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lieu commun

29 avril 2007

"L'autre" - Pierre Gamarra

Pierre Gamarra est né en 1919. D'autres textes de  l'auteur ici :
POÉSIES pour la CLASSE - CYCLES 2 et 3 et ici : POÉSIES PAR THÈME : l'école.

Barcarolle dans la ville

Écoute, écoute la nuit claire
glisse derrière les rideaux,
du côté du périphérique
ronflent des autos de velours.
Autour de la poissonnerie,
des chats parlent de colin frais.
Personne n'entre au Prisunic,
un caddy dort, seul, sous la lune.
Personne à l'arrêt du bus car
c'est la très fine et tiède nuit
de caramel, de violette
autour des lampadaires d'or.
Le boucher s'en va vers les halles.
La carotte du bar-tabac
est éteinte. Ô ma belle nuit
de violon, de caravane.
Du boulevard Victor Hugo
arrive une odeur de pain cuit.
Devant la porte du pressing
un chevalier dort sur sa lance.
Les HLM se balancent
dans le brouillard léger, léger.
Toutes les fenêtres sont noires
jusqu'au bout des plus hautes tours.
Nuit caramelle, nuit violette,
nuit violon, nuit caravane,
les chalands dorment sur la Seine.
toutes les fenêtres sont noires.
Sauf une. Regarde là-haut
au coin du vingtième étage,
une lampe orange qui nage
et qui songe au cœur de la nuit.

Pierre Gamarra (dans l'anthologie "Poèmes tout frais pour les enfants de la dernière pluie" - Christian Poslaniec -  éditions La Farandole, 1993)



 

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29 avril 2007

"L'autre" - Philippe Garnier

De Philippe Garnier, poète contemporain, cet éloge très discret :

Le vendeur de murmures

Il était une fois
Le vendeur de murmures.

Il murmurait la nuit donc
à la demande
du bout des dents
en une étrange litanie
les phrases confiées la veille à son oreille
et dont il avait la prudence
professionnelle
d'inscrire les commandes
dans des carnets
toujours petits
et qu'il parfumait
tantôt à la lavande
tantôt au patchouli.

C'est qu'il n'avait jamais voulu user lui
comme les vendeurs de cris
de ces vastes camions d'amplification
qui sillonnaient le pays à grand renfort de klaxons
néons
haut-parleurs et enseignes.

Ce qu'il vendait on l'entendait à peine.

Philippe Garnier


29 avril 2007

Asie - Japon - Haïkus classiques : printemps, été, automne

Les haïkus sont rangés sur ce blog ici (colonne de gauche) : HAÏKUS - poésies des saisons

"Le haïku (prononcez : “haïkou”) est un court poème japonais classique, comportant trois versets de 5, 7 et 5 pieds et visant à traduire une forte émotion face à la nature et à une saison.
Mais, même au Japon, le haïku a beaucoup évolué : on trouve maintenant des haïkus “libres” (qui ne respectent pas la métrique) et des haïkus politiques, érotiques, gastronomiques."
(Georges Friedenkraft, dans la revue Marco Polo n° 10, d'octobre 2005).

Voici quelques haïkus classiques. Ils sont extraits de "Haïkus anthologie" (collection Points Poésie aux Éditions Fayard) :

Haïkus de printemps

Rien d'autre aujourd'hui
que d'aller dans le printemps
rien de plus

Buson Yosa (1716-1784)

De Kobayashi Issa (1763-1828)

La fumée
dessine à présent
le premier ciel de l'année

Kobayashi Issa

Ces fleurs de cerisier
qui tant me ravissaient
ont disparu de la terre

Kobayashi Issa

Le saule
ondule en souriant
à la porte

Kobayashi Issa

Comme si rien n'avait eu lieu
la corneille
et le saule

Kobayashi Issa

Le papillon bat des ailes
comme s'il désespérait
de ce monde

Kobayashi Issa

Tremblant dans les herbes
des champs
le printemps s'en va

Kobayashi Issa


De Buson Yosa (1716-1784)

Par-dessus la mer
le soleil couchant
dans le filet de la brume

Buson Yosa

Rien d'autre aujourd'hui
que d'aller dans le printemps
rien de plus

Buson Yosa

Au clair de lune
le prunier blanc redevient
un arbre d'hiver

Buson Yosa

Le halo de la lune
n'est-ce pas le parfum des fleurs de prunier
monté là-haut ?

Buson Yosa

Le soleil couchant
s'attarde sur la queue
du faisan doré

Buson Yosa

Dans les fleurs tardives du cerisier
le printemps qui s'en va
hésite

Buson Yosa


Haïkus d'été

Cheminant par la vaste lande
les hauts nuages
pèsent sur moi
 

Buson Yosa (1716-1784)

De Uejima Onitsura (1660-1738) :

Montagnes au loin
où la chaleur du jour
s'en est allée

Uejima Onitsura

La brise fraîche
emplit le vide ciel
de la rumeur du pin

Uejima Onitsura


De Buson Yosa (1716-1784) :

Cheminant par la vaste lande
les hauts nuages
pèsent sur moi

Buson Yosa

Sous les pluies d'été
le sentier
a disparu

Buson Yosa


Haïkus d'automne

Appuyé contre l'arbre nu
aux rares feuilles
une nuit d'étoiles 

Shiki (1866-1902)

De Buson Yosa (1716-1784)

Il reste éveillé
Et dit qu'il a dormi.
Froide nuit automnale

Buson Yosa

Claire lune automnale
Les lapins traversent
Le lac Suwa

Buson Yosa

On voit dans ses yeux
Une apparence d'automne
Vêtements de chanvre

Buson Yosa

Il est transi
de pauvreté
ce matin d'automne

Buson Yosa

Foulant les feuilles dorées du ginkgo
Le gamin tranquillement
Descend la montagne

Buson Yosa


De Matsuo Bashô (1644-1694)

Les herbes se couvrent
d'automne
Je m'assieds

Matsuo Bashô 

Sur une branche morte
Repose un corbeau :
Soir d'automne !

Matsuo Bashô

Une rafale de vent
puis les feuilles
se reposent

Matsuo Bashô

Ce chemin
personne ne le prend
que le couchant d'automne

Matsuo Bashô


De Kobayashi Issa (1763-1828)

Feuille morte au vent
de temps en temps
le chat la retient de sa patte

Kobayashi Issa

Sur la feuille de lotus
la rosée de ce monde
se distord

Kobayashi Issa


De Shiki (1866-1902)

Appuyé contre l'arbre nu
aux rares feuilles
une nuit d'étoiles

Shiki

On grille des châtaignes
Tranquilles bavardages
Crépuscule du soir

Shiki

Un oiseau chanta -
tomba au sol
une baie rouge

Shiki

Vent d'automne
Voyageur dans ce monde flottant
J'ignore où tu vas

Shiki

On grille des châtaignes -
tranquilles bavardages
crépuscule du soir

Shiki


Haïkus d'hiver : plus tard


29 avril 2007

"L'autre" - Robert Gélis

Robert Gélis romancier et poète pour la jeunesse, est né en 1938 (il est toujours bien vivant). Il a publié des recueils de poésies (Poèmes à tu et à toi, En faisant des galipoètes...) et des contes (Histoires et contes du loup-phoque...) d'humour et d'humanité. On le retrouvera dans les poésies C2 pour la classe (Mon stylo) et dans la nouvelle catégorie du Printemps des Poètes 2009, l'humour. Voici un poème sur le thème de la différence :

Portrait de l’autre

L’Autre :
Celui d’en face, ou d’à côté,
Qui parle une autre langue
Qui a une autre couleur,
Et même une autre odeur
Si on cherche bien …

L’Autre :
Celui qui ne porte pas l’uniforme
Des bien-élevés,
Ni les idées
Des bien-pensants,
Qui n’a pas peur d’avouer
Qu’il a peur …

L’Autre :
Celui à qui tu ne donnerais pas trois sous
Des-fois-qu’il-irait-les-boire,
Celui qui ne lit pas les mêmes bibles,
Qui n’apprend pas les mêmes refrains …

L’Autre :
N’est pas nécessairement menteur, hypocrite,
vaniteux, égoïste, ambitieux, jaloux, lâche,
cynique, grossier, sale, cruel…
Puisque, pour Lui, l’AUTRE …
C’est Toi

Robert Gélis ("Poèmes à tu et à toi")


Visite

Par une belle nuit d'hiver,
Trois petits hommes verts
Sont arrivés dans leur soucoupe.

Ils ont fait trois fois le tour de la Terre
Dans le temps d'un éclair,
Et puis ont atterri
Au beau milieu d'une prairie.

Ils ont fait trois fois le tour du pré,
Pour s'habituer à respirer
Et puis ont avancé
Vers le village d'à-côté.

Ils ont fait trois fois le tour de l'église,
Pour une fusée l'ont prise,
Et puis ont réveillé
Les habitants qui dormaient.

Ils ont fait trois fois le tour des humains
Qui claquaient des dents, tremblaient des mains,
Et puis se sont adressés au maire
Tantôt en prose, tantôt en vers.

Ils ont répété trois fois qu'ils ne font que revenir
Sur cette terre, d'où ils partirent,
Il n'y a pas si longtemps,
A peine cent mille ans.

Ils ont redit trois fois qu'il y a dans l'univers
Des milliers de planètes sans haine et sans guerre,
Des mondes heureux et libres
Où il fait très bon vivre,
Et que les gens de par ici
Sont vraiment leur seul souci.

Et les gens du village,
Glacés, troublés, perdus,
Sont alors devenus
Les premiers hommes sages.

Robert Gélis ("Poèmes à tu et à toi")


Rencontre

Madame la pianiste,
Dans les rues plutôt tristes,
Promenait ses mélodies,
Comme chaque lundi …
Et monsieur le poète,
Des rêves plein la tête,
Tenait en laisse, lui,
Des poèmes gentils…
Ils se sont rencontrés
Et, quelques mois après,
En plein temps des moissons,
Sont nées… trente-six chansons !

Robert Gélis ("En faisant des galipoètes" - Editions Magnard, 1983)


29 avril 2007

Asie- Japon - autres poèmes

Yamabe no Akahito poète japonais du VIIIe siècle, utilise une autre forme de poème : Le tanka, constitué de deux parties qui se répondent.

Original (en syllabique) :

Waka no ura ni
shio michi-kureba
kata won ami
Ashibe wo sashite
nazu naki-wataru.

Yamabe no Akahito (Man’yôshû).

Traduction de G. Bonneau :

Quand dans la baie de Waka
la marée montante
recouvre le sable
Alors, gagnant les roseaux,
les grues traversent à grands cris.

Un autre tanka du même auteur, sous les deux formes d'écriture japonaise, suivies de la traduction en français

Nous avons emprunté ce poème sous ses trois écritures ici : http://leonicat.club.fr/ohi/ohi.html
Ce joli site vous présente un grand nombre de tankas. Merci de le faire connaître.

Le texte ci-dessous peut -être collé et agrandi dans un traitement de texte (Word par exemple) pour le présenter aux élèves, si vous possédez la police de caractère adaptée. Sinon installez-la (la mienne, sur Mac, s'appelle : ヒラギノ明朝 Pro W3)

山辺赤人 (Yamabe no Akahito)

田子の浦に
打ち出でてみれば
白妙の

富士の高嶺に
雪はふりつつ

Tago no Ura ni
Uchi idete mireba
Shirotae no

Fuji no takane ni
Yuki wa furi tsutsu

Yamabe no Akahito

Marchant sur la plage
Depuis la baie de Tago
Je vois la blancheur

Du sommet du mont Fuji
Où la neige s’accumule.

Yamabe no Akahito


Un deuxième texte, toujours sous ses deux formes japonaises et ensuite la traduction en français, et emprunté  toujours à cette adresse : http://leonicat.club.fr/ohi/ohi.html

Texte de 天智天皇 (Tenchi Tenno)

秋の田の
かりほの庵の
苫をあらみ

わが衣手は
露にぬれつつ

Aki no ta no
Kariho no io no
Toma o arami

Waga koromode wa
Tsuyu ni nure tsutsu

Tenchi Tenno

Sous le toit de nattes
De la cabane à moisson
Dans le champ de riz

La pluie d’automne y pénètre
Coulant jusque dans mes manches

Tenchi Tenno, ou Naka no Oe (Empereur Tenchi) (626 – 672)


Deux autres textes :

Telle une feuille
Qui, là, de l’arbre tombe
Chantant le vide
Que sont les certitudes
A l’orée de l’automne ?

Liam

Et celui-ci :

Une fourmi meurt de faim au sommet
De la tour :
Le lune est si haute.

Yokomitsu Riichi (1898-1947)


Traduit du japonais par Jacques Roubaud, ce texte traditionnel :

yo no naka ni
nani ni tatoyemu ?
asa borake
kogi yuku fune no
ato no shira nami

à quoi comparer
ce monde
à la vague blanche derrière
un bateau parti à la rame
dans l'aube

Jacques Roubaud ("Mono no Aware, le Sentiment des choses, cent quarante-trois poèmes empruntés au japonais" - Gallimard, 1970)


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29 avril 2007

Asie - Tibet - Jetsün Milarepa

Jetsün Milarepa (1040-1123 - dates approximatives) est un moine yogi bouddhiste, le poète tibétain le plus connu.

Le rêve de Milarepa (extraits)

Dans les vastes régions du continent nord,
Je rêvai qu'il y avait là une immense montagne,
Dont le sommet atteignait le ciel.
Autour de cette cime, se mouvait le soleil et la lune,
Leurs rayons illuminaient les cieux au-dessus.
La base de la montagne couvrait la terre ;
De quatre côtés coulaient quatre fleuves intarissables,
Calmant la soif de tous les êtres.
Leurs eaux s'écoulaient dans un profond océan,
Et sur les rives s'épanouissaient des fleurs.
...

A l'est de cette glorieuse montagne,
Se dressait un haut pilier,
Sur le sommet de la colonne, un lion rampait ;
Sa crinière était luxuriante,
Ses quatre pattes, griffes étalées, labouraient le flanc de la [montagne,
Ses yeux levés regardaient les cieux.
Le lion errait libre à travers les monts.
...
Au sud de la montagne s'élevait un haut pilier
Sur le sommet rugissait une puissante tigresse
Les raies de la tigresse étaient superbes,
celles du milieu étaient triples et bien marquées,
Ses quatre pattes marquaient profondément la jungle
Ses yeux levés regardaient les cieux.
La tigresse errait libre à travers Ia jungle
Et passait à travers forêts et plaines.
...
Jetsün Milarepa


29 avril 2007

Asie - Viêt-Nam - Cù Huy Cân

Cù Huy Cân (1919-2005), auteur francophone bilingue, est un poète du Vietnam moderne ("Messages stellaires et terrestres" ; "Le temps des passages " ; "Écrits des Forges"). Engagé dans la lutte pour l'indépendance, il est en 1945, l’un des signataires de la Déclaration d’indépendance du Viêt-Nam, sous la présidence d' Hô-Chi-Minh. Il occupera différentes fonctions au sein du gouvernement de la République Démocratique du Viêt-Nam, dont celle de ministre de la Culture.

Sur la poésie (extrait)

J’habite cette terre, je vis cette vie.
La terre crée le vent pour le vol de l’oiseau.
L’oiseau crée le vent pour agrandir les cieux.
Et l’homme, connaissant la voie des ailes, ouvre
largement ses bras.

Le ciel et la terre sont immenses.
On ne peut habiter partout.
Le talent est un lieu de joie partagée.
Ô vous tous, créateurs de beauté,
Rassemblez-vous comme bûches ardentes dans un
foyer pour ce feu de commune destinée.

Cù Huy Cân ("Messages stellaires et terrestres")


La rue Dông Ba de mon enfance

Dans la rue Dông Ba de mon enfance,
Le respectable Ca Soan était champion de jeux d'échecs
Parfois de toute une matinée il ne déplace que quelques pions
Et laisse ses partenaires se casser la tête.

Pas aussi aisé que le respectable Ca Soan,
Oncle Kinh le coiffeur joue aussi de la musique,
Sa guitare au manche court rend des notes syncopées
Et l'on dirait l'oncle Kinh rentrant son cou de tortue.

Frère Chan, borgne, joue de la cithare à seize cordes,
Des fois pour le culte, des fois pour les fêtards sur la Rivière des Parfums.
Son âme est une lune dans la nuit avancée,
Moitié profondes ténèbres, moitié lueur de rêve.

Voilà la rue Dông Ba, pauvre, de mon enfance.
Le plaisir de l'art y est remous de joie et de tristesse.

Cù Huy Cân (dans "Tour de terre en poésie" - Anthologie multilingue, textes recueillis par J.M. Henry - Rue du Monde, 1998)


Je renais à toi chaque matin

Je renais à toi chaque matin
Et je regarde, émerveillé, la vie avec ton regard.
Je marche sur les bords de ta mer profonde
Et je rentre au plus profond de moi-même
En suivant ton sillage.
Nos deux destinées jumelles
Auront été deux vagues mêlées
Sur la grande Mer.
Nous écroulerons-nous en touchant les rivages ?
Je m’adosse aux bords de ton soir
Pour t’aimer dans tes racines
Pour avoir ta rose et tes épines.
Je renais à toi chaque matin.
Tu es mon aube et mon aurore,
Mon horizon fuyant et ma fixe horloge
Qui sonne gravement les heures de mon destin.
Saveur du jour, saveur de la nuit.
Tu es, mon amour, saveur de sève et de fruit
Que je hume et qui assouvit ma gourmandise.

Cù Huy Cân  ("Le Temps des Passages")


La barque s’en va

La lune monte dans le ciel du soir. Le vent
Se lève cependant qu’accourt le flot montant.
La barque s’en va ; lune et fleuve sont en peine.
La voile au reflet pourpre a cinglé vers la mer.

Lorsque tombe la nuit, la barque est déjà loin.
L’estuaire t’envoie son souffle froid, amer.
Il se fait tard le long des dunes solitaires.
Sur la crête des flots, le clair de lune étale.

Ta barque s’en alla un soir de pleine lune.
Ma tristesse suit l’onde et le fleuve aux eaux lentes.
Et l’adieu de ce jour s’éternise en l’attente,
Et nos regards d’alors sont poignant souvenir.

Cù Huy Cân  ("Le Temps des Passages")
"Le Temps des Passages" réunit 24 poèmes illustrés par des peintures de Chantal Legendre, dont le site est ici)


 

29 avril 2007

Europe - Albanie - Ismail Kadaré

Ismaïl Kadaré, né en 1936, est un grand écrivain ("Le Général de l'armée morte") et poète albanais.
Il a obtenu l’asile politique en France en 1990.

"Les nuages nagent comme des enveloppes géantes,
comme des lettres que s'enverraient les saisons."

[ "Poème d'automne" ]

Ismaïl Kadaré

Un poème en albanais, la langue officielle du pays :

Peisazh (Paysage)

Ç'janë ato plaka me të zeza që flasin një gjuhë të vdekur
Sillen në fushën e ngrirë
Shkelin mbi ngricë gjithkund.
Korbat mbi kokat e tyre
Enden kërcënueshëm.
Krokama
E tyre tregon se në kodin
E lashtë diçka nuk punon.

Ç'janë ato plaka me të zeza që flasin një gjuhë të vdekur:
Korba mbi fushën e ngrirë.
Krokama të shkreta plot hutim.

Ismaïl Kadaré

et sa traduction en français :

Paysage (Peisazh)

Qui sont ces vieilles tout en noir parlant une langue morte?
Elles errent parmi les labours
durcis par le gel,
foulant la glace qui craque sous leurs pas.
Au-dessus d'elles,
menaçants, les corbeaux tournoient.
Leurs croassements semblent indiquer
qu'il y a quelque chose de détraqué dans le Code de l'espèce.

Qui sont ces vieilles tout en noir parlant une langue morte?
Quelques corneilles foulant le gel des labours.
De pauvres croassements égarés.
                                                                      
Ismaïl Kadaré ("Poèmes" - Éditions Fayard 1997) version française établie par Claude Durand et l’auteur
avec la collaboration de Mira Mexi, Edmond Tupja et Jusuf Vrioni


Absence  

Quelques gouttes de pluie ont frappé à la vitre
et j'ai soudain senti combien tu me manquais;
Nous habitons pourtant la même ville
Sans pour ainsi dire nous voir jamais.

Ce matin j'ai l'impression que l'automne
débute avec de drôles d'idées :
pas de cigognes dans le ciel morne,
pas d'arcs-en-ciel après l'ondée.

Une phrase d'Héraclite, il me semble,
m'est revenue je ne sais trop comment :
«Les gens éveillés vivent ensemble ;
ceux qui dorment, séparément.»

En quel mauvais rêve avons-nous été engloutis
pour ne plus pouvoir nous réveiller ?
À la vitre ont frappé quelques gouttes de pluie
et j'ai soudain senti combien tu me manquais.

Ismaïl Kadaré ("Poèmes" - Éditions Fayard 1997) 


Même quand mon souvenir...  

Même quand mon souvenir affaibli,
pareil aux trams d'après minuit,
ne s'arrêtera plus qu'aux principaux arrêts,
jamais je ne t'oublierai.

Je garderai en mémoire
le crépuscule immense et silencieux de ton regard,
et ce gémissement étouffé contre mon épaule
comme les flocons d'une neige un peu folle.

C'est l'heure de se séparer.
Je vais m'en aller loin de toi.
Rien là qui puisse étonner.

Pourtant, une autre nuit, les doigts
d'un autre dans tes cheveux viendront
s'entrelacer aux miens, mes doigts
de milliers de kilomètres de long.

Ismaïl Kadaré ("Poèmes" - Éditions Fayard 1997)   


Le Vol en V des oies sauvages

Elles ont tracé la seule et unique
lettre qu'elles savent écrire,
V magnifique
dans le ciel de leur exil.

Elles laissent quelque chose après elles,
elles emportent quelque chose
par-delà les nuages;

pour cette beauté essentielle,
grâces vous soient rendues, oies sauvages.
Car il a suffi d’une seule et unique lettre
dans le ciel démesurément gris
pour que, mieux qu’une bibliothèque,
vous donniez corps à notre nostalgie.

Ismaïl Kadaré ("Poèmes" - Éditions Fayard 1997) traduction de Claude Durand


La plaine est sombre

La plaine est sombre, elle se dilue dans la nuit.
Noirs, les arbres dressent à l’affût leurs silhouettes de bandits.

Un éclair lacère les ténèbres dans le lointain.
Il pleut à verse. Je suis seul au bord du chemin.

Noirs, les arbres guettent. On dirait des bandits
Décidés à te garder prisonnière de la nuit.

Ismaïl Kadaré ("Poèmes" - Éditions Fayard 1997)


29 avril 2007

Europe - Angleterre - Emily Brontë

Emily Brontë (1818-1848) est  connue pour être l'auteur du roman "Les Hauts de Hurlevent".
Elle a publié un recueil de poèmes.

The blue bell is the sweetest flower
That waves in summer air
Its blossoms have the mightiest power
To soothe my spirit's care

There is a spell in purple heath
Too wildly, sadly dear
The violet has a fragrant breath
But fragrance will not cheer"

Emily Brontë ("The Poems of Emily Brontë" - Barbara Lloyd-Evans)

Traduction de Claire Malroux :

La campanule (titre proposé)

La campanule est la fleur la plus suave
Ondoyant dans l'air de l'été
Ses clochettes ont le suprême pouvoir
D'apaiser le souci de mon âme
   
Il y a dans la pourpre bruyère un charme
Trop violemment, tristement cher
La violette a une haleine parfumée
Mais le parfum ne peut égayer

Emily Brontë (livre en français : "Poèmes 1836-1846")


29 avril 2007

"L'autre" - Rosemonde Gérard

Rosemonde Gérard (1871-1953) a écrit des pièces de théâtre et des poèmes.


Bonne année !

Bonne année à toutes les choses :
Au monde ! À la mer ! Aux forêts !
Bonne année à toutes les roses
Que l’hiver prépare en secret.

Bonne année à tous ceux qui m’aiment
Et qui m’entendent ici-bas …
Et bonne année aussi, quand même
À tous ceux qui ne m'aiment pas !

Rosemonde Gérard


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