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1 novembre 2009

Bacri, Baudelaire - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Roland Bacri -

livre_Bacri_Le_Petit_Po_te

Roland Bacri est un humoriste, écrivain et poète né en Algérie, à Bab-el-Oued, en 1926. Arrivé en France en 1956, il entre au Canard Enchaîné. Il publie ses poèmes dans l'hebdomadaire satirique sous son nom ou sous deux pseudonymes : Le Petit Poète et Roro de Bab-el-Oued. Des textes, fables ou historiettes où s'exprime l'amour du pays natal, l'amour de la vie et de ses plaisirs, la parodie d'auteurs, mais souvent la critique et la moquerie sociales et politiques.
Les jeux de mots sont sa gymnastique quotidienne (et la gymnastique hebdomadaire des lecteurs du Canard).
Quelques titres d'ouvrages : Le Petit Poète (La Canardothèque, 1957 et Éditions Syros 1998 en édition réduite - photo), Et alors ! Et oilà ! (Edmond Nalis, 1968 et Balland 1972), Poèmes colère du temps (Denoël, 1970), La légende des siestes (Balland, 1973), L'obsédé textuel (Julliard, 1974).

 

  •  

    On trouvera dans cette même catégorie, des fables d'un autre auteur abonné au Canard : Gabriel Macé, sous le pseudonyme de Jean de la Futaille.

 

 

 

"Les hauts cris s'envolent,
les Bacri restent..."
Roland Bacri (devise familiale selon l'auteur)disque_Bacri

 

Une charmante poésie pour rêver avec les mots. Ce texte avec d'autres de l'auteur, a été mis en musique par Jean Claudric et chanté par Denise Benoît dans un disque auquel Raymond Devos a participé (éditions Fontana, 1960).

 

Le petit somnambule

 

Sa chemise de nuit
Flottant dans l'air du soir
Le petit somnambule
Déambule
Bras tendus devant lui
Dans le noir.

Il a laissé son lit,
Son drap tiède et ourlé,
sa femme en bigoudis
Pour mêler
Un songe à cette nuit
De l'été.

Le petit somnambule
Bavarde avec la nuit.
Les astres noctambules
Vont sans bruit
Et toutes les pendules
Font minuit.

Le monde naufragé
Dans un fond de décor
Est là, en bas, figé,
Qui dort
D'un sommeil allongé
Comme un mort.

N'est-il pas mieux luné
Mon poète un peu fou,
Rêveur du toit qui penche,
Ombre blanche
Qui près des cheminées
Dort debout ?

Il danse un pas léger
Sur un rayon de lune...
On entend tout là-haut
Les bravos
Des étoiles rangées
Une à une

Dans un ciel d'opéra.
Et la nuit tout entière
Le petit somnambule,
Funambule,
Fait de beaux entrechats
De gouttière.

 

Le Petit Poète (Roland Bacri - recueil Le Petit Poète - La Canardothèque, 1957)
Ce texte n'a hélas pas été repris dans le recueil paru aux Éditions Syros en 1998.



- Charles Baudelaire -

Charles Baudelaire  (1821-1867) peut-il être qualifié de poète maudit ? Certainement, lui  à qui Les Fleurs du Mal ont valu un procès pour outrage à la morale publique et à la morale religieuse. Aujourd'hui, Les Fleurs du Mal sont le recueil de poésies qui se vend et s'est le plus vendu en France.

"Tel petit chagrin, telle petite jouissance de l'enfant, démesurément grossis par une exquise sensibilité, deviennent plus tard dans l'homme adulte, même à son insu, le principe d'une oeuvre d'art (...). La sensibilité de chacun, c'est son génie … Le génie, c'est l'enfance retrouvée à volonté … Le génie n'est que l'enfance nettement formulée."

Charles Baudelaire ("lettres inédites aux siens" éd Grasset, Les Cahiers rouges, 2010 - contient quatre-vingt lettres écrites par Baudelaire entre sa onzième et sa vingtième année à son demi-frère aîné, Claude-Alphonse, à sa mère, Caroline, et à son beau-père, le militaire Aupick. )

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Étant enfant, je voulais être tantôt pape, mais pape militaire, tantôt comédien.
Jouissances que je tirais de ces deux hallucinations.
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Tout enfant, j'ai senti dans mon coeur deux sentiments contradictoires : l'horreur de la vie et l'extase de la vie. C'est bien le fait d'un paresseux nerveux..

Charles Baudelaire ("Mon coeur mis à nu : journal intime" 1887)

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de courts passages choisis pour le thème de l'enfance, de ce long poème, "le voyage", où on retrouvera quelques expressions qui ont abordé notre univers actuel (" Étonnants voyageurs !..." "Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre !" "Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !") :

Le voyage

à Maxime Du Camp

I

Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !

Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le coeur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers

...

II

Nous imitons, horreur ! la toupie et la boule
Dans leur valse et leurs bonds ; même dans nos sommeils
La Curiosité nous tourmente et nous roule,
Comme un Ange cruel qui fouette des soleils.

Singulière fortune où le but se déplace,
Et, n'étant nulle part, peut être n'importe où !
Où l'homme, dont jamais l'espérance n'est lasse,
Pour trouver le repos court toujours comme un fou !

...

III

Étonnants voyageurs ! quelles nobles histoires
Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers !
Montrez-nous les écrins de vos riches mémoires,
Ces bijoux merveilleux, faits d'astres et d'éthers.

Nous voulons voyager sans vapeur et sans voile !
Faites, pour égayer l'ennui de nos prisons,
Passer sur nos esprits, tendus comme une toile,
Vos souvenirs avec leurs cadres d'horizons.

Dites, qu'avez-vous vu ?

IV

" Nous avons vu des astres
Et des flots ; nous avons vu des sables aussi ;
Et, malgré bien des chocs et d'imprévus désastres,
Nous nous sommes souvent ennuyés, comme ici.

La gloire du soleil sur la mer violette,
La gloire des cités dans le soleil couchant,
Allumaient dans nos coeurs une ardeur inquiète
De plonger dans un ciel au reflet alléchant.

Les plus riches cités, les plus grands paysages,
Jamais ne contenaient l'attrait mystérieux
De ceux que le hasard fait avec les nuages.
Et toujours le désir nous rendait soucieux !"

...

V

Et puis, et puis encore ?

VI

" Ô cerveaux enfantins !
Pour ne pas oublier la chose capitale,
Nous avons vu partout, et sans l'avoir cherché,
Du haut jusques en bas de l'échelle fatale,
Le spectacle ennuyeux de l'immortel péché

...

VII

Amer savoir, celui qu'on tire du voyage !
Le monde, monotone et petit, aujourd'hui,
Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image
Une oasis d'horreur dans un désert d'ennui !

Faut-il partir ? rester ? Si tu peux rester, reste ;
Pars, s'il le faut. L'un court, et l'autre se tapit
Pour tromper l'ennemi vigilant et funeste,
Le Temps ! Il est, hélas ! des coureurs sans répit

...

VIII

Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre !
Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
Nos coeurs que tu connais sont remplis de rayons !

Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte !
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !

Charles Baudelaire ("Les Fleurs du mal" publié en 1857, ce recueil rassemble des poèmes écrits depuis 1840)

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Sur le thème de l'enfance, ce poème en prose, numéroté XV dans le recueil "Le Spleen de Paris", une scène sans doute imaginée, comme une allégorie de la misère :


Le joujou du pauvre

Je veux donner l'idée d'un divertissement innocent. Il y a si peu d'amusements qui ne soient pas coupables!

Quand vous sortirez le matin avec l'intention décidée de flâner sur les grandes routes, remplissez vos poches de petites inventions à un sol, - telles que le polichinelle plat mû par un seul fil, les forgerons qui battent l'enclume, le cavalier et son cheval dont la queue est un sifflet, - et le long des cabarets, au pied des arbres, faites-en hommage aux enfants inconnus et pauvres que vous rencontrerez. Vous verrez leurs yeux s'agrandir démesurément. D'abord ils n'oseront pas prendre ; ils douteront de leur bonheur. Puis leurs mains agripperont vivement le cadeau, et ils s'enfuiront comme font les chats qui vont manger loin de vous le morceau que vous leur avez donné, ayant appris à se défier de l'homme.

Sur une route, derrière la grille d'un vaste jardin, au bout duquel apparaissait la blancheur d'un joli château frappé par le soleil, se tenait un enfant beau et frais, habillé de ces vêtements de campagne si pleins de coquetterie.

Le luxe, l'insouciance et le spectacle habituel de la richesse, rendent ces enfants-là si jolis, qu'on les croirait faits d'une autre pâte que les enfants de la médiocrité ou de la pauvreté.

A côté de lui, gisait sur l'herbe un joujou splendide, aussi frais que son maître, verni, doré, vêtu d'une robe pourpre, et couvert de plumets et de verroteries. Mais l'enfant ne s'occupait pas de son joujou préféré, et voici ce qu'il regardait:

De l'autre côté de la grille, sur la route, entre les chardons et les orties, il y avait un autre enfant, sale, chétif, fuligineux, un de ces marmots-parias dont un oeil impartial découvrirait la beauté, si, comme l'œil du connaisseur devine une peinture idéale sous un vernis de carrossier, il le nettoyait de la répugnante patine de la misère.

A travers ces barreaux symboliques séparant deux mondes, la grande route et le château, l'enfant pauvre montrait à l'enfant riche son propre joujou, que celui-ci examinait avidement comme un objet rare et inconnu. Or, ce joujou, que le petit souillon agaçait, agitait et secouait dans une boîte grillée, c'était un rat vivant! Les parents, par économie sans doute, avaient tiré le joujou de la vie elle-même.

Et les deux enfants se riaient l'un à l'autre fraternellement, avec des dents d'une égale blancheur.

Charles Baudelaire ("Le Spleen de Paris" 1869)
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Une scène cruelle, sans concession, mais plutôt familière :

Le désespoir de la vieille

La petite vieille ratatinée se sentit toute réjouie en voyant ce joli enfant à qui chacun faisait fête, à qui tout le monde voulait plaire ; ce joli être, si fragile comme elle, la petite vieille, et, comme elle aussi, sans dents et sans cheveux.
Et elle s’approcha de lui, voulant lui faire des risettes et des mines agréables.
Mais l’enfant épouvanté se débattait sous les caresses de la bonne femme décrépite, et remplissait la maison de ses glapissements.
Alors la bonne vieille se retira dans sa solitude éternelle, et elle pleurait dans un coin, se disant : — « Ah ! pour nous, malheureuses vieilles femelles, l’âge est passé de plaire, même aux innocents ; et nous faisons horreur aux petits enfants que nous voulons aimer ! ».

Charles Baudelaire ("Petits poèmes en prose", "Les Paradis artificiels", 1869)



 

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1 novembre 2009

Béarn, Bebey - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Pierre Béarn -

Pierre Béarn (1902-2004), poète et romancier français, a traversé entièrement le XXe siècle. Il est connu des écoliers pour ses recueils de fables, où même les objets mathématiques ne sont pas raisonnables.

Homme,
qui que tu sois
tu n’emporteras rien
avec toi.

Pierre Béarn

Ce rectangle personnalisé rappelle la géométrie de Guillevic, qu"on trouvera plus loin dans cette catégorie.

Un rectangle

Un rectangle se voulait carré
ce qui l'obligeait à maigrir
il se mit à réfléchir
pour découvrir un procédé
capable de réajuster
la démesure de ses flancs...
Et le voilà glissant glissant
se retournant de droite à gauche
tant et tant, tant et tant et tant
qu'il ne parvint qu'à s'arrondir!
En découvrant qu'il était rond
le rectangle voulut mourir.
C'est pourtant beau d'être un ballon
lorsqu'on s'envole vers le ciel
mais s'il faut être honoré
par de violents coups de pieds
il vaut mieux rester carré.

Pierre Béarn ("300 Fables d'aujourd'hui" - éditions EDITINTER, 1999)

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Balle arithmétique

À la une, on m'offre la Lune
À la deux, je la coupe en deux
À la trois, je la donne aux oies
À la quatre, on veut me combattre
À la cinq, je rencontre un prince
À la six, j'aime une écrevisse
À la sept, je deviens trompette
À la huit, on me déshérite
À la neuf, j'ai des souliers neufs
À la dix, j'ai du bénéfice !

Pierre Béarn ("300 Fables d'aujourd'hui" - éditions EDITINTER, 1999)

crayon lieucommunComptines et actions de jeux- proposition lieucommun

Voir ci-dessus les comptines numériques. Les jeux de balle au mur*, entre-autres, s'accompagnent souvent de comptines rythmées :
"Je joue à la balle / contre la muraille / un peu plus haut / je casse un carreau / un peu plus bas / je tue mon chat..." ("pour de faux" bien entendu).

 Sur le modèle du texte de Pierre Béarn, construire une comptine en liaison avec les lancers de balle contre le mur. * On peut y écrire, sur le mur ou y tracer des motifs à la craie, matérialisant les étapes à passer.

Autre exemple, les fils tendus :

Succession de 4 ou 5 actions à effectuer avec deux fils parallèles tendus, jeu pratiqué surtout par les filles dans les cours de récréation  (une occasion pour les garçons de le découvrir). Les deux fils limitent le cours de la rivière, rive gauche, rive droite, en amont, en aval, la source, la mer, bateau, nager, se noyer ... D'autres jeux peuvent se mettre en comptine rythmée : les jeux de corde à sauter, la marelle ...

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des fables :

Une mouette et le printemps

Une mouette sans vergogne
s'imaginait une cigogne
Sur la cheminée d'un cargo.

- C'est moi le printemps ! criait-elle
mais elle avait bu trop de vent
car sur le baleinier dolent
Les matelots fêtaient Noël.

Pierre Béarn ("300 Fables d'aujourd'hui" - éditions EDITINTER, 1999)

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La lionne et la mouche

Une mouche en vagabondage
pique ici pique là
agaçait d'un dard innocent
le museau douillet d'une lionne
tant et tant qu'elle éternua
si bien que la mouche importune
fut projetée sur un lézard
pique ici pique là
qui la goba.

Pierre Béarn ("300 Fables d'aujourd'hui" - éditions EDITINTER, 1999)

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Les araignées et les dictons

Araignée du matin : chagrin
pensait un bébé coccinelle
cherchant à libérer ses ailes

Araignée du midi : souci
grognait un rat dans son chagrin
de voir un chat près de sa belle

Araignée du soir : espoir
disait au briquet l'étincelle
mourant dans le vent du jardin.

Mais l'araignée dans sa nacelle
Prisonnière à vie de sa faim
rêvait qu'elle était hirondelle.

Pierre Béarn ("Fables" - éditions Saint-Germain-des-Prés, 1999)



- Francis Bebey -

Francis Bebey (1929-2001) est un écrivain et auteur-compositeur-interprète camerounais (Prix Sacem de la chanson française en 1977).
Un site lui est consacré : http://www.bebey.com/

Texte original d'un poème souvent réécrit. Ici, un passage a simplement été mis de côté :

Qui es-tu  ?

Qui es-tu ?
Je suis Mamadi, fils de Dioubaté.
D'où viens-tu ?
Je viens de mon village.
Où vas-tu ?
À l'autre village. Quelle importance ? Je vais partout, là où il y a des hommes.
Que fais-tu dans la vie ?
Je suis griot, m'entends-tu ? Je suis griot, comme l'était mon père,
Comme l'était le père de mon père,
Comme le seront mes enfants
Et les enfants de mes enfants

(…)
Quant à moi, je bats des mains et le grand soleil d'Afrique
S'arrête au zénith pour m'écouter et me regarder,
Et je chante, et je danse,
Et je chante, et je danse.

Francis Bebey (dans "Anthologie camerounaise d'expression française" - éditions Silex, 1982)



1 novembre 2009

Bergèse, Bérimont - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Paul Bergèse -

Bergèse, livre les poches pleinesPaul Bergèse, enseignant, conteur et poète contemporain, est l'auteur d'une trentaine de recueils de contes et de poésies pour la jeunesse, qu'on a trouvé nous (et ce n'est pas si commun), accessibles aux adultes. Il n'est pas interdit de faire un parallèle, par exemple, avec les galets armoricains de Guillevic, dans le recueil "Au gré des galets" (éd La Renarde rouge, avec des gravures de Titi Bergèse, 2006). En 2009, Paul Bergèse a obtenu le Prix des lecteurs Lire et faire Lire pour son recueil "Les poches pleines de mots".

Paul Bergèse pratique la "Lecture Rencontre" avec des élèves d'élémentaire ou de collège, dns la classe, à l'invitation des enseignants.

Voir ici ses coordonnées et quelques infos : http://charte.repertoire.free.fr/b/bergese.html

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"Comme le galet entre langue et palais le poème étanche la soif" - Paul Bergèse

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"Le silence de l’arbre
N’est pas mutisme,
Ce sont les hommes
Qui ne l’entendent plus".

Paul Bergèse

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Du même recueil, "Les poches pleines de mots", les poèmes ne portent pas de titre :

Un mot du cœur ...

Un mot du cœur
En équilibre sur l'oreille.
Un mot tout frais
Sur le bout du bout du nez.
Au bord des yeux
Comme des perles
Deux mots amis
Et des mots doux
Plein le cou.
Si tes poches
Sont pleines de billes
Moi mes poches
Sont pleines de mots.

Paul Bergèse ("Les poches pleines de mots" - Soc & foc, 2006)

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Sous le soleil ...

Sous le soleil
qui se lève
et s'étire à l'horizon,
je cueille une feuille d'érable
pour la confier
au vent d'amitié qui passe.
Si tu la trouves,
à ton réveil,
prends bien garde
de ne pas la froisser
et range-la avec douceur
entre deux pages de ton cœur.
Elle t'apporte le poème
que j'ai écrit,
rien que pour toi,
toute la nuit.

Paul Bergèse (""Les poches pleines de mots" - Soc & foc, 2006)

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As-tu trouvé le mot ...

As-tu trouvé le mot
d'un pays de lumière
dans le delta des sources?

As-tu trouvé le mot
éclat de vie d'enfant
dans l'arc-en-ciel des rêves?

As-tu trouvé le mot
qui cisèle un regard
dans la forêt des signes?

As-tu trouvé le mot
que transporte le vent
dans l'harmonie des sons ?

Toujours au seuil de l'écriture
les mots se lovent
dans les signes des sources,
Et, pour les débusquer,
tu dois fermer les yeux.

Et puis,
pour gommer les frontières,
pareille à la graine au vent,
la poésie,
comme un peu de soie,
comme un peu de soi
vers l'autre.

Paul Bergèse (""Les poches pleines de mots" - Soc & foc, 2006)



- Luc Bérimont -

Luc Bérimont (1915 -1983), poète et romancier, de son vrai nom André Leclercq, a été un poète engagé. Dans la Résistance pendant la deuxième guerre mondiale, dans ses écrits poétiques, et dans la défense et la promotion de la poésie et de la chanson nouvelles, à l'image du poète-éditeur Pierre Seghers, qu'il a côtoyé.
Il a animé des émissions de radio pour faire connaître chanteurs et poètes ("La Fine Fleur" sur France-Inter).
Des textes de  Luc Bérimont ont été chantés par Léo Ferré, Marc Ogeret
ou Pierre Bertin.. Dont un "Noël" magnifique et irrémédiablement désespéré, pas du tout pour les enfants celui-là !

Noël
 
"Madame à minuit, croyez-vous qu'on veille ?
Madame à minuit, croyez-vous qu'on rit ?
Le vent de l'hiver me corne aux oreilles
Terre de Noël, si blanche et pareille,
Si pauvre, si vieille, et si dure aussi.
...
J'avais des amours, des amis sans nombre
Des rires tressés au ciel de l'été,
Lors, me voici seul, tisonnant des ombres
Le charroi d'hiver a tout emporté"

...

On attend depuis 2000, date de parution du premier tome, la seconde partie de ses poésies complètes au Cherche midi Éditeur.  Qu'est-ce qu'ils attendent ?
Sa poésie est intense et passionnée ("Un feu vivant", à découvrir peut-être d'abord pour entrer dans son univers). Il a écrit des recueils de poésies pour les enfants, en particulier les Comptines pour les enfants d'ici et les canards sauvages (Librairie Saint-Germain-des-Prés, 1974).

"Les oiseaux et les enfants
Sont la craie du jour levant" ...
(le poème est plus bas)


On peut  retrouver de magnifiques textes de Luc Bérimont, et un intéressant éclairage sur l'auteur ici : http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/berimont/berimont.html

Quel mic-mac !

Cric et crac
Des ours dans mon parc
Flic et flac
La pluie sur un lac
Tic et tac
L’horloge est patraque
Flic et flac
Trois tours dans mon sac
Mic et mac
Voyez quel micmac !

Luc Bérimont ("Comptines pour les enfants d'ici et les canards sauvages" - Librairie Saint-Germain-des-Prés, 1974)

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Les points sur les i

Je te promets qu' il n' y aura pas d' i verts
Il y aura des i bleus
Des i blancs
Des i rouges
Des i violets, des i marron
Des i guanes, des i guanodons
Des i grecs et des i mages
Des i cônes, des i nattentions
Mais il n' y aura pas d' i verts

Luc Bérimont ("La poésie comme elle s'écrit" - textes réunis par Jacques Charpentreau - Editions Ouvrières 1979)

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Bientôt je n'aurai plus de voix

Bientôt je n'aurai plus de voix
Disait le voiturier
Bientôt je n'aurai plus de chats
Disait le châtaignier
Bientôt je n'aurai plus de rats
Disait le râtelier
Bientôt je n'aurai plus de poux
Disait le poulailler
Bientôt je n'aurai plus de rampe
Disait le rempailleur
Mais tous ceux qui ne disaient rien
Tous ceux-là n'en pensaient pas moins.

Luc Bérimont ("L'esprit d'enfance" - Enfance heureuse, Éditions Ouvrières et éditions de l'Atelier, 1980)

crayon lieucommun Les métiers (voir aussi le paragraphe Jacques Charpentreau)- proposition lieucommun

Un peu à la manière de Luc Bérimont, choisir un nom commun concret et expérimenter la transformation du mot en animal ou en métier, existant ou imaginaire (le mot qui le désigne sera un mot réel) en "er","ier", plus difficilement en "iste" ou en "eur"... puis imaginer un lien entre les deux, amusant si possible pour une mise en phrase.
exemple :
pseudo-métier : C'est pas une hirondelle, non, c'est moi qui fais le printemps,  se vantait le printanier
pseudo-métier ou arbre : J'en ai assez de payer des amendes pour les autres, protestait l'amandier
animal : Tout le temps des fourmis dans les pattes, ça gratte, se plaignait le fourmilier   

Ici des productions d'élèves en CE2 et CM1 : http://classe-godard-paulbert.com/po%E8mes.htm

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Les pâtés

J’ai fait des pâtés
pour vous épater :

Dans mon château
un pâté d’veau

Dans mon étable
un pâté d’sable

Dans ma campagne
un pâté d’âne

Dans ma province
un pâté d’prince

Dans mon Paris
un pâté d’riz

Dans ma cambuse
un pâté d’buse

Dans ma fermette
un pâté d’tête

Dans ma chaumière
un pâté d’pierres

Dans mon grenier
un pâté d’clés

Et dans ma cave
un pâté d’raves.

Ah ! les beaux pâtés tout chauds
À cuire avec des grelots.

Luc Bérimont ("Comptines pour les enfants d'ici et les canards sauvages" - Librairie Saint-Germain-des-Prés, 1974)

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Que faire ?

Que faire ?
dit la mère
à son petit enfant
qui est un éléphant.

Mais l'éléphant d'enfance
a du poil à sa trompe
et rit quand il se trompe.

On se console comme on peut
De ne pas être un oiseau bleu.

Luc Bérimont ("Comptines pour les enfants d'ici et les canards sauvages" - Librairie Saint-Germain-des-Prés, 1974)

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Conjugaison de l’oiseau

J’écris (à la pie)

J’écrivais (au geai)
J’écrivis (au courlis)
J’écrirai (au pluvier)
J’écrirais (au roitelet)
Écris ! (au sirli)
Que j’écrive (à la grive)
Que j’écrivisse (à l’ibis)
Écrivant (au bruant)
Écrit (au pipit)

Luc Bérimont ("La poésie comme elle s'écrit" - 
textes réunis par Jacques Charpentreau - Editions Ouvrières
1979)

crayon lieucommun Conjugaison ludique (textes lieucommun)

Exercice à expérimenter en utilisant les temps et les modes qui correspondent au niveau de la classe. Indicatif et impératif pour l'élémentaire sans doute.
Choisir une action,  la mettre en scène (amusante) dans une phrase simple, composée ou complexe (toujours suivant les compétences), au présent, avant de la décliner à d'autres temps en gardant la structure mais en modifiant certains des éléments qui la composent. Le sujet n'est pas forcément un pronom, ni la première personne du singulier, comme dans le texte de Luc Bérimont (trois des conjugaisons seulement, par nécessité, ne sont pas à la première personne).

Exemple, avec le verbe faire :

Je fais ce qu'il me plaît

Je fis des salsifis confits
Je faisais des salades décomposées
Je ferai des conserves de purée
Que je fasse une tarte à la mélasse
En faisant de la soupe d'éléphant
J'ai fait bouillir le café
Je fais ce qu'il me plaît 

(lieucommun)

Remarque : les verbes du 3e groupe et les verbes irréguliers sont plus intéressants que ceux du premier groupe, pour la diversité des rimes en terminaisons.

Voir aussi le paragraphe consacré à Alphonse Allais dans la catégorie "Printemps 2009 - L'humour des poètes"  et sa conjugaison au subjonctif non réglementaire.

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Fête aux fous

Fête aux fous
Dis-moi tout

Fête aux sages
Dis ton âge

Fête aux chiens
Ne dis rien

La fête est chez les cigales
Ça prend feu sous les étoiles.

Luc Bérimont (publié initialement dans la revue Poésie 1, n° 28-29 de mai-juin 1973 :  "L'enfant et la poésie")

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Haut les mains

Haut les mains
Peau d'lapin

Haut les bras
Peau d'pacha

Haut les pieds
Peau d'soulier

Haut les têtes
Peau d'ancêtre

Haut les yeux
Peau d'heureux

Haut les cœurs
Peau d'menteur

Haut les dents
Peau d'serpent

Haut les cuisses
Peau d'iris

Haut les cous
Peau d'filou

Haut les nez
Peau d'osier

La peau du marchand de peaux
Je la vends contre un bon mot.

Luc Bérimont (publié initialement dans la revue Poésie 1, n° 28-29 de mai-juin 1973 :  "L'enfant et la poésie")

crayon lieucommun Une fiche pédagogique pour jouer avec les rimes à l'image de ce poème, ici :
http://membres.lycos.fr/bareiv/tiens/peda/fiche111.htm

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Je donne pour Paris

Je donne pour Paris
Un peu tabac gris

Je donne pour Bruxelles
Un morceau de ficelle

Je donne pour London
Un paquet d'amidon

Je donne pour Genève
Une poignée de fèves

Je donne pour Tokyo
Un guidon de vélo

Je donne pour Moscou
Un petit sapajou

Je donne pour Madrid
Un envol de perdrix

Je donne à Copenhague
La mer et ses vagues

Je donne à Washington
Tontaine et puis tonton

Luc Bérimont ("Comptines pour les enfants d'ici et les canards sauvages" - Librairie Saint-Germain-des-Prés, 1974)

crayon lieucommunUn texte créé par des enfants à partir de ce poème, sur le site intéressant du "Réveil"  :
http://www.lereveil.info/article-2113790-6.html

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Il va pleuvoir

Il va pleuvoir

Les marronniers sont noirs.

S'il tombe de l'eau, bernique
Je pars pour la Martinique.

S'il tombe du vin, c'est bien
J'en remplis un cruchon plein.

S'il arrive de la grêle
C'est tant pis pour nos ombrelles

Mais s'il tombe de la neige ?
S'il en tombe, alors, que fais-je ?…

Luc Bérimont ("Comptines pour les enfants d'ici et les canards sauvages" - Librairie Saint-Germain-des-Prés, 1974)

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Pomme et poire

Pomme et poire
Dans l'armoire

Fraise et noix
Dans les bois

Sucre et pain
Dans ma main

Plume et colle
Dans l'école

Et le faiseur de bêtises
Bien au chaud dans ma chemise.

Luc Bérimont (publié initialement dans la revue Poésie 1, n° 28-29 de mai-juin 1973 :  "L'enfant et la poésie" et dans "Comptines pour les enfants d'ici et les canards sauvages" - Librairie Saint-Germain-des-Prés, 1974)

crayon lieucommun Des exemples de création poétique en CP à partir de ce poème ici :
http://ecl.ac-orleans-tours.fr/ec-emile-zola-mainvilliers/ecole/langue/poesie/divpoesie.htm

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J'ai geigné la pirafe

J'ai geigné la pirafelivre_B_rimont_enfance_couv
J'ai cattu la bampagne
J'ai pordu la moussière
J'ai tarcouru la perre
J'ai mourru les contagnes
J'ai esité l'Vispagne
Barcouru la Pretagne
J'ai lo mon vieux vépris
Je suis allit au lé
J'égué bien fatitais

Luc Bérimont ("L'esprit d'enfance" - Enfance heureuse, Éditions Ouvrières et éditions de l'Atelier, 1980)

crayon lieucommun Deux idées pour la création poétique (proposition lieucommun) :

Il ne s'agit pas dans le texte ci-dessus, de contrepéteries à proprement parler (cela dit sans astuce), puisque, sauf exception, les échanges de consonnes ou de voyelles ne créent pas de sens. Voyez ici deux exemples de création poétique  à partir de ce poème :
http://www.ac-nancy-metz.fr/petitspoetes/HTML/SALLESDEJEUX/JEUALAMANIERE/JEUALAMALETTR.html

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Emploi du temps

A onze heures
Chez l’Ambassadeur
A midi
Rue Garibaldi
A une heure
Aller voir ma sœur
A deux heures
Bloquer l’ascenseur
A trois heures
Chez mon directeur
A quatre heures
Je mange des p’tits-beurre
A cinq heures
Je change de secteur
A six heures
Envoyer des fleurs
A sept heures
Je file en douceur
A huit heures
Je consulte l’heure
Que faire à vingt et une heure* ?

Luc Bérimont ("Comptines pour les enfants d'ici et les canards sauvages" - Librairie Saint-Germain-des-Prés, 1974)

(* Note pour les enfants : l'heure ne s'écrit au pluriel que quand il s'agit de l'heure exacte).
On trouve ce poème ailleurs trans (dé)formé. Alors que l'auteur utilisait la numérotation de l'heure de son époque, sur douze heures, on y voit le "quatre heures" de l'après-midi , symbole du goûter, modernisé en"quatorze heures",  etc ! scandaleux !

crayon lieucommunInventer un emploi du temps (textes lieucommun)

L'emploi du temps de la journée, de la semaine, le calendrier des mois, celui des saisons, sont des grilles solides pour construire un poème en renforçant les connaissances lexicales et le repérage temporel, non ?

Exemple pour une petite classe, avec des repères supposés réels mais des situations fantaisistes :

À huit heures je déjeune de six tartines de beurre
À huit heures et demie, à l'école en bigoudis
À dix heures à la récré,  danse avec un chimpanzé
À  midi à la cantine, je n'avale que des sardines
À
quatre heures et demie *,  flûte !  l'école est finie !  *  À seize heures trente, finie l'école, je rentre !
(lieucommun)

  • Variante : On pourrait imaginer avec un découpage similaire un itinéraire local, de la maison à l'école, ou plus généralement un trajet habituel, marqué de plusieurs étapes réelles ou imaginaires, associées à des actions.

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La clé des temps

La clé des temps
La clé des vents
La clé des champs
La clé des gens
La clé des songes
Et des éponges
La clé des clés
Le serrurier
En fait assez
Qui vont sur toutes les serrures

N'enfermez pas les confitures.

Luc Bérimont ("Le besoin d'exprimer" dans "L'esprit d'enfance" - Enfance heureuse, Éditions Ouvrières et éditions de l'Atelier, 1980)

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Comptine de la Diane champêtre

Les oiseaux et les enfants
Sont la braise du levant
Dès le premier rayon blanc
Qui filtre au bas de la nuit
Ils prennent feu dans leurs rires
Craquent comme l'incendie
Comme le bois vert qui cuit,
Ils avivent les feuillages
Dans les têtes de passage
Font tanguer les bons usages
Sous l'ombrage indifférent.

Les oiseaux et les enfants
S'enflamment comme le vent
Chantent dans les corridors
De la forêt de la mort ;
Ils s'entendent à merveille
Dans les rébus du sommeil
Ou détressent fil à fil
Un visage et son profil
Les moulins d'ainsi soit-il.

Les oiseaux et les enfants
Sont la craie du jour levant
Ils écrivent, crivent, crivent
Crivent, crivent en crissant
L'histoire de tous les temps
Qui se répète aujourd'hui
Sans plus de valeur qu'hier
Mais qu'il faut toujours refaire
Si l'on veut devenir grand.

 

Luc Bérimont ("Lherbe à Tonnerre" - Editions Seghers, 1958)



1 novembre 2009

Besnier, Bialestowski - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Michel Besnier -

Michel Besnier (né en 1945) , enseignant, romancier et poète, écrit pour la jeunesse. Un de ses derniers recueils en date : " Mon KDI n’est pas un KDO ", est une succession d'images poétiques et loufoques dans un supermarché. Il est paru en 2008 aux éditions Motus (au prix de 9,50 €, mais on ne le trouve pas en supermarché).

C'est le titre proposé par le blog pour le premier poème-titre de ce recueil (les poèmes n'ont pas de titre particulier) :

Mon KDI n’est pas un KDO

Ingouvernable
ça tangue
ça couine
ça coince
tire à droite
tire à gauche
bloque
et accélère
cogne un mollet
file un collant
pardon madame

Mon KDI
n’est pas un
KDO

Michel Besnier (" Mon KDI n’est pas un KDO " illustré par Henri Galeron, éditions Motus, Collection Pommes Pirates Papillons, 2008)

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Même recueil, titre proposé par le blog :

Quand il fait très chaud ...

Quand il fait très chaud
je joue au pingouin
dans le bleu et blanc
du rayon yaourts

Quand il fait très froid
je joue au chimpanzé
dans le jaune et rouge
du rayon exotique

Quand il fait entre chaud et froid
je ne joue pas
je compare les prix

Michel Besnier (" Mon KDI n’est pas un KDO " illustré par Henri Galeron, éditions Motus, Collection Pommes Pirates Papillons, 2008)

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Un autre recueil : "Le rap des rats" :

Le rap des rats (ces deux poèmes n'ont pas de titre particulier)
 
1

C’est le rap des ratslivre_Michel_Besnier_le_rap_des_rats
qui rasent les murs
qui dérapent
qui se cachent
qui apachent
C’est le rap des rats
des durs des rapaces
qui rapinent
qui ravinent
qui ratinent
C’est le rap des rats
les rois des parias
qui travaillent
qui creusaillent
boustifaillent
C’est le rap des rats
qui grignotent
qui papotent
avec leurs potes
C'est le rap des rats
des rongeurs
des râleurs
des rôdeurs
renifleurs
C'est le rap des rats
qu'on n'aime pas
connaît pas
attire a-
vec des appâts
C'est le rap des rats
pas méchants
ou pas plus
que les gens
qui les tuent


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2


On en a ras le bol nous les rats
On en a ras le bol
nous les rats
d’être symboles
du choléra
de la peste et du reste
Hiroshima
c’est pas nous
le Rwanda
c’est pas nous
la vache fada
c’est pas nous
la grippe poulaga
c’est pas nous
l’air cracra
c’est pas nous.

Michel Besnier (" Le rap des rats " illustré par Henri Galeron, éditions Motus, Collection Pommes Pirates Papillons, 1999)

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Trois poèmes pour un troisième recueil : "Le Verlan des oiseaux et autres jeux de plumes" :

Un oiseau

Un oiseau
qui mange
trop
de granulés
devient
gras
nul
et laid

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Mes résidences

Je n’habite pas du côté de l’océan
mais du côté de la goutte d’eau

Je n’habite pas du côté de la forêt
mais du côté du brin d’herbe

Je n’habite pas du côté de l’ouragan
mais du côté du courant d’air

Je n’habite pas du côté de l’aigle
mais du côté du pingouin

Dites-moi où vous habitez
si vous habitez mon quartier

Je viendrai un de ces jours
vous dire un petit bonjour

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Deux pigeons

Deux pigeons s’aimaient d’amour tendre,

Deux corbeaux s’aimaient d’amour noir,

Deux mésanges s’aimaient d’amour bleu,

Deux pies s’aimaient d’amour bavard,

Deux autruches s’aimaient d’amour lourd,

Deux pinsons s’aimaient d’amour gai,

Deux vautours s’aimaient eux aussi.
Michel Besnier ("Le verlan des oiseaux et autres jeux de plumes")

Michel Besnier ("Le Verlan des oiseaux et autres jeux de plumes"

illustré par Henri Galeron, éditions Motus, Collection Pommes Pirates Papillons, 1995)



- Gérard Bialestowski -

Gérard Bialestowski (1946-2007), enseignant et auteur pour la jeunesse, a quitté définitivement l'écriture en 2007.

Parmi les ouvrages qu'il a laissés : La Vélocomotive (1986),  Le Prince du château fou (1992), La taupe et la taupe (1996),  Ma langue au tigre (2002), et les recueils cités ci-dessous.

livre_Bialestowski_pieuvreL'oiseau rare

Sur un banc devant la gare
du Nord
j'ai trouvé un oiseau rare
pas un ara en or
un oiseau de parade
ou de paradis
mais un oiseau de Paris
un pi un pi
un pigeon pardi

Gérard Bialestowski ("La pieuvre bricole et autres poèmes" - Milan - Poche cadet, 2000)

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Les rennes

allons enfants de la toundra
voir passer le roi des rennes
il nous apprendra la polka
que l'on danse en Alaska
quand sept jours font une semaine

Gérard Bialestowski (dans le recueil de poèmes de divers auteurs, réunis par Jean-Hugues Malineau, illustrations de Sylvie Selig : "Il était une fois... les animaux" - éditions Messidor La Farandole, 1978)

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le mille-pattes

Même au singulier
je suis au pluriel,
ça épate,
ça épate !
et tandis qu'on s'étonne
je me pelotonne,
ou me carapate
dans le peuplier
ou sous l'arc en ciel,
même au singulier
je suis au pluriel !

Gérard Bialestowski ("Au bout de mon râteau" avec des illustrations de Frédéric Rébéna - éditions Albin Michel Jeunesse, 1978)

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La pomme de terre

Quand il fait très froid
à Noël
quand ça exagèle
la pomme de terre
met sa robe décembre
et la tête sous la cendre
alors je me décide
je la pique au bide
je la croque au sel
je lui fais la peau
sans dire un mot
la pomme de s'taire
se mange en silence
même chichécho

Gérard Bialestowski ("Au bout de mon râteau")

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Au chien !

À moi !
À toi !
Aboie !

Tais-toi
toutou têtu !
C'est la l'ouah !

Gérard Bialestowski ("Au bout de mon râteau")



1 novembre 2009

Bosquet, Botturi, Breton (André) - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Alain Bosquet -

Alain Bosquet (1919-1998) est le pseudonyme d'Anatole Bisk. C'est un écrivain et poète français d'origine russe. Il a obtenu en 1989 le Prix Goncourt de la poésie.

Raconte-moi le passé

- Raconte-moi le passé.
- Il est trop vaste.
- Raconte-moi le XXe siècle.
- Il y eut des luttes sanglantes,
puis Lénine,
puis l’espoir,
puis d’autres luttes sanglantes.
- Raconte-moi le temps.
- Il est trop vieux.
- Raconte-moi mon temps à moi.
- Il y eut Hitler,
il y eut Hiroshima.
- Raconte-moi le présent.
- Il y a toi,
et encore toi,
et le bonheur qui ressemble
au soleil sur les hommes.
- Raconte-moi...
- Non, mon enfant,
c’est toi qui dois me raconter
l’avenir.

Alain Bosquet

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Poème pour un enfant lointain

Tu peux jouer au caillou :
il suffit de ne pas bouger,
très longtemps, très longtemps.
 
Tu peux jouer à l'hirondelle :
il suffit d'ouvrir les bras
et de sauter très haut, très haut.
 
Tu peux jouer à l'étoile :
il suffit de fermer l'œil,
puis de le rouvrir,
beaucoup de fois, beaucoup de fois.
 
Tu peux jouer à la rivière :
il suffit de pleurer,
pas très fort, pas très fort.
 
Tu peux jouer à l'arbre :
il suffit de porter quelques fleurs
qui sentent bon, qui sentent bon.

Alain Bosquet ("Le cheval applaudit" - Enfance heureuse, éditions Ouvrières, 1977) < réf à vérifier

crayon lieucommunTu peux jouer à ... / il suffit de ...

Ce poème a servi de modèle, en classe maternelle (GS) en particulier. Il est particulièrement adapté aux cycles 1 et 2 :
voyez ici des réalisations : http://ec-8-lamoriciere.scola.ac-paris.fr/spip.php?article220

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Viens en France, enfant lointain ...

Viens en France, enfant lointain.
Nous avons des blés qui dansent,
Qui dansent : on dirait des poupées.

Viens en France, enfant lointain.
Nous avons des villes vieilles,
Vieilles dont chaque pierre a une histoire;
Et des villes jeunes, jeunes,
Plus jeunes que toi.

Viens en France, enfant lointain.
Tu connaîtras des garçons comme toi,
Qui jouent, qui apprennent,
Qui veulent être heureux.

Viens à Paris, enfant lointain.
Dans ma maison, il y a de la musique,
Du soleil, des gâteaux, des livres profonds,
et au dehors une girafe énorme : la Tour Eiffel,
Que tu pourras peindre en bleu,
En mauve, en rouge,
Tant que tu voudras.

Alain Bosquet ("Le cheval applaudit" - Enfance heureuse, éditions Ouvrières, 1977) < réf à vérifier

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Un texte sur l'enfance destiné aux plus grands, et dont la forme de sonnet n'est pas très classique ...

Lorsque l'enfant a peur de perdre son enfance

Lorsque l'enfant a peur de perdre son enfance,
il consulte parfois son amie la girafe,
qui soudain le soulève et l'assoit sur son cou
pour faire dans le parc un rapide galop

ressemblant au tangage; et l'enfant se promène
à bord de ce navire où l'étoile est si proche,
l'étang si renversé, la montagne si basse...
Alors, les lois du temps par miracle s'annulent

dans une grande fête, et les vieilles personnes,
perdues par la raison, n'osent plus s'immiscer
dans le bonheur qui d'arbre en arbre s'improvise

comme un bal costumé parmi les ballons rouges.
La girafe est légère en sa longue tendresse,
et l'enfant rassuré peut devenir adulte.

Alain Bosquet < réf en attente

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Un enfant m'a dit

Un enfant m'a dit :
"La pierre est une grenouille  endormie."
Un autre enfant m'a dit :
"Le ciel, c'est de la soie fragile."
Un troisième enfant m'a dit :
"L'océan, quand on lui fait peur, il crie."
Je ne dis rien, je souris.
le rêve de l'enfant, c'est la loi.
Et puis, je sais que la pierre,
vraiment, est une grenouille,
mais au lieu de dormir
elle me regarde.

Alain Bosquet < réf en attente

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Le cheval chante

Le cheval chante.
Le hibou miaule.
L'âne gazouille.
Le ruisseau hennit.

- C'est bien, mon enfant : joue avec les mots.

- Le triangle est rond.
La neige est chaude.
Le soleil est bleu.
La maison voyage.

- Tu as de la chance :

les mots sont amicaux
et généreux.

- Le poisson plane.
La baleine court.
La fourchette a des oreilles.
Le train se gratte.

- Je t'avais prévenu :
maintenant les mots te mordent.

Alain Bosquet ("Le cheval applaudit" - Enfance heureuse, éditions Ouvrières, 1977)

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La trompe de l'éléphant

La trompe de l'éléphant,
c'est pour ramasser les pistaches :
pas besoin de se baisser.

Le cou de la girafe,
c'est pour brouter les astres :
pas besoin de voler.

La peau du caméléon,
verte, bleue, mauve, blanche,
selon sa volonté,
c'est pour se cacher des animaux voraces :
pas besoin de fuir.

La carapace de la tortue,
c'est pour dormir à l'intérieur,
même l'hiver :
pas besoin de maison.

Le poème du poète,
c'est pour dire tout cela
et mille et mille et mille autres choses :
pas besoin de comprendre.

Alain Bosquet ("Le cheval applaudit" - Enfance heureuse, éditions Ouvrières, 1977)

crayon lieucommunLe... c'est ... (c'est pour) ...

En s'inspirant librement de la structure de ce joli poème réaliste d'Alain Bosquet,  jouons avec les particularités des animaux en glissant un peu vers le fabuleux, le facétieux, l'invraisemblable. On obtiendra certainement quelques sourires :
La trompe de l'éléphant, c'est pour que les singes fassent de la balançoire.
La poche du kangourou, c'est pour ranger son pyjama.

Les dents du requin  c'est ... / La langue du serpent ... / Les griffes du chat / La bosse du chameau /Les plumes du paon, etc.



- Marie Botturi -

Marie Botturi est une romancière  ("Les semailles du vent", "La merveille de l'ordinaire" ...), professeur et poète contemporaine (dont des poèmes pour la jeunesse, des recueils "À l'aube de tes mains", "Les mains de la terre", et en 2010  "Haïkus le long des chemins en petite Sologne", sa terre natale), tous aux éditions "La Part commune".

Le rêve de la lune

Si la lune brille
Quand tu dors,
C'est pour planter
Des milliers de soleils pour demain.

Si tout devient silence
Quand tu dors,
C'est pour préparer
Le chant des milliers d'oiseaux
Et dorer les ailes des libellules.

Si la lune tombe dans tes bras
Quand tu dors,
C'est pour rêver avec toi
Des milliers d'étoiles.

Marie Botturi



- André Breton et le Surréalisme -

po_sie_Andr__Breton_portrait<< portrait du poète par Victor Brauner (1934)

André Breton (1896-1966) définit ainsi le mouvement surréaliste : "Automatisme psychique pur par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée ". (Manifeste du surréalisme de 1924).

Même s'il n'est pas directement le créateur du cadavre exquis, Breton est l'un des inspirateurs et des pratiquants de cette forme de création surréaliste "classique", très représentative de l'esprit du mouvement et qu'il définit plus bas.

André Breton est l'inventeur d'une autre forme de création littéraire surréaliste : l'écriture automatique.
"Écrivez vite sans sujet préconçu, assez vite pour ne pas retenir et ne pas être tenté de vous relire. La première phrase viendra toute seule, tant il est vrai qu'à chaque seconde il est une phrase étrangère à notre pensée consciente qui ne demande qu'à s'extérioriser. ". (A. Breton - Manifeste du Surréalisme - 1924).

Il est l'auteur de l’Anthologie de l’Humour noir (écrit en 1940, édité en 1945, 1950 et 1966, avec des modifications de contenu, et réédité au Livre de Poche). D'autres oeuvres : Nadja (1928), Les Vases communicants (1932), L'Amour fou (1937).

po_me_Andr__Breton_Ile<< Île

André Breton

Île est un poème-titre, ou un titre-poème, constitué de ce seul mot qui apparaît pleine page en vertical, comme sur l'image, dans le recueil "Clair de terre" (1923, réédition 1978 en Poésie-Gallimard).

Dans  La poésie (Armand Colin éditeur, 1988), Jean-Louis Joubert explique : "Ce n'est pas tellement le mot en lui-même que sa situation dans un poème qui possède une valeur poétique. Rien n'empêche qu'un poème soit composé d'un seul mot. C'est le cas du poème "Île" [...] Mais le choix d'un corps de caractères géants, leur recherche typographique, la disposition du mot verticale et de bas en haut, arrache "Île" à la langue commune pour en faire un mot-objet mystérieux [...] "

logo_cr_ation_po_tique Poème objet :

Pour les élèves, le sens de ce poème objet d'André Breton n'apparaît pas évident.

On peut proposer à la classe un exercice dérivé plus abordable, voisin du calligramme. L'élève choisit un mot objet qui lui plaît et le représente pour en exprimer sa perception personnelle (par graphisme, typo ordinateur, collage, peinture, modelage, sculpture...) en deux ou trois dimensions en jouant sur les formes, tailles, couleurs  des caractères, et leur disposition (les lettres ne seront pas forcément alignées et de même format).

  • Variantes :
  1. Même démarche avec une courte phrase, un haïku.  Illustrer éventuellement l'environnement de l'écrit. 
  2. Proposer aux élèves d'élémentaire le dessin du mot dans une forme qui le représente.

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Le Cadavre exquis

À l'initiative de Jacques Prévert, Marcel Duhamel et Yves Tanguy et avec André Breton, c'est l'un des exercices de création spontanée auquel se sont livrés les surréalistes. André Breton le définit ainsi dans son "Dictionnaire abrégé du surréalisme" :
"jeu de papier plié qui consiste à faire composer une phrase ou un dessin par plusieurs personnes, sans qu’aucune d’elles puisse tenir compte de la collaboration ou des collaborations précédentes".
L’exemple qui a donné son nom au jeu, tient dans la première phrase obtenue de cette manière : "Le cadavre/exquis/boira/le vin/nouveau".
L'exercice s'appliquera au texte, au dessin, et plus tard au cinéma, et connaît actuellement une nouvelle évolution  avec Internet.

crayon lieucommunLe "Cadavre exquis" (sous sa forme écrite)
Principe : Le matériel : une feuille A4 pliée en autant de parties que d'intervenants, de manière à empêcher la lecture directe des éléments, mais à permettre une lecture (linéaire) de la production finale une fois dépliée.

Le jeu du Cadavre exquis suppose une maîtrise par les élèves de la structure de la phrase.
On décidera du type de phrase à créer, suivant le niveau de difficulté souhaité :
Phrase déclarative minimale
Sujet + Verbe ou phrase simple S+V+ Complément(s).

1.   Le groupe nominal sujet est singulier ou pluriel et le groupe verbal s'accordera en conséquence.

  • groupe sujet minimal, avec nom seul ou déterminant + nom  ex : Anna*,  l'oiseau - mon vélo
  • enrichi d'un qualificatif, ex : l'oiseau bleu - mon vieux vélo
  • d'un complément du nom, ex : un ballon de rugby - la table à repasser
  • ou d'un ensemble, ex : un vieux ballon de rugby en bois* (encourager déjà le décalage interne du groupe)

2.   Le groupe verbal sera conjugué au singulier ou au pluriel, selon le choix précédent.

  • Le verbe sera un verbe d'action, non pronominal, conjugué à la voix active, au passé ou au futur simple de préférence, plutôt qu'au présent.
  • Les verbes les plus intéressants sont les verbes transitifs (trouver - manger - regarder) qu'on peut ou qu'on doit faire suivre d'un groupe COD et d'un ou de plusieurs groupes Compléments Circonstanciels  (temps, lieu, manière...). Les verbes intransitifs (dormir,  seront bannis

3.   Le groupe complément

  • Le COD qui suit le verbe transitif direct est un groupe nominal qui peut être enrichi, comme le groupe nominal sujet, et par conséquent interchangeable :

ex : l'oiseau bleu / construira / la pluie de novembre ou la pluie de novembre / construira / l'oiseau bleu 

  • Les groupes Compléments Circonstanciels  (temps, lieu, manière, conséquence, cause, but...). Il peut y en avoir plusieurs, à se répartir dans le groupe de travail selon le nombre d'élèves.

ex : l'oiseau bleu / construira / la pluie de novembre /  à Noël / parce qu'il* (elle) a perdu ses clés

* l'accord en genre et en nombre et les corrections se feront collectivemant dans la phrase définitive retenue.

La forme poétique de la création apparaîtra avec le choix des productions (retenir les plus amusantes, les plus originales, les plus étonnantes ...)
On pourra proposer l'association des phrases créées, pour une mise en texte.

  • crayon lieucommunVariantes :
  1. Cadavre exquis minimum : Comme l'ont pratiqué les surréalistes, on peut scinder en unités minimum sur le schéma simple GS + V + COD, en séparant le nom de l'adjectif (le cadavre/exquis/ boira/le vin/nouveau)
  2. Le dialogue surréaliste : Pratiqué par les surréalistes, il consiste à construire séparément (deux  intervenants seulement ici) un dialogue question-réponse sur le modèle "Qu'est-ce que .../c'est..." exemple surréaliste : "Qu'est-ce que la volupté de vivre / C'est une bille dans la main d'un écolier"). Au niveau collège ou lycée, un troisième intervenant pourrait ajouter une formule commençant par "puisque ... ex : "Qu'est-ce qu'un arc-en-ciel après la pluie ?/c'est un parking de supermarché désert,/puisqu'on a fermé les fenêtres." (essai Lieucommun). Il faudra certainement intervenir à postériori pour produire des phrases grammaticalement correctes.
  3. On pourra inventer d'autres constructions : "Si les oiseaux ont des ailes/c'est parce qu'il n'y a plus de sable dans le désert". D'autres modèles sont possibles avec même si..., pourtant...etc.

crayon lieucommun"Cadavre exquis" en arts plastiques  

Cadavre_exquis_dessin_3Reprenons la définition d'André Breton : "jeu de papier plié qui consiste à faire composer [une phrase ou] un dessin par plusieurs personnes, sans qu’aucune d’elles puisse tenir compte de la collaboration ou des collaborations précédentes"...

<< Cadavre exquis vertical sur le thème de la maison bizarre. On repérera les pliures (expérience du groupe MSA).

 Principe : La feuille, format A2, A3 ou A4 suivant le projet, sera pliée en 3 ou en 4 parties égales. Le thème général est proposé, par exemple, pour rester dans le domaine qui nous intéresse : monstres,  véhicules bizarres, construction étonnantes... On précisera éventuellement s'il s'agit de créer un objet "unique" (exemple ci-contre) ou pluriel, au final. Le sujet pourra être libre. (l'exemple n°1  est une création récente empruntée au site ex-bones.com )

cadavre_exquis_dessin_exemple_1Le pliage sera horizontal si le thème  s'y prête, mais il est  en général vertical. Un personnage bizarre, par exemple, peut associer trois créations différentes : une pour la tête, une pour le "tronc" et les bras (ou ce qui en tient lieu s'il y en a) et une troisième pour les membres inférieurs.

Consignes de réalisation : produire, pour le premier intervenant, un dessin en prolongeant les tracés de manière qu'ils apparaissent un peu au-delà de la pliure, sans dévoiler la réalisation. Le deuxième élève devra utiliser cette arrivée de tracé comme départ pour sa propre production graphique, sans avoir pris connaissance de la précédente. Idem pour les intervenants suivants. Le dernier tient compte simplement du fait qu'il termine l'œuvre collective.

cadavre_exquis_collage_BretonOn obtiendra une fois la feuille dépliée une réalisation qui pourra faire l'objet d'un travail de mise en couleurs, surfaces, collages... Le passage d'une partie à l'autre, toujours difficile, pourra aussi  être repris pour la cohérence de l'ensemble, si c'est le but recherché.

NB : Les élèves travaillant sur un même projet pourront être séparés les uns des autres, pour ne pas avoir à se cacher des regards pendant la réalisation.

Variantes : Le collage de papiers déchirés ou découpés se prête parfaitement à l'exercice (le modèle n°2 est un collage créé par André Breton, Jacqueline Lamba  et Yves Tanguy en 1938) . 



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1 novembre 2009

Brel - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Jacques Brel -

Jacques Brel (1929-1978), poète, auteur-compositeur et chanteur belge, cinéaste et acteur, a chanté comme personne son "plat pays", et les îles Marquises, où il choisit de finir ses jours.

Voici quelques chansons choisies pour le thème de l'enfance :

L'enfance

L'enfance
Qui peut nous dire quand ça finit
Qui peut nous dire quand ça commence
C'est rien avec de l'imprudence
C'est tout ce qui n'est pas écrit

L'enfance
Qui nous empêche de la vivre
De la revivre infiniment
De vivre à remonter le temps
De déchirer la fin du livre

L'enfance
Qui se dépose sur nos rides
Pour faire de nous de vieux enfants
Nous revoilà jeunes amants
Le coeur est plein la tête est vide
L'enfance l'enfance

L'enfance
C'est encore le droit de rêver
Et le droit de rêver encore
Mon père était un chercheur d'or
L'ennui c'est qu'il en a trouvé

L'enfance
Il est midi tous les quarts d'heure
Il est jeudi tous les matins
Les adultes sont déserteurs
Tous les bourgeois sont des Indiens

L'enfance
L'enfance.

(parlé) :
Si les parents savaient l'enfance
Si les moindres amants savaient
Si par chance ils savaient l'enfance
Il n'y aurait plus d'enfants jamais.

Jacques Brel (Barclay, 1973)

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Un enfant

Un enfant
Ça vous décroche un rêve
Ça le porte à ses lèvres
Et ça part en chantant
Un enfant
Avec un peu de chance
Ça entend le silence
Et ça pleure des diamants
Et ça rit à n'en savoir que faire
Et ça pleure en nous voyant pleurer
Ça s'endort de l'or sous les paupières
Et ça dort pour mieux nous faire rêver

Un enfant
Ça écoute le merle
Qui dépose ses perles
Sur la portée du vent
Un enfant
C'est le dernier poète
D'un monde qui s'entête
A vouloir devenir grand
Et ça demande si les nuages ont des ailes
Et ça s'inquiète d'une neige tombée
(Et ça croit que nous sommes fidèles)
Et ça se doute qu'il n'y a plus de fées

Mais un enfant
Et nous fuyons l'enfance
Un enfant
Et nous voilà passants
Un enfant
Et nous voilà patience
Un enfant
Et nous voilà passés.

... Et ça s'endort de l'or sous les paupières (parlé)

Jacques Brel (Barclay, 1968)

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Rosa

Rosa rosa rosam
Rosae rosae rosa
Rosae rosae rosas
Rosarum rosis rosis

C'est le plus vieux tango du monde
Celui que les têtes blondes
Anonnent comme une ronde
En apprenant leur latin
C'est le tango du collège
Qui prend les rêves au piège
Et dont il est sacrilège
De ne pas sortir malin
C'est le tango des bons pères
Qui surveillent l'oeil sévère
Les Jules et les Prosper
Qui seront la France de demain

Rosa rosa rosam
Rosae rosae rosa
Rosae rosae rosas
Rosarum rosis rosis

C'est le tango des forts en thème
Boutonneux jusqu'à l'extrême
Et qui recouvrent de laine
Leur coeur qui est déjà froid
C'est le tango des forts en rien
Qui déclinent de chagrin
Et qui seront pharmaciens
Parce que papa ne l'était pas
C'est le temps où j'étais dernier
Car ce tango rosa rosae
J'inclinais à lui préférer
Déjà ma cousine Rosa

Rosa rosa rosam
Rosae rosae rosa
Rosae rosae rosas
Rosarum rosis rosis

C'est le tango des promenades
Deux par seul sous les arcades
Cernés de corbeaux et d'alcades
Qui nous protégeaient des pourquoi
C'est le tango de la pluie sur la cour
Le miroir d'une flaque sans amour
Qui m'a fait comprendre un beau jour
Que je ne serai pas Vasco de Gama
Mais c'est le tango du temps béni
Où pour un baiser trop petit
Dans la clairière d'un jeudi
A rosi cousine Rosa

Rosa rosa rosam
Rosae rosae rosa
Rosae rosae rosas
Rosarum rosis rosis

C'est le tango du temps des zéros
J'en avais tant des minces des gros
Que j'en faisais des tunnels pour Charlot
Des auréoles pour Saint François
C'est le tango des récompenses
Qui allaient à ceux qui ont de la chance
D'apprendre dès leur enfance
Tout ce qui ne leur servira pas
Mais c'est le tango que l'on regrette
Une fois que le temps s'achète
Et que l'on s'aperçoit tout bête
Qu'il y a des épines aux Rosa

Rosa rosa rosam
Rosae rosae rosa
Rosae rosae rosas
Rosarum rosis rosis.

Jacques Brel (éditions Musicales Barclay, 1962)

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Fils de ...

Fils de bourgeois ou fils d'apôtre
Tous les enfants sont comme les vôtres
Fils de césar ou fils de rien
Tous les enfants sont comme le tien
Le même sourire les mêmes larmes
Les mêmes alarmes les mêmes soupirs
Fils de césar ou fils de rien
Tous les enfants sont comme le tien

Ce n'est qu'après longtemps après...

Mais fils de sultan fils de fakir
Tous les enfants ont un empire
Sous voûte d'or sous toit de chaume
Tous les enfants ont un royaume
Un coin de vague une fleur qui tremble
Un oiseau mort qui leur ressemble
Fils de sultan fils de fakir
Tous les enfants ont un empire

Ce n'est qu'après longtemps après...

Mais fils de ton fils ou fils d'étranger
Tous les enfants sont des sorciers
Fils de l'amour fils d'amourette
Tous les enfants sont des poètes
Ils sont bergers ils sont rois mages
Ils ont des nuages pour mieux voler
Fils de ton fils ou fils d'étranger
Tous les enfants sont des sorciers

Ce n'est qu'après longtemps après...

Mais fils de bourgeois ou fils d'apôtre
Tous les enfants sont comme les vôtres
Fils de césar ou fils de rien
Tous les enfants sont comme le tien
Le mêmes sourire les mêmes larmes
Les mêmes alarmes les mêmes soupirs
Fils de césar ou fils de rien
Tous les enfants sont comme le tien ...

Jacques Brel (éditions Musicales Barclay, 1967)

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Mon enfance

Mon enfance passa
De grisailles en silences
De fausses révérences
En manque de batailles
L'hiver j'étais au ventre
De la grande maison
Qui avait jeté l'ancre
Au nord parmi les joncs
L'été à moitié nu
Mais tout à fait modeste
Je devenais indien
Pourtant déjà certain
Que mes oncles repus
M'avaient volé le Far West

Mon enfance passa
Les femmes aux cuisines
Où je rêvais de Chine
Vieillissaient en repas
Les hommes au fromage
S'enveloppaient de tabac
Flamands taiseux et sages
Et ne me savaient pas
Moi qui toutes les nuits
Agenouillé pour rien
Arpégeais mon chagrin
Au pied du trop grand lit
Je voulais prendre un train
Que je n'ai jamais pris

Mon enfance passa
De servante en servante
Je m'étonnais déjà
Qu'elles ne fussent point plantes
Je m'étonnais encore
De ces ronds de famille
Flânant de mort en mort
Et que le deuil habille
Je m'étonnais surtout
D'être de ce troupeau
Qui m'apprenait à pleurer
Que je connaissais trop
J'avais l'oeil du berger
Mais le coeur de l'agneau

Et mon enfance éclata
Ce fut l'adolescence
Et le mur du silence
Un matin se brisa
Ce fut la première fleur
Et la première fille
La première gentille
Et la première peur
Je volais je le jure
Je jure que je volais
Mon coeur ouvrait les bras
Je n'étais plus barbare

Et la guerre arriva

Et nous voilà ce soir.

Jacques Brel (éditions Musicales Barclay, 1967)



1 novembre 2009

Brière - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS



- Joëlle Brière -

livre Pinpanicaille BrièreJoëlle Brière, née en 1940, est une romancière, illustratrice et poète (elle est l'une des fondatrices de la revue de poésie Fanal 89, - 89 comme Yonne). Elle fonde en 1994, toujours en Bourgogne, les éditions de la Renarde Rouge, à Véron, le village où elle a été institutrice et Maire. Elle y publie et illustre ses nombreux livres, poèmes, souvenirs, histoires, contes, parmi lesquels : "Lettres sous silence", "Pinpanicaille", "Alphabet des délices & des souffrances",  "Une faim en soi", "Une baleine, deux baleines, trois baleines, six cachalots ...", "Je ne suis pas La Joconde", "Ce jardin devant moi...", "Les vergers"... "Sidonie ou La Vie Donnée", remarquable récit intimiste romancé de l'enfance bretonne de la mère de l'auteur, est paru en 2011.

Une visite s'impose : http://renarderouge.fr/index.html

La fille de l'épicier

La fille de l'épicier
a des yeux de réglisse
et des dents comme des petites
dragées.

Mademoiselle... euh mademoiselle ! Je
voudrais quatre caramels, six berlingots à
la groseille, huit souris en chocolat, dix sucres
d'orge, pas un pareil ! douze barres de nougat
tendre et un gros malabar.

La fille de l'épicier
avec ses lèvres de soleil
me met toujours en retard !

Joëlle Brière ("Une baleine, deux baleines, trois baleines, six cachalots ..." - éditions La Renarde Rouge 1998)



1 novembre 2009

Carbet, Cadou - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Marie-Magdeleine Carbet -

Marie-Magdeleine Carbet est née en 1902 en Martinique. Elle était romancière, auteur de contes pour enfants, et poète ("Mini-poèmes sur trois méridiens" - 1977).

Le ruisseau

Le ruisseau qui glisse

Son filet d'eau claire
Parmi l'herbe lisse
En sait long
La lon laire
En sait long
Laire lon


Marie-Magdeleine Carbet

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L’acacia

Le vent
Passait, pleurant.
L’acacia dit :
Vent d’automne
Au front gris,
Tu t’ennuies :
Je te donne
Mes feuilles.
Prends, cueille
Et va jouer au volant
Avec ton amie
La pluie.
Le printemps,
En son temps,
M’en fera de plus jolies !

Marie-Magdeleine Carbet 



- René-Guy Cadou -

René-Guy Cadou (1920-1951) avait écrit, comme une prémonition : "Je ne ferai jamais que quelques pas sur cette terre". À partir de 1943, Hélène, épousée en 1946, l'accompagne pour ce temps si court qu'il lui reste à vivre. Hélène Cadou, poète comme lui, pour qui il a écrit "Hélène ou le règne végétal", publié en février 1951 (Le poète est mort de maladie en mars de la même année, à 31 ans).

Je t'atteindrai Hélène
À travers les prairies
À travers les matins de gel et de lumière...
René Guy Cadou

Son œuvre poétique complète, "Poésie, la vie entière", est parue en 1976 chez l'éditeur Pierre Seghers (poète également).

Les souvenirs d'enfance occupent une partie de ses poèmes.

Les amis d’enfance

Je me souviens du grand cheval
Qui promenait tête et crinière
Comme une, grappe de lumière
Dans la nuit du pays natal.

Qui me dira mon chien inquiet,
Ses coups de pattes dans la porte,
Lui qui prenait pour un gibier
Le tourbillon des feuilles mortes?

Maintenant que j’habite en ville
Un paysage sans jardins,
Je songe à ces anciens matins
Tout parfumés de marguerites.


René-Guy Cadou

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Le jardin de Grignon

Pour atteindre le ciel
À travers ce feuillage
Il faut que tous les yeux
Se soient réunis là

Je dis les yeux d’enfants
Pareils à des parvenches
Ou à ces billes bleus
Qui roulent sur la mer

On va dans les allées
Comme au milieu d’un rêve
Tant la grand-mère a mis
De grâce dans les fleurs

Et le chat noir et blanc
Qui veille sur les roses
Songe au petit oiseau
Qui viendrait jusqu’à lui

C’est un jardin de fées
Ouvert sur la mémoire
Avec des papillons
Epinglés sur son cœur.


René-Guy Cadou

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La blanche école où je vivrai

La blanche école où je vivrai
N'aura pas de roses rouges
Mais seulement devant le seuil
Un bouquet d'enfants qui bougent
On entendra sous les fenêtres
Le chant du coq et du roulier;
Un oiseau naîtra de la plume
Tremblante au bord de l'encrier
Tout sera joie! Les têtes blondes
S'allumeront dans le soleil,
Et les enfants feront des rondes
Pour tenter les gamins du ciel.

René-Guy Cadou ("Poésie, la vie entière", œuvres complètes - Seghers, 1976)

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Automne

Odeur des pluies de mon enfance
Derniers soleils de la saison !
A sept ans comme il faisait bon
Après d'ennuyeuses vacances,
Se retrouver dans sa maison !

La vieille classe de mon père,
Pleine de guêpes écrasées,
Sentait l'encre, le bois, la craie
Et ces merveilleuses poussières
Amassées par tout un été.

O temps charmant des brumes douces,
Des gibiers, des longs vols d'oiseaux,
Le vent souffle sous le préau,
Mais je tiens entre paume et pouce
Une rouge pomme à couteau.

René-Guy Cadou ("Les amis d’enfance " ; "Poésie, la vie entière" - Seghers)

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La saison de Sainte-Reine

Je n’ai pas oublié cette maison d’école
Où je naquis en février dix neuf cent vingt
Les vieux murs à la chaux ni l’odeur du pétrole
Dans la classe étouffée par le poids du jardin
Mon père s’y plaisait en costume de chasse
Tous deux nous y avions de tendres rendez-vous
Lorsqu’il me revenait d’un monde de ténèbres
D’une Amérique à trois cents mètres de chez nous
Je l’attendais couché sur les pieds de ma mère
Comme un bon chien un peu fautif d’avoir couru
Du jardin au grenier des pistes de lumière
Et le poil tout fumant d’univers parcourus
La porte à peine ouverte il sortait de ses manches
Des jeux de cartes des sous belges ou des noix
Et je le regardais confiant dans son silence
Pour ma mère tirer de l’amour de ses doigts
Il me parlait souvent de son temps de souffrance
Quand il était sergent-major et qu’il montait
Du côté de Tracy-le-Mont ou de la France
La garde avec une mitrailleuse rouillée
Et je riais et je pensais aux pommes mûres
À la fraîcheur avoisinante du cellier
À ce parfum d’encre violette et de souillure
Qui demeure longtemps dans les sarraus mouillés
Mais ce soir où je suis assis près de ma femme
Dans une maison d’école comme autrefois
Je ne sais rien que toi Je t’aime comme on aime
Sa vie dans la chaleur d’un regard d’avant soi.

René Guy Cadou - 1953 - ("Hélène ou le règne végétal")

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L'enfant précoce

Une lampe naquit sous la mer
Un oiseau chanta
Alors dans un village reculé
Une petite fille se mit à écrire
Pour elle seule
Le plus beau poème
Elle n’avait pas appris l’orthographe
Elle dessinait dans le sable
Des locomotives
Et des wagons pleins de soleil
Elle affrontait les arbres gauchement
Avec des majuscules enlacées et des cœurs
Elle ne disait rien de l’amour
Pour ne pas mentir
Et quand le soir descendait en elle
Par ses joues
Elle appelait son chien doucement
Et disait
"Et maintenant cherche ta vie."


René-Guy Cadou ("Poésie, la vie entière", œuvres complètes - Seghers, 1976)



1 novembre 2009

Carême - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Maurice Carême -

Maurice Carême, instituteur belge (1899-1978) est présent dans chaque cahier de poésie des élèves de France et de Navarre (et de Belgique bien sûr), et ses textes se baladent un peu partout sur le blog. Explorez les catégories !

La plupart des textes se trouvent sur le site de la Fondation Maurice Carême - http://www.mauricecareme.be/fondation.php

Careme livre etre ou ne pas etre

La fillette et le poème

"Le poème, qu'est-ce que c'est ?
M'a demandé une fillette :
Des pluies lissant leurs longues tresses,
Le ciel frappant à mes volets,
Un pommier tout seul dans un champ
Comme une cage de plein vent,
Le visage triste et lassé
D'une lune blanche et glacée,
Un vol d'oiseaux en liberté,
Une odeur, un cri, une clé ?"

Et je ne savais que répondre
Jeu de soleil ou ruse d'ombre ? -
Comment aurais-je su mieux qu'elle
Si la poésie a des ailes
Ou court à pied les champs du monde ?

Maurice Carême © Fondation Maurice Carême (recueil posthume "Être ou ne pas être" - Collection La petite Belgique - éditions l'Age d'Homme, 2008)

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Alphabet

A c'est l'âne agaçant l'agnelle,
B c'est le boulevard sans bout,
C la compote sans cannelle,
D le diable qui dort debout.
E c'est l'école, les élèves,
F le furet féru de grec,
G la grive grisant la grève,
H c'est la hache et l'homme avec.
I c'est l'ibis berçant son île,
J Le jardin sans jardinier,
K le képi du chef kabyle,
L le lièvre fou à lier.
M c'est le manteau bleu des mages,
N la neige bordant le nid,
O l'oranger pris dans l'orage,
P le pain léger de Paris.
Q c'est la quille sur le quai,
R la rapière d'or du roi,
S le serpent qui s'est masqué,
T la tour au-dessus des toits.
U c'est l'usine qui s'allume,
V le vol du vent dans la voile,
W le wattman de lune,
X le xylophone aux étoiles.
Y c'est les yeux doux du yack
Oublié dans le zodiaque,
Z le zigzag brusque du zèbre
Qui s'enfuit dans les ténèbres,k

Malheureux parce qu'il est
Le dernier de l'alphabet.

 Maurice Carême ("A cloche-pied" - éditions Ouvrières, 1972)

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Avez-vous vu ?

Avez-vous vu le dromadaire
Dont les pieds ne touchent pas terre ?

Avez-vous vu le léopard
Qui aime loger dans les gares ?

Avez-vous vu le vieux lion
Qui joue si bien du violon ?

Avez-vous vu le kangourou
Qui chante et n'a jamais le sou ?

Avez-vous vu l'hippopotame
Qui minaude comme une femme ?

Avez-vous vu le perroquet
Lançant très haut son bilboquet ?

Avez-vous vu la poule au pot
Voler en rassemblant ses os ?

Mais moi, m'avez-vous bien vu, moi,
Que personne jamais ne croit ?

Maurice Carême

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Fantaisie

L'homme habitait un quart de pomme ;
La femme, un huitième de poire.
Leur vieille cousine Opportune
Vaquait dans une demi-prune.
Il y avait monsieur Léon
Qui débordait d'un gros citron
Et sa soeur, madame Émérence,
Qui emplissait toute une orange.
Quant à moi, chétive fillette,
Je tenais dans une noisette
Et, comme je n'étais pas grosse,
Il arrivait, les jours de fête,
Que je m'y déplace en carrosse.

Maurice Carême

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Mon petit chat

J’ai un petit chat,
Petit comme ça.
Je l’appelle Orange.

Je ne sais pourquoi
Jamais il ne mange
Ni souris ni rat.

C’est un chat étrange
Aimant le nougat
Et le chocolat.

Mais c’est pour cela,
Dit tante Solange,
Qu’il ne grandit pas !

Maurice Carême ("La lanterne magique" - éditions Ouvrières, 1947)

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L’ogre

J’ai mangé un œuf
Deux langues de bœuf
Trois rôtis de mouton
Quatre gros jambons
Cinq rognons de veau
Six couples d’oiseaux
Sept immenses tartes
Huit filets de carpe
Neuf kilos de pain
Et j’ai encore faim
Peut-être ce soir
Vais-je encore devoir
Manger mes deux mains
Pour avoir enfin
Le ventre bien plein.

Maurice Carême ("L'Arlequin" -  éditions Fernand Nathan, 1970)
Voir aussi les comptines numériques  en page 1.

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Trois escargots

J'ai rencontré trois escargots
Qui s'en allaient cartable au dos
Et dans le pré trois limaçons
Qui disaient par cœur leur leçon.
Puis dans un champ, quatre lézards
Qui écrivaient un long devoir.
Où peut se trouver leur école ?
Au milieu des avoines folles ?
Et leur maître est-il ce corbeau
Que je vois dessiner là-haut
De belles lettres au tableau ?

Maurice Carême

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Un poème pour mémoriser une règle d'orthographe en s'amusant :

Le hibou

Caillou, genou, chou, pou, joujou, bijou,
Répetait sans fin le petit hibou.

Joujou, bijou, pou, chou, caillou, genou
Non, se disait-il, non, ce n' est pas tout.

Il y en a sept pourtant, sept en tout :
Bijou, caillou, pou, genou, chou, joujou.

Ce n' est ni bambou, ni clou, ni filou
Quel est donc le septième ? Et le hibou,

La patte appuyée au creux de sa joue,
Se cachait de honte à l'ombre du houx.

Et il se désolait, si fatigué
Par tous ses
devoirs de jeune écolier

Qu' il oubliait, en regardant le ciel
Entre les branches épaisses du houx

Que son nom, oui, son propre nom, hibou,
Prenait, lui aussi, un X au pluriel.

Maurice Carême

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Ce qui est comique

Savez-vous ce qui est comique ?
Une oie qui joue de la musique,
Un pou qui parle du Mexique,
Un bœuf retournant l'as de pique,
Un clown qui n'est pas dans un cirque,
Un âne chantant
un cantique,
Un loir champion olympique.
Mais ce qui est le plus comique,
C'est d'entendre un petit moustique
Répéter son arithmétique.

Maurice Carême

logo_cr_ation_po_tique "Savez-vous ce qui est comique...?"

Imaginer encore (les rimes en ique sont nombreuses), ce qui peut être comique.

Construire d'autres poèmes avec ce qui est amusant (rimes simples encore plus nombreuses) ; ce qui est drôle, et puis toujours avec humour, ce qui est agaçant, énervant, insupportable, étonnant, possible ou impossible, incroyable, inadmissible, etc.

Ici encore on pourrait imaginer un genre de Cadavre exquis (voir André Breton plus haut) en deux étapes pour les vers du poème (dans l'exemple, la séparation est indiquée par / ), en respectant la  rime dans la seconde partie du vers  (avec les élèves plus grands on peut même décider du nombre de syllabes de chaque partie). On gardera le maximum de productions correctes en réorganisant peut-être le poème et on imaginera collectivement la chute, si chute il y a ("Mais ce qui est le plus agaçant... c'est ...")

ex : Ici, avec "Ce qui est agaçant", on a essayé d'imaginer, sans savoir quel serait le sujet, des situations en rapport avec le thème. Dans la consigne, si on ne décide pas du singulier ou du pluriel (ça laisse plus de champ), on accordera grammaticalement lors de la mise au point, dans chaque doublette de Cadavre exquis ou en grand groupe  :

Un kangourou / qui vous fait perdre votre temps
Une tortue  / qui ne se lave pas les dents
Une fleur fanée  / qui prend son bain en chantant ...

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Deux petits éléphants

C’était deux éléphants
Deux petits éléphants tout blancs.

Lorsqu’ils mangeaient de la tomate
Ils devenaient tout écarlates.

Dégustaient-ils un peu d’oseille,
On les retrouvait vert bouteille.

Suçaient-ils une mirabelle,
Ils passaient au jaune de miel.

On leur donnait alors du lait,
Ils redevenaient d’un blanc frais
.

Mais on les gava, près d’Angkor,
Pour le mariage d’un raja,

D’un grandsachet de poudre d’or.
Et ils brillèrent, ce jour-là,

D’un tel éclat que plus jamais,
Même en buvant des seaux de lait,

Ils ne redevinrent tout blancs,
Ces jolis petits éléphants.

Maurice Carême ("Pomme de reinette" - Fondation Maurice Carême, 1962)

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L'heure du crime

Minuit. Voici l'heure du crime.
Sortant d'une chambre voisine,
Un homme surgit dans le noir.

Il ôte ses souliers,
S'approche de l'armoire
Sur la pointe des pieds
Et saisit un couteau
Dont l'acier luit, bien aiguisé.

Puis, masquant ses yeux de fouine
Avec un pan de son manteau,
Il pénètre dans la cuisine
Et, d'un seul coup, comme un bourreau
Avant que ne crie la victime,
Ouvre le cœur d'un artichaut.

Maurice Carême ("Au clair de la lune" - éditions Hachette, Le Livre de Poche jeunesse, 2003)

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L'enfant

À quoi jouait-il cet enfant ?
Personne n'en sut jamais rien
On le laissait seul dans un coin
Avec un peu de sable blanc.

On remarquait bien, certains jours,
Qu'il arquait les bras tels des ailes
Et qu'il regardait loin, très loin,
Comme du sommet d'une tour.

Mais où s'en allait-il ainsi
Alors qu'on le croyait assis ?
Lui-même le sut-il jamais ?

Dès qu'il refermait les paupières,
Il regagnait le grand palais
D'où il voyait toute la mer.

Maurice Carême ("Mer du Nord" - album en 1968 et éditions Nathan, 1971, dessins originaux de Henri-Victor Wolvens)

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Ton poème

Ton poème, m'a dit l'enfant,
J'en ferai un petit bateau,
Et il ira si loin sur l'eau
En bavardant avec les vents,
Il contournera tant d'îlots,
Qu'il rencontrera le cobra
Qui joue de la flûte d'ébène
Pour faire danser les rajas
Dont tu parles dans ton poème.

Maurice Carême ("La cage aux grillons" - 1959, Paris, Les Editions ouvrières, 1973)

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La tranche de pain

Un enfant seul,
Tout seul avec en main
Une belle tranche de pain,
Un enfant seul
Avec un chien
Qui le regarde comme un dieu
Qui tiendrait dans sa main
La clé du paradis des chiens.
Un enfant seul
Qui mord dans sa tranche de pain,
Et que le monde entier
Observe pour le voir donner
Avec simplicité,
Alors qu'il a très faim,
La moitié de son pain
Bien beurré à son chien.

Maurice Carême ("Au clair de la lune" - éditions Hachette, Le Livre de Poche jeunesse, 2003)

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Ma gomme

Avec ma gomme, dit l’enfant
- La gomme que j’ai dans le cœur -
Je puis rayer tous les malheurs.

Avec ma gomme, dit l’enfant,
Je pourrais faire disparaître
L’univers et tous ses vivants.

Mais qui jamais sur cette terre
- Fût-il le Dieu le plus fûté -
Serait capable d’effacer

Avec sa gomme de lumière
Le beau visage de ma mère
Du livre de l’éternité !

Maurice Carême

poèmes © Fondation Maurice Carême

Merci à la Fondation Maurice Carême, pour avoir signalé les erreurs dans plusieurs textes (on trouve souvent sur Internet les poèmes de Maurice Carême grossièrement déformés. Par respect pour les auteurs, lieucommun s'efforce de proposer les textes dans leur écriture originale - http://www.mauricecareme.be/fondation.php



1 novembre 2009

Cendrars, Chaponnière - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS


- Blaise Cendrars -

Blaise Cendrars (1887-1961), poète suisse, puis français, fut "le poète de la Fête et de l'Aventure" (JP Rosnay).

 

livre_Cendrars_oiseau_bleu

L’oiseau bleu

Mon oiseau bleu a le ventre tout bleu
Sa tête est d’un vert mordoré
Il a une tache noire sous la gorge
Ses ailes sont bleues avec des touffes de petites plumes jaune doré
Au bout de la queue il y a des traces de vermillon
Son dos est zébré de noir et de vert
Il a le bec noir, les pattes incarnat et deux petits yeux de jais
Il adore faire trempette, se nourrit de bananes et pousse un cri
Qui ressemble au sifflement d’un petit jet de vapeur
On le nomme le septicolore.


Blaise Cendrars (première parution dans le recueil "Feuilles de route", Au Sans Pareil, 1924 / puis aux éditions Denoël, 1970 / et ce poème constitue le texte de "L'oiseau bleu" - Rue du Monde, collection "Petits Géants", 2001, illustrations de Nathalie Novi - voir image ci-dessus)

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Plus que le voyage, le départ ... On songe au "Bateau ivre" de Rimbaud (voir le paragraphe). Ces poèmes renvoient aux rêves d'ailleurs, aux désirs d'évasion de l'enfance et de l'adolescence.

Prose du Transsibérien (début de ce long poème en prose)

En ce temps-là, j'étais en mon adolescence
J'avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de mon enfance
J'étais à 16 000 lieues du lieu de ma naissance
J'étais à Moscou dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares
Et je n'avais pas assez des sept gares et des mille et trois tours
Car mon adolescence était si ardente et si folle
Que mon coeur tour à tour brûlait comme le temple d' Ephèse ou comme la Place Rouge de Moscou quand le soleil se couche.
Et mes yeux éclairaient des voies anciennes.
Et j'étais déjà si mauvais poète
Que je ne savais pas aller jusqu'au bout. Le Kremlin était comme un immense gâteau tartare croustillé d'or,
Avec les grandes amandes des cathédrales, toutes blanches
Et l'or mielleux des cloches...
Un vieux moine me lisait la légende de Novgorode
J'avais soif
Et je déchiffrais des caractères cunéiformes
Puis, tout à coup, les pigeons du Saint- Esprit s'envolaient sur la place
Et mes mains s'envolaient aussi avec des bruissements d'albatros
Et ceci, c'était les dernières réminiscences
Du dernier jour
Du tout dernier voyage
Et de la mer.

Pourtant, j'étais fort mauvais poète.
Je ne savais pas aller jusqu'au bout.
J'avais faim.

(...)


Blaise Cendrars ("Prose du Transsibérien", Éditions des Hommes Nouveaux, 1913)



- Pernette Chaponnière -

Pernette Chaponnière est née en 1915 en Suisse. Elle est auteure de romans, de livres pour enfants et de pièces de théâtre.

La neige

Regardez la neige qui danse
Derrière le carreau fermé.
Qui là-haut peut bien s'amuser
A déchirer le ciel immense
En petits morceaux de papier ?

Pernette Chaponnière ("L'Écharpe d'Iris" - éditions Hachette, 1990)

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 Le sapin de Noël (ou le petit sapin sous la neige)

Le petit sapin sous la neige
Rêvait aux beaux étés fleuris.
Bel été quand te reverrai-je ?
Soupirait-il sous le ciel gris.

Dis moi quand reviendra l’été !
Demandait-il au vent qui vente
Mais le vent sans jamais parler
S’enfuyait avec la tourmente.

Vint à passer sur le chemin
Un gaillard à grandes moustaches
Hop là ! en deux coups de sa hache,
A coupé le petit sapin.

Il ne reverra plus l’été ,
Le petit sapin des montagnes,
Il ne verra plus la gentiane,
L’anémone et le foin coupé.

Mais on l’a paré de bougies,
Saupoudré de neiges d’argent.
Des clochettes de féerie
Pendent à ses beaux rameaux blancs.

Le petit sapin de Noël
Ne regrette plus sa clairière
Car il rêve qu’il est au ciel
Tout vêtu d’or et de lumière.

Pernette Chaponnière ("Vingt Noëls pour les enfants" - Éditions de la Baconnière, 1985)

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Les feuilles mortes

Tombent, tombent les feuilles rousses,
J'entends la pluie sur la mousse.

Tombent, tombent les feuilles molles,
J'entends le vent qui s'envole.

Tombent, tombent les feuilles d'or,
J'entends l'été qui s'endort.

Tombent, tombent les feuilles mortes,
J'entends l'hiver à ma porte.

Pernette Chaponnière ("L'écharpe d'iris" - Ed Hachette)



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