- Henri Michaux -
Henri Michaux (1899-1984) est né en Belgique. Il a acquis en 1955 la nationalité française. Il découvre Lautréamont (Les chants de Maldoror), dont on retrouve l'empreinte dans son œuvre écrite poétique, à la marge du Surréalisme. Il écrit des carnets de voyages (Écuador), d'autres récits, imaginaires ceux-là, de voyages (en Asie notamment), et des récits de ses expériences avec les drogues ...
Voir sur ce blog la catégorie qui lui est consacrée : HENRI MICHAUX et ses "Propriétés"
J'ai eu l'opportunité d'assister à la lecture de textes d'Henri Michaux (extraits du recueil Plume) par Mickael Lonsdale, il y a quelques années.
On s'essaiera, avec de grands élèves, à la lecture à voix haute de ces textes hautement colorés, au lexique exhubérant :
Le grand combat
Il l'emparouille et l'endosque contre terre ;
Il le rague et le roupéte jusqu'à son drâle ;
Il le pratéle et le libucque et lui baroufle les ouillais ;
Il le tocarde et le marmine,
Le manage rape à ri et ripe à ra.
Enfin il l'écorcobalisse.
L'autre hésite, s'espudrine, se défaisse, se torse et se ruine.
C'en sera bientôt fini de lui ;
Il se reprise et s'emmargine... mais en vain
Le cerveau tombe qui a tant roulé.
Abrah ! Abrah ! Abrah !
Le pied a failli !
Le bras a cassé !
Le sang a coulé !
Fouille, fouille, fouille,
Dans la marmite de son ventre est un grand secret.
Mégères alentours qui pleurez dans vos mouchoirs;
On s'étonne, on s'étonne, on s'étonne
Et on vous regarde,
On cherche aussi, nous autres le Grand Secret.
Henri Michaux ("Qui je fus" - NRF, 1927, paru en Poésie-Gallimard)
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Mes occupations
Je peux rarement voir quelqu'un sans le battre. D'autres préfèrent le monologue intérieur. Moi, non. J'aime mieux battre.
Il y a des gens qui s'assoient en face de moi au restaurant et ne disent rien, ils restent un certain temps, car ils ont décidé de manger.
En voici un.
Je te l'agrippe, toc.
Je te le ragrippe, toc.
Je le pends au porte-manteau.
Je le décroche.
Je le repends.
Je le redécroche.
Je le mets sur la table, je le tasse et l'étouffe.
Je le salis, je l'inonde.
Il revit.
Je le rince, je l'étire (je commence à m'énerver, il faut en finir), je le masse, je le serre, je le résume et l'introduis dans mon verre, et jette ostensiblement le contenu par terre, et dis au garçon : " Mettez-moi donc un verre plus propre. "
Mais je me sens mal, je règle promptement l'addition et je m'en vais.
Henri Michaux ("La nuit remue" - NRF, 1937, paru également en Poésie-Gallimard)
- Michel Monnereau -
Michel Monnereau, est un écrivain et journaliste français, né en 1948.
Dernier roman : "On s'embrasse pas" (La Table Ronde, 2007) ; dernier recueil de poèmes : "27 poèmes pour la route" (L’épi de seigle, collection Poésie jeunesse, 2008).
Un soir... (titre proposé)
Un soir les diligences roulaient sur le toit
les cochers avaient le sang à la tête
les chevaux usaient poil à poil leur crinière.
A l'auberge les palefreniers marchaient sur la tête.
les tables, les quatre fers en l'air,
supportaient ainsi les verres.
Les bougies fondaient en larmes.
les chats se déplaçaient par roulades.
les œufs tombaient des nids.
La lune était accrochée par une ficelle.
Une pendule hoquetait.
Le vin ne restait pas sur l'estomac...
- Enfin, me dit ma mère,
tu vois bien que tu tiens ton livre à l'envers.
Michel Monnereau ("L'arbre à poèmes" - Nouveaux Cahiers de Jeunesse, 1973
- Jean-Luc Moreau -
Jean-Luc Moreau est né en 1937.
<< Les Poèmes de la souris verte (Le livre de Poche Jeunesse, Hachette - Fleurs d'encre, édition 2003 illustrée par Marie-Aude Waymel) - environ 190 pages, 5 € en librairie.
Poète et universitaire, il a publié des histoires et des poèmes pour les enfants et les adolescents, (L'arbre perché, Poèmes à saute-mouton, Devinettes, Les Poèmes de la souris verte, Dans ma famille* ), pour les plus grands (La Bride sur le cœur, Sous le masque des mots), ainsi que des anthologies et des traductions de poèmes. On trouve d'autres textes de cet auteur dans d'autres catégories du blog.
* dernier recueil pour les enfants paru : Dans ma famille (illustré par Eva Offredo, collection Gautier-Languereau, 2008) - environ 30 pages et 5 € en librairie.
Ce premier texte se trouve dans le recueil Les Poèmes de la souris verte, au chapitre "Le carré de l'hypoténuse"
Locataires
J'ai dans mon cartable
(C'est épouvantable !)
Un alligator
Qui s'appelle Hector.
J'ai dans ma valise
(Ça me terrorise !)
Un éléphant blanc
Du nom de Roland.
J'ai dans mon armoire
(Mon Dieu, quelle histoire !)
Un diplodocus
Nommé Spartacus.
Mais pour moi le pire,
C'est sous mon chapeau
D'avoir un vampire
Logé dans ma peau.
Jean-Luc Moreau ("Les Poèmes de la souris verte" Le livre de Poche Jeunesse Hachette - Fleurs d'encre, 1992 et 2003)
Poèmes à la manière de "J'ai dans mon cartable..."
En utilisant la structure et l'esprit de ce poème, un document présente la démarche pédagogique d'une séance ICI (à partir de la page 28). Voyez aussi un travail réalisé ICI par des élèves de CE1, dans un CM2 ICI, ou encore ICI dans un CP.
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La cour de mon école
La cour de mon école
Vaut bien, je crois,
La cour de Picrochole,
Le fameux roi :
Elle est pleine de charme,
Haute en couleur;
On y joue aux gendarmes
Et aux voleurs;
Loin des Gaulois, des Cimbres
Et des Teutons,
On échange des timbres,
À croupetons;
Des timbres des Antilles,
De Bornéo…
Et puis on joue aux billes
Sous le préau.
Qu'on ait pris la Bastille,
C'est merveilleux,
Mais que le soleil brille,
C'est encor mieux !
Orthographe et problèmes
Sont conjurés.
École, ah ! que je t'aime
À la récré !
Jean-Luc Moreau ("Les Poèmes de la souris verte" Le livre de Poche Jeunesse Hachette - Fleurs d'encre, 1992 et 2003)
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Le cerf-volant
Soulevé par les vents
Jusqu'aux plus haut des cieux,
Un cerf-volant plein de superbe
Vit, qui dansait au ras de l'herbe,
Un petit papillon, tout vif et tout joyeux.
- Holà ! minable animalcule,
cria du zénith l'orgueilleux,
Ne crains-tu pas le ridicule ?
Pour te voir, il faut de bons yeux
Tu rampes comme un ver...
Moi je grimpe je grimpe
Jusqu'à l'Olympe,
Séjour des dieux.
- C'est vrai, dit l'autre avec souplesse,
Mais moi, libre, à mon gré,
je peux voler partout,
Tandis que toi, pauvre toutou,
Un enfant te promène en laisse.
Jean-Luc Moreau (dans "La poésie comme elle s' écrit" de Jacques Charpentreau - Collection Enfance heureuse - Éditions ouvrières, 1979)
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La télévision
Quand on branche la télé,
Mes amis, quel défilé !
Le négus, le roi d’Écosse,
De vieux gus et de grands gosses,
Cendrillon dans son carrosse,
La véloce Carabosse
Chevauchant son balai-brosse,
Des prélats, des porte-crosses,
De beaux blonds, des rousses rosses,
Des colosses,
Des molosses,
Des rhinocéros atroces...
Et quand c’est le plus joli :
« Les enfants ! C’est l’heure ! Au lit ! »
Jean-Luc Moreau (dans "La poésie comme elle s' écrit" de Jacques Charpentreau - Collection Enfance heureuse - Éditions ouvrières, 1979)
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Chanson de l'heure qu'il est
- Monsieur, Monsieur , s'il vous plaît,
Dites-nous qu'elle heure il est !
- Il est ma petite fille
L'heure où l'escargot s'habille ;
Il est, mon petit garçon
L'heure où sort le limaçon,
L'heure étrange et solennelle
Où chantent les coccinelles
Où la puce et ses enfants
Vont dîner chez l'éléphant ;
Il est l'heure où la panthère
Épouse un coléoptère,
L'heure où tout peut arriver...
Où je dors... où vous rêvez...
Jean-Luc Moreau
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Trois petits pantins
Dans le clair matin,
Quand le lac est lisse,
Pétris de malice,
Trois petits pantins,
Trois gentils lutins
Quittent leur pelisse,
Trois lutins mutins
Mettent leurs patins.
Alors - ô délice,
O rire argentin !
Charmant tableautin,
Sur la glace glissent
Trois petits lutins
Malins comme Ulysse,
Trois beaux diablotins
Au rire enfantin
Dans le clair matin.
Jean-Luc Moreau ("L'Arbre perché" - Enfance heureuse, Éditions ouvrières, 1976)
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Si ...
Si la sardine avait des ailes,
Si Gaston s'appelait Gisèle,
Si l'on pleurait lorsque l'on rit,
Si le Pape habitait Paris,
Si l'on mourait avant de naître,
Si la porte était la fenêtre,
Si l'agneau dévorait le loup,
Si les Normands parlaient zoulou,
Si la Mer Noire était la Manche,
Et la Mer Rouge la Mer Blanche,
Si le monde était à l'envers,
Je marcherais les pieds en l'air,
Le jour je garderais la chambre,
J'irais à la plage en décembre,
Deux et un ne feraient plus trois...
Quel ennui ce monde à l'endroit !
Jean-Luc Moreau ("L'Arbre perché" - Collection Enfance heureuse, Éditions ouvrières, 1976)
Poèmes à la manière de "Si ..."
À partir de ce texte, des élèves de classe unique ont imaginé... ICI
Voir aussi le texte Avec des si ... de Claude Roy
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L'oncle Octave
J'ai bourlingué, dit l'oncle Octave,
De Vancouver à Tamatave,
De ShangaÏ au Cap et jusqu'à
San José de Costa Rica.
Souventes fois je rêve encore
DeTimor et de Travancore,
Mais sachez-le, par-dessus tout
J'aime le Perche et le Poitou.
Jean-Luc Moreau ("L'Arbre perché" - Collection Enfance heureuse, Éditions ouvrières, 1976)
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Une comptine pour les petits :
Quand le chat…
Quand
le chat
met ses
chaussettes,
c’est
la fête
aux sou-
ricettes.
Quand
le chat
joue au
cerceau,
c’est
la fête
aux sou-
riceaux.
Jean-Luc Moreau ("L'Arbre perché" - Collection Enfance heureuse, Éditions ouvrières, 1976)
Comptine à la manière de "Quand le chat..."
Cette petite comptine permet la création poétique de construction simple avec des noms d'animaux, prédateurs et proies potentielles, en utilisant rimes ou assonances :
Quand le lion joue à la marelle / c'est la fête à la gazelle
Quand le lion joue à la belote / c'est la fête à l'antilope
[exemple proposé par le blog]
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Voici deux fables ou contrefables, allez savoir, qu'on trouve parmi d'autres dans le chapitre "Le Bidule et le Machinchose (Fables et contrefables)" du recueil "Les Poèmes de la souris verte" :
L'éléphant rose et la souris blanche
L'éléphant rose, un jour bouscula la souris
(pour un éléphant rose ,il était un peu gris !) ;
la souris quoique blanche, en eut une peur bleue,
(surtout que le balourd lui marcha sur la queue !)
"madame, excusez-moi, vraiment je suis navré..."
(il était si confus qu'il en aurait pleuré!)
Un éléphant qui pleure, est-il pire infortune ?
La souris toute émue, oublia sa rancune :
"Ce n'est rien, lui dit-elle en le réconfortant,
J'aurais pu vous en faire autant."
On tirera de cette histoire
une double moralité :
d'abord qu'un éléphant ne doit jamais trop boire
(et cela ne pas hésiter à le dire, à le répéter !)
mais surtout que ma souris blanche
est un fort bon exemple à donner aux enfants :
pour peu qu'elle eut pris sa revanche,
qu'eussions-nous fait de l'éléphant ?
Jean-Luc Moreau ("Les Poèmes de la souris verte" Le livre de Poche Jeunesse Hachette - Fleurs d'encre, 1992 et 2003)
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L'hippopotame
Par la Seine un hippopotame
S’en vint un jour jusqu’à Paname.
Il descendit dans le métro,
Changea même à Trocadéro
Mais quand il fut à la Concorde,
Il s’écria: «Miséricorde !»
Et par la Porte des Lilas
S’en alla.
Jean-Luc Moreau ("L'Arbre perché" - Collection Enfance heureuse, Éditions ouvrières, 1976)
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Le renard et le corbeau
ou si l'on préfère
la (fausse) poire et le (vrai) fromage
Or donc, Maître Corbeau,
Sur son arbre perché, se disait: « Quel dommage
Qu'un fromage aussi beau,
Qu'un aussi beau fromage
Soit plein de vers et sente si mauvais.
Tiens ! voilà le renard : je vais,
Lui qui me prend pour une poire,
Lui jouer, le cher ange, un tour de ma façon.
Ça lui servira de leçon ! »
Passons sur les détails, vous connaissez l'histoire
Le discours que le renard tient,
Le corbeau qui ne répond rien
(Tant il rigole !),
Bref, le fromage dégringole...
Depuis, le renard n'est pas bien ;
Il est malade comme un chien.
Jean-Luc Moreau ("Les Poèmes de la souris verte" Le livre de Poche Jeunesse Hachette - Fleurs d'encre, 1992 et 2003)