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lieu commun

26 mars 2007

Le plaisir d'apprendre - Célestin Freinet

Oui, tant qu'on y est, et pas sans rapport finalement, ne ratez pas
jeudi 29 mars à 20h 55 sur FR3 la diffusion du téléfilm : Le maître qui laissait les enfants rêver (2006), de Daniel Losset.texte_libre_Freinet
C'est de Célestin Freinet qu'il s'agit, et du combat de cet instituteur pour mettre le plaisir d'apprendre au centre des apprentissages, comme on ne dit pas dans le B.O.
Des enseignants aujourd'hui pratiquent toujours la pédagogie coopérative : conseils d'élèves, texte libre, correspondance, journal scolaire; avec une adaptation aux avancées pédagogiques et technologiques.
Les Instructions Officielles, ont tour à tour combattu (méthode naturelle de lecture), détourné (texte libre), et parfois recommandé (correspondance, journal scolaire), certaines techniques, coupées de la cohérence du projet initial de Célestin Freinet : l'École Moderne. Il y aurait tellement à dire, voyez plutôt ICI . (Photo : une page d'un journal de classe, le texte libre a été composé et imprimé par les élèves - image empruntée au site http://freinet.org/) 


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25 mars 2007

Poème à la demande : Un rectangle - Pierre Béarn

peinutre_rectangle_MexiqueOeuvre de Jorge Cárdenas Aceves ( Mexique)
Encre de Chine et acrylique sur papier

Ci-dessous le poème recherché par Hannah (dans les commentaires), vous pouvez vous aussi utiliser les "commentaires" pour une recherche poétique. Si nous n'avons pas forcément le texte demandé, un surfeur de passage peut le proposer ou le situer.
Les textes seront par la suite rangés dans une catégorie, et l'INDEX (en préparation) aidera à le retrouver.

Un rectangle

Un rectangle se voulait carré
ce qui l'obligeait à maigrir
il se mit à réfléchir
pour découvrir un procédé
capable de réajuster
la démesure de ses flancs...
Et le voilà glissant glissant
se retournant de droite à gauche
tant et tant, tant et tant et tant
qu'il ne parvint qu'à s'arrondir!
En découvrant qu'il était rond
le rectangle voulut mourir.
C'est pourtant beau d'être un ballon
lorsqu'on s'envole vers le ciel
mais s'il faut être honoré
par de violents coups de pieds
il vaut mieux rester carré.

Pierre Béarn ("300 Fables d'aujourd'hui")

25 mars 2007

Le pays où l'on n'arrive jamais - André Dhôtel

broc_sartr_Dh_tel_pays_o__bandeauClin d'oeil du hasard à Dourvac'h, qui m'avait rappelé l'existence de cet auteur, je trouve ce dimanche sur la brocante de Sartrouville (78), "Le pays où l'on n'arrive jamais", roman d' André Dhôtel (1900-1991), lu et oublié il y a trop longtemps.
Sur le site de Dourvac'h, d'autres découvertes à faire, c'est ICI. Et puis le site de l'association des amis d'André Dhôtel, c'est ICI.
Ce prix Fémina 1955, état neuf, protégé d'une couverture papier vitrail, le bandeau (replacé pour la photo) soigneusement rangé en marque-pages, voilà, s'il en fallait une, une bonne raison de se perdre et de se retrouver en littérature. À relire.
"La voix de Dhôtel, c'est de l'eau pure." Philippe Jaccotet.

"Si tu veux découvrir ce que tu cherches, Gaspard, tu dois tâcher de lire les signes qu'il y a dans les choses.[...] La terre est immense, mais il y a des liens entre les choses."livre_Andr__Dh_tel_po_sies
"Le pays où l'on n'arrive jamais".
Ce roman est réédité en collection de poche ("J'ai Lu", "Librio").

André Dhôtel a écrit beaucoup d'autres romans et trois recueils de poésies.

"J’écris rien que pour retrouver
en quel lieu j’eus la révélation
parce que j’ai oublié ce lieu
ainsi que toute révélation."

André Dhôtel ("Poèmes comme ça" - 2000 - Editions Le temps qu'il fait)


25 mars 2007

Paul Éluard - Derniers poèmes d'amour (2) - Le temps déborde

Eluard_texte_manuscrit
"28 novembre 1946 ... le temps déborde". C'est la disparition brutale de Nusch.
Paul Éluard publie le recueil Le temps déborde l'année suivante.

Il le dédie "À J. et A. derniers reflets de mes amours, qui ont tout fait pour dissiper la nuit qui m'envahit".
Ces deux phrases manuscrites corrigées y prennent place, sans titre :


Vingt-huit novembre mil neuf cent quarante-six

Nous ne vieillirons pas ensemble.
Voici le jour

En trop : le temps déborde.

Mon amour si léger prend le poids d’un supplice.

Paul Éluard ("
Le temps déborde")


Un autre texte dont on trouvera ici une analyse complète.

Notre vie

Notre vie tu l'as faite elle est ensevelie
Aurore d'une ville un beau matin de mai
Sur laquelle la terre a refermé son poing
Aurore en moi dix-sept années toujours plus claires
Et la mort entre en moi comme dans un moulin

Notre vie disais-tu si contente de vivre
Et de donner la vie à ce que nous aimions
Mais la mort a rompu l'équilibre du temps
La mort qui vient la mort qui va la mort vécue
La mort visible boit et mange à mes dépens

Morte visible Nusch invisible et plus dure
Que la faim et la soif à mon corps épuisé
Masque de neige sur la terre et sous la terre
Source des larmes dans la nuit masque d'aveugle
Mon passé se dissout je fais place au silence

Paul Éluard ("Le temps déborde") pas de ponctuation dans ce texte


24 mars 2007

Paul Éluard (1895-1952) - Derniers poèmes d'amour- Le Phénix - (à suivre)

On me demande (message) une explication de texte du poème Printemps de Paul Éluard (lire dans UNE SAISON en POÉSIE). Je ne m'y risquerai pas, mais on pourra rapprocher ce poème des autres textes du recueil initial, et rappeler le contexte personnel de ces écrits. (Reproduction : Paul Éluard, par Dalí - DR)

Eluard_par_DaliParu initialement dans la plaquette "Le Phénix" (1951), on trouve aussi Printemps dans le recueil "Derniers poèmes d'amour" (Edit Seghers - Poésie d'abord - 1963 - image ci-dessous).
Régulièrement réédité, il regroupe dans l'ordre chronologique : "Une longue réflexion amoureuse", "Le Dur Désir de durer", "Le temps déborde" (1947) , "Corps mémorable", et "Le Phénix" (1951).
"Le temps déborde" , textes de douleur, a été écrit après la mort en 1946 de Maria Benz ("Nusch") prochainement sur ce blog.
Paul Éluard écrit "Le Phénix", où se trouve "Printemps", en 1951, un an avant sa propre disparition. Ce dernier recueil du dernier amour est dédié à Dominique, connue en 1949. Il y célèbre l'amour-Phénix, qui renaît des cendres du désespoir.
Lire ici (cliquer sur ce lien) une mise en situation et une analyse brillante d'un autre poème, "Je t'aime", tiré du même recueil et dédié aussi à Dominique. Peut-être cette explication éclairera ce "Printemps qui a raison". (à suivre)
(Photo du livre : Lieucommun) - cliquer pour agrandir

Je t'aimelivre_Eluard_derniers_po_mes

Je t'aime pour toutes les femmes que je n'ai pas connues
Je t'aime pour tous les temps où je n'ai pas vécu
Pour l'odeur du grand large et l'odeur du pain chaud
Pour la neige qui fond pour les premières fleurs
Pour les animaux purs que l'homme n'effraie pas
Je t'aime pour aimer
Je t'aime pour toutes les femmes que je n'aime pas

Qui me reflète sinon toi-même je me vois si peu
Sans toi je ne vois rien qu'une étendue déserte
Entre autrefois et aujourd'hui
Il y a eu toutes ces morts que j'ai franchies sur de la paille
Je n'ai pas pu percer le mur de mon miroir
Il m'a fallu apprendre mot par mot la vie
Comme on oublie

Je t'aime pour ta sagesse qui n'est pas la mienne
Pour la santé
Je t'aime contre tout ce qui n'est qu'illusion
Pour ce cœur immortel que je ne détiens pas
Tu crois être le doute et tu n'es que raison
Tu es le grand soleil qui me monte à la tête
Quand je suis sûr de moi.

Paul Éluard ("Le Phénix")  Ce poème est rangé en "Lettera amorosa hors classe", ici.


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23 mars 2007

Jacques Higelin chante l' "amor doloroso"

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(Photo Lieucommun)


Amor doloroso, est le titre du dernier album, magnifiquement amoroso et doloroso, de Jacques Higelin


En voici la chanson-titre, et d'autres, moins récentes, mais ...
"l'amour encore et toujours" ("Tombé du ciel").
Les textes de chansons sont rangés dans la catégorie PAROLES et musique


Amor DolorosoCD_Higelin_amor

La mort s'en vient
L'amour s'en va
Seul sur les quais
Je broie du noir
Le train repart sans moi
La route est longue
Le temps est lourd
La nuit est blanche encore
Et noir le jour
Je te revois fière et sauvage
Ensorcelée pieds nus dans la poussière
T'embraser comme une flamme affolée par le vent
Et te jeter dans mes bras

L'amour, l'amour, l'amour, l'amour est mort
Amor doloroso
Je sens encore
Entre mes bras
Chavirer ton corps

Douleur, douleur, douleur, regrets et remords
Amor doloroso
Si loin de toi, j'ai mal, j'ai froid, j'ai peur
Je n'aime que toi.

Combien de jour
De nuit encore
À délirer sans toi ?
La fièvre au corps
La mort dans l'âme
Bien plus de mille et une fois
Je me suis senti mourir dans tes bras
Jusqu'au jour où lassée
Peut-être
Tu m'as quitté sans dire
Un mot,
Sans un regard
Me laissant seul désemparé
Et le cœur lourd à
Attendre ton retour.

Douleur, douleur, douleur, regrets et remords
Amor doloroso
J'entends encore tout contre moi
Battre ton cœur.

La vie, l'amour, l'oubli, la douleur et la mort
Amor doloroso
Si loin de toi, j'ai mal, j'ai froid, j'ai peur
Je n'aime que toi.


Tombé du ciel

Tombé du ciel à travers les nuages
Quel heureux présage pour un aiguilleur du ciel
Tombé du lit fauché en plein rêve
Frappé par le glaive de la sonnerie du réveil
Tombé dans l'oreille d'un sourd
Qui venait de tomber en amour la veille
D'une hôtesse de l'air fidèle
Tombée du haut d'la passerelle
Dans les bras d'un bagagiste un peu volage
Ancien tueur à gages
Comment peut-on tomber plus mal

Tombé du ciel rebelle aux louanges
Chassé par les anges du paradis originel
Tombé d'sommeil perdu connaissance
Retombé en enfance au pied du grand sapin de
Noël Voilé de mystère sous mes yeux éblouis
Par la naissance d'une étoile dans le désert

Tombée comme un météore dans les poches de Balthazar
Gaspard Melchior les trois fameux rois mages
trafiquants d'import export

Tombés en haut comme les petites gouttes d'eau
Que j'entends tomber dehors par la f'nêtre
Quand je m'endors le cœur en fête
Poseur de girouettes
du haut du clocher donne à ma voix
La direction par où le vent fredonne ma chanson

Tombé sur un jour de chance
Tombé à la fleur de l'âge dans l'oubli

C'est fou c'qu'on peut voir tomber
Quand on traine sur le pavé
Les yeux en l'air
La semelle battant la poussière

On voit tomber des balcons
Des ports d'fleurs des mégots
Des chanteurs de charme
Des jeunes filles en larmes
et des alpinistes amateurs

Tombés d'en haut comme les petites gouttes d'eau
Que j'entends tomber dehors par la f'nêtre
Quand je m'endors le cour en fête
Poseur de girouettes
du haut du clocher donne à ma voix
La direction par où le vent fredonne ma chanson

Tombé sur un jour de chance
Tombé par inadvertance amoureux

Tombé à terre pour la fille qu'on aime
Se relever indemne et retomber amoureux
Tombé sur toi tombé en pamoison
Avalé la cigue goûté le poison qui tue

L'amour encore et toujours


Tête en l'air

Sur la terre des damnés, tête en l'air,
Étranger aux vérités premières énoncées par des cons,
Jamais touché le fond de la misère
Et je pleure, et je crie et je ris au pied d'une fleur des champs,
Égaré, insouciant dans l'âme du printemps, coeur battant,
Coeur serré par la colère, par l'éphémère beauté de la vie.

Sur la terre, face aux dieux, tête en l'air,
Amoureux d'une émotion légère comme un soleil radieux
Dans le ciel de ma fenêtre ouverte
Et je chante, et je lance un appel aux archanges de l'Amour.
Quelle chance un vautour, d'un coup d'aile d'un coup de bec
Me rend aveugle et sourd à la colère à la détresse de la vie.

Sur la terre, tête en l'air, amoureux,
Y'a des allumettes au fond de tes yeux,
Des pianos à queue dans la boîte aux lettres,
Des pots de yaourt dans la vinaigrette
Et des oubliettes au fond de la cour...

Comme un vol d'hirondelles échappé de la poubelle du ciel...


20 mars 2007

On a trouvé (suite)...

Pâquerette et Liseron

Pâquerette et Liseron,
Dans le secret d'un bocage,
Tendrement se marieront
Quand les feuilles verdiront.

Pâquerette, a son corsage,
Epingle un petit col rond,
Cependant que Liseron
Met le rose à son visage.

C'est pour plaire à Liseron
Que Pâquerette est si sage.
Lui, de son côté, s'engage
A n'être jamais volage...

Un gentil brin de mouron
Sera leur témoin, je gage,
Et pour cortège ils auront
Chaque églantine sauvage.

Dans les bois des environs,
Les muguets agiteront
Leurs clochettes, au passage
De ce jeune et frais ménage.

Pour eux s'égosilleront
Les oiseaux du voisinage
Qui, de leurs chants rythmeront
Le ballet des moucherons.

La coccinelle en voyage,
Les fourmis, les pucerons,
Bien longtemps se souviendront
De ce joli mariage.

L'hirondelle au vol si prompt
Officiera sous l'ombrage
Et pour toujours s'uniront
Pâquerette et Liseron...

Suzanne Buchot ( recueil "Pin Pon d'Or", Armand Got - 2ditions Colin-Bourrelier, 1972)


Au conseil des instruments de mesure

"Mesurer ? Mesurer ?
Vous ne tenez guère la distance,
Ce n'est guère votre longueur!"
S'exclama le mètre en toisant,
Ses confrères de sa hauteur.
"Mesurer ? Mesurer ?
Vous n'avez pas de consistance,
Pesez vos mots dit la balance,
Avec une once de défi,
Aucun de vous ne fait le poids !"
"Mesurer ? Mesurer ?
Détrompez vous c'est ma surface !"
Cria la chaîne déchaînée,
En arpentant de long en large
Son domaine d'un air borné.
"Mesurer ? Mesurer ?
Vous manquez de capacité !"
Rétorqua le litre en dosant,
Au goutte à goutte ses paroles,
En faisant bonne contenance.
"Mesurer ? Mesurer ?
La densité vous fait défaut,
Mais elle prend du corps avec moi,
Le volume, c'est du solide !
Dit le décimètre en substance.
"Mesurer ? Mesurer ?
Mettons les pendules à l'heure,
Vos méthodes ont fait leur temps
Interrompit la montre à quartz,
Ma précision va prendre date !"
Mesurer ? Mesurer ?
Mais ils tournaient, tournaient en rond,
Quand le rapporteur de séance,
Conclut le compas dans l'œil :
Chacun est maître dans sa sphère !"

Romain Labanne


La pluie

Gouttelette
rondelette
tombée
sur mon nez
piquelette
sur ma tête
voici mon amie
la pluie
chansonnette
doucelette
trottinant
chante la pluie
dans le vent.

Anne Marie Chapouton


Jamais je ne pourrai

Jamais jamais je ne pourrai dormir tranquille aussi longtemps
que d'autres n'auront pas le sommeil et l'abri
ni jamais vivre de bon cœur tant qu'il faudra que d'autres
meurent qui ne savent pas pourquoi
J'ai mal au cœur mal à la terre mal au présent
Le poète n'est pas celui qui dit Je n'y suis pour personne
Le poète dit J'y suis pour tout le monde
Ne frappez pas avant d'entrer
Vous êtes déjà là
Qui vous frappe me frappe
J'en vois de toutes les couleurs
J'y suis pour tout le monde
Pour ceux qui meurent parce que les juifs il faut les tuer
pour ceux qui meurent parce que les jaunes cette race-là c'est fait pour être exterminé
pour ceux qui saignent parce que ces gens-là ça ne comprend que la trique
pour ceux qui triment parce que les pauvres c'est fait pour travailler
pour ceux qui pleurent parce que s'ils ont des yeux eh bien c'est pour pleurer
pour ceux qui meurent parce que les rouges ne sont pas de bons Français
pour ceux qui paient les pots cassés du Profit et du mépris des hommes

Claude Roy ("Les Circonstances")


Trois noisettes

Trois noisettes dans le bois,
Tout au bout d’une brindille,
Dansaient la Capucine vivement au vent,
En virant ainsi que des filles de roi ...

Un escargot vint à passer :
" Mon bon Monsieur, emmenez-moi
Dans votre carrosse,
Je serai votre fiancée ",
Disaient-elles toutes trois.

Mais le vieux sire sourd et fatigué,
Le sire aux quatre cornes sous les feuilles
Ne s’est point arrêté,
Et c’est l’ogre de la forêt, je crois,
C’est le jeune ogre rouge, gourmand et futé,
Monseigneur l’Écureuil,
Qui les a croquées.

Tristan Klingsor ("Le Valet de cœur")


La pomme

Bel automne
À moi tes pommes,
Qui sont rougeaudes comme joues de jeune vierge !
J'y veux mordre à pleines dents ;
J'y veux boire à pleines lèvres :
Bel automne,
À moi tes pommes
Pour le pressoir qui les attend !
J'en veux faire éclater la fine chair
Entre les mâchoires de fer ;
J'en veux tirer la liqueur blonde ;
À grand effort de vis et de levier,
J'en veux faire jaillir une source de songe !
Pour défier
L'ennui de l'hiver et des mois sombres,
Rien ne vaut une cave pleine et froment au grenier.

Bel automne
À moi tes pommes !
Aux glèbes fraîches,
Mon blé germe :
Qu'importe le passé ? J'ai semé l'avenir.
Les feuilles sèches,
Au gré du vent peuvent courir
Dans la brume des soirs ternes ;

Si j'ai du cidre
En mon cellier,
Il m'est permis d'oublier
L'angoisse même de vivre,
L'angoisse de marcher ployé,
Et d'être si peu, si peu libre !

Philéas Lebesgue ("Les Servitudes" - 1913)


L'encrier noir au clair de lune

L'encrier noir au clair de lune
l'encrier noir au clair de lune
au clair de la lune un encrier noir
au clair de la lune un encrier noir
au pauvre poète a prêté sa plume
au pauvre poète a prêté sa plume
il fait un peu frais ce soir
au clair de la lune un encrier noir
sur le papier blanc a couru la plume
la plume a couru zen petits traits noir
une lune blanche un sombre encrier
sont les père et mère de ce nouveau-né
une lune blanche
un sombre encrier

Raymond Queneau 1948 ("L'Instant fatal" - éditions Gallimard -1966)

Ce texte est aussi une chanson (musique Jean-François Gaël.
On peut en écouter ici un extrait : http://hurl.samples.dmpcontent.com/scripts/hurl.do?/~o-010001/1003443_0119_00_0900.rm).
Elle se trouve sur le CD
Hélène MARTIN, Henri GOUGAUD, Jean-François GAËL et Bachir TOURE chantent les poètes (vol 2), chantée par Jean-François GAËL

Je rectifie la présentation de ce poème, qui n'a pas de titre dans le recueil. Il est simplement numéroté 6 dans le chapitre intitulé : " pour un art poétique".

6

L'encrier noir au clair de lune
l'encrier noir au clair de lune
au clair de la lune un encrier noir
au clair de la lune un encrier noir
au pauvre poète a prêté sa plume
au pauvre poète a prêté sa plume
il fait un peu frais ce soir
au clair de la lune un encrier noir
sur le papier blanc a couru la plume
la plume a couru zen petits traits noir
une lune blanche un sombre encrier
sont les père et mère de ce nouveau-né
une lune blanche un sombre encrier


Tortue (titre proposé))

Tortue, je t'observe.
Tu restes tapie
sous ta carapace,
puis, timidement,
tu sors ta tête.
Et tu attends
que les fruits mûrs
tombent tranquillement
sous l'arbre fruitier.
Tu es gourmande !
Le sais-tu, tortue ?

Anne-Marie Chapouton ("Mon ABC en comptines" - Père Castor - Flammarion, 1999)


Un cheval

Un cheval est sorti
De la forêt prochaine
Il n'avait que ses ailes
Pour affronter la nuit.

Où va-t-il ce cheval
Qui ne boit ni ne mange
Et frappe du sabot
Les mondes du silence ?

Puisque son nom suffit
Pour changer de planète
Ô mes parents perdus
Qu'il m'emporte où vous êtes.

Et que simple vivant
Sur la mer, dans le ciel,
Je sache par moi-même
Où commence le temps.

Charles le Quintrec


Chevaux

Je suis d’un village où j’entends
Les chevaux noirs, les chevaux blancs
Avec leurs yeux arabisants,
Leurs nez peuhls, leurs croupes latines,
Traîner tout le jour des racines
Et des surcharges de froment.
Rien n’est plus beau qu’une jument
Plongeant son masque d’Orient,
Sa belle face métissée
Dans les rivières tempérées !

Catherine Paysan


Rien ne sert de courir

Un grain de blé s'envola
en l'air loin de l'aire
un grain de blé voyagea
parcourant la terre entière

Un oiseau qui l'avala
traversa l'Atlantique
et brusquement le rejeta
au-dessus du Mexique

Un autre oiseau qui l'avala
traversa le Pacifique
et brusquement le rejeta
au-dessus de la Chine

Traversant bien des rizières
traversant bien des deltas
traversant bien des rivières
traversant bien des toundras

Dans son pays il revint
brisé par tant d’aventures
et pour finir il devint
un tout petit tas de farine

Pas la peine de tant courir
pour suivre la loi commune

Raymond Queneau (“Battre la campagne” - Gallimard, 1968)


La pluie

La pluie, la pluie
Dans la bassine
La pluie, la pluie
Dit sa comptine

La pluie, la pluie
Au contrevent
Dit sa comptine
Contre le vent

La pluie, la pluie
En bas percés
Perce la terre
De mille pieds

Paule Lavergne


Petit Printemps

Petit printemps fantasque,
Qui lance avec humeur
De violentes bourrasques
Sur les arbres en fleur ;
Petit printemps sauvage
Comme un chat hérissé,
Qui nous crache au visage
De gros flocons glacés ;
Petit printemps boudeur,
Pourquoi faire la moue ?
Laisse tes douces fleurs
Refleurir sur ta joue.

Albert Atzenwiler


Ma plume, qui l'aurait cru ? ... n'est pas un texte de Luc Bérimont, puisque la demande précisait sa date, 1912 !
Non

Voici le texte avec son véritable auteur, trouvé dans un vieux livre de Français

Ce n'est pas moi, c'est la plume (titre)

Ma plume, qui l'aurait cru?
Ma plume a de la malice;
Comme moi, je l'ai bien vu,
Parfois elle a son caprice.
Si je suis de bonne humeur
Et si j'écris de bon cœur,
Mademoiselle est charmante,
Douce, adroite, obéissante,
Et sans se faire prier
Sur la feuille blanche et lisse,
Elle glisse, glisse, glisse,
Elle court sur le papier.
Mais suis-je d'humeur chagrine,
Voyez un peu la taquine !
Elle se met à crier,
Elle crache, crache, crache,
Elle fait tache sur tache
Et me gâte mon cahier.

Alexandre Vessiot (1829-1908)


Emploi du temps

A onze heures
Chez l’Ambassadeur
A midi
Rue Garibaldi
A une heure
Aller voir ma sœur
A deux heures
Bloquer l’ascenseur
A trois heures
Chez mon directeur
A quatre heures
Je mange des p’tits-beurre
A cinq heures
Je change de secteur
A six heures
Envoyer des fleurs
A sept heures
Je file en douceur
A huit heures
Je consulte l’heure
Que faire à vingt et une heure* ?

(*l'heure ne s'écrit au pluriel que quand il s'agit de l'heure exacte).
On trouve ce poème trans (dé)formé, les heures de l'après-midi sont transcrites "quatorze heures", ... "dix-neuf heures", et aussi par ex :
"À vingt heures :
Eviter les heurts."

Le texte donné ci-dessus semble être la version originale.

Luc Bérimont ("Comptines pour les enfants d’ici et les canards sauvages" - éditions Saint-Germain-des-Prés)


Le muguet

Cloches naïves du muguet,
Carillonnez ! car voici Mai !

Sous une averse de lumière,
Les arbres chantent au verger,
Et les graines du potager
Sortent en riant de la terre.

Carillonnez ! car voici Mai !
Cloches naïves du muguet !

Les yeux brillants, l'âme légère,
Les fillettes s'en vont au bois
Rejoindre les fées qui, déjà,
Dansent en rond sur la bruyère.

Carillonnez ! car voici Mai !
Cloches naïves du muguet !

Maurice Carême


La grenouille bleue

Nous vous en prions à genoux,
bon forestier, dites-nous le !
à quoi reconnaît-on chez vous
la fameuse grenouille bleue ?

à ce que les autres sont vertes ?
à ce qu'elle est pesante ? alerte ?
à ce qu'elle fuît les canards ?
ou se balance aux nénuphars ?

à ce que sa voix est perlée ?
à ce qu'elle porte une houppe?
à ce qu'elle rêve par troupe ?
en ménage ? ou bien isolée ?

Ayant réfléchi très longtemps
et reluquant un vague étang,
le bonhomme nous dit: eh mais,
à ce qu'on ne la voit jamais.

Tu mentais, forestier. Aussi ma joie éclate !
Ce matin je l'ai vue ! un vrai saphir à pattes.
Complice du beau temps, amante du ciel pur,
elle était verte, mais réfléchissait l'azur.

Paul Fort ("Deux chaumières au pays de l'Yveline - Ballades françaises XVIIIe série")


Les pins

J'aime ce bois de pins dont vous avez chanté
La verdure marine,
Qui sent bon la chaleur, le soleil et l'été,
L'écorce et la résine.

La coquille en craquant s'y mêle sous les pas
À la pomme écailleuse.
Entre les troncs on voit la mer border, là-bas,
La plage sablonneuse.

Henri de Régnier

Un autre poème du même auteur, où les pins sont aussi présents :

J'entends la mer

J'entends la mer
Murmurer au loin, quand le vent
Entre les pins, souvent,
Porte son bruit rauque et amer
Qui s'assourdit, roucoule ou siffle, à travers
Les pins rouges sur le ciel clair...

Parfois
Sa sinueuse, sa souple voix
Semble ramper à l'oreille, puis recule
Plus basse au fond du crépuscule
Et puis se tait pendant des jours
comme endormie
Avec le vent
Et je l'oublie...
Mais un matin elle reprend
Avec la houle et la marée,
Plus haute, plus désespérée,
Et je l'entends.

C'est un bruit d'eau qui souffre
Et gronde et se lamente
Derrière les arbres sans qu'on la voie.

Henri de Régnier


La danseuse aux mille pieds

La danseuse aux mille pieds
Qui revient quand on s'ennuie,
Lorsque les rondins mouillés,
Sur les deux chenets rouillés,
Pleurent noir comme la suie,

C'est la pluie,
C'est la pluie.

La danseuse aux mille pieds
Qui revient quand on s'ennuie,
Quand les beaux jours oubliés,
Dans les bois et les sentiers,
Pleurent l'hirondelle enfuie,

C'est la pluie,
C'est la pluie.

La danseuse aux mille pieds
Qui revient quand on s'ennuie,
Qui danse des jours entiers,
Dans nos âmes, sans pitié,
Le ballet des songeries,

C'est la pluie,
C'est la pluie.

La danseuse aux mille pieds
Qui revient quand on s'ennuie,
Quand les cœurs humiliés,
À l'automne résignés,
Se souviennent de la vie,

C'est la pluie,
C'est la pluie.

Francis Yard ("Le roi octobre et la danseuse aux mille pieds"  - Henri Defontaine éditeur, 1930)
On trouve aussi ce poème dans  "L'Arc-en-Fleur", recueil anthologique de poésies d'Armand Got ("poésies modernes choisies pour la jeunesse") paru en 1933 chez Bourrelier.
Cette poésie se trouve également dans le recueil de récitations "Le sentier fleuri", destiné aux élèves "de 10 à 15 ans", édité par Les Presses du Massif Central en 1950 (A. Auneveux et L Roussillat)
Il y a un autre texte de Francis Yard sur ce blog dans la catégorie hiver, avec une courte notice.


Voici, exceptionnellement placé ici parce qu'il semble quand même complet, envoyé par un lecteur, un des textes recherchés : Le lapin, sans auteur et sans garantie d'intégralité ou de forme. C'est toujours une recherche en cours :

Le lapin

L'automne de retour, s'est glissé dans le bois.
Mais qu'es- tu devenu, toi qui vins tant de fois
jouer au pré voisin sans que nul t'importune
et souper gentiment le soir au clair de lune ?

Au repas des lapins, tu n'es plus revenu
et le jour s'est enfui. Te serais tu perdu
à l'heure de la brume ?

Je te revois encore, sautant dans la clairière
et parmi les fourrés, disant à la bruyère,
ton plaisir.

Mais un homme est passé par le sentier du bois
Un coup sec a claqué.
Pauvre petit lapin, tué sous le grand hêtre.
À l'étal d'un marchand, j'ai cru te reconnaître
et mon cœur a pleuré.

Auteur inconnu - recherche en cours, merci d'y participer...


C'est  un lexique, que publie Jean Tardieu dans le recueil "Un mot pour un autre" chez Gallimard en 1951, puis dans une nouvelle édition augmentée en 1978. Il a créé dans ce recueil le personnage du Professeur Frœppel, à qui il attribue ces textes, à titre posthume. Parmi ces textes, le chapitre 7, intitulé "les mots sauvages de la langue française", présente un dictionnaire où "il (le Professeur) nous rend au juste sentiment des humbles origines du langage parlé"...
C'est un lexique d'onomatopées d'une quinzaine de pages qui ne peut pas être considéré comme un poème.

Deux exemples, le premier mot :

Ah ? : Marque l'étonnement, exige une explication ou signifie l'incrédulité.
Ex : "C'est Corneille, vous savez, qui a écrit les pièces de Molière !"
Réponse : "Ah ?"

Atchoum ! : Subterfuge, pour éviter de répondre à une question embarrassante sous prétexte d'éternuement. Équivaut à la fausse poussière dans l'oeil, que l'on cherche à enlever en faisant la grimace, aux lacets de soulier dont on vérifie les noeuds, etc.

Et ça continue jusqu'à Zut ! et Zzzzz !


Quand on est tortue

Quand on est tortue,
On peut rentrer la tête
Sous sa carapace
Quand vient la pluie.

Alors on peut rêver
À l'abri,
Et repartir
À petits pas
Jusqu'à l'herbe prochaine
Qu'on atteindra
Ce soir...
Demain...
Ou même un peu plus tard...

Pas de problème
De retard !
Quand on est tortue,
On a toujours le temps
De vivre lentement !

Anne-Marie Chapouton ("Comptines pour les enfants bavards")


L'aube est moins claire... (titre proposé)

L'aube est moins claire, l'air moins chaud, le ciel moins pur ;
Le soir brumeux ternit les astres de l'azur.
Les longs jours sont passés ; les mois charmants finissent.
Hélas ! voici déjà les arbres qui jaunissent !
Comme le temps s'en va d'un pas précipité !
Il semble que nos yeux, qu'éblouissait l'été,
Ont à peine eu le temps de voir les feuilles vertes.

Pour qui vit comme moi les fenêtres ouvertes,
L'automne est triste avec sa bise et son brouillard,
Et l'été qui s'enfuit est un ami qui part.
Adieu, dit cette voix qui dans notre âme pleure,
Adieu, ciel bleu ! beau ciel qu'un souffle tiède effleure !
Voluptés du grand air, bruit d'ailes dans les bois,
Promenades, ravins pleins de lointaines voix,
Fleurs, bonheur innocent des âmes apaisées,
Adieu, rayonnements ! aubes ! chansons ! rosées !

Puis tout bas on ajoute : ô jours bénis et doux !
Hélas ! vous reviendrez ! me retrouverez-vous ?

Victor Hugo (“Toute la Lyre”)


20 mars 2007

Michel Butor, l'inclassable

arbre_couteau_palette_WebInclassable Michel Butor.
Né en 1926, d'abord connu comme le romancier de "La modification", Michel Butor, a également écrit des essais et des récits de voyage. Il est un poète d' aujourd'hui, qui expérimente des formes littéraires diverses et accompagne des créations artistiques de peintres contemporains. Les yeux grands ouverts sur le merveilleux et le dérisoire du monde. Images choisies.
(Photo : Labo Lieucommun)
Source des textes (beaucoup d'autres s'y trouvent) à cette adresse : http://perso.orange.fr/michel.butor/


Jour de cafard

pour Henri Maccheroni

D'abord on n'a pas entendu le réveil et se levant en toute hâte
on se meurtrit le gros orteil contre un outil oublié

En se rattrapant au mur on fait tomber une gravure précieuse
dont la vitre vole en éclats les plombs sautent

Dès qu'ils sont enfin réparés le facteur sonne
apportant un avis recommandé du contrôleur des contributions

Alors on voit qu'un bouton manque au col de la chemise qu'on vient d'enfiler
c'est le moment que choisit la dent creuse pour vous rappeler
qu'il est urgent de la faire soigner

Michel Butor


Fil de terre

pour Gnèzi d'Marela

Il s'agit d'une araignée
qui désirant porter espoir
aux habitants ou visiteurs
vivants ou morts
de la piscine aux chevaux
va récolter de la glaise
dans ses toiles au long du fleuve
pour la mélanger à de la poussière
de graines et de coquillages
afin d'en modeler des figurines
aussi caractérisées que possible
comme celles des jeteurs de sort
mais c'est pour installer
son nid-atelier dans leur tête
et que leurs yeux se rouvrent
sur un présent devenu soie

Michel Butor


Au seuil de la ruche de survie

pour Graziella Borghesi

Quel miel cherches-tu
reposant tes ailes
entre les rayons
devant le portail
abeille aux yeux noirs?

Celui du désert
dans les alvéoles
entre les écailles
des fûts de colonnes
ou troncs de palmiers

La suie devient sable
dans les alentours
de la basilique
métamorphosée
en une oasis

Je cherche le temps
de l'autre côté
du bourdonnement
le pollen des morts
et l'or du silence

Michel Butor


Après moi la poussière

in memoriam Juliet Man Ray

Sorcière soigneuse
je dis mon adieu
à tous ces objets
que j'époussetais
avec mon cheval
à crins de nylon
sur lequel je vais
m'envoler laver
les tours et les nuages
les rues et les ombres
les yeux et les ongles
les reins et les cœurs

Michel Butor


Paradis perdu

pour Grete Knudsen

Les branches s'écartaient pour nous
laisser passage en retenant
délicatement nos cheveux
et nous proposaient des cerises
dont le jus coulait sur nos joues

C'était il y a si longtemps
à peine si je me souviens
il a fallu qu'on me raconte
et que je retrouve des traces
dans les peintures et chansons

J'étais un enfant mais j'avais
toutes les forces d'un adulte
et tous ses désirs je passais
de mère en fille et déposais
des bébés poisseux dans leurs bras

Tout cela semble disparu
et pourtant tout cela perdure
entre le miroir et l'image
entre le rêve et le réveil
entre la page et l'impression

Les ronces nous griffaient sans nous
infliger la moindre souffrance
dessinant des fleurs sur nos peaux
que les amoureux effaçaient
en buvant les perles du sang

La main dans la main nous courions
entre les déserts et les sources
choisissant les uns pour les autres
les fruits des arbres du savoir
dont nous comparions les saveurs

J'étais à l'aise dans mon corps
j'en connaissais tous les organes
les maladies étaient amies
je goûtais fièvres ou frissons
dans des lits de boues et de feuilles

Où était-ce ne saurais dire
si loin de tout si près de toi
jouissant du chaud comme du froid
j'ai perdu la clef de la grille
et j'erre comme une âme en peine

Michel Butor


La promeneuse du quai

pour Patrice Pouperon

Sa chevelure
bruit de sandales
et son sourire
balancements
la rencontrer
le clapotis
l'accompagner
rayons du soir
joindre nos ombres
filets et bouées
dans les reflets
robe d'écaille
timidement
respirations
l'interroger
lui proposer
où vivez-vous
un mot ou deux
dans quel quartier
méditative
ou bien village
d'outre-horizon
votre métier
frisson d'argent
votre famille
énigmatique
jeux et projets
un peu de sel
rêves regrets
accents de lune
embarquons-nous
lèvres d'écume
plongeons ensemble
ongles du vent
dans la jouvence
île au trésor
triton sirène
les yeux des vagues
souvenez-vous
c'était demain

Michel Butor


15 mars 2007

René de Obaldia - "Innocentines"

arbre_oiseau_V_theuil__95__ce_matin
Un oiseau dans le ciel du Vexin (95) hier matin (Ph Lieucommun)

René de Obaldia est né en 1918. Auteur de théâtre (Le Satyre de la Villette, Le Banquet des méduses, Du vent dans les branches de sassafras ...) et de romans (Tamerlan des coeurs, Le centenaire), il est membre de l'Académie française depuis 1999.

"Innocentines" (1969 - collection "Les cahiers rouges" - Grasset) est un de ses quatre recueils de poésies. Du bonheur pour 8livre_innocentines euros, vraiment un livre de poésie à se procurer. (Photo : Lieucommun)

Le sous-titre annonce : "Poèmes pour les enfants et quelques adultes".
René de Obaldia y prend avec le langage et les situations, toutes les libertés, privant ainsi (pour notre plaisir quand même), les élèves de l'accès à la plupart des textes, considérés comme pas moralement corrects.


Déjà rangés dans la catégorie POÉSIES pour la CLASSE - CYCLES 2 et 3, on trouve :

"Moi j'irai dans la lune", "J’ai trempé mon doigt dans la confiture", "Le secret" et "Dimanche".

Le texte suivant (en version réduite) est aussi pour la classe :

Chez moi (extrait)

Chez moi, dit la petite fille
On élève un éléphant.
Le dimanche son oeil brille
Quand Papa le peint en blanc.

Chez moi, dit le petit garçon
On élève une tortue.
Elle chante des chansons
En latin et en laitue.

Chez moi, dit la petite fille
Notre vaisselle est en or,
Quand on mange des lentilles
On croit manger un trésor.

Chez moi, dit le petit garçon
Vit un empereur chinois.
Il dort sur le paillasson
Aussi bien qu’un Iroquois.

Iroquois ! dit la petite fille.
Tu veux te moquer de moi.
Si je trouve mon aiguille,
Je vais te piquer le doigt !

René de Obaldia (Innocentines")


En voici la version intégrale, destinée aux grands enfants :

Chez moi

Chez moi, dit la petite fille
On élève un éléphant.
Le dimanche son œil brille
Quand papa le peint en blanc

Chez moi, dit le petit garçon
On élève une tortue.
Elle chante des chansons
En latin et en laitue.

Chez moi, dit la petite fille
Notre vaisselle est en or.
Quand on mange des lentilles
On croit manger un trésor.

Chez moi, dit le petit garçon
Nous avons une soupière
Qui vient tout droit de Soissons
Quand Clovis était notaire.

Chez moi, dit la petite fille
Ma grand-mère a cent mille ans.
Elle joue encore aux billes
Tout en se curant les dents.

Chez moi, dit le petit garçon
Mon grand-père a une barbe
Pleine pleine de pinsons
Qui empeste la rhubarbe.

Chez moi, dit la petite fille
Il y a trois cheminées
Et lorsque le feu pétille
On a chaud de trois côtés.

Chez moi, dit le petit garçon
Passe un train tous les minuits.
Au réveil mon caleçon
Est tout barbouillé de suie.

Chez moi, dit la petite fille
Le pape vient se confesser.
Il boit de la camomille
Une fois qu’on l’a fessé.

Chez moi, dit le petit garçon
Vit un Empereur chinois.
Il dort sur un paillasson
Aussi bien qu’un Iroquois.

Iroquois ! dit la petite fille
Tu veux te moquer de moi !
Si je trouve mon aiguille
Je vais te piquer le doigt !

Ce que c’est d’être une fille !
Répond le petit garçon.
Tu es bête comme une anguille
Bête comme un saucisson.

C’est moi qu’ai pris la Bastille
Quand t’étais dans les oignons.
Mais à une telle quille
Je n’en dirai pas plus long !

René de Obaldia (Innocentines")


Celui-ci est très représentatif du recueil "Les Innocentines" :

Le plus beau vers de la langue française

« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin »
Voici, mes zinfints
Sans en avoir l’air
Le plus beau vers
De la langue française.
Ai, eu, ai, in
Le geai gélatineux geignait dans le jasmin…
Le poite aurait pu dire
Tout à son aise :
« Le geai volumineux picorait des pois fins »
Eh bien ! non, mes infints
Le poite qui a du génie
Jusque dans son délire
D’une main moite
A écrit :
« C’était l’heure divine où, sous le ciel gamin,
LE GEAI GÉLATINEUX GEIGNAIT DANS LE JASMIN. »

Gé, gé, gé, les gé expirent dans le ji.
Là, le geai est agi
Par le génie du poite
Du poite qui s’identifie
À l’oiseau sorti de son nid
Sorti de sa ouate.
Quel galop !
Quel train dans le soupir !
Quel élan souterrain!
Quand vous serez grinds
Mes zinfints
Et que vous aurez une petite amie anglaise
Vous pourrez murmurer
À son oreille dénaturée
Ce vers, le plus beau de la langue française
Et qui vient tout droit du gallo-romain:
« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin. »
Admirez comme
Voyelles et consonnes sont étroitement liées
Les zunes zappuyant les zuns de leurs zailes.
Admirez aussi, mes zinfints,
Ces gé à vif,
Ces gé sans fin

René de Obaldia ("Innocentines")


Celui-ci également, mais curieusement (?) il ne figure pas dans les choix pour la classe :

Manège

Les chevaux de bois sont pas tous en bois
Les petits cochons vont pas tous en rond.

La dernière fois
Le cheval de bois
Que j'avais monté
Voulait m'renverser.
J'ai pris son oreille
Je lui ai mordu
Le sang de l'oreille
Je lui ai tout bu.
Alors il m'a dit :
"Pourquoi tu m'fais mal ?
Je n'suis qu'un cheval
Tu n'es pas gentil."
Et il m'a promis
Que quand je voudrais
Il m'emporterait
Jusqu'au Paradis !

Le petit cochon
Aux yeux de mouton
Que j'avais monté
Un beau jour d'été
Voulait s'échapper
Des autres cochons.
Il courait si vite
Qu'il faillit me tuer,
Ça sentait les frites
De tous les côtés !
Mais j'tirai si fort
Sur sa queue en or
Qu'elle me resta
Entre les dix doigts.
Je l'ai rapportée
L'soir à la maison,
Ça sert aux dîners
Comme tir'bouchon.

Les chevaux de bois sont pas tous en bois
Les petits cochons vont pas tous en rond.

René de Obaldia ("Innocentines")

Quelques autres titres de textes, pour vous donner envie  :
"Une dame très très morte", "Yous pique angliche", "Le col du fémur", "Berceuse de l'enfant qui ne veut pas grandir", "Ouiquenne", "Julot-Mandibule", "Antoinette et moi" ... il y a en tout soixante-dix textes, ça fait quoi ... à peine 10 centimes d'euro le poème, et on a quoi, sinon pour 10 centimes d'euro ?


14 mars 2007

Pierre Dac, notre "mètre soixante-trois"

brioches du matin, plaisir certain
(Photo Lieucommun ce matin, brioches et café, recettes et droits réservés).

Voici, pour un ami, et en hommage au hasard qui nous réunit quelquefois, cette pensée si juste, de Pierre Dac, notre "mètrecafeti_re_brioches soixante-trois" :
"Il faut une infinie patience pour attendre toujours ce qui n'arrive jamais."

J'ajouterai, pour ma part que
C'est quand tout marche comme sur des roulettes qu'on risque de se casser la gueule.
Ce qui laisserait penser que pour éviter le pire il faut se protéger du meilleur...
C'est ce que nous essayons de faire, et on y parvient admirablement ... en toute modestie, n'est-ce pas ? ... 

* référence à la biographie " Pierre Dac mon maître soixante-trois ", de Jacques Pessis (Ed François Bourin - 1992)
Sur le site dédié à Pierre Dac, on peut entendre la tyrolienne haineuse ("y a trop de haine et y a trop d'haineux")

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