Pâquerette et Liseron
Pâquerette et Liseron,
Dans le secret d'un bocage,
Tendrement se marieront
Quand les feuilles verdiront.
Pâquerette, a son corsage,
Epingle un petit col rond,
Cependant que Liseron
Met le rose à son visage.
C'est pour plaire à Liseron
Que Pâquerette est si sage.
Lui, de son côté, s'engage
A n'être jamais volage...
Un gentil brin de mouron
Sera leur témoin, je gage,
Et pour cortège ils auront
Chaque églantine sauvage.
Dans les bois des environs,
Les muguets agiteront
Leurs clochettes, au passage
De ce jeune et frais ménage.
Pour eux s'égosilleront
Les oiseaux du voisinage
Qui, de leurs chants rythmeront
Le ballet des moucherons.
La coccinelle en voyage,
Les fourmis, les pucerons,
Bien longtemps se souviendront
De ce joli mariage.
L'hirondelle au vol si prompt
Officiera sous l'ombrage
Et pour toujours s'uniront
Pâquerette et Liseron...
Suzanne Buchot ( recueil "Pin Pon d'Or", Armand Got - 2ditions Colin-Bourrelier, 1972)
Au conseil des instruments de mesure
"Mesurer ? Mesurer ?
Vous ne tenez guère la distance,
Ce n'est guère votre longueur!"
S'exclama le mètre en toisant,
Ses confrères de sa hauteur.
"Mesurer ? Mesurer ?
Vous n'avez pas de consistance,
Pesez vos mots dit la balance,
Avec une once de défi,
Aucun de vous ne fait le poids !"
"Mesurer ? Mesurer ?
Détrompez vous c'est ma surface !"
Cria la chaîne déchaînée,
En arpentant de long en large
Son domaine d'un air borné.
"Mesurer ? Mesurer ?
Vous manquez de capacité !"
Rétorqua le litre en dosant,
Au goutte à goutte ses paroles,
En faisant bonne contenance.
"Mesurer ? Mesurer ?
La densité vous fait défaut,
Mais elle prend du corps avec moi,
Le volume, c'est du solide !
Dit le décimètre en substance.
"Mesurer ? Mesurer ?
Mettons les pendules à l'heure,
Vos méthodes ont fait leur temps
Interrompit la montre à quartz,
Ma précision va prendre date !"
Mesurer ? Mesurer ?
Mais ils tournaient, tournaient en rond,
Quand le rapporteur de séance,
Conclut le compas dans l'œil :
Chacun est maître dans sa sphère !"
Romain Labanne
La pluie
Gouttelette
rondelette
tombée
sur mon nez
piquelette
sur ma tête
voici mon amie
la pluie
chansonnette
doucelette
trottinant
chante la pluie
dans le vent.
Anne Marie Chapouton
Jamais je ne pourrai
Jamais jamais je ne pourrai dormir tranquille aussi longtemps
que d'autres n'auront pas le sommeil et l'abri
ni jamais vivre de bon cœur tant qu'il faudra que d'autres
meurent qui ne savent pas pourquoi
J'ai mal au cœur mal à la terre mal au présent
Le poète n'est pas celui qui dit Je n'y suis pour personne
Le poète dit J'y suis pour tout le monde
Ne frappez pas avant d'entrer
Vous êtes déjà là
Qui vous frappe me frappe
J'en vois de toutes les couleurs
J'y suis pour tout le monde
Pour ceux qui meurent parce que les juifs il faut les tuer
pour ceux qui meurent parce que les jaunes cette race-là c'est fait pour être exterminé
pour ceux qui saignent parce que ces gens-là ça ne comprend que la trique
pour ceux qui triment parce que les pauvres c'est fait pour travailler
pour ceux qui pleurent parce que s'ils ont des yeux eh bien c'est pour pleurer
pour ceux qui meurent parce que les rouges ne sont pas de bons Français
pour ceux qui paient les pots cassés du Profit et du mépris des hommes
Claude Roy ("Les Circonstances")
Trois noisettes
Trois noisettes dans le bois,
Tout au bout d’une brindille,
Dansaient la Capucine vivement au vent,
En virant ainsi que des filles de roi ...
Un escargot vint à passer :
" Mon bon Monsieur, emmenez-moi
Dans votre carrosse,
Je serai votre fiancée ",
Disaient-elles toutes trois.
Mais le vieux sire sourd et fatigué,
Le sire aux quatre cornes sous les feuilles
Ne s’est point arrêté,
Et c’est l’ogre de la forêt, je crois,
C’est le jeune ogre rouge, gourmand et futé,
Monseigneur l’Écureuil,
Qui les a croquées.
Tristan Klingsor ("Le Valet de cœur")
La pomme
Bel automne
À moi tes pommes,
Qui sont rougeaudes comme joues de jeune vierge !
J'y veux mordre à pleines dents ;
J'y veux boire à pleines lèvres :
Bel automne,
À moi tes pommes
Pour le pressoir qui les attend !
J'en veux faire éclater la fine chair
Entre les mâchoires de fer ;
J'en veux tirer la liqueur blonde ;
À grand effort de vis et de levier,
J'en veux faire jaillir une source de songe !
Pour défier
L'ennui de l'hiver et des mois sombres,
Rien ne vaut une cave pleine et froment au grenier.
Bel automne
À moi tes pommes !
Aux glèbes fraîches,
Mon blé germe :
Qu'importe le passé ? J'ai semé l'avenir.
Les feuilles sèches,
Au gré du vent peuvent courir
Dans la brume des soirs ternes ;
Si j'ai du cidre
En mon cellier,
Il m'est permis d'oublier
L'angoisse même de vivre,
L'angoisse de marcher ployé,
Et d'être si peu, si peu libre !
Philéas Lebesgue ("Les Servitudes" - 1913)
L'encrier noir au clair de lune
L'encrier noir au clair de lune
l'encrier noir au clair de lune
au clair de la lune un encrier noir
au clair de la lune un encrier noir
au pauvre poète a prêté sa plume
au pauvre poète a prêté sa plume
il fait un peu frais ce soir
au clair de la lune un encrier noir
sur le papier blanc a couru la plume
la plume a couru zen petits traits noir
une lune blanche un sombre encrier
sont les père et mère de ce nouveau-né
une lune blanche
un sombre encrier
Raymond Queneau 1948 ("L'Instant fatal" - éditions Gallimard -1966)
Ce texte est aussi une chanson (musique Jean-François Gaël.
On peut en écouter ici un extrait : http://hurl.samples.dmpcontent.com/scripts/hurl.do?/~o-010001/1003443_0119_00_0900.rm).
Elle se trouve sur le CD
Hélène MARTIN, Henri GOUGAUD, Jean-François GAËL et Bachir TOURE chantent les poètes (vol 2), chantée par Jean-François GAËL
Je rectifie la présentation de ce poème, qui n'a pas de titre dans le recueil. Il est simplement numéroté 6 dans le chapitre intitulé : " pour un art poétique".
6
L'encrier noir au clair de lune
l'encrier noir au clair de lune
au clair de la lune un encrier noir
au clair de la lune un encrier noir
au pauvre poète a prêté sa plume
au pauvre poète a prêté sa plume
il fait un peu frais ce soir
au clair de la lune un encrier noir
sur le papier blanc a couru la plume
la plume a couru zen petits traits noir
une lune blanche un sombre encrier
sont les père et mère de ce nouveau-né
une lune blanche un sombre encrier
Tortue (titre proposé))
Tortue, je t'observe.
Tu restes tapie
sous ta carapace,
puis, timidement,
tu sors ta tête.
Et tu attends
que les fruits mûrs
tombent tranquillement
sous l'arbre fruitier.
Tu es gourmande !
Le sais-tu, tortue ?
Anne-Marie Chapouton ("Mon ABC en comptines" - Père Castor - Flammarion, 1999)
Un cheval
Un cheval est sorti
De la forêt prochaine
Il n'avait que ses ailes
Pour affronter la nuit.
Où va-t-il ce cheval
Qui ne boit ni ne mange
Et frappe du sabot
Les mondes du silence ?
Puisque son nom suffit
Pour changer de planète
Ô mes parents perdus
Qu'il m'emporte où vous êtes.
Et que simple vivant
Sur la mer, dans le ciel,
Je sache par moi-même
Où commence le temps.
Charles le Quintrec
Chevaux
Je suis d’un village où j’entends
Les chevaux noirs, les chevaux blancs
Avec leurs yeux arabisants,
Leurs nez peuhls, leurs croupes latines,
Traîner tout le jour des racines
Et des surcharges de froment.
Rien n’est plus beau qu’une jument
Plongeant son masque d’Orient,
Sa belle face métissée
Dans les rivières tempérées !
Catherine Paysan
Rien ne sert de courir
Un grain de blé s'envola
en l'air loin de l'aire
un grain de blé voyagea
parcourant la terre entière
Un oiseau qui l'avala
traversa l'Atlantique
et brusquement le rejeta
au-dessus du Mexique
Un autre oiseau qui l'avala
traversa le Pacifique
et brusquement le rejeta
au-dessus de la Chine
Traversant bien des rizières
traversant bien des deltas
traversant bien des rivières
traversant bien des toundras
Dans son pays il revint
brisé par tant d’aventures
et pour finir il devint
un tout petit tas de farine
Pas la peine de tant courir
pour suivre la loi commune
Raymond Queneau (“Battre la campagne” - Gallimard, 1968)
La pluie
La pluie, la pluie
Dans la bassine
La pluie, la pluie
Dit sa comptine
La pluie, la pluie
Au contrevent
Dit sa comptine
Contre le vent
La pluie, la pluie
En bas percés
Perce la terre
De mille pieds
Paule Lavergne
Petit Printemps
Petit printemps fantasque,
Qui lance avec humeur
De violentes bourrasques
Sur les arbres en fleur ;
Petit printemps sauvage
Comme un chat hérissé,
Qui nous crache au visage
De gros flocons glacés ;
Petit printemps boudeur,
Pourquoi faire la moue ?
Laisse tes douces fleurs
Refleurir sur ta joue.
Albert Atzenwiler
Ma plume, qui l'aurait cru ? ... n'est pas un texte de Luc Bérimont, puisque la demande précisait sa date, 1912 !
Non
Voici le texte avec son véritable auteur, trouvé dans un vieux livre de Français
Ce n'est pas moi, c'est la plume (titre)
Ma plume, qui l'aurait cru?
Ma plume a de la malice;
Comme moi, je l'ai bien vu,
Parfois elle a son caprice.
Si je suis de bonne humeur
Et si j'écris de bon cœur,
Mademoiselle est charmante,
Douce, adroite, obéissante,
Et sans se faire prier
Sur la feuille blanche et lisse,
Elle glisse, glisse, glisse,
Elle court sur le papier.
Mais suis-je d'humeur chagrine,
Voyez un peu la taquine !
Elle se met à crier,
Elle crache, crache, crache,
Elle fait tache sur tache
Et me gâte mon cahier.
Alexandre Vessiot (1829-1908)
Emploi du temps
A onze heures
Chez l’Ambassadeur
A midi
Rue Garibaldi
A une heure
Aller voir ma sœur
A deux heures
Bloquer l’ascenseur
A trois heures
Chez mon directeur
A quatre heures
Je mange des p’tits-beurre
A cinq heures
Je change de secteur
A six heures
Envoyer des fleurs
A sept heures
Je file en douceur
A huit heures
Je consulte l’heure
Que faire à vingt et une heure* ?
(*l'heure ne s'écrit au pluriel que quand il s'agit de l'heure exacte).
On trouve ce poème trans (dé)formé, les heures de l'après-midi sont transcrites "quatorze heures", ... "dix-neuf heures", et aussi par ex :
"À vingt heures :
Eviter les heurts."
Le texte donné ci-dessus semble être la version originale.
Luc Bérimont ("Comptines pour les enfants d’ici et les canards sauvages" - éditions Saint-Germain-des-Prés)
Le muguet
Cloches naïves du muguet,
Carillonnez ! car voici Mai !
Sous une averse de lumière,
Les arbres chantent au verger,
Et les graines du potager
Sortent en riant de la terre.
Carillonnez ! car voici Mai !
Cloches naïves du muguet !
Les yeux brillants, l'âme légère,
Les fillettes s'en vont au bois
Rejoindre les fées qui, déjà,
Dansent en rond sur la bruyère.
Carillonnez ! car voici Mai !
Cloches naïves du muguet !
Maurice Carême
La grenouille bleue
Nous vous en prions à genoux,
bon forestier, dites-nous le !
à quoi reconnaît-on chez vous
la fameuse grenouille bleue ?
à ce que les autres sont vertes ?
à ce qu'elle est pesante ? alerte ?
à ce qu'elle fuît les canards ?
ou se balance aux nénuphars ?
à ce que sa voix est perlée ?
à ce qu'elle porte une houppe?
à ce qu'elle rêve par troupe ?
en ménage ? ou bien isolée ?
Ayant réfléchi très longtemps
et reluquant un vague étang,
le bonhomme nous dit: eh mais,
à ce qu'on ne la voit jamais.
Tu mentais, forestier. Aussi ma joie éclate !
Ce matin je l'ai vue ! un vrai saphir à pattes.
Complice du beau temps, amante du ciel pur,
elle était verte, mais réfléchissait l'azur.
Paul Fort ("Deux chaumières au pays de l'Yveline - Ballades françaises XVIIIe série")
Les pins
J'aime ce bois de pins dont vous avez chanté
La verdure marine,
Qui sent bon la chaleur, le soleil et l'été,
L'écorce et la résine.
La coquille en craquant s'y mêle sous les pas
À la pomme écailleuse.
Entre les troncs on voit la mer border, là-bas,
La plage sablonneuse.
Henri de Régnier
Un autre poème du même auteur, où les pins sont aussi présents :
J'entends la mer
J'entends la mer
Murmurer au loin, quand le vent
Entre les pins, souvent,
Porte son bruit rauque et amer
Qui s'assourdit, roucoule ou siffle, à travers
Les pins rouges sur le ciel clair...
Parfois
Sa sinueuse, sa souple voix
Semble ramper à l'oreille, puis recule
Plus basse au fond du crépuscule
Et puis se tait pendant des jours
comme endormie
Avec le vent
Et je l'oublie...
Mais un matin elle reprend
Avec la houle et la marée,
Plus haute, plus désespérée,
Et je l'entends.
C'est un bruit d'eau qui souffre
Et gronde et se lamente
Derrière les arbres sans qu'on la voie.
Henri de Régnier
La danseuse aux mille pieds
La danseuse aux mille pieds
Qui revient quand on s'ennuie,
Lorsque les rondins mouillés,
Sur les deux chenets rouillés,
Pleurent noir comme la suie,
C'est la pluie,
C'est la pluie.
La danseuse aux mille pieds
Qui revient quand on s'ennuie,
Quand les beaux jours oubliés,
Dans les bois et les sentiers,
Pleurent l'hirondelle enfuie,
C'est la pluie,
C'est la pluie.
La danseuse aux mille pieds
Qui revient quand on s'ennuie,
Qui danse des jours entiers,
Dans nos âmes, sans pitié,
Le ballet des songeries,
C'est la pluie,
C'est la pluie.
La danseuse aux mille pieds
Qui revient quand on s'ennuie,
Quand les cœurs humiliés,
À l'automne résignés,
Se souviennent de la vie,
C'est la pluie,
C'est la pluie.
Francis Yard ("Le roi octobre et la danseuse aux mille pieds" - Henri Defontaine éditeur, 1930)
On trouve aussi ce poème dans "L'Arc-en-Fleur", recueil anthologique de poésies d'Armand Got ("poésies modernes choisies pour la jeunesse") paru en 1933 chez Bourrelier.
Cette poésie se trouve également dans le recueil de récitations "Le sentier fleuri", destiné aux élèves "de 10 à 15 ans", édité par Les Presses du Massif Central en 1950 (A. Auneveux et L Roussillat)
Il y a un autre texte de Francis Yard sur ce blog dans la catégorie hiver, avec une courte notice.
Voici, exceptionnellement placé ici parce qu'il semble quand même complet, envoyé par un lecteur, un des textes recherchés : Le lapin, sans auteur et sans garantie d'intégralité ou de forme. C'est toujours une recherche en cours :
Le lapin
L'automne de retour, s'est glissé dans le bois.
Mais qu'es- tu devenu, toi qui vins tant de fois
jouer au pré voisin sans que nul t'importune
et souper gentiment le soir au clair de lune ?
Au repas des lapins, tu n'es plus revenu
et le jour s'est enfui. Te serais tu perdu
à l'heure de la brume ?
Je te revois encore, sautant dans la clairière
et parmi les fourrés, disant à la bruyère,
ton plaisir.
Mais un homme est passé par le sentier du bois
Un coup sec a claqué.
Pauvre petit lapin, tué sous le grand hêtre.
À l'étal d'un marchand, j'ai cru te reconnaître
et mon cœur a pleuré.
Auteur inconnu - recherche en cours, merci d'y participer...
C'est un lexique, que publie Jean Tardieu dans le recueil "Un mot pour un autre" chez Gallimard en 1951, puis dans une nouvelle édition augmentée en 1978. Il a créé dans ce recueil le personnage du Professeur Frœppel, à qui il attribue ces textes, à titre posthume. Parmi ces textes, le chapitre 7, intitulé "les mots sauvages de la langue française", présente un dictionnaire où "il (le Professeur) nous rend au juste sentiment des humbles origines du langage parlé"...
C'est un lexique d'onomatopées d'une quinzaine de pages qui ne peut pas être considéré comme un poème.
Deux exemples, le premier mot :
Ah ? : Marque l'étonnement, exige une explication ou signifie l'incrédulité.
Ex : "C'est Corneille, vous savez, qui a écrit les pièces de Molière !"
Réponse : "Ah ?"
Atchoum ! : Subterfuge, pour éviter de répondre à une question embarrassante sous prétexte d'éternuement. Équivaut à la fausse poussière dans l'oeil, que l'on cherche à enlever en faisant la grimace, aux lacets de soulier dont on vérifie les noeuds, etc.
Et ça continue jusqu'à Zut ! et Zzzzz !
Quand on est tortue
Quand on est tortue,
On peut rentrer la tête
Sous sa carapace
Quand vient la pluie.
Alors on peut rêver
À l'abri,
Et repartir
À petits pas
Jusqu'à l'herbe prochaine
Qu'on atteindra
Ce soir...
Demain...
Ou même un peu plus tard...
Pas de problème
De retard !
Quand on est tortue,
On a toujours le temps
De vivre lentement !
Anne-Marie Chapouton ("Comptines pour les enfants bavards")
L'aube est moins claire... (titre proposé)
L'aube est moins claire, l'air moins chaud, le ciel moins pur ;
Le soir brumeux ternit les astres de l'azur.
Les longs jours sont passés ; les mois charmants finissent.
Hélas ! voici déjà les arbres qui jaunissent !
Comme le temps s'en va d'un pas précipité !
Il semble que nos yeux, qu'éblouissait l'été,
Ont à peine eu le temps de voir les feuilles vertes.
Pour qui vit comme moi les fenêtres ouvertes,
L'automne est triste avec sa bise et son brouillard,
Et l'été qui s'enfuit est un ami qui part.
Adieu, dit cette voix qui dans notre âme pleure,
Adieu, ciel bleu ! beau ciel qu'un souffle tiède effleure !
Voluptés du grand air, bruit d'ailes dans les bois,
Promenades, ravins pleins de lointaines voix,
Fleurs, bonheur innocent des âmes apaisées,
Adieu, rayonnements ! aubes ! chansons ! rosées !
Puis tout bas on ajoute : ô jours bénis et doux !
Hélas ! vous reviendrez ! me retrouverez-vous ?
Victor Hugo (“Toute la Lyre”)