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lieu commun

1 mai 2008

le féminin des autres - comptines en espagnol

Comptines, petits poèmes et petites chansons en espagnol  - Traductions en cours, patience ...

Les textes de Federico García Lorca et Antonio Machado sont aussi rangés à la page de ces auteurs.

Comptines :

Cinco pollitos (Comptine gestuelle)

Cinco pollitos
tiene mi tía,
uno le salta,
otro le pía
y otro le canta
la sinfonía.

Girar las manos a un lado y a otro con los dedos extendidos y separados.

Cinq poussins (très) libre adaptation en français : lieucommun)

Des cinq poussins
de ma tante,
le premier danse
un autre crie
un autre chante
la symphonie.

Faire tourner ses mains dans un sens et puis dans l'autre, les doigts tendus et écartés.

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Mi abuelita tenía un gato (Comptine - dialogue)

Mi abuelita tenía un gato,
con las orejas de trapo,
y el hocico de papel.
¿Quieres que te lo cuente otra vez?
(El niño le contesta sí o no)

Que me digas que sí,
que me digas que no,
que mi abuelita tenía un gato,
con las orejas de trapo,
y el hocico de papel.
¿Quieres que te lo cuente otra vez?
(El niño le contesta sí o no)

Se repite la retahíla, indefinidamente.

Traduction :

Ma mémé* avait un chat (Comptine - dialogue) * "abuelita" est le diminutif de "grand-mère"

Ma mémé avait un chat,
aux oreilles de chiffon,
au petit nez en papier.
¿Tu veux que je te le raconte encore ?
(L'enfant répond oui ou non)

Que tu me dises oui,
Que tu me dises non,
Ma mémé avait un chat,
aux oreilles de chiffon,
au petit nez en papier.
¿Tu veux que je te le raconte encore ?
(L'enfant répond oui ou non)

La comptine se répète indéfiniment.

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 Chanson et poésie populaires :

Tengo una muñeca

Tengo una muñeca vestida de azul
Con su camisita y su canesú
La saqué a paseo, se me constipó
La tengo en la cama con mucho dolor
Y esta mañanita me dijo el doctor
Que le dé el jarabe con un tenedor
Dos y dos son cuatro
Cuatro y dos son seis
Seis y dos son ocho
Y ocho diez y seis
Y ocho veinte y cuatro
Y ocho treinta y dos

(Chanson populaire)
 
J'ai une poupée (Adaptation en français : lieucommun) 

J'ai une poupée vêtue de bleu
Avec une chemisette et un canezou*
Je l'ai emmenée en promenade, elle s'est enrhumée
Je la garde au lit car elle a très mal.
Et ce matin, le docteur m'a dit
De lui donner du sirop avec une fourchette.
Deux et deux font quatre
Quatre et deux font six
Six et deux font huit
Et huit, seize
Et huit, vingt-quatre

Et huit, trente-deux      * un canezou est un corsage sans manches

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Berceuse de la mauvaise petite fille

Elle ne veut pas dormir,
Elle ne veut pas manger,
Ma petite fille ne veut pas,
Elle ne veut pas grandir.

- Monsieur Le loup, venez,
venez ici.

- Non, qu'il ne vienne pas, qu'il ne vienne pas,
Je m'endormirai bientôt.

Ah, fleur d'oranger,
Ah, oeillet blanc*
Petits yeux de menthe,
Petite bouche de miel.

Venez par ici ...

Dans les bras de ma petite fille
le loup s'est endormi.

Celia Viñas (1915-1954) - traduit (libre adaptation) par lieucommun - [vous pouvez contribuer aux traductions des textes]

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texte original :

Nana de la niña mala

No quiere dormir,
no quiere comer,
no quiere mi niña
no quiere crecer.

-Señor Lobo, venga,
venga por acá.

-No venga, no venga,
ya se dormirá.

Ay, flor de naranjo,
ay, limpio* clavel,
ojillos de menta,
boquita de miel.
Venga por acá...

En los brazos de mi niña
el lobo dormido está.

Celia Viñas - * traduction littérale de limpio clavel : oeillet propre, net, pur - on a choisi de traduire par "blanc" pour la sonorité.

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 Petits poèmes d'Antonio Machado :

La plaza

La plaza tiene una torre,
la torre tiene un balcón,
el balcón tiene una dama
la dama tiene una flor.

Antonio Machado

La place (adaptation en français : lieucommun)

La place a une tour,
la tour a un balcon,
le balcon a une dame,
la dame a une fleur.

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El otoño

En la cesta del otoño
me dejó mamá meter
una manzana y dos nueces
que yo le ayudé a coger.
Mi hermana María dice
que a ella le gusta ver
las hojas cuando se caen,
porque parece que vuelan
y no se quieren caer.

Carmen Calvo Rojo

L'automne (adaptation en français : lieucommun)

Dans le panier de l'automne
maman m'a laissé mettre
une pomme et deux noix
que je l'ai aidée à cueillir.
Ma sœur María dit
qu'elle, elle aime regarder
Les feuilles qui tombent,
Parce qu'on dirait qu'elles volent
et ne veulent pas tomber.



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1 mai 2008

le féminin des autres - Algérie - Afrique du Nord

AFRIQUE DU NORD

ALGÉRIE

Anna Greki (1931-1966) est née à Batna, dans les Aurès.

Alger (titre proposé)

J'habite une ville si candide
Qu'on l'appelle Alger la Blanche
Ses maisons chaulées sont suspendues
En cascade en pain de sucre
En coquilles d'oeufs brisés
En lait de lumière solaire
En éblouissante lessive passée au bleu
En plein milieu
De tout le bleu
D'une pomme bleue
Je tourne sur moi-même
Et je bats ce sucre bleu du ciel
Et je bats cette neige bleue du ciel
Bâtis sur des îles battues qui furent mille
Ville audacieuse Ville démarrée
Ville au large rapide à l'aventure
On l'appelle El Djezaïr
Comme un navire
De la compagnie Charles le Borgne.

Anna Greki ("Algérie, Capitale Alger" - éditions S.N.E.D. Tunis, 1963)

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Bachir Hadj Ali est né en 1920.

Le texte qui suit a pour source l'article documenté de Claude Raynaud : Panorama de la poésie maghrébine de langue française - 2. Poésie algérienne (http://www.culture-arabe.irisnet.be/)


Que la joie demeure (passage - titre du recueil)

Mon Algérie de l'errance
Mon pays de parfums blancs
Les femmes se taisent
La terre fuit clandestine
Le ciel est désespérance
Sur l'exil des hommes
Grande grande ouverte est la mer
...

Dans ce pays intrépide d'hommes bons
Vivent des hommes féroces
De férocité ancienne
Dans ce pays de bonheur inconnu
La femme n'est femme que la nuit
Je jure
Par la nuit mourante
Et par le jour naissant
Que règnera le couple sûr

Bachir Hadj Ali ("Que ma joie demeure !" - éditions Oswald, 1970 et l'Harmattan, 1981)

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Soumya Benkelma (pseudonyme de Soumya Bemmalek), est une poétesse algérienne dont les premiers poèmes ont été publiés en juillet-août 1976 dans la revue "Europe",(n° 567-568, spécial Littérature algérienne). Elle était, précise la revue, étudiante à cette époque ...

Partir

Partir et rien que partir
Partir et pour toujours
Ne plus revenir
Ne plus attendre
Voir du bleu et du blanc
Du rouge et du merveilleux
Aller à la rencontre du néant
Sans le savoir sans le vouloir
M'y enfoncer tout entière
Les yeux fermés
Me voir me sentir
Mourir mourir
Sentir d'instant en instant
Se détacher de tout moi
Tout ce que j'ai mal aimé
Tout ce que j'ai haï
Me voir morte sous une tombe blanche
Sous la terre ma terre rouge sang
Là-haut sur une montagne
Entourée d'ombre et de silence
De lumière folle et de chants
Là-haut sur une montagne
Une montagne près du soleil.

Soumya Benkelma, 1974



1 mai 2008

le féminin des autres - Maroc - Égypte - Tunisie

MAROC

Tahar Ben Jelloun est né à Fès, au Maroc, en 1944. Écrivain et poète, il est l'auteur de deux recueils de poésie, dont Les Amandiers sont morts de leurs blessures, et de romans : La Nuit sacrée a obtenu le Prix Goncourt 1987.

Étranger

Étranger
prends le temps d'aimer l'arbre
accoude-toi à terre
un cavalier t'apportera de l'eau, du pain,
et des olives amères
c'est le goût de la terre et des semences de la mémoire
c'est l'écorce du pays
et la fin de la légende
ces hommes qui passent n'ont pas de terre
et ces femmes usées
attendent leur part d'eau.
Étranger,
laisse la main dans la terre pourpre
ici
il n'est de solitude que dans la pierre.

Tahar Ben Jelloun, ("À l'insu du souvenir" - François Maspero éditeur, 1980).


 ÉGYPTE

Texte d'Égypte ancienne
On peut approximativement le dater de 2200 avant notre ère. C'est une glorification de la crue du Nil (Hâpy). Avant la construction du grand barrage d'Assouan, et d'autres aménagements, la crue d'été apportait le limon et l'eau nécessaires aux cultures sur les rives du fleuve.
Kemet ("la terre noire") était le nom donné à l'Égypte antique.

Texte présenté ici dans une version réduite et réorganisée par lieucommun. Voici comme une femme fertile et vénérée, la Crue du Nil :

L'Hymne à la crue du Nil (court extrait proposé)

Salut à toi, Crue
Maîtresse des poissons.
Tu conduis les oiseaux migrateurs vers le Sud.
Tu fais naître les herbes pour le bétail.
Tu es dans le monde souterrain
et le ciel et la terre reposent sur toi.
Tu pénètres les collines.
Tu emplis la Haute et la Basse-Égypte.
Tu établis la vérité dans le coeur des hommes.
Tu veilles à ce que les oiseaux reviennent de leur pays.
Sois verte, alors tu viendras !
Sois verte, alors tu viendras !
Crue, sois verte, alors tu viendras !

D'après le texte retranscrit par Dirk Van der Plas ("L'hymne à la crue du Nil" dans la Revue Le Monde de la Bible n° 138 - Paris, 2001).


TUNISIE

Jacqueline Daoud est née en 1937.

Quand je pense à la mer

Quand je pense à la mer
C'est à l'eau que je pense, verte et mouvante
Pas au poisson, pas au bateau.

Quand j'écoute la mer
C'est bien l'eau que j'entends, sourde et roulante
Et pas le coquillage et pas le vent.

Quand j'entre dans la mer
Froide et secrète comme un grand abreuvoir
C'est moi le coquillage et le bateau
Et la vague et le vent et l'eau
Et je bois le soleil.
 

Jacqueline Daoud ("Traduit de l'abstrait" -  Cérès productions, 1968) - source : site officiel du Printemps des Poètes


1 mai 2008

le féminin des autres - Afrique Noire - Côte d'Ivoire

AFRIQUE NOIRE

CÔTE D'IVOIRE

Bernard Dadié est né en 1916. C'est un écrivain et homme politique ivoirien.

"Je vous remercie mon Dieu, de m'avoir créé Noir,
D'avoir fait de moi La somme de toutes les douleurs,
Mis sur ma tête Le Monde.
J'ai la livrée du Centaure et je porte
le Monde depuis le premier matin.

Le blanc est une couleur de circonstance
Le noir, la couleur de tous les jours
Et je porte le Monde depuis le premier soir." (...)

Un poème qui s'adresse à l'Afrique, comme à une mère :

Sèche tes larmes, Afrique

Tes enfants te reviennent
Leurs sens se sont ouverts
A la splendeur de ta beauté
A la senteur de tes forêts
A l'enchantement de tes eaux
A la limpidité de ton ciel
Et au charme de ta verdure emperlée de rosée

Sèche tes pleurs, Afrique !
Tes enfants te reviennent
Les mains pleines de jouets
Et le coeur plein d'amour
Ils reviennent te vêtir
De leurs rêves et de leurs espoirs.

Bernard Dadié ("La ronde des jours " - éditions Seghers, 1956 )

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Véronique Tadjo est née en 1955.

Il faudra

Il faudra
Continuer à parcourir les pistes
Et les chemins sans fin
Apprendre à nouveau
Le chant d'un calao
Ne plus chercher en vain
Quelques bras qui se tendent
Ou regarder sans cesse
l'ombre de nos pas

Tu auras pour t'aider
Le tam-tam parleur

Écraser ta solitude
Du fond de ta retraite
Et piétiner les mots
Sacrilèges et parjures

Véronique Tadjo ("Latérite" - éditions Hatier, 1984)



1 mai 2008

féminin des autres - Afrique Noire - Sénégal

SÉNÉGAL

Fatou Ndiaye Sow (1956-2004) est une écrivaine sénégalaise, poète et auteure d'ouvrages pour la jeunesse.

Caméléon

Caméléon, prête-moi ta robe verte
Pour cueillir l’herbe des prairies.

Prête-moi ta robe grise
Pour pêcher au fond de l’eau.

Prête-moi ta robe bleue
Pour prendre un pan du ciel.

Prête-moi ta robe rouge
Couleur de feu,

Donne-moi ta robe jaune
Couleur de moisson,
C’est elle la plus jolie.

Fatou Ndiaye Sow ("Fleurs du Sahel" - éditions NEA, 1990 )

Fille du désert

Écoutons le Xalam chanter Ely Banna
Fille du pays des Torobé
Chant diapré d'éclat de crépuscule
Chant chaleur d'harmattan
Berce les soupirs obsédant nos sortilèges
Sur les rives sables de Guédé la majestueuse.

Fatou Ndiaye Sow ("Fleurs du Sahel" - Les Nouvelles Éditions Africaines du Sénégal, 1990 )

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 Léopold Sédar Senghor (1906-2001), a été le premier président du Sénégal, de 1960 à 1980. Voir également cet auteur dans la catégorie PRINT POÈTES 2010 : LE FÉMININ EN POÉSIE

 

Hymne à la femme Noire (extrait)

Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté
J'ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains bandait mes yeux
Et voilà qu'au coeur de l'
Été et de Midi,
Je te découvre, Terre promise, du haut d'un haut col calciné
Et ta beauté me foudroie en plein coeur, comme l'éclair d'un aigle
Femme nue, femme obscure

(...)

Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau.

Délices des jeux de l'Esprit, les reflets de l'or rongent ta peau qui se moire

À l'ombre de ta chevelure, s'éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.

Femme nue, femme noire
Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l'Éternel
Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les
racines de la vie. 

Léopold Sédar Senghor ("Oeuvres poétiques" - Éditions du Seuil, 1990)

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Nuit de Sine (extrait)

Femme, pose sur mon front tes mains balsamiques, tes mains douces plus que fourrure.
Là-haut les palmes balancées qui bruissent dans la haute brise nocturne
À peine. Pas même la chanson de nourrice.
Qu'il nous berce, le silence rythmé.
Écoutons son chant, écoutons battre notre sang sombre, écoutons
Battre le pouls profond de l'Afrique dans la brume des villages perdus.

Voici que décline la lune lasse vers son lit de mer étale
Voici que s'assoupissent les éclats de rire, que les conteurs eux-mêmes
Dodelinent de la tête comme l'enfant sur le dos de sa mère
Voici que les pieds des danseurs s'alourdissent, que s'alourdit la langue des chœurs alternés.

C'est l'heure des étoiles et de la Nuit qui songe
S'accoude à cette colline de nuages, drapée dans son long pagne de lait.
Les toits des cases luisent tendrement. Que disent-ils, si confidentiels, aux étoiles ?
Dedans, le foyer s'éteint dans l'intimité d'odeurs âcres et douces.

(...) 

Léopold Sédar Senghor ("Chants d'ombre" - Éditions du Seuil, 1945)

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Birago Diop (1906-1989) est un poète et écrivain Wolof du Sénégal, auteur de contes.

Viatique (extrait)

Dans un des trois canaris*
des trois canaris où reviennent certains soirs
les âmes satisfaites et sereines,
les souffles des ancêtres,
des ancêtres qui furent des hommes
des aïeux qui furent des sages,
Mère a trempé trois doigts,
trois doigts de sa main gauche:
le pouce, l'index et le majeur;
Moi j'ai trempé trois doigts:
trois doigts de la main droite:
le pouce, l'index et le majeur.
Avec ses trois doigts rouge de sang,
de sang de chien,
de sang de taureau,
de sang de bouc,
Mère m'a touché mon front avec son pouce,
Avec l'index mon sein gauche
Et mon nombril avec son majeur.
Moi j'ai tendu mes doigts rouges de sang,
de sang de chien,
de sang de taureau,
de sang de bouc.
J'ai tendu mes trois doigts aux vents
aux vents du Nord, aux vents du Levant
aux vents du Sud, aux vents du Couchant;
Et j'ai levé mes trois doigts vers la Lune,
vers la Lune pleine, la Lune pleine et nue
Quand elle fut au fond du plus grand canari.

Après j'ai enfoncé mes trois doigts dans le sable
dans le sable qui s'était refroidi.
Alors Mère a dit: "Va par le Monde, Va !
Dans la vie ils seront sur tes pas."

Depuis je vais
je vais par les sentiers
par les sentiers et sur les routes,
par-delà la mer et plus loin, plus loin encore,
par-delà la mer et par-delà l'au-delà ;
Et lorsque j'approche les méchants,
les Hommes au coeur noir,
lorsque j'approche les envieux,
les Hommes au coeur noir
Devant moi s'avancent les Souffles des Aïeux.

* les canaris sont des vases en terre cuite pour l'eau potable.

Birago Diop ("Leurres et lueurs" - 1960)

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David Diop (1927-1960est un poète Wolof sénégalais né en France de parents africains. Il a vécu en France et au Sénégal. Sa poésie (un seul recueil), est très engagée contre le colonialisme.Un autre texte est ici : PRINT POÈTES 2008 : L'AUTRE (Monde)

Celui qui a tout perdu
 
Le soleil brillait dans ma case
Et mes femmes étaient belles et souples
Comme les palmiers sous la brise des soirs.
Mes enfants glissaient sur le grand fleuve
Aux profondeurs de mort
Et mes pirogues luttaient avec les crocodiles
La lune, maternelle, accompagnait nos danses
Le rythme frénétique et lourd du tam-tam,
Tam-tam de la joie, tam-tam de l'insouciance
Au milieu des feux de liberté.
 
Puis un jour, le Silence ...
Les rayons du soleil semblèrent s'éteindre
Dans ma case vide de sens.
Mes femmes écrasèrent leurs bouches rougies
Sur les lèvres minces et dures des conquérants aux yeux d'acier
Et mes enfants quittèrent leur nudité paisible
Pour l'uniforme de fer et de sang.
Votre voix s'est éteinte aussi.
Les fers de l'esclavage ont déchiré mon coeur,
Tams-tams de mes nuits, tam-tams de mes pères.  

David Diop ("Coups de pilon" - Présence Africaine, 1956)

Afrique (extrait)

Afrique mon Afrique
Afrique des fiers guerriers dans les savanes ancestrales
Afrique que chante ma grand-mère
Au bord de son fleuve lointain
Je ne t'ai jamais connue
Mais mon regard est plein de ton sang
Ton beau sang noir à travers les champs répandu
Le sang de ta sueur
La sueur de ton travail
Le travail de I' esclavage
L'esclavage de tes enfants
Afrique dis-moi Afrique
Est-ce donc toi ce dos qui se courbe
Et se couche sous le poids de l'humilité
Ce dos tremblant à zébrures rouges
Qui dit oui au fouet sur les routes de midi
Alors gravement une voix me répondit
Fils impétueux cet arbre robuste et jeune
Cet arbre là-bas
Splendidement seul au milieu des fleurs
blanches et fanées
C'est I'Afrique ton Afrique qui repousse
Qui repousse patiemment obstinément
Et dont les fruits ont peu à peu
L' amère saveur de la liberté.

David Diop ("Coups de pilon" - Présence Africaine, 1956)



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1 mai 2008

le féminin des autres - Cuba - Amérique Centrale

AMÉRIQUE CENTRALE - ANTILLES

1 CUBA (langue espagnole)

Alberto Edel Morales est un poète contemporain.

Los pies desnudos

No tengo nada.

Sólo el amor
de una muchacha
y mis párpados abiertos.

Así puedo
correr sobre la hierba
húmeda y punzante.

Sabiendo
que a esa certeza
llamarán locura.

Alberto Edel Morales

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Traduction :

Les pieds nus

Je ne possède rien.

Seulement l'amour
d'une jeune fille
et mes paupières ouvertes.

Je peux ainsi
courir sur l'herbe
humide et piquante.

En sachant bien
que cette assurance
ils l'appelleront folie.

Alberto Edel Morales traduction Lieucommun



1 mai 2008

le féminin des autres - Guatemala - Amérique Centrale



2 GUATEMALA

langue espagnole

Le territoire des Mayas occupe essentiellement le sud du Mexique et le nord du Guatemala et du Belize. La langue la plus parlée par les mayas est le quiché (maya quiché) et l'espagnol, mais il existe d'autres langues suivant les régions.
Les Mayas d'aujourd'hui sont agriculteurs et artisans, mais nombre d'entre-eux ont quitté leur territoire d'origine pour les grandes villes du Guatemala et du Mexique.

Deux adresses pour ceux qui voudraient en savoir davantage : l'historique et la civilisation Maya sur Wikipedia ; et le site ami JSE2 pour des techniques textiles et des actions solidaires (On trouvera facilement de très nombreux autres sites).
   Pour se familiariser avec la langue maya (et l'espagnol), on trouvera des textes et quelques éléments lexicaux ici, et même
des cours de maya, avec le son ! : http://www.lexilogos.com/maya_langue_dictionnaire.htm

Humberto Ak’abal, né en 1952, est un poète Maya du Guatemala. Les Mayas représentent plus de la moitié de la population de ce pays, mais c'est un peuple qui lutte pour son existence et sa culture (300 000 indiens mayas ont été tués dans les années 80). On trouvera ICI  et  ici sur le blog, d'autres petits poèmes de cet auteur.

"La justicia no habla en lengua de indios,
la justicia no desciende a los pobres,
la justicia no usa caites*,
la justicia no camina descalza
por caminos de tierra ..."

" La justice ne parle pas la langue des indiens,
la justice ne descend pas chez les pauvres,
la justice ne porte pas de caites*,
la justice ne marche pas pieds nus
sur les chemins de terre..."

* Les caites sont les sandales des indiens mayas

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langue maya

Le territoire des Mayas occupe essentiellement le sud du Mexique et le nord du Guatemala et du Belize. La langue la plus parlée par les mayas est le quiché (maya quiché) et l'espagnol, mais il existe d'autres langues suivant les régions.
Les Mayas d'aujourd'hui sont agriculteurs et artisans, mais nombre d'entre-eux ont quitté leur territoire d'origine pour les grandes villes du Guatemala et du Mexique.

Source de la présentation et des poèmes de Briceida Cuevas Cob : http://www.adamantane.net/

"Briceida Cuevas Cob est née en 1969.C'est une des figures principales de la littérature contemporaine en langue maya yucatèque, une des langues aujourd’hui les plus parlées de la famille maya (env. 800000 locuteurs1). Briceida Cuevas Cob est originaire de Tepakán, petit village où elle vit encore, situé près de Calkini dans l’état du Campeche au Mexique. Cette région est un foyer séculaire d’une tradition écrite maya.
Briceida Cuevas Cob part de situations et d’objets quotidiens, avec les- quels elle nous éblouit et nous secoue. « Les objets sont prétexte pour dire ce qui nous fait mal, ou ce qu’on ne peut pas aller crier dans les rues, ou ce qui nous plaît. »
C’est précisément par son caractère quotidien, de proximité, intérieur, que la dénonciation des conditions d’injustice que son peuple subit prend chair et nous implique."

Teche yan a bin tu najil xook
baale yan a sut ta taamaj,
ta yalanaj,
ka’ boon yétel k’uxub u chun u nak’ ka’,
ka’ u leedz a sak píik u yaak’ sabak,
ka’ u p’ul yétel u yik’ a sak ol p’ulus-k’aak’,
ka’ u ch’op a uich u k’ak’al yal u k’ab buudz,

Tu iras à l’école
mais il te faudra regagner ta maison,
ta cuisine, que tu y peignes de roucou le ventre de la pierre à moudre
que la langue de la suie lèche ton jupon blanc
que tu gonfles le feu de l’air de tes poumons
que t’aveuglent les doigts fins de la fumée ...

Briceida Cuevas Cob (Extrait de "A Yaax tup", "Ta première boucle d’oreille")

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In k’abae

tikín ot’el,
chi’il chi’ u chi’chi’al u chá’acha’al tumén u dzay máako’ob,
Dzok in pitik u nóok’il in k’aba’
je bix u podzikúbal kan tu xla sóol.


Mon nom,
peau desséchée,
mordu de bouche en bouche,
mastiqué par les crocs de l’homme.
J’ai débarrassé mon nom de ses habits
comme le serpent se défait de sa vieille peau.


Briceida Cuevas Cob (Extrait de "In k’aba’", "Mon nom")

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Sajkil

Ban yéetel bin k-alkabch’int sajkil ua mina’an tunich.
Bin konk k-k’ajch’inti k’anche tu yóok’ol
ua take k’ancheboob sajkoob ti’o.
Bin ua k-k’oy k-ich u tial k-ch’inik.
Kun ua ku ch’áik ku kapik tu jójochil u yich ku k’ajoltikoone.
¡Bix konk k-k’ubentike k-pixán
dzok u puudzul jak’an yol ti’ to’ono!

La peur

Comment chasserions-nous la peur s’il n’y avait pas de pierres ?
Comment lui lancer des chaises
si même les chaises ont peur d’elle ?
Faut-il s’arracher les yeux pour les lui jeter ?
Et si elle les prenait, les enfonçait dans ses orbites et nous reconnaissait ?
Comment lui livrer notre âme
si elle a fui, de nous épouvantée ?

Briceida Cuevas Cob (Du recueil "U yok’ol awat pek’" "La complainte du chien")

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Un texte uniquement traduit en français, extrait de  "Chant triste de la femme maya" :

Chant triste de la femme maya (extraits des 2 premières parties sur 3)

1. Chant triste de la femme maya dont la mère vient de mourir

Hé’iiiiiiiiiin, hé’iiiiiiiiiin,
ma chère mère,
Est-ce la nuit qui tend sur mes yeux
le plus long des cauchemars
ou est-il vrai que ton corps s’est raidi,
comme le petit ramier
pour ne plus jamais voler ?
[...]
Où vas-tu prunelle de mes yeux ?
Où vas-tu clarté de ma vue ?
Pourquoi m’abandonnes-tu dans l’obscurité de la nuit ?
[...]
Si une fois j’ai blessé tes yeux de mon arrogance,
pardonne moi mère, je t’en prie pardonne moi.
Si une fois j’ai blessé la douceur de tes oreilles de mes paroles impures,
pardonne moi femme mère, je t’en prie pardonne moi.
[...]

2. Chant triste de la femme maya dont on emmène la mère à enterrer

Hé’iiiiiiiiiin, hé’iiiiiiiiiin.
ma belle petite mère,
hier à cette heure tu parlais gaiement avec moi
vifs étaient tes yeux,
vif ton esprit ;
tu mangeais avec moi.
Maintenant,
nous avons pris le chemin sur lequel je vais te quitter.
[...]
Ma chère mère,
tu t’en vas,
tu m’abandonnes avec la douleur de mon coeur.
Mais que dira mon âme
demain lorsqu’elle ne verra plus ton visage ?
Demain lorsqu’elle verra ton hamac seul suspendu ?
Demain, lorsqu’elle verra tes vêtements vides de ton corps ?
Demain, lorsqu’elle verra tes sandales vides de tes pieds ?
Hé’iiiiiiiiiin, hé’iiiiiiiiiin.

Que dira le soleil
quand il se glissera sous la porte pour baiser tes pieds
et que tu n’es pas là ?
Hé’iiiiiiiiiin.
Que diront tes poules
lorsqu’elles t’appelleront pour ramasser leurs oeufs
et que tu n’es pas là ?
Hé’iiiiiiiiiin.
Que diront tes dindons
lorsque, puissants coureurs, ils se précipiteront pour engloutir leur
ration
dans le creux de ta main
et que tu n’es pas là ?
Hé’iiiiiiiiiin.
Et que dira le soir
lorsqu’il s’arrêtera devant la porte pour caresser ton front
et que tu n’es pas là ?
[...]

Briceida Cuevas Cob (Extrait de "U ok’om k’ay maya’ ko’lel", "Chant triste de la femme maya").



1 mai 2008

le féminin des autres - Amérique du Nord - Etats-Unis

AMÉRIQUE DU NORD

ÉTATS-UNIS

Émily Dickinson (1830-1886) est une des plus importantes poètes des États-Unis d'Amérique.
"Je donnerais tous les poètes pour Emily Dickinson". (Cioran)

 La traduction en français est suivie du texte original

Je reviens du Ciel

Je reviens du Ciel.
C'est un village ;
Pour lampe, un rubis ;
Du coton pour lattes.

Calme - plus qu'un champ
Au fort de la rosée ;
Plus beau qu'une image
Inventée par l'homme.
Les gens, tels des phalènes,
Etaient faits de dentelle ;
De gaze étaient leurs devoirs,
Et leur nom, de duvet.
Contente - ou presque,
Je pourrais être
En compagnie
Si singulière.

I went to Heaven

I went to Heaven –
‘Twas a small Town –
Lit – with a Ruby –
Lathed – with Down –

Stiller – than the fields
At the full Dew –
Beautiful – as Pictures –
No Man drew.
People – like the Moth –
Of Mechlin – frames –
Duties – of Gossamer.
And Eider – names –
Almost – contented
I – could be –
‘Mong such unique
Society –

Émily Dickinson

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On apprend l'eau par la soif
La terre par les mers qu'on traverse
L'exaltation  par l'angoisse
La paix en comptant ses batailles
L'amour par une image qu'on garde
Et les oiseaux  par la neige

texte original réorganisé

Water is taught by thirst
Land, by the ocean passed
Transport, by throe
Peace, by it's battle told
Love, by memorial mold
Birds, by the snow.

Émily Dickinson

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Un texte en anglais, si quelqu'un veut se coller à la traduction ...

The Robin (Le rossignol)

The Robin is the one

That interrupts the morn
With hurried, few, express reports
When March is scarcely on.

The robin is the one
That overflows the noon
With her cherubic quantity,
An April but begun.

The robin is the one
That speechless from her nest
Submits that home and certainty
And sanctity are best.

Émily Dickinson

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Et un poème directement traduit, pour faire bonne mesure :

Fleurir est aboutir

Qui rencontre une fleur
Et l’observe en passant
Soupçonne à peine le rôle d’un détail mineur
Dans l’entreprise brillante et compliquée
Qui se présente sous la forme d’un papillon
Offert au méridien.

Remplir le bourgeon, combattre le ver,
Obtenir un droit de rosée,
Régler la chaleur, échapper au vent,
Éviter l’abeille qui rôde ;

Ne pas décevoir la belle nature,
L’attendre ce jour-là.
Être fleur est une profonde
Responsabilité.

Émily Dickinson

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Edgar Allan Poe (1809-1849) est un romancier connu. On connaît moins ses poésies.

Annabel Lee (extrait)

C’était il y a bien et bien des années,
dans un royaume près de la mer,
que vivait une jeune fille que vous pouvez connaître
par le nom d’Annabel Lee ;
et cette jeune fille vivait sans autre pensée
que d’aimer et d’être aimée de moi.

J’étais un enfant et elle était une enfant
dans ce royaume près de la mer ;
mais nous nous aimions d’un amour qui était plus que de l’amour,
moi et mon Annabel Lee ;
d’un amour que les séraphins ailés du ciel
enviaient à elle et à moi.

Et ce fut la raison pour laquelle, il y a longtemps
dans ce royaume près de la mer,
un vent souffla d’un nuage, glaçant
ma belle Annabel Lee ;
de sorte que ses parents de haute naissance vinrent
et l’emportèrent loin de moi,
pour l’enfermer en un sépulcre
dans ce royaume près de la mer.

(...)


Mais notre amour était de beaucoup plus fort que l’amour
de ceux qui étaient plus vieux que nous
de plusieurs bien plus sages que nous
et ni les anges dans les cieux là-haut,
ni les démons là-bas sous la mer
ne pourront jamais séparer mon âme de l’âme
de la belle Annabel Lee.

Car la lune ne brille jamais sans me porter les rêves
de la belle Annabel Lee ;
et les étoiles ne surgissent jamais sans que je sente les yeux brillants
de la belle Annabel Lee ;
et ainsi, pendant tout le flux de la nuit, je me couche à côté
de ma chérie, ma chérie, ma vie et mon épouse,
dans son sépulcre, là, près de la mer,
dans sa tombe à côté de la mer.
traduction de Gabriel Mourey

Edgar Allan Poe ("Poésies complètes d’Edgar Poe", traduction de Gabriel Mourey - Mercure de France) - La traduction de Gabriel Mourey est celle qui nous semble la plus réussie (d'autres s'y sont essayés avec moins de brio, même le grand Stéphane Mallarmé).



1 mai 2008

féminin des autres - Amérique du Nord - Québec, Amérindiens

CANADA (QUÉBEC)

voir également la catégorie PRINT POÈTES 2010 : DES FEMMES POÈTES

Anne Hébert (1916-2000) est une poète francophone du Québec.

La page blanche

La page blanche
Devant moi
N’espère que toi
Sur la feuille nue

Lisse neigeuse à perte de vue
Belle page étale
Ne vient que la finesse de tes os
Subtile apparition

Grand squelette debout
En filigrane gravé
Au bout de mes doigts
Sur la transparence du jour.
 

Anne Hébert

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La neige

La neige nous met en rêve
sur de vastes plaines,
sans traces ni couleur

Veille mon coeur,
la neige nous met en selle
sur des coursiers d'écume

Sonne l'enfance couronnée,
la neige nous sacre en haute-mer,
plein songe,
toutes voiles dehors

La neige nous met en magie,
blancheur étale,
plumes gonflées
où perce l'oeil rouge de cet oiseau.

Mon coeur,
trait de feu sous des palmes de gel
file le sang qui s'émerveille.

Anne Hébert

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Il y certainement quelqu'un ...

Il y a certainement quelqu'un
Qui m'a tuée
Puis s'en est allé
Sur la pointe des pieds
Sans rompre sa danse parfaite.

A oublier de me coucher
M'a laissée debout
Toute liée
Sur le chemin
Le coeur dans son coffre ancien
Les prunelles pareilles
A leur plus pure image d'eau

A oublié d'effacer la beauté du monde
Autour de moi
A oublié de fermer mes yeux avides
Et permis leur passion perdue.
 

Anne Hébert

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Rencontre

L’homme qui marche dans la nuit
Brille à travers ses larmes
Comme un feu sourd dans le brouillard
Halo du prisme autour de ses épaules
L’ombre portée de son coeur à ses pieds.

Anne Hébert

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Hélène Dorion est une poète du Québec, née en 1958.

On peut très bien vivre ...

On peut très bien vivre
sans rien d'autre que ces tendresses journalières :
une carte postale dans la boîte, un bruit de vague
le bleu sur la plaine, les mots d'un poème.
L'univers réduit à peu d'attaches
au trajet ordinaire
de sa propre mort.

On peut très bien n'être qu'une aventure d'atomes
et de questions dérisoires.

Hélène Dorion

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La terre, l'univers

La terre, l'univers
Quelques traits sur le mur de la grotte
les couleurs de la bête
la forme visible de la vie;
en ce mouvement le monde a commencé.
Par le silence et la nuit
la gravité du noir, la terre
dans les mains qui tâtonnent;
par les galets, l'eau, les fruits
l'oiseau secouant l'espace
et le bruit des pas incertains
nous avons commencé.
Lumières éteintes, portes refermées
au bout de l'horizon, le monde
ne tenait qu'à un fil.

Hélène Dorion ("Les murs de la grotte" - éditions la Différence, 1998)

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Félix Leclerc est un poète et un auteur-compositeur-interprète du Québec.  

Chanson de femme d'autrefois et d'aujourd'hui

Tu t'absentais un jour et je voulais mourir
J'épiais les passants, je n'étais que soupir
Enfin je te voyais sur la route venir
Femme jeune, j'étais dehors pour t'accueillir

Après quelques saisons, tu t'absentais un an
Tu me téléphonais, m'envoyais de l'argent
J'essayais de comprendre, je savais qu'un beau soir
Sans trop le désirer, tu reviendrais pour voir

Si tes enfants sont là, quelle affreuse morale
Tes enfants sont partis, ils ne t'ont pas connu
J'ai des dettes, des deuils et je me porte mal
Qui est cet étranger à ma porte venu ?

Tu es mort mon amour, emporté par le vent
C'était un pionnier, disait-on, un géant
J'ai oublié tes mains, ton rire et ton visage
Ton nom est déserteur dans mon âme, chère image

Veuve heureuse aujourd'hui
Voilà ce que je suis

Félix Leclerc

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Lorsque la famille ...

Lorsque la famille était réunie à table, et qui la soupière fumait, maman disait parfois :
" Cessez un instant de boire et de parler".
Nous obéissions.
Nous nous regardions sans comprendre, amusés.
"C'est pour vous faire penser au bonheur, ajoutait-elle."
nous n'avions plus envie de rire ...

Félix Leclerc

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Gilles Vigneault est un autre poète et auteur-compositeur-interprète du Québec. 

Je n'ai pas cessé de t'aimer

Dans la nuit des jours sans paroles
Dans l'ennui des projets fermés
Et l'oubli des mots qui consolent
Je n'ai pas cessé de t'aimer

Au beau jeu d'un autre langage
Quelques mots de vous m'ont charmé
Chacun vient avec son bagage
Je n'ai pas cessé de t'aimer

Au carreau glacé de décembre
Aux vergers pleins du mois de mai
Même au lit défait dans la chambre
Je n'ai pas cessé de t'aimer

Au jardin secret des tendresses
Dans les fleurs qu'amour a semées
Tant de fruits nouveaux m'intéressent
Je n'ai pas cessé de t'aimer

Je n'ai pas fini de t'aimer

Gilles Vigneault

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Berceuse pour Marion

Pour Marion qui sommeille
Le faiseur de rêves est prêt
Un grand navire appareille
Pour des rivages secrets
Moussaillon Marion
Va faire un joli voyage
Marion moussaillon
Fend le rêve, nous veillons

Mais quand Marion s'éveille
Le lait du soleil est chaud
Raconte-nous les merveilles
Des îles de ton dodo
Sourions Marion
Maman et papa t'écoutent
Sourions Marion
Nous t'écoutons, les yeux ronds

Gilles Vigneault

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Lynda lemay est une québécoise poète, "auteure-compositrice" et interprète de ses textes, ironiques et tendres.

Une mère

Une mère
Ca travaille à temps plein
Ca dort un œil ouvert
C’est d’garde comme un chien
Ca court au moindre petit bruit
Ca s’lève au petit jour
Ca fait des petites nuits.
C’est vrai
Ca crève de fatigue
Ça danse à tout jamais une éternelle gigue
Ça reste auprès de sa couvée
Au prix de sa jeunesse
Au prix de sa beauté.

Une mère
Ca fait ce que ça peut
Ca ne peut pas tout faire
Mais ça fait de son mieux.

Une mère
Ca calme des chamailles
Ca peigne d’autres cheveux que sa propre broussaille.

Une mère
C’est plus comme les autres filles
Ca oublie d’être fière
Ca vit pour sa famille

Une mère
Ca s’confie nos bercails
C’est pris comme un noyau dans l’fruit de ses entrailles

Une mère
C’est là qu’ça nous protège
Avec les yeux pleins d’eau
Les cheveux pleins de neige

Une mère
A un moment, ça s’courbe,
Ca grince quand ça s’penche
Ca n’en peut plus d’être lourde
Ca tombe, ça se brise une hanche
Puis rapidement, ça sombre
C’est son dernier dimanche
Ca pleure et ça fond à vue d’oeil
Ca atteint la maigreur des plus petits cercueils
Oh, bien sûr, ça veut revoir ensemble
Toute sa progéniture entassée dans sa chambre
Et ça fait semblant d’être encore forte
Jusqu’à c’que son cadet ait bien r’fermé la porte.

Et lorsque, toute seule ça se retrouve
Ça attend dignement qu’le firmament s’entrouvre
Et puis là, ça se donne le droit
De fermer pour la première fois
Les deux yeux à la fois.

Une mère
Ca n’devrait pas partir
Mais on n’y peut rien faire
Mais on n’y peut rien dire.

Une mère …

Linda Lemay

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Mes chemins à l'envers

Après avoir volé
Et fait un tour du monde complet
Après avoir fouillé
Le coeur de tous les hommes secrets
Après avoir traîné mes semelles
Sur les montagnes les plus belles
C'est ici que je reviendrai

Je reviendrai au bord
D'un fleuve que j'adore
Je déposerais mes yeux
Sur son grand ventre bleu
Ici les arbres ont des humeurs
Y changent de tête de de couleur
C'est ici qu'le gazon sent mon enfance
Que les merles font les plus grands nids
Oui c'est ici que tout commence et que tout finit
Que tout finit

Après m'être grisée
De poésie les plus vibrantes
Après avoir goûté
Les épices les plus violentes
Et compris toutes les dentelles
Des langues les plus sensuelles
D'est ici que je reviendrais

Je reviendrai au bord
D'un fleuve que j'adore
Je déposerai mes yeux
Sur son grand ventre bleu
Ici les arbres ont des humeurs
Y changent de tête de de couleur
C'est ici qu'le gazon sent mon enfance
Que les merles font les plus grands nids
Oui c'est ici que tout commence
Et que tout finit

Après avoir crevé
Tous les mystères, toutes les frontières
Je referais mes chemins a l'envers

Je reviendrai au bord
D'un fleuve que j'adore
Je déposerai mes yeux
Sur son grand ventre bleu
Ici les arbres ont des humeurs
Y changent de tête de de couleur
C'est ici qu'le gazon sent mon enfance
Que les merles font les plus grands nids
Oui c'est ici que tout commence
Et que tout finit

Je reviendrai au bord
D'un fleuve que j'adore
Je déposerai mes yeux
Sur son grand ventre bleu
Ici les arbres ont des humeurs
Y changent de tête et de couleur
C'est ici qu'le gazon sent mon enfance
Que les merles font les plus grands nids
Oui c'est ici que tout commence
Et que tout finit
Que tout finit

Linda Lemay

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Michel Rivard (1879-1941) a écrit les paroles et composé la musique de cette chanson (chantée par "Beau Dommage") : 

La complainte du phoque en Alaska

Cré-moé, cré-moé pas
Quéqu' part en Alaska
Y a un phoque qui s'ennuie en maudit
Sa blonde est partie
Gagner sa vie
Dans un cirque aux États-Unis

Le phoque est tout seul
Y r'garde le soleil
Qui descend doucement sur le glacier
Y pense aux États
En pleurant tout bas
C'est comme ça quand ta blonde t'a lâché


Ça vaut pas la peine
De laisser ceux qu'on aime
Pour aller faire tourner
Des ballons sur son nez
Ça fait rire les enfants
Ça dure jamais longtemps
Ça fait plus rire personne
Quand les enfants sont grands

Quand le phoque s'ennuie
Y r'garde son poil qui brille
Comme les rues de New York après la pluie
Y rêve à Chicago
À Marilyn Monroe
Y voudrait voir sa blonde faire un show

C'est rien qu'une histoire
J' peux pas m'en faire accroire
Mais des fois j'ai l'impression qu' c'est moé
Qui est assis sur la glace
Les deux mains dans la face
Mon amour est partie pis j' m'ennuie

Michel Rivard


INDIENS D'AMÉRIQUE DU NORD

Chants traditionnels et auteurs contemporains.

La tribu Creek, tribu indienne d'Amérique du Nord, occupait à l'origine une très grande partie des plaines des actuels états de Georgie et d'Alabama, aux États-Unis d'Amérique.

Chant Creek

Un homme a demandé : O'pa le hibou,
Ulules-tu quand vient la mort ?
O'pa le hibou répondit : Hoorooooo.
L'homme a demandé : O'pa le hibou,
Ulules-tu quand vient le mensonge ?
O'pa le hibou répondit : Hoorooooo,
L'époux a demandé : O'pa le hibou,
Ulules-tu quand viennent les pleurs de l'épouse ?
O'pa le hibou répondit : Hoo.
L'époux blessé a demandé :
J'entends au loin un soupir,
J'entends au loin un soupir.
O'pa le hibou répondit : C'est ta femme qui
Soupire dans les bras d'un autre.

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Les Iroquois, tribu indienne d'Amérique du Nord, qu'on appelle aussi Cinq-Nations (à l'origine) compteront en tout six nations amérindiennes de langues iroquoises vivant historiquement dans le nord de l'État de New York, aux États-Unis d'Amérique.

Chant Iroquois

Nous rendons grâces à notre mère la terre, qui nous soutient.
Nous rendons grâces aux rivières et aux ruisseaux qui nous donnent l'eau.
Nous rendons grâces à toutes les plantes qui nous donnent les remèdes contre nos maladies.
Nous rendons grâces au maïs et à ses soeurs les fèves et les courges, qui nous donnent la vie.
Nous rendons grâces aux haies et aux arbres qui nous donnent leurs fruits.
Nous rendons grâces au vent qui remue l'air et chasse les maladies.
Nous rendons grâces à la lune et aux étoiles qui nous ont donné leur clarté après le départ du Soleil.
Nous rendons grâces à notre grand-père Hé-no, pour avoir protégé ses petits-enfants des sorcières et des reptiles, et nous avoir donné sa pluie.
Nous rendons grâces au Soleil qui a regardé la terre d'un oeil bienfaisant.
Enfin, nous rendons grâces au Grand Esprit en qui s'incarne toute bonté et qui mène toutes choses pour le bien de ses enfants.

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Plenty Coups (1848-1932) était le chef de la tribu des Crows, tribu amérindienne qui vivait historiquement dans la vallée du fleuve Yellowstone, et qui ont été déplacés par le gouvernement des États-Unis d’Amérique dans une réserve au sud du Montana. "Plenty Coups" signifie "beaucoup de coups, ou de victoires", surnom gagné contre les ennemis traditionnels des Crows, les Cheyennes, les Lakotas ou les Blackfeet.

Message d'adieu

Passent encore quelques soleils, et on ne nous verra plus ici.
Notre poussière et nos ossements se mèleront à ces prairies.
Je vois comme dans une vision, mourrir la lueur de nos feux du conseil, leurs cendres devenues froides et blanches.
Je ne vois plus s'élever les spirales de fumée au-dessus de nos tentes.
Je n'entends plus le chant des femmes préparant le repas.
Les entilopes ont fui ; les terres des bisons sont vides.
On n'entend plus que la plaite des coyottes.
La "médecine" de l'homme blanc est plus forte que la nôtre ;
le cheval de fer s'élance sur les pistes du bison.
Il nous parle à travers son "esprit qui murmure"(le telephone).
Nous sommes comme des oiseaux à l'aile brisée.
Mon coeur est froid au-dedans de moi.
Mes yeux se troublent ! Je suis vieux.

Plenty Coups, en 1909

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Éléonore Sioui est une écrivaine contemporaine du Québec, d'origine Amérindienne huronne-wendate, à qui on a imposé la langue française. Elle veut "donner la parole à celles qui se sont tues", et pratique la langue française à sa manière, nous rendant sa culture accessible..

* La mer

Je ramasse tout près d'elle*
Toutes sortes d'herbes
Et j'en fais des bouquets
Pour offrir à ceux
Qui peut-être
Viendront m'aimer.

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Le cœur de l’Amérindien

Le cœur de l’Amérindien
Renferme l’essence
Les larmes, les sourires
De l’âme de la Terre Mère
Fécondée du Soleil
D’un bruissement de l’esprit
Encerclant son peuple
Dans sa Re-naissance

Éléonore Sioui ("Andatha") Andatha signifie : 'Là où tout converge"

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Les hurons sont riches (Oukihouen Wendat)

En l'Amérindien
Sont contenus
Les larmes, les sourires et les cris
De l'âme de la terre-mère
Parce qu'enfanté par elle
Fécondée du soleil
Dans un bruissement de l'Esprit
Encerclant ses frères
Dans sa re-naissance.

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Obedjiwan

Obedjiwan
La ouate
De tes neiges
Sans fin
Renferme
Les glaçons
Aigus
Argentés
Des sanglots
Perdus.

Éléonore Sioui

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Gilles Hénault (1920-1996). C'est (selon Paul-Marie Lapointe dans son ouvrage "Poètes québécois"), un "québécois rouge, abénaki, maya, nègre de Birmingham".

Ce premier texte n'est pas vraiment dans le thème du féminin, mais il peut compléter, par sa poésie documentée, d'autres poèmes de cette catégorie.

Je te salue

Peaux-rouges
Peuplades disparues dans la conflagration de l’eau de feu et des tuberculoses
Traquées par la pâleur de la mort et des Visages-Pâles
Emportant vos rêves de mânes et de manitou
Vos rêves éclatés aux feux des arquebuses
Vous nous avez légué vos espoirs totémiques
Et notre ciel a maintenant la couleur des fumées de vos calumets de paix.

Nous sommes sans limites
Et l’abondance est notre mère.
Pays ceinturé d’acier
Aux grands yeux de lacs
A la bruissante barbe résineuse
Je te salue et je salue ton rire de chutes.
Pays casqué de glaces polaires
Auréolé d'aurores boréales
Et tendant aux générations futures
L'étincelante gerbe de tes feux d'uranium.
Nous lançons contre ceux qui te pillent et t'épuisent
Contre ceux qui parasitent sur ton grand corps d'humus
et de neige
Les imprécations foudroyantes
Qui naissent aux gorges des orages.

J'entends déjà le chant de ceux qui chantent :
Je te salue la vie pleine de grâces
le semeur est avec toi
tu es bénie par toutes les femmes
et l'enfant fou de sa trouvaille
te tient dans sa main
comme le caillou multicolore de la réalité.

Belle vie, mère de nos yeux
vêtue de pluie et de beau temps
que ton règne arrive
sur les routes et sur les champs
Belle vie
Vive l'amour et le printemps.

Gilles Hénault ("Signaux pour les voyants, poèmes, 1941-1962" - éditions de l'Hexagone, 1972)

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Miroir transparent

L’amour est plus simple qu’on le dit
Le jour est plus clair qu’on le croit
La vie est plus forte que la mer
La poésie coule dans la plaine
où s’abreuvent les peuples.

L’absence est un glacier
L’hiver de l’amour nous fait un cœur très sec
Mais que viennent deux ou trois flèches de soleil
Un seul printemps debout sur la montagne de neige
Et refleurira la simplicité des temps sur les tempes
Des doigts entrelacés au-dessus des ruisseaux du cœur.

Gilles Hénault ("Signaux pour les voyants, poèmes, 1941-1962" - éditions de l'Hexagone, 1972)



1 mai 2008

le féminin des autres - Amérique du Sud - Chili - Violeta Parra

AMÉRIQUE DU SUD

CHILI 

Violeta Parra (1917-1967) est une artiste chilienne plasticienne et poète, et "auteure-compositrice-interprète".

Ce premier texte traduit* en français est suivi de sa version originale en espagnol :

la jardinière (extrait)

Pour t'oublier
je vais cultiver la terre,
j'espère trouver en elle
un remède à mes peines.

Ici je planterai le rosier
aux plus grosses épines,
J'aurai la couronne prête
quand tu mourras en moi.
(…)
Coeur de mélisse,
quand mes peines augmenteront
les fleurs de mon jardin
devront être infirmières ....

La jardinera

Para olvidarme de tí
voy a cultivar la tierra,
en ella espero encontrar
remedio para mis penas.

Aquí plantar el rosal
de las espinas más gruesas,
tendré lista la corona
para cuando en mí te mueras.

(...) 

Cogollo de toronjil,
cuando me aumentan las penas
las flores de mi jardín
han de ser mis enfermeras.

Violeta Parra (*texte français dans l'anthologie poétique "Voix", de Fanchita Gonzales Batlle - Petite collection Maspero, 1977)

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La plus connue de ses chansons, la première strophe en espagnol pour donner la musique de la langue, et le texte intégral en français (traduction adaptée par le blog lieucommun) :

Gracias a la vida

Gracias a la vida que me ha dado tanto
me dio dos luceros que cuando los abro
perfecto distingo lo negro del blanco
y en el alto cielo su fondo estrellado
y en las multitudes el hombre que yo amo.

- - - -

Merci à la vie 

Merci à la vie qui m'a tant donné
Elle m'a donné deux yeux et quand je les ouvre
Je distingue parfaitement le noir du blanc
et
là-haut le fond du ciel étoilé
et parmi la foule l'homme que j'aime

Merci à la vie qui m'a tant donné
Elle m'a donné une ouïe sensible
qui enregistre nuit et jour criquets et canaris
Marteaux, turbines, aboiements, averses
Et la voix si douce de mon bien-aimé

Merci à la vie qui m'a tant donné
Elle m'a donné la parole et l'alphabet
et avec lui les mots que je pense et que je dis :
mère, ami, frère, et la lumière éclairant

la route pour celui que j'aime

Merci à la vie qui m'a tant donné
Elle a donné l'allure à mes pieds fatigués
Avec eux j'ai marché dans les villes et les flaques d'eau
les plages et les déserts, les montagnes et les plaines
et vers ta maison, ta rue et ta cour

Merci à la vie qui m'a tant donné

Elle m'a donné un coeur qui  accélère son rythme
Quand je regarde l'œuvre du cerveau humain
Quand je regarde le bien si loin du mal
Quand je regarde dans le fond de tes yeux clairs

Merci à la vie qui m'a tant donné
Elle m'a donné les rires et m'a donné les pleurs
Ainsi je distingue la misère de la douleur
Les deux matériaux qui forment mon chant
et votre chant à vous qui est le même chant
et le chant de tous qui est mon propre chant

Merci à la vie ...

Violeta Parra


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