir
Monter le ciel si clair de mon île natale,
Ciel où l’océan navigue. Irréel concave
Serti de corail. Étincelle
En dérive sous les feux du soleil.

 

Cette lumière,
Par lambeaux brûle mon cœur gris
Sans le réchauffer
Car je sais, oui, je sens
Puisque, tout ensemble,
Je vois le soleil de midi et
la Croix
du Sud* étincelante,
Je sens que c’est un rêve qui me tourmente,
Que c’est Décembre
Et
Que je suis à Paris.

*La Croix du Sud est une constellation qu'on ne peut voir que dans le ciel nocturne de l'hémisphère sud.
Jean Mariotti.

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Déwé Gorodey, née en 1949 est une écrivaine kanak. Elle occupe des fonctions importantes dans le gouvernement Calédonien.

Araucaria

Araucaria
pin colonnaire*
qui troue le ciel de mon pays
de son tronc s'étirant
vers les souvenirs inavoués
de mon peuple humilié
réfugié dans le ciel des prières

pour oublier

Araucaria
arbre à palabres
de clans et tribus trahis
sur cette terre qui est leur
leurs paroles figées
dans ta dure résine solide
je les dirai en face car je ne veux

PAS OUBLIER

Je les écrirai
là où je le pourrai
du mieux que je le pourrai
ici et maintenant car

j'ai beau chercher
la nuit le jour
je ne vois rien d'autre dans le ciel que
pour éclairer ma mémoire

Le pin colonnaire, comme son nom l'indique, est un arbre qui pousse tout en hauteur et qui peut s'élever jusqu'à 50 m.
Dewe Gorodey ("Sous les Cendres des Conques", 1974)

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Le passage ci-dessous est emprunté ici : http://www.ac-noumea.nc/histoire-geo/progexam/doc/placeteroledelafemme.pdf

Utê Mûrûnû, petite fleur de cocotier

Peut-être est-ce depuis ce temps là que, parfois, seule aux champs, j’entends les voix de la Terre. Ces voix de la Terre, enseignait donc ma grand-mère Utê Mûrûnû, n’étaient autres que celles de la mère, celle de la femme. Et elles s’adressaient en premier lieu à nous les femmes qui, mieux que personne, pouvions les comprendre. Porteuses de semences, nous étions lardées d’interdits, marquées de tabous comme autant de pierres pour obstruer la vie. [..] Ädi, perles noires du mariage coutumier, nous étions échangées comme autant de poteries scellant une alliance entre deux guerres. Voies et pistes inter claniques, nous survivions tant bien que mal à nos enfances et à nos pubertés trop souvent violées par des vieillards… »

Peu après le retour à la terre de notre grand-mère Utê Mûrûnû, qui s’éteignit au tout début de ce siècle, nos pères et nos grands-pères m’accompagnèrent chez nos utérins de l’autre coté, pour m’offrir à l’un de nos vieux cousins, polygame dont je devins alors la plus jeune des femmes. [….] J’étais à peine pubère et aucun garçon ne m’avait approchée. Les grands-mères, tantes et soeurs aînées qui étaient là, les premières épouses, se chargèrent de parfaire mon éducation. […] Les unes et les autres me nourrissaient, m’épouillaient, me soignaient. Les unes et les autres m’ordonnaient les tâches quotidiennes, m’emmenaient aux champs, m’initiaient au tissage et à la vannerie, m’apprenaient les récits du clan, les chants et les danses de femmes. Ce fut la plus vieille d’entre elles […] qui m’accompagna au fil des nuits dans la case de notre grand cousin.

Déwé Gorodey ("Utê Mûrûnû, petite fleur de cocotier" -  Grain de sable, EDIPOP, 1994)


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Australie

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Dorothea Mackellar (1885-1968) a écrit ce poème à Londres, nostalgique de son Australie natale :

J'aime un pays ...

J'aime un pays brûlé par le soleil,
Terre des vastes plaines,
Des chaines de montagne déchiquetées,
De la sécheresse et des inondations.
J'aime ses horizons lointains,
J'aime le bijou qu'est sa mer,
Sa beauté et sa terreur
La grande terre brune pour moi !

Dorothea Mackellar ("My Country", 1908)



2 janvier 2009

Poètes du continent ARCTIQUE et du Grand Nord - Inuits

Paysages du Grand Nord

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Inuits

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livre_po_mes_eskimo_PEVLes Inuits vivent dans les régions arctiques de la Sibérie, paysages de neige, de glace et de toundra, de l'Amérique du Nord (l'Alaska, les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut, le Québec, le Labrador) ainsi que du Groenland (cette île, la plus étendue de la Terre après l'Australie, est un territoire autonome rattaché au Danemark).
Les Eskimo (ou "esquimaux") préfèrent qu'on les nomme "Inuits" (pluriel du mot "Inuk", qui signifie "l'homme par excellence").
En 1935 et 1936, à l'est du Groenland, l'explorateur Paul-Émile Victor a  collecté des récits, des chants et des poèmes traditionnels, réunis sous le titre "Poèmes eskimo" (Seghers jeunesse - 2005).

Le corbeau

Je suis montée sur le rocher
Sur le rocher de Krartoudouk*.
Comme un corbeau est ce rocher
Comme un corbeau posé sur le terre.
Derrière ce rocher j'ai vu les glaces
J'ai vu les glaces jusqu'au loin
Et je me suis assise sur ce rocher
Qui a l'air d'un corbeau.

poème anonyme (Krartoudouk* = corbeau)

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Je tremble de joie (titre proposé)

Le grand flux de l'océan me met en mouvement,
il me fait flotter.
Je flotte comme l'algue à la surface des eaux.
La voûte céleste m'agite
et l'air puissant agite mon esprit
et je me jette dans la poussière.
Je tremble de joie.

Chant inuit (dans "Paroles de bonheur" - Albin Michel)

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Qu'est-ce que je te promets ?

Qu'est-ce que je te promets ?
Des cieux brillants et clairs
C'est ce que je te promets.

poème anonyme

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Comment l’eau a commencé à jouer

L’eau voulait vivre,
elle alla voir le soleil
et revint en pleurant.

L’eau voulait vivre
Elle alla voir les arbres,
ils brûlèrent, ils pourrirent,
elle revint en pleurant.

L’eau voulait vivre
Elle alla vers les fleurs elles fanèrent,
elle revint en pleurant.

Jusqu’à n’avoir plus de larmes,
gisant au profond de toutes les choses
entièrement épuisée entièrement claire.

poème anonyme

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La plupart des Inuit maîtrisent la langue anglaise :

And yet there is only
One great thing,
The only thing:
To live to see in huts and journeys
The grest day that daws
And the little light that fills the world.

Kibkarjuk
(Cité par John Robert Colombo dans  " The poems of the Inuit" 1981)

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Traduction :

Et cependant il y a
une grande chose,
la seule grande chose :
Vivre pour voir dans nos huttes et nos voyages
le grand jour qui se lève
et la petite lumière qui remplit le monde.

Kibkarjuk

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Dans son étude "Réflexions sur une Iitterature orale : Les "chants" des anciens Eskimos", l'auteur, le linguiste chercheur Pierre Léon, de l'Université de Toronto, rapporte le texte qui suit, parmi d'autres chants ou poèmes des Eskimos du Canada.

Il précise : "il semble qu'il y ait trois categories de chants. La premiere serait constituee d'un fonds traditionnel, que toute la communaute se partage, la seconde d'improvisations personnelles et la troisieme de poemes de type professionnel- presque toujours ceux des angakoks, chamanes des groupes. [...] L'angakok compose [...] des chants pour toutes les grandes circonstances de la vie, les bonnes et les mauvaises. Il chante la misère, la faim, le froid, la peur, la famine et la mort. Il chante aussi la joie du chasseur, celle de la ripaille, les fêtes du printemps, les joutes, les concours de chants (poèmes) et de Katajjait (chants de gorge). [...]
Orpingalik, l'un des grands monstres sacrés de la poesie netsilike est l'auteur de toute une série de chants épiques qui retracent la genèse de l'univers eskimo. Ainsi la création du monde"
:

La terre etait là avant les hommes
Les tout premiers hommes sont sortis
De la terre
De la terre
Tout est sorti de la terre
Meme le caribou

Un jour les enfants ont poussé
Hors de la terre
Tout comme les fleurs....

Orpingalik (Cité par Pierre Léon dans  "Réflexions sur une Iitterature orale : Les "chants" des anciens Eskimos" 1981) - Ouvrage de Pierre Léon sur les chants et poèmes des Inuits du Canada : "Chants de la Toundra" (La Découverte, 1985)


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