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28 avril 2007

"L'autre" - Raymond Queneau

Raymond Queneau (1903-1976) appartient au mouvement surréaliste, qu'il quittera (exclusion), comme beaucoup d'autres. Il est l'un des fondateurs du mouvement littéraire "Oulipo" (Ouvroir de Littérature Potentielle).
Il invente des règles d'écriture (remplacer par exemple chacun des mots d'un texte par le mot situé dans le dictionnaire 7 mots plus loin).
Auteur en particulier d' Exercices de style et de Zazie dans le Métro, il publie en 1961 l'ouvrage Cent Mille Milliards de Poèmes, qui permet par combinaisons de vers de composer une infinité (ou presque !) de sonnets  réguliers.
Il est élu à l'Académie Goncourt en 1951.

Cris de Paris

On n'entend plus guère le repasseur de couteaux
le réparateur de porcelaines le rempailleur de chaises
on n'entend plus guère que les radios qui bafouillent
des tourne-disques des transistors et des télés
ou bien encore le faible aye aye ouye ouye
que pousse un piéton écrasé

Raymond Queneau ("Courir les rues" - 1967, Gallimard poésie)


L’espèce humaine

L’espèce humaine m’a donné
le droit d’être mortel
le devoir d’être civilisé
la conscience humaine
deux yeux qui d’ailleurs ne fonctionnent pas très bien
le nez au milieu du visage
deux pieds deux mains
le langage
l’espèce humaine m’a donné
mon père et ma mère
peut-être des frères on ne sait
des cousins à pelletées
et des arrière-grands-pères
l’espèce humaine m’a donné
ses trois facultés
le sentiment l’intelligence et la volonté
chaque chose de façon modérée
l’espèce humaine m’a donné
trente-deux dents un cœur un foie
d’autres viscères et dix doigts
l’espèce humaine m’a donné
de quoi être satisfait

Raymond Queneau ("L'Instant fatal" - 1948, Gallimard)


Quelqu'un

Quand la chèvre sourit
quand l’arbre tombe
quand le crabe pince
quand l’herbe est sonore
plus d’une maison
plus d’une coquille
plus d’une caverne
plus d’un édredon
entendent là-bas
entendent tout près
entendent très peu
entendent très bien
quelqu’un qui passe et qui pourrait bien être
et qui pourrait bien être quelqu’un

Raymond Queneau ("L'Instant fatal" - 1948, Gallimard)


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28 avril 2007

"L'autre" - Charles Le Quintrec

Charles Le Quintrec, né en 1926 en Bretagne, est un écrivain et poète français.
Un de ses derniers romans : Les enfants de Kerfontaine (Albin Michel, 2007).

L'enfant

L’enfant n’est pas un ange
Ce n’est pas un démon

Il se cogne aux étoiles
Sans se blesser le front

Roi des eaux sidérales
Il s’invente un royaume

Un royaume à cheval
Entre l’aurore et l’aube

Chaque jour son regard
Recommence le monde.

Charles Le Quintrec


28 avril 2007

"L'autre" - Paul-Louis Rossi

Paul-Louis Rossi est né en 1933. Romancier, poète, essayiste,  Il a participé à la rédaction des revues "L'Action poétique" et "Change".
Quelques recueils poétiques : Liturgie pour la nuit (éditions Millas Martin, 1958) ; Quand Anna murmurait (éditions Chambelland, 1963 et anthologie des poésies, Flammarion, 1999) ; Les états provisoires (POL éditeur, 1984) ; Visage des Nuits (éditions Flammarion, 2005)

Chaque nuit
Chaque nuit
je me promène
solitaire et calme
contemplant
sous un amas de poussières
les objets de mon insomnie

Paul-Louis Rossi (extrait de "Quand Anna murmurait", anthologie de poésies, Flammarion, 1999)


Un texte image pour le thème du Printemps des Poètes :

Les enfants crient (titre proposé)

Les enfants crient        ce soir      dans les ruelles
      obscures tous Italiens       Gitans     Espagnols
Siciliens  Tziganes moitié Juifs moitié       Arabes
    moitié    Sardes    Egéens    Corses     Egyptiens
Grecs     tous fils indignes      des        Villes
   Corinthe   Gênes    Béotie   Massilia   la
Porte       de la Narbonnaise      un point   humide
    chaud
             sans un
                       souffle ...

Paul-Louis Rossi ("Les états provisoires"  - POL éditeur, 1984)


28 avril 2007

"L'autre" - Jacques Roubaud

Jacques Roubaud est né en 1932. Il se définit lui-même comme un "compositeur de mathématiques et de poésie". Traducteur et auteur de recueils de poésies pour les enfants, il est membre de l'Oulipo, l’Ouvroir de Littérature Potentielle (voir la présentation de Raymond Queneau sur ce blog).

Le texte suivant a été mis en ligne sur le site officiel du Printemps des Poètes, ici, pour l'édition 2008.

L’autre, 1 ...

L’autre, 1
si je est un autre
de quel autre
alors, suis-je l’autre ?

L’autre, 2

ce je qui est autre
est-ce moi ?
est-ce moi encore ?

L’autre, 3

es-tu toi aussi
es-tu autre ? es-tu, toi, une autre ?

Jacques Roubaud (éditions Printemps des poètes 2008, Poèmes sur Eloge de l'autre).


Je pense à toi

Quand je pense
quand je pense
quand je pense à toi
je me demande
je me demande
si tu penses à moi

et s’il se trouve que tu penses
que tu penses à moi
au moment même où je me demande
où je me demande
si tu penses à moi
est-ce que tu te demandes
te demandes
si je pense à toi ?

et tant je me demande
demande
si tu penses à moi
qu’à la fin je me demande
je me demande
si j’ai pensé à toi

Jacques Roubaud  (dans "Poète toi-même, anthologie" - Le Castor Astral, collection Escales du Nord, 2000)


28 avril 2007

"L'autre" - Rutebeuf

Rutebeuf (1230-1285 - dates approximatives) est le plus grand poète de son temps.

La complainte Rutebeuf

Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Ce sont amis que vent me porte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta

Avec le temps qu'arbre défeuille
Quand il ne reste en branche feuille
Qui n'aille à terre
Avec pauvreté qui m'atterre
Qui de partout me fait la guerre
Au temps d'hiver
Ne convient pas que vous raconte
Comment je me suis mis à honte
En quelle manière

Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Le mal ne sait pas seul venir
Tout ce qui m'était à venir
M'est advenu

Pauvre sens et pauvre mémoire
M'a Dieu donné, le roi de gloire
Et pauvre rente
Et droit au cul quand bise vente
Le vent me vient, le vent m'évente
L'amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta

Rutebeuf
Ce texte est une adaptation pour la chanson "Pauvre Rutebeuf, musique de Léo Ferré, de deux passages des "Poèmes de l'infortune" dont voici le texte original, en ancien français :

La complainte Rutebeuf

Ne covient pas que vous raconte
Comment je me suis mis à honte,
Quar bien avez ouï le conte
En quel manière,
Je pris ma fame derreniere,
Qui bele ne gente ne iere

Li mal ne sevent seul venir :
Tout ce m'estoit a avenir
S'est avenu.
Que sont mi ami devenu
Que j'avoie si près tenu
Et tant amé ?
Je cuit qu'il sont trop cler semé :
Il ne furent pas bien semé
Si sont failli.
Itel ami m'ont mal bailli ;
C'onques tant com Dieu m'assailli
En maint costé,
N'en vis un seul en mon hoste :
Je cuit li vent les m'a osté.
L'amor est morte :
Ce sont ami que vent emporte,
Et il ventoit devant ma porte
Les emporta,
C'onques nul ne m'en conforta,
Ne du sien rien ne m'aporta.

La griesche d'yver

Contre le temps qu'arbre desfueille,
Qu'il ne remaint en branche fueille
Que n'aut a terre,
Por povreté qui moi aterre,
Qui de toutes pars me muet guerre,
Contre l'yver,
Dont molt me sont changié li ver,
Mon dit commence trop diver
De povre estoire.
Povre sens et povre mémoire
M'a Dieu doné, li rois de gloire,
Et povre rente,
Et droit au cul, quand bise vente.
Li vent me vient, li vent m'esvente,
Et trop sovent
Plusors foïes sent le vent.


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28 avril 2007

"L'autre" - Claude Roy

Claude Roy (1915-1997) est lui aussi présent dans les catégories pour la classe (Le chat blanc - Chevaux : trois ; oiseau : un - J'ai trouvé dans mes cheveux - Les corridors où dort Anne qu'on adore - Le soleil dit bonjour).

Le texte ci-dessous est plutôt pour le collège ou le lycée.

On en propose en général la première partie, jusqu’à “J'y suis pour tout le monde”...

Jamais je ne pourrai

Jamais jamais je ne pourrai dormir tranquille aussi longtemps
que d'autres n'auront pas le sommeil et l'abri
ni jamais vivre de bon coeur tant qu'il faudra que d'autres
meurent qui ne savent pas pourquoi
J'ai mal au cœur mal à la terre mal au présent
Le poète n'est pas celui qui dit Je n'y suis pour personne
Le poète dit J'y suis pour tout le monde
Ne frappez pas avant d'entrer
Vous êtes déjà là
Qui vous frappe me frappe
J'en vois de toutes les couleurs
J'y suis pour tout le monde
Pour ceux qui meurent parce que les juifs il faut les tuer
pour ceux qui meurent parce que les jaunes cette race-là c'est fait pour être exterminé
pour ceux qui saignent parce que ces gens-là ça ne comprend que la trique
pour ceux qui triment parce que les pauvres c'est fait pour travailler
pour ceux qui pleurent parce que s'ils ont des yeux eh bien c'est pour pleurer
pour ceux qui meurent parce que les rouges ne sont pas de bons Français
pour ceux qui paient les pots cassés du Profit et du mépris des hommes

Claude Roy ("Les Circonstances"  - Éd Gallimard 1970)


Un autre poème de Claude Roy autour du thème :

Limerick* des gens excessivement polis

Excusez-moi, je vous en prie
Disait le Monsieur Très Poli
tout ourlé de Bonnes Manières
quand il croisait un dromadaire

Je suis charmé vraiment ravi
Disait le Monsieur Si Gentil
en rencontrant rue de Lisbonne
un pangolin avec sa bonne

Je vous présente mes respects
Disant le Monsieur Circonspect
en dépassant dans l'escalier
un i sans point très essoufflé

Veuillez agréer mes hommages
Disait le Monsieur Tout en Nage
en arrivant très en retard
au bal masqué des nénuphars

Après vous je n'en ferai rien
Disait le Monsieur Vraiment Bien
lorsque la Mort sonnant chez ui
le trouvera toujours poli

L'ennui avec les gens polis
c'est qu'ils n'ont jamais fini
tout en saluts et en courbettes
mais trop polis pour être honnêtes.

* Un limerick est une forme de poème burlesque ou absurde.
Claude Roy ("Le Parfait Amour" - Éditions Seghers)


Voici une réhabilitation de l'étourneau, cet animal trop souvent sujet de moquerie chez les humains :

Étourdis étourneaux

Les étourneaux
sont étourdis.
On le dit.

Ils font des tours
et des détours
et ils rient.

Les étourneaux
n'ont pas de tête.
On le dit.

Mais ils sont gais,
les étourneaux,
légers là-haut !

Ils font dans le ciel
des anneaux,
des anneaux gais à tire-d'aile
les étourneaux.

Claude Roy ("La cour de récréation" - Éditions Gallimard)


27 avril 2007

"L'autre" - Robert Sabatier

Robert Sabatier est né en 1923. C'est un écrivain connu du grand public pour la saga en sept tomes d’Olivier, le personnage des Allumettes suédoises (1967), qui traverse les remous de l'Histoire, et dont le dernier épisode :  Olivier 1940 est paru en 2003.
Robert Sabatier a publié d'autres romans et des recueils de poésies. Il est l'auteur d'une Histoire de la poésie française en 11 volumes, chez Albin Michel (éditée de 1961 à 1988). Cet ouvrage rassemble des textes de poètes, du Moyen Âge jusqu' à la période contemporaine.

Les semblables (extrait)

Autant le dire à celui qui m'écoute :
Je te ressemble à ce point qu'au soleil
Je crois me voir dans ton corps de passage
Et je t'entends en m'écoutant moi-même.

Mon œil a soif des autres, je les crois
Jaillis de moi comme un oiseau de l'oeuf
Et leur coeur bat comme battent mes veines,
Je suis lié par un pacte de sang.

Pas d'ennemis dans l'absolu du monde,
Un même corps, Une même épouvante
Et l'espérance avec sa robe verte
Pour nous unir dans un même refus.

Robert Sabatier ("L'Oiseau de demain" - 1981 - éditions Albin Michel)


27 avril 2007

"L'autre" - Pierrette Sartin

On retrouvera ces textes  de Pierrette Sartin, poétesse contemporaine, et d'autres auteurs, dans le recueil "Les plus beaux poèmes d'hier et d'aujourd'hui", textes choisis et présentés par Jacques Charpentreau (collection "Fleurs d'encre" Le Livre de Poche Jeunesse - Hachette - 2006)

L'ami

L'ami est celui qui comprend
Sans avoir besoin de paroles.
D'un seul regard il nous console
De nos chagrin petits ou grands.

L'ami est la chaleur et lumière
Il est flamme et flambeau
La source qui devient lumière
L'âme soeur le frère jumeau.

Il est autre et pourtant nous-mêmes
Notre reflet et notre écho
Dans le miroir d'un seul poème
Dans le secret du jardin clos.

Pierrette Sartin ("L'amitié des Poètes" 1994 - éditions Hachette)


L'amitié

Elle est le vent sur la prairie
qui caresse les graminées
les mains douces des alizés.

Elle est l'aube sur la colline
la fleur ouverte que lutine
de ses ailes le papillon.

Elle est la source qui jaillit
dans la nuit verte du vallon,
au fond du cœur une chanson.

Elle est l'oiseau venu du ciel
la colombe de l'espérance
portant le rameau de paix ;

Elle est le Prince sous son heaume
qui nous conduit vers le royaume
où commence l'enchantement.

Pierrette Sartin ("L'amitié des Poètes" 1994 - éditions Hachette)


27 avril 2007

"L'autre" - Pierre Seghers

Pierre Seghers (1906-1987) est un poète et un éditeur de poésie (Les éditions Seghers publient toujours).
Il est le créateur de la revue des poètes de la Résistance : Poésie 40, qui publie, aussi des textes actuels et de la collection "Poètes d’aujourd’hui", ainsi que de nombreuses anthologies poétiques. On trouve sur ce blog (catégorie PAROLES et musique) le texte "Merde à Vauban", mis en musique par Léo Ferré.

Les hommes

Le sang doux des arbres
coule dans tes mains,
Le vent du désert
ensable les marbres.

Le chant de la vie
Rouge dans ta voix
Le temps qui s’avoue
Plus vite que toi.

Écoute, on dirait
que la biche brame,
Les bois ont des bras
Des poings, les forêts,

La terre a, profond
De hauts corps en marche,
Des hommes debout
Venus pour parler.

Ils disent qu’ils sont
Le nombre et la masse,
Chacun son regard
Plus clair d’espérer,

Chacun son pas d’homme
Son cœur et sa force,
Ils viennent ici
du fond du passé

Brûler au feu noir
qui fit notre histoire,
Il faudra les croire
Ou bien les tuer !

Pierre Seghers ("le Futur Antérieur")


27 avril 2007

"L'autre" - Alain Serres

Alain Serres est né en 1956. Il a publié de nombreux textes, histoires et poèmes pour enfants et adolescents.

Toi-même

C'est fou ce qu'il y a de merveilles
Dans le creux de ton oreille
C'est fou ce qu'il y a de chemins
Dans le creux de ton poing
C'est fou ce qu'il y a de poèmes
Dans le creux de toi-même.

Alain Serres


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