Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

lieu commun

15 mai 2009

Guy de MAUPASSANT - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Guy de Maupassant (1850-1893) est un écrivain romancier (Une vie, Bel ami) ; auteur de nouvelles (Boule de Suif , Les Contes de la bécasse). On connaît moins son œuvre poétique. Il écrit des poésies dès son adolescence, et en publie dans des revues, mais le premier recueil  "Des vers" ne paraît qu'en 1880.

Les passages en couleur de la poésie qui suit sont proposés aux élèves d'élémentaire :

Nuit de neige

La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.
Mais on entend parfois, comme une morne plainte,
Quelque chien sans abri qui hurle au coin d'un bois.

Plus de chansons dans l'air, sous nos pieds plus de chaumes.
L'hiver s'est abattu sur toute floraison ;
Des arbres dépouillés dressent à l'horizon
Leurs squelettes blanchis ainsi que des fantômes.

La lune est large et pâle et semble se hâter.
On dirait qu'elle a froid dans le grand ciel austère.
De son morne regard elle parcourt la terre,
Et, voyant tout désert, s'empresse à nous quitter.

Et froids tombent sur nous les rayons qu'elle darde,
Fantastiques lueurs qu'elle s'en va semant ;
Et la neige s'éclaire au loin, sinistrement,
Aux étranges reflets de la clarté blafarde.

Oh ! la terrible nuit pour les petits oiseaux !
Un vent glacé frissonne et court par les allées ;
Eux, n'ayant plus l'asile ombragé des berceaux,
Ne peuvent pas dormir sur leurs pattes gelées.

Dans les grands arbres nus que couvre le verglas
Ils sont là, tout tremblants, sans rien qui les protège ;
De leur œil inquiet ils regardent la neige,
Attendant jusqu'au jour la nuit qui ne vient pas
.

Guy de Maupassant ("Des vers", 1880)

----------------------------------------

Le moulin

(fragment) 

                       ... Tandis que devant moi,
Dans la clarté douteuse où s'ébauchait sa forme,
Debout sur le coteau comme un monstre vivant
Dont la lune sur l'herbe étalait l'ombre énorme,
Un immense moulin tournait ses bras au vent.
D'où vient qu'alors je vis, comme on voit dans un songe
Quelque corps effrayant qui se dresse et s'allonge
Jusqu'à toucher du front le lointain firmament,
Le vieux moulin grandir si démesurément
Que ses bras, tournoyant avec un bruit de voiles,
Tout à coup se perdaient au milieu des étoiles,
Pour retomber, brillant d'une poussière d'or
Qu'ils avaient dérobée aux robes des comètes?
Puis, comme pour revoir leurs sublimes conquêtes,
A peine descendus, ils remontaient encor.

Guy de Maupassant ("Le moulin" a été publié par le journal Le Gaulois en 1897)



Publicité
15 mai 2009

Pierre MENANTEAU - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Pierre Menanteau (1895-1992) est très présent sur ce blog, dans les poésies pour la classe.

Qu’elle est belle la Terre

Qu’elle est belle la Terre, avec ses vols d’oiseaux
Qu’on entrevoit soudain à la vitre de l’air,
Avec tous ses poissons à la vitre de l’eau !
La peur les force vite à chercher un couvert
Et l’homme reste seul derrière le rideau.

Qu’elle est belle la Terre, avec ses animaux,
Avec sa cargaison de grâce et de mystère !
Le poète se tient à la vitre des mots.
Cette beauté qu’il chante, il la donne à son frère
Qui se lave les yeux dans le matin nouveau.

Pierre Menanteau ("Bestiaire pour un Enfant Poète" - Seghers 1958)

----------------------------------------

Ah ! que la Terre est belle

Ah ! que la Terre est belle.
Crie une voix là-haut,
Ah ! que la Terre est belle.
Sous le beau soleil chaud !

Elle est encore plus belle,
Bougonne l’escargot
Elle est encore plus belle
Quand il tombe de l’eau.

Vue d’en bas, vue d’en haut,
La Terre est toujours belle
Et vive l’hirondelle
Et vive l’escargot.

Pierre Menanteau ("Bestiaire pour un enfant poète" - éditions Pierre Seghers, 1958)


15 mai 2009

Henri MICHAUX - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Henri Michaux (1899-1984), né en Belgique, a acquis en 1955 la nationalité française.
Il découvre Lautréamont (Les chants de Maldoror), dont on retrouve l'empreinte dans son œuvre écrite poétique, à la marge du Surréalisme. Il écrit des carnets de voyages qu'il a réellement effectués ("Écuador", "Un Barbare en Asie"), mais où l'imaginaire transfigure le réel ; d'autres encore en contrées totalement imaginaires (la "Grande-Garabagne"), réunis dans le recueil "Ailleurs".

"De l'Équateur à la Grande Garabagne, de l'expérience de la mescaline au dessein d'une écriture universelle, de la rêverie éveillée du «sportif au lit» aux songes, tout est voyage, exploration de nouveaux territoires, d'autres paysages mentaux dans l'œuvre de Henri Michaux. Ailleurs (1948), qui réunit Voyage en Grande Garabagne ; Au pays de la Magie  et Ici, Poddema ; ne forme qu'une étape sur son itinéraire: il n'est pas le livre de celui qui manque de pérégrinations et tente de s'évader, mais bien le rejeton engendré par la perplexité d'un voyageur trop souvent déçu par le réel, qui découvre, à l'instar de Claude Lévi-Strauss, que tout voyage est avant tout exploration de soi." (Henri Michaux et les "états-tampons", aspects du voyage imaginaire dans "Ailleurs" - étude de Nicolas Ragonneau paru dans la revue "Textyles" 12: «Voyages, Ailleurs», Pierre Halen éditeur, 1995)

On trouve dans l'œuvre de Michaux une grande inventivité de langage (Nicolas Ragonneau note 82 mots inventés dans "Ailleurs").

Quelques titres : Écuador (1929) ; Un Barbare en Asie (1933) ;  La nuit remue (1935) ; Voyage en Grande Garabagne (1936) ; Plume, précédé de Lointain intérieur (1938) ; Au pays de la magie (1941) ; Je vous écris d'un pays lointain (1942) ;  Arbres des tropiques (1942) ; L'Espace du dedans (1944) ; Ici, Poddema (1946) ; Ailleurs (1948) ; La vie dans les plis (1949) ; Passages (1950) ; Connaissance par les gouffres (1961).

Voir sur ce blog la catégorie qui lui est consacrée  : HENRI MICHAUX et ses "Propriétés"

 - - - - - - - - - - - - - -

Arbres des tropiques (passages)

Arbre blasphémateur. Arbre après la transe. Épouvante-arbre.
Arbre hurleur, tripes dehors, tripes de la lamentation.
Arbre à lance, arbre pieuvre, arbre exorbitant.
Arbre obèse, arbre bouteille.
[...]
Arbre à feuilles nageoires, arbre à palmes.
Arbre portant haltères, portant battoirs, portant fourches.
[...]

Henri Michaux ("Arbres des tropiques", éditions Gallimard, 1942)

PP_11_image_blogUne piste pour la création poétique avec ce texte :
On jouera sur les transformations, les métamorphoses possibles des arbres, pour la création poétique et la création graphique.
D'autres éléments du paysage, naturels ou artificiels, peuvent se prêter à l'exercice : nuage, fleuve, maison, ville, océan...

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Les deux passages qui suivent sont tirés, le premier, de la préface du recueil "Ailleurs", et le second de "Passages". Henri Michaux y présente ses pays imaginaires comme des contrées qu'il a parcourues, et en explique les raisons :

"L’auteur a vécu très souvent ailleurs : deux ans en Garabagne, à peu près autant au pays de la magie, un peu moins à Poddema. Ou beaucoup plus.
Les dates précises manquent. Ces pays ne lui ont pas toujours excessivement plu. Par endroits, il a failli s’y apprivoiser. Pas vraiment. Les pays, on ne saurait assez s’en méfier".

Henri Michaux (préface de l'auteur pour son recueil Ailleurs, 1948)

- - - - - - -

"Mes pays imaginaires: pour moi une sorte d'États-tampons, afin de ne pas souffrir de la réalité.
En voyage où presque tout me heurte, ce sont eux qui prennent les heurts, dont j'arrive alors, moi, à voir le comique, à m'amuser...
"

Henri Michaux ("Passages", 1950).

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Contre !

Je vous construirai une ville avec des loques, moi !
Je vous construirai sans plan et sans ciment
Un édifice que vous ne détruirez pas,
Et qu’une espèce d’évidence écumante
Soutiendra et gonflera, qui viendra vous braire au nez,
Et au nez gelé de tous vos Parthénons, vos arts arabes, et de vos Mings

Avec de la fumée, avec de la dilution de brouillard
Et du son de peau de tambour,
Je vous assoierai des forteresses écrasantes et superbes,
Des forteresses faites exclusivement de remous et de secousses,
Contre lesquelles votre ordre multimillénaire et votre géométrie
Tomberont en fadaises et galimatias et poussière de sable sans raison
[...]


Henri Michaux ("La nuit remue" - Gallimard, 1935) 

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Dans ce pays, il n'y a pas de feuilles... (titre suggéré)

Dans ce pays, il n'y a pas de feuilles. J'ai parcouru plusieurs forêts. Les arbres paraissent morts. Erreur. Ils vivent. Mais ils n'ont pas de feuilles.
La plupart, avec un tronc très dur, vous ont partout des appendices minces comme des peaux. Les Barimes semblables à des spectres, tout entiers couverts de ces voiles végétaux; on les soulève, on veut voir la personne cachée. Non, dessous, ce n'est qu'un tronc
.
[...]

D'autres avec de grandes branches dansantes, souples comme tout, serpentines.
D'autres avec de courts rameaux fermes et tout en fourchettes.
D'autres, chaque année, forment un dôme ligneux. On en rencontre d'énormes, des vieux, carapace sur carapace, et s'il vient un incendie de forêt (on ne sait ce qu'ils ont), ils cuisent là à petit feu, tout seuls, pendant des six, sept semaines, alors que tout autour d'eux, sur des lieues de parcours, ce n'est que cendre grise et froid de la nature minérale.
D'autres qui se tendent sous la pluie comme des courroies et grincent; on se croirait dans une forêt en cuir.
Les arbres à chapelet et les arbres à relais.
Les arbres à boules terminales creuses, munies de deux rubans. Par grand vent étaient emportées ces boules, et volaient, ou plutôt flottaient lentement, semblables à des poissons, des poissons qui vont enfin regagner la rivière après un voyage pénible, mais le vent les chassait et elles allaient s'empaler sur les arbres à fourchettes, ou roulaient à terre par centaines, formant un immense plancher de billes, se bousculant et comme rieuses.
Les Badèges ont des racines grimpantes. Une racine sort tout à coup, vient s'appuyer contre une branche d'un air décidé, l'air d'une monstrueuse carotte.
Il y en a d'autres, l'écorce de leur tronc s'ouvre le jour, comme des capots d'automobiles avec leurs fentes d'aération; puis la nuit se ferment strictement et jamais on ne croirait qu'ils se sont jamais ouverts. Les indigènes se nourrissent d'une amande dont l'enveloppe est extrêmement dure. Ils la mettent l'après-midi dans les fentes de l'arbre et la retirent le matin, broyée, prête à être mangée.
L'arbre le plus agréable c'est le Vibon. L'arbre à laine. On voudrait vivre dans sa couronne. Quantité innombrable de rameaux ont ses branches, et chacune sécrète une antenne de laine, si bien qu'il y a là une grosse tête laineuse. C'est le Bouddha de la forêt. Mais il arrive que les Balicolica (ce sont des oiseaux) y viennent habiter. Ils crottent partout. Alors c'est une odeur infecte qui se forme là, et il faut brûler l'arbre.

Henri Michaux ("Mes propriétés" - chapitre Notes de Botanique, Gallimard, 1938) 

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Avec la traversée de l'Équateur, l'ouvrage "Ecuador" (1929) inaugure les recueils de voyage d'Henri Michaux, dans lesquels la fine observation, l'imagination et le subjectivisme exacerbé s'interpénètrent.   

Équateur

Équateur, Équateur, j'ai pensé bien du mal de toi.
Toutefois, quand on est près de s'en aller... et revenant à cheval à l'hacienda par un clair de lune comme je fais ce soir (ici les nuits sont toujours claires, sans chaleur, bonnes pour le voyage) avec le Cotopaxi dans le dos, qui est rose à six heures et demie et seulement une masse sombre à cette heure... mais il y a des mois que je ne le regarde plus...
Équateur, tu es tout de même un sacré pays. [...]

Henri Michaux ("Ecuador", éditions Gallimard, 1929)
 

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

La forêt

Et l'on rentre dans la forêt. Cette forêt est chauffée. Immense appartement. On se méfie. On est mal à l'aise. C'est la forêt tropicale.
[...]

Quand les poètes chantaient les arbres du Nord, je croyais qu'ils le faisaient exprès. Ces arbres nus, sans famille, lisses, abandonnés, troncs hauts, et branches qui n'offrent aucun ouverture, (je songe surtout à vous, ô hêtres, que j'ai tant maudits, qu'on me voulait faire admirer, qui portez vers le haut le subit rire malin de toutes vos petites feuilles, qui ne veut rien dire), on ne vous réclame pas, vous tous que j'ai haïs.
[...]

Arbres des tropiques, à l'air un peu naïf, un peu bête, à grandes feuilles, mes arbres ! La forêt tropicale est immense et mouvementée, très humaine, haute, tragique, pleine de retours vers la terre. Les parasites veulent bien s'élever. Ils choisissent un arbre, mais après avoir pris quelque hauteur, les voici tous qui bêlent et reserpentent vers la terre.
Très habitée, la forêt, riche en morts et en vivants !

La forêt n'enterre pas ses cadavres ; quand un arbre meurt et tombe, ils sont tous tout autour, serrés et durs pour le soutenir, et le soutiennent jour et nuit. Les morts s'appuient ainsi jusqu'à ce qu'ils soient pourris. Alors suffit d'un perroquet qui se pose, et ils tombent avec un immense fracas, comme s'ils tenaient encore follement à la vie, avec un arrachement indescriptible.
[...]

L'arbre ici ne craint pas d'adopter une grande famille, et mène grand train. Il porte sur lui des orchidées et plus de cinquante lianes l'embrassent à la vie et à la mort. Ses branches largement occupées et à pendentifs, habitées comme au moyen âge les ponts, ont de loin la douceur, le velours des chenilles, et l'apparence sage et réfléchie que donnent les barbes.

Henri Michaux ("Ecuador", éditions Gallimard, 1929)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

La Cordillera de Los Andes

La première impression est terrible et proche du désespoir.
L'horizon d'abord disparaît.
Les nuages ne sont pas tous plus hauts que nous.
Infiniment et sans accidents, ce sont, où nous sommes,
Les hauts plateaux des Andes qui s'étendent, qui s'étendent.

Ne soyons pas tellement anxieux.
C'est le mal de montagne que nous sentons,
L'affaire de quelques jours.
Le sol est noir et sans accueil.
Un sol venu du dedans.
Il ne s'intéresse pas aux plantes.
C'est une terre volcanique.
Nu ! Et les maisons noires par-dessus,
Lui laissent tout son nu ;
Le nu noir du mauvais.

Qui n'aime pas les nuages,
Qu'il ne vienne pas à l'Équateur.
Ce sont les chiens fidèles de la montagne,
Grands chiens fidèles ;
Couronnent hautement l'horizon.
L'altitude du lieu est de 3000 mètres, qu'ils disent,
Est dangereux qu'ils disent, pour le cœur, pour la respiration, pour l'estomac
Et pour le corps tout entier de l'étranger.

Henri Michaux ("Ecuador", éditions Gallimard, 1929)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Arbres (titre suggéré)

L'arbre ici ne s'occupe pas de la terre,
Il faut en sortir et vite,
Il s'agit de s'élever car on étouffe,
Et il part.
Ni branches, ni fleurs, ni pousses, rien qu'un tronc direct
Et s'il vient une branche elle se colle au tronc
Et fait flèche avec lui.
Il s'élève donc.
[...]
Et quand ils n'en peuvent plus,
les arbres*,
Une fois arrivés à l'extrême bout de leur taille,
Lorsqu'ils s'abandonnent enfin et se répandent en feuilles,
Les voici tous, tous à peu près à la même hauteur,
Et la forêt paraît unie.

Henri Michaux ("Ecuador", éditions Gallimard, 1929) - *les arbres a été ajouté pour assurer le passage du singulier au pluriel, en raison de la suppression d'une partie du texte.


retour au sommaire Poésie en français sur le thème du paysage ? cliquez ICI



15 mai 2009

Jean MORÉAS, Jean-Luc MOREAU - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Jean Moréas (1856-1910), à l'état civil Ioannis Papadiamantopoulos, est un auteur grec d'expression française.
C'est un poète symboliste, qui définit joliment ce genre poétique : "la poésie symbolique cherche à vêtir l'Idée d'une forme sensible... » .
Les Syrtes
composent un très long poème découpé en paragraphes. "La feuille des forêts" en est un passage.

La feuille des forêts

La feuille des forêts
Qui tourne dans la bise
Là-bas, par les guérets,
La feuille des forêts
Qui tourne dans la bise,
Va-t-elle revenir
Verdir* la même tige ?

L'eau claire des ruisseaux
Qui passe claire et vive
A l'ombre des berceaux,
L'eau claire des ruisseaux
Qui passe claire et vive,
Va-t-elle retourner
Baigner* la même rive ?

Jean Moréas ("Les Syrtes - conte d'amour XI", 1884)
* Le tiret (Verdir - la même tige ?... Baigner - la ...) a été supprimé par commodité, on peut le restituer au texte original de Moréas.

- - - - - - - - - - - - - - - -

Un autre beau passage sans titre, des "Syrtes" :

Dans l'âtre brûlent les tisons,
les tisons noirs aux flammes roses ;
dehors hurlent les vents moroses,
les vents des vilaines saisons.
Contre les chenets roux de rouille,
mon chat frotte son maigre dos.
En les ramages des rideaux,
on dirait un essaim qui grouille :
c'est le passé, c'est le passé
qui pleure la tendresse morte ;
c'est le bonheur que l'heure emporte
qui chante sur un ton lassé.

Jean Moréas ("Les Syrtes - Remembrances" , 1884)  

- - - - - - - - - - - - - - - -

La vallée de la Bièvre a été aussi mise en vers par Jean Moréas, comme par Victor Hugo et d'autres auteurs (voir le paragraphe "Victor Hugo") :

Memento *

La route monte entre des murs et tourne et longe l'enclos planté d'arbres rangés, qui n'ont encore de vert, sinon un peu de mousse.

Allée, platanes
De belle écorce,
Vieux bancs de pierre,
Je vous revois
Dans la lumière
De cette fin
D'hiver bénin.

Dans la vallée
Au creux charmant
La Bièvre coule
Et se déroule
Comme un ruban.

Jean Moréas ("Esquisses et souvenirs", Mercure de France, 1908) * Memento signifie ici Souviens-toi. On pourrait titrer ce texte La Bièvre.

- - - - - - - - - - - - - - - -

Permanence de "La lune d'argent", dans les paysages nocturnes de Jean Moréas.

La lune d'argent

Dans l'âtre brûlent les tisons,
Belle lune d'argent, j'aime à te voir briller
Sur les mâts inégaux d'un port plein de paresse,
Et je rêve bien mieux quand ton rayon caresse,
Dans un vieux parc, le marbre où je viens m'appuyer.

J'aime ton jeune éclat et tes beautés fanées,
Tu me plais sur un lac, sur un sable argentin,
Et dans la vaste nuit de la plaine sans fin,
Et dans mon cher Paris, au bout des cheminées.


Jean Moréas ("Les Stances", 1893) 

- - - - - - - - - - - - - - - -

Eau printanière, pluie harmonieuse ...

Eau printanière, pluie harmonieuse et douce
Autant qu'une rigole à travers le verger
Et plus que l'arrosoir balancé sur la mousse,
Comme tu prends mon coeur dans ton réseau léger !

À ma fenêtre, ou bien sous le hangar des routes
Où je cherche un abri, de quel bonheur secret
Viens-tu mêler ma peine, et dans tes belles gouttes
Quel est ce souvenir et cet ancien regret ?


Jean Moréas ("Les Stances", 1893) 

- - - - - - - - - - - - - - - -  

Ô mer immense ...

Ô mer immense, mer aux rumeurs monotones,
Tu berças doucement mes rêves printaniers ;
Ô mer immense, mer perfide aux mariniers,
Sois clémente aux douleurs sages de mes automnes.

Vague qui viens avec des murmures câlins
Te coucher sur la dune où pousse l'herbe amère,
Berce, berce mon cœur comme un enfant sa mère,
Fais-le repu d'azur et d'effluves salins.

Loin des villes, je veux sur les falaises mornes
Secouer la torpeur de mes obsessions,
- Et mes pensers, pareils aux calmes alcyons,
Monteront à travers l'immensité sans bornes
.


Jean Moréas ("Les Syrtes", 1884) 

- - - - - - - - - - - - - - - -

Ultime paysage, dans lequel voudrait se fondre l'auteur :

Quand je viendrai m'asseoir dans le vent ...
 
Quand je viendrai m'asseoir dans le vent, dans la nuit,
Au bout du rocher solitaire,
Que je n'entendrai plus, en t'écoutant, le bruit
Que fait mon cœur sur cette terre,
 
Ne te contente pas, Océan, de jeter
Sur mon visage un peu d'écume :
D'un coup de lame alors il te faut m'emporter
Pour dormir dans ton amertume
.


Jean Moréas ("Les Stances", 1893)


Jean-Luc Moreau est né en 1937. Il a publié des histoires et des poèmes pour les enfants et les adolescents, (Sous le masque des mots, Devinettes, Poèmes de la souris verte … ) et des anthologies de poésie contemporaine ou plus classique (Poèmes à saute-mouton, Poèmes de Russie ...). Voir la catégorie POÉSIES PAR THÈME : l'école

Un voyage à travers des paysages variés, avec "l'oncle Octave" :

L'oncle Octave

J'ai bourlingué, dit l'oncle Octave,
De Vancouver à Tamatave,
De ShangaÏ au Cap et jusqu'à
San José de Costa Rica.
Souventes fois je rêve encore
DeTimor et de Travancore,
Mais sachez-le, par-dessus tout
J'aime le Perche et le Poitou.

Jean-Luc Moreau ("L'arbre perché" - éditions Pierre Jean Oswald)



15 mai 2009

Georges MOUSTAKI - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Georges Moustaki, né en 1934 , est un parolier-poète, auteur compositeur interprète à qui on doit de beaux textes : "Milord", "Eden blues", pour Edith Piaf, "La Dame brune" avec Barbara, "Ma liberté", "Ma solitude", "Grand-père"... Voici son Île de France :

Deux suggestions pour l'utilisation de ce texte dans les classes élémentaires :

  • ne proposer aux élèves que les 4 premières strophes
  • Pour la construction poétique différente de celle d'une chanson, garder "Mon" dans la première strophe, et le remplacer par "En" dans les trois suivantes.

Avec nos excuses à Georges Moustaki.

Mon Île de France

Elle n'est même pas au bout du monde
On n'y va pas chercher de l'or
Il n'y a pas de plages blondes
Ce n'est pas une île au trésor
Mon île de France

Elle n'est pas dans le Pacifique
Ni dans aucun autre océan
On peut y aller en péniche
Ou bien couper à travers champs
Mon* île de France

Il n'y a pas de sortilège
Qui vous ensorcelle le cœur
L'hiver il tombe de la neige
Le printemps ramène les fleurs
Mon* île de France

Lorsque le vent pousse ma voile
Sur les vagues des champs de blé
Je m'arrête pour une escale
A l'ombre de ses marronniers
Mon* île de France

Là sur un rivage de mousse
L'aventure au bout du sentier
M'offre une fille à la peau douce
Et un coin d'herbe pour aimer
Mon* île de France

Adieu Tahiti, Fort-de-France
Adieu Doudou et Vahiné
Qu'elle est douce ma douce France
Depuis que je l'ai rencontrée
Mon île de France

Elle n'est même pas au bout du monde
On n'y va pas chercher de l'or
Il n'y a pas de plages blondes
Ce n'est pas une île au trésor
Mon île de France

Georges Moustaki (Ducretet-Thomson, 1962) - * On suggère de remplacer "Mon" par "En"...



Publicité
15 mai 2009

Alfred de MUSSET - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Alfred de Musset (1810-1857) est un des plus importants poètes du XIXe siècle. Une biographie et une bibliographie sont visibles à cette adresse : http://www.etudes-litteraires.com/musset.php

On trouve sur le blog ICI la Chanson de Barberine et le poème À Ninon. 

La poésie À mon frère, revenant d'Italie est publiée intégralement dans la catégorie BRASSENS chante les poètes.
En voici un court extrait, on y trouvera des cartes postales d'Italie :

À mon frère, revenant d'Italie

Ainsi, mon cher, tu t'en reviens
Du pays dont je me souviens
Comme d'un rêve,
De ces beaux lieux où l'oranger
Naquit pour nous dédommager
Du péché d'Ève.

Tu t'es bercé sur ce flot pur
Où Naple enchâsse dans l'azur
Sa mosaique,
Oreiller des lazzaroni
Où sont nés le macaroni
Et la musique.

Qu'il soit rusé, simple ou moqueur,
N'est-ce pas qu'il nous laisse au coeur
Un charme étrange,
Ce peuple ami de la gaieté
Qui donnerait gloire et beauté
Pour une orange ?

 

Toits superbes ! froids monuments !
Linceul d'or sur des ossements !
Ci-gît Venise.
Là mon pauvre coeur est resté.
S'il doit m'en être rapporté,
Dieu le conduise !

Mais de quoi vais-je ici parler ?
Que ferais-je à me désoler,
Quand toi, cher frère,
Ces lieux où j'ai failli mourir,
Tu t'en viens de les parcourir
Pour te distraire ?

Ami, ne t'en va plus si loin.
D'un peu d'aide j'ai grand besoin,
Quoi qu'il m'advienne.
Je ne sais où va mon chemin,
Mais je marche mieux quand ma main
Serre la tienne.

Alfred de Musset ("Poésies nouvelles")



15 mai 2009

Gérard de NERVAL - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Gérard de Nerval  (1808-1855) est le pseudonyme qu'a emprunté Gérard Labrunie, poète "moderne". Il est l'auteur des Filles du Feu (1854) ; Les Chimères (1854) ; Aurélia ou le rêve et la vie (1855) et a traduit le poète allemand Heinrich Heine.
En grande détresse matérielle et morale, il finit par se pendre.

Voici deux tableaux, où s'exprime en touches discrètes la sensibilité du poète (tiens, ça rime, pur hasard, Gérard)...

Avril

Déjà les beaux jours, - la poussière,
Un ciel d’azur et de lumière,
Les murs enflammés, les longs soirs ;
Et rien de vert : à peine encore
Un reflet rougeâtre décore
Les grands arbres aux rameaux noirs !

Ce beau temps me pèse et m’ennuie.
Ce n’est qu’après des jours de pluie
Que doit surgir, en un tableau,
Le printemps verdissant et rose,
Comme une nymphe fraîche éclose
Qui, souriante, sort de l’eau.

Gérard de Nerval ("Odelettes", 1853)

----------------------------------------

Le coucher du soleil
   
Quand le Soleil du soir parcourt les Tuileries
Et jette l'incendie aux vitres du château,
Je suis la Grande Allée et ses deux pièces d'eau
Tout plongé dans mes rêveries !

Et de là, mes amis, c'est un coup d'œil fort beau
De voir, lorsqu'à l'entour la nuit répand son voile,
Le coucher du soleil, riche et mouvant tableau,
Encadré dans l'arc de l'Étoile !

Gérard de Nerval ("Odelettes", 1853) - Des signes de ponctuation, les tirets, ont été supprimés des textes pour simplifier la pérsentation.


retour au sommaire Poésie en français sur le thème du paysage ? cliquez ICI



15 mai 2009

Anna de NOAILLES, Marie NOËL, Germain NOUVEAU - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

La Comtesse Anna de Noailles (1876-1933) est une romancière française, mais c'est surtout par sa poésie sensible et lyrique qu'elle est connue.

"Soyez bénis, porteurs d'infinis paysages,
Esprits pleins de saisons, d'espace et de soupirs."


(extrait d'un poème d'Anna de Noailles adressé aux "Poètes romantiques")

On propose souvent le texte suivant aux élèves du Cycle 2, sans la dernière strophe.

Chaleur

Tout luit, tout bleuit, tout bruit,
Le jour est brûlant comme un fruit
Que le soleil fendille et cuit.

Chaque petite feuille est chaude
Et miroite dans l’air où rôde
Comme un parfum de reine-claude.

Du soleil comme de l’eau pleut
Sur tout le pays jaune et bleu
Qui grésille et oscille un peu.

Un infini plaisir de vivre
S’élance de la forêt ivre,
Des blés roses comme du cuivre.

Anna de Noailles ("L'ombre des jours" - Editions Calmann-Lévy, 1902)

----------------------------------------

Autre poème, plus long, du même recueil, ici, on ne propose généralement à la classe que les strophes colorées :

Le jardin et la maison (parfois intitulé Crépuscule)

Voici l’heure où le pré, les arbres et les fleurs
Dans l’air dolent et doux soupirent leurs odeurs.

Les baies du lierre obscur où l’ombre se recueille
Sentant venir le soir se couchent sur leurs feuilles,

Le jet d’eau du jardin, qui monte et redescend,
Fait dans le bassin clair son bruit rafraîchissant;

La paisible maison respire au jour qui baisse
Les petits orangers fleurissent dans leurs caisses.

Le feuillage qui boit les vapeurs de l’étang
Lassé des feux du jour s’apaise et se détend.

Peu à peu la maison entr’ouvre ses fenêtres
Où tout le soir vivant et parfumé pénètre,

Et comme elle, penché sur l’horizon, mon coeur
S’emplit d'ombre, de paix, de rêve et de fraîcheur …

Anna de Noailles ("L'ombre des jours" - Editions Calmann-Lévy, 1902)

----------------------------------------

Il fera longtemps clair ce soir ...

Il fera longtemps clair ce soir, les jours allongent,
La rumeur du jour vif se disperse et s'enfuit,
Et les arbres, surpris de ne pas voir la nuit,
Demeurent éveillés dans le soir blanc, et songent...

Les marronniers, dans l'air plein d'or et de splendeur,
Répandent leurs parfums et semblent les étendre;
On n'ose pas marcher ni remuer l'air tendre
De peur de déranger le sommeil des odeurs.

De lointains roulements arrivent de la ville...
La poussière, qu'un peu de brise soulevait,
Quittant l'arbre mouvant et las qu'elle revêt,
Redescend doucement sur les chemins tranquilles.

Nous avons tous les jours l'habitude de voir
Cette route si simple et si souvent suivie,
Et pourtant quelque chose est changé dans la vie,
Nous n'aurons plus jamais notre âme de ce soir.

Anna de Noailles ("L'offrande lyrique", 1912)

----------------------------------------

On a découpé ce poème (dont le texte original ne comporte deux parties nettement séparées, marquées ici par des pointillés) en strophes, pour en faciliter l'utilisation en classe :

Matin de printemps

La pluie, enveloppante, ombrage
L'espace, les bois, la prairie,
Et forme sur le paysage
Une cage en verroterie.

C'est la pluie allègre d'avril,
Elle est mince, dansante et lâche
Comme des perles sur un fil.

Elle est joyeuse ! C'est sa tâche
De descendre en jets allongés,
De se glisser, de se loger
Dans les fentes et les entailles
Des bourgeons aux vertes écailles,
Acérés comme un dur métal.

Soudain la voici qui s'arrête
Et qui suspend ses gouttelettes
Comme une glycine en cristal.

...

Déchaînant son étourderie,
Le vent, trébuchant et dansant,
Éparpille sur la prairie
Ses lambeaux d'air réjouissants.

Le soleil renaît, résolu.
Que l'air est bon quand il a plu !

Le sol, que l'onde pénétrait,
Délivre ses parfums secrets :
Odeur de résines, de graines,
Fines essences souterraines,
Secs effluves des minéraux...

La vrille du chant d'un oiseau
Fouille le ciel et le perfore.
L'azur est peinturé d'aurore.
Jamais midi n'a tant brillé.

Tout éclate de bonne chance !
Un jardin, respirant, élance
Ses mois arômes vanillés.

Une poule, ivre de jactance.
Lasse, heureuse, les yeux cillés.
Adresse au poudroyant silence
Son long hoquet ensoleillé...

Anna de Noailles ("Les Forces éternelles", 1920)

----------------------------------------

Mêmes raisons pour le découpage à postériori de ce poème, dont on retrouvera la forme originale en supprimant les sauts de paragraphe :

Matin d'été

Le chaud velours de l'air offre à la rêverie
Un divan duveteux où mon esprit s'ébat,
La verte crudité de la jeune prairie
Est pour l'œil ébloui un exaltant repas.

L'ombrage et le soleil quadrillent la pelouse
Où le brûlant matin se repose, encagé ;
Il semble qu'en volant, une guêpe recouse
Le merveilleux éther par ses jeux dérangé.

Mon immobile rêve a l'ampleur d'un voyage ;
J'entends le bruit mouvant et lointain de l'été :
Murmure énigmatique où tout est volupté.

Le ciel, aride et pur, est comme un bleu dallage,
Mon cœur calme bénit les dieux aériens,
Et je croise les mains, n'ayant besoin de rien
Que de penser à toi dans un clair paysage....

Anna de Noailles ("Les Forces éternelles", 1920)

----------------------------------------

Les bords de la Marne

La Marne, lente et molle, en glissant accompagne
Un paysage ouvert, éventé, spacieux.
On voit dans l'herbe éclore, ainsi qu'un astre aux cieux,
Les villages légers et dormants de Champagne.

La Nature a repris son rêve négligent.
Attaché à la herse un blanc cheval travaille.
Les vignobles jaspés ont des teintes d'écaille
À travers quoi l'on voit rôder de vieilles gens.

Un automnal buisson porte encor quelques roses.
Une chèvre s'enlace au roncier qu'elle mord.
Les raisins sont cueillis, le coteau se repose,
Rien ne témoigne plus d'un surhumain effort
Qu'un tertre soulevé par la forme d'un corps.

Anna de Noailles ("Les Forces éternelles", 1920)



Marie Noël (1883-1967) est une poète d'inspiration religieuse, à la poésie souvent mélancolique et triste. On lui a décerné le Grand Prix de poésie de l'Académie française en 1962.

Chant de rouge-gorge

Au mois de mai j’avais le cœur si grand
Que pour l’emplir je me suis en allée
Cherchant l’amour sans savoir quelle allée,
Pour le rencontrer, quel chemin on prend …

Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
Du printemps, sais-tu s’il en reste encore ?
L’hiver vient …

J’allais, j’allais. Où trouver de l’amour ?
Au bas de la côte, au faîte, derrière ?
Au fond du bois, au bout de la rivière ?
Ici, là-bas, à ce prochain détour ? ...

Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
De l’été, sais-tu s’il en reste encore ?
L’hiver vient …

Quand je le vis, je n’osai pas à temps
M’en approcher ou lui faire une avance ;
Je l’attendais ouvrant mon cœur immense …
Il n’est tombé qu’une goutte dedans …

Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
Du soleil, sais-tu s’il en reste encore ?
L’hiver vient …

Est-ce là tout, cette goutte, est-ce tout ?
Je voudrais bien recommencer l’année,
La goutte d’eau qui m’était destinée,
Je voudrais bien la boire encore un coup …

Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
Des feuilles, sais-tu s’il en reste encore ?
L’hiver vient …

Est-ce bien tout ? ... Peut-être, dans un coin
Que j’oubliai, peut-être avant la neige,
Un peu d’amour encor le trouverai-je,
Peut-être ici, peut-être un peu plus loin…

Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
Du bonheur, sais-tu s’il en reste encore ?
L’hiver vient ...

Marie Noël ("Les chansons et les heures" - Editions Crès Et Cie, 1930 et Stock, 1948)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

L'île

Solitude au vent, ô sans pays, mon Île,
Que les barques de loin entourent d’élans
Et d’appels, sous l’essor gris des goélands,
Mon Île, mon lieu sans port, ni quai, ni ville,

Mon Île où s’élance en secret la montagne
La plus haute que Dieu heurte du talon
Et repousse… Ô Seule entre les aquilons
Qui n’a que la mer farouche pour compagne.

Temps où se plaint l’air en éternels préludes,
Mon Île où l’Amour me héla sur le bord
D’un chemin de cieux qui descendait à mort,
Espace où les vols se brisent, Solitude.

Solitude, Aire en émoi de Cœur immense
Qui sans cesse jette au large ses oiseaux,
Sans cesse au-dessus d’infranchissables eaux,
Sans cesse les perd, sans cesse recommence.

Désolation royale, terre folle
Que berce l’abîme entre ses bras massifs,
Mon Île, tu tiens un Silence captif
Qu’interroge en vain la houle des paroles.

Marie Noël ("Chants et Psaumes d'automne" - Éditions Stock, 1947)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Chant de nourrice

                                     pour endormir Madeleine

Dors, mon petit, pour qu’aujourd’hui finisse.
Si tu ne dors pas, si c’est un caprice,
Aujourd’hui, ce vieux long jour,
Ce soir durera toujours.

Dors, mon petit, pour que demain arrive.
Si tu ne dors pas, petite âme vive,
Demain, le jour le plus gai,
Demain ne viendra jamais.

Dors, mon petit, afin que l’herbe pousse,
Ferme les yeux, les herbes et la mousse
N’aiment pas dans le fossé
Qu’on les regarde pousser.

Dors, mon petit, pour que les fleurs fleurissent.
Les fleurs qui, la nuit, se parent, se lissent,
Si l’enfant reste éveillé,
N’oseront pas s’habiller.

Mais s’il dort, les fleurs en la nuit profonde,
N’entendant plus du tout bouger le monde,
Tout doucement, à tâtons,
Sortiront de leurs boutons.

Quand il dormira, toutes les racines
Descendront sous terre au fond de leurs mines
Chercher pour toutes les fleurs
Des parfums et des couleurs.

Les roses alors et les églantines,
Vite, fronceront avec leurs épines
Leurs beaux jupons à volants
Rouges, roses, jaunes, blancs.

Les nielles feront en secret des pinces
À leur jupe étroite et les bleuets minces
Serreront leur vert corset
Avec un petit lacet.

Les lys du jardin si nul ne les gêne
Iront laver leur robe à la fontaine,
Et le lin qui fit un vœu
Passera la sienne au bleu.

Les gueules du loup et les clématites
Monteront leur coiffe et les marguerites
Habiles repasseront
Leurs bonnets et leur col rond.

Et quand à la fin toutes seront prêtes,
En robes de noce, en habits de fête,
Alors d’un pays lointain
Arrivera le matin.

Et saluant toute la confrérie,
Le matin pour voir la terre fleurie,
Du bout de son doigt vermeil
Rallumera le soleil.

Et pour que l’enfant, mon bel enfant sage,
Voie aussi la terre et son bel ouvrage,
Il enverra le soleil
Le chercher dans son sommeil.

Viens, mon petit, viens voir, chère prunelle,
Pendant ton somme, écoute la nouvelle,
Notre jardin s’est levé …
Aujourd’hui est arrivé !

Marie Noël ("Les chansons et les heures" - Editions Crès Et Cie, 1930 et Stock, 1948)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Si j'étais plante ... (extrait)

Si j'étais plante, je ne voudrais pas être de ces plantes qui ont trop affaire à l'homme. Ni avoine, ni blé, ni orge parqués, sans pouvoir en sortir, dans un champ en règle (et on ne laisse même pas aux blés leurs bleuets pour se distraire) ni surtout ces légumes soumis et rangés, ces carottes alignées, ces haricots qu'on dirige à la baguette, ces salades qu'on force à pâlir en leur serrant le cœur quand il fait si beau alentour et qu'elles voudraient bien être grandes ouvertes.

J'accepterais encore d'être herbe à tisane, serpolet ou mauve, ou sauge, pourvu que ce fût dans un de ces hauts battus des vents où ne vont les cueillir que les bergers. Mais j'aimerais mieux être bruyère, gentiane bleue, ajonc, chardon au besoin, sur une lande abandonnée, ou même un champignon pas vénéneux, mais pas non plus trop comestible, qui naît dans la mousse, un matin, au creux le plus noir du bois, qui devient rose sans qu'on le voie et meurt tout seul le lendemain sans que personne s'en mêle ...

Marie Noël ("Notes intimes" - Éditions Stock, 1959)


Germain Nouveau (1851-1920) a fréquenté Mallarmé, Jean Richepin et Charles Cros, puis Arthur Rimbaud avec qui il travaille à l'édition des Illuminations . Il sera aussi proche de Verlaine. Après avoir été interné en asile psychiatrique, Germain Nouveau termine son existence dans l'errance et le mysticisme. 

En forêt

Dans la forêt étrange, c’est la nuit;
C’est comme un noir silence qui bruit;

Dans la forêt, ici blanche et là brune,
En pleurs de lait filtre le clair de lune.

Un vent d’été, qui souffle on ne sait d’où,
Erre en rêvant comme une âme de fou;

Et, sous des yeux d’étoile épanouie,
La forêt chante avec un bruit de pluie.

Parfois il vient des gémissements doux
Des lointains bleus pleins d’oiseaux et de loups;

Il vient aussi des senteurs de repaires;
C’est l’heure froide où dorment les vipères,

L’heure où l’amour s’épeure au fond du nid,
Où s’élabore en secret l’aconit;

Où l’être qui garde une chère offense,
Se sentant seul et loin des hommes, pense.

- Pourtant la lune est bonne dans le ciel,
Qui verse, avec un sourire de miel,

Son âme calme et ses pâleurs amies
Au troupeau roux des roches endormies.

Germain Nouveau ("Premiers vers", 1872-1878 -  réédité avec d'autres recueils : "Oeuvres Poétiques violume I - Premiers vers - Dixains réalistes - Notes parisiennes - La doctrine de l' amour", avec une préface de Jacques Brenner, Gallimard 1953)



15 mai 2009

Jean ORIZET - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Jean Orizet est né en 1937. Il est l'auteur de nombreux recueils et d'anthologies de poésie, et l'un des fondateurs de la revue Poésie 1, devenue Poésie1/Vagabondages (éditions le cherche midi), première revue de poésie distribuée en kiosques.

Parmi les derniers livres parus de Jean Orizet : Une anthologie de la poésie amoureuse en France (Bartillat, janvier 2008) ; Anthologie de la Poésie Française (Larousse, 2007) ; L'attrapeur de rêves, roman poétique (Melis, 2006) ; et pour les enfants de 7 à 12 ans : Les plus beaux poèmes pour les enfants (le cherche midi, 1997, paru aussi en Livre de Poche, 2004)

Deux poèmes extraits du recueil "Silencieuse entrave au temps" :

Sur la prunelle des saisons (extrait)

Sur la prunelle des saisons
le vent s’éloigne vers les collines embuées.
Je ne suis que l’apprenti
d'un paysage qui sait tout.

Jean Orizet ("Silencieuse entrave au temps", éditions Saint-Germain-des-Prés, 1972)

------------------------

En raison de leur difficulté, les trois derniers vers de ce poème sont en principe supprimés du texte proposé aux classes élémentaires :

Haute ponctuation du silence

Sur la neige émiettée de rouges-gorges
les sapins, haute ponctuation du silence,
supportent presque tout le poids de l'hiver.

Leurs branches savent retenir le soleil
ou tisser une trame de bise
pour quelque vêtement solennel

dont l'homme aime à se parer
quand il veut bannir ses phantasmes
aux grandes soldes des saisons.

Jean Orizet ("Silencieuse entrave au temps", éditions Saint-Germain-des-Prés, 1972)

----------------------------------------

L'or sous le givre

Grise et blanche
une froide alchimie nocturne
brise l'instant

Au matin
c'est le couperet du soleil
qui tranche

Une pie cherche de l'or
sous le givre
de la branche

Jean Orizet ("Miroir oblique" - Librairie de Saint-Germain des Prés, 1969)



15 mai 2009

Louisa PAULIN, Charles PÉGUY - PRINT POÈTES 11 : PAYSAGES en français

Louisa Paulin , Loïza Paulin en occitan (1888-1944) a vécu dans le Tarn, où elle fut institutrice. Elle a d'abord écrit ses poèmes uniquement en français, puis en français et en occitan.
Je me suis mise à la langue d'Oc par repentir d'avoir si longtemps ignoré mon pays et peut-être de l'avoir un peu méprisé”.

On trouvera sur le site des éditions Vent Terral, des recueils bilingues qu'on peut commander (2 € de frais de port seulement). Mais qu'est-ce qu'on attend ? C'est ici (copier-coller) : http://www.ventterral.com/tema/ome.php?lien=tema#louisa

Chant pour le vent du Sud

O brise du Sud, viens boire la neige
Nous sommes repus de gel et de vent
Un doux pissenlit a tiré de terre
Un petit soleil tout en or vibrant.

O brise du Sud, viens boire la neige
Nous sommes repus de froid et de pluie,
Une pâquerette a tiré de terre
Un petit soleil frangé de sang vif.

O brise du Sud, qu'amour te protège,
Nous avons tous faim et soif d'être heureux
Chaque œil de bourgeon épie, tout peureux,
Ton souffle d'azur qui boira la neige.

Louisa Paulin  ("Rythmes et cadences", éditions du Languedoc, 1947) - On écoutera ce texte, chanté dans le CD "Romances Du Gai Savoir" ; "Le Tombeau de Louisa Paulin", op. 41: V. Chant pour le Vent du Sud - compositeur : Louis-Noel Belaubre ; éditions L'Empreinte Digitale, 1990)

Notez qu'on peut emprunter, si on est enseignant (en tous cas on pouvait), au CDDP du Tarn, la "Mallette pédagogique Louisa Paulin" (Dossier pédagogique 2007 accompagné de poèmes de l'auteure). On trouvera aussi d'autres poèmes d'auteurs occitans, en version bilingue.

----------------------------------------

Silenci de l'auton

Silenci de l'auton quand lo vent s'es pausat
doç coma una pluma de palomba
escapada de la negra man del caçaire.
Silenci saure de l'auton
ont s'ausis la darrièra vèspa
e lo mai escondut al plus prigond del còr.

- - - - -

Silence de l'automne

Silence de l'automne quand le vent s'est posé,
doux comme une plume de palombe
échappée de la noire main du chasseur.
Silence blond de l'automne
où l'on entend la dernière guêpe
et le plus caché au plus profond du cœur.

Louisa Paulin  ("Direm a la nòstra nena", Vent Terral, 1994, bilingue)

- - - - -

À partir du texte occitan, une version non autorisée de ce poème, très légèrement différente (avec tout le respect qu'on doit à la mémoire de Louisa Paulin). Pour rétablir dans le deuxième vers l'ordre naturel adjectif-nom substantif ("negra man" peut se dire plus naturellement "main noire"), et surtout éviter la répétition dans le dernier vers, absente en occitan. Mais on chipote peut-être  : 

Silence de l'automne

Silence de l'automne quand le vent s'est posé,
doux comme une plume de palombe
échappée de la main noire du chasseur.
Silence blond de l'automne
où l'on entend la dernière guêpe
et ce qui est caché au plus profond du cœur.

----------------------------------------

La cançon del silenci.

Vèni, ausirem, anuèit, la Cançon del silenci,
la cançon que comença,
quand s'escantís, la nuèit, lo cant del rossinhòl ;
la cançon que s'ausís al doç cresc de l'erbeta,
la cançon de l'aigueta
que se pausa, un moment, al rebat d'un ramèl ;
la cançon de la branca
que fernís e que dança
desliurada del pes amorós d'un ausèl ;
la secreta conçon breçant l'ombra blavenca
del lir còrfondut de promessa maienca,
qu'espèra, per florir, un signe del azur.

- - - - -

La chanson du silence

Viens, nous entendrons, ce soir, la chanson du silence,
la chanson qui commence,
quand s'achève, la nuit, le chant du rossignol ;
la chanson qu'on entend à la douce croissance de l'herbe,
la chanson de l'eau vive
qui se repose, un moment, au reflet d'un rameau ;
la chanson de la branche
qui frissonne et qui danse
délivrée du poids amoureux d'un oiseau ;
la secrète chanson berçant l'ombre bleuâtre
du lis défaillant de promesse printanière,
qui attend, pour fleurir, un signe de l'azur.

Louisa Paulin  ("Chants d'amour et de paix" - "Les Amis de Louisa Paulin", 1998) - Aux éditions Vent Terral, les recueils de Louisa Paulin ont été réédités.

----------------------------------------

Fum 

Non, non, anuèit vòli fugir l'ostal !
Vòli lo fial de lum que s'estira suls camps
Quand lo lauraire aluca un fuòc d'erbassas.
O fial de fum, vèni ligar un raive,
Un rave que m'escapa
– coma tu, lial de fum –
Per fugir cap a las estelas.

- - - - -

Fumée

Non, non, ce soir je veux fuir la maison !
Je veux le fil de fumée qui s'étire sur les champs
Quand le laboureur allume un feu de mauvaises herbes.
Ô fil de fumée, viens lier un rêve,
Un rêve qui m'échappe
comme toi, fil de fumée
Pour fuir vers les étoiles.

Louisa Paulin ("Sorgas- Sources", Bibliothèque de la Revue du Tarn, Édouard Privat, 1940 et "Poèmes", Éditions de la Revue du Tarn, 1969) - Aux éditions Vent Terral, les recueils de Louisa Paulin ont été réédités.

----------------------------------------

Un texte de René-Guy Cadou commence par ces mêmes vers : "C'était un petit hameau" (voir au paragraphe de cet auteur)

Le hameau

C'était un petit hameau
Qui était entouré d'eau
Comme une île.

Il était clair et tout rond,
Il n'avait qu'un petit pont
Et n'était qu'une presqu'île.

Il n'avait ni pharmacien,
Ni curé, ni médecin,
Ni notaire.

Il n'avait que des maisons
Qui faisaient un petit rond
Sur le terre.

Il n'avait que du soleil,
Que de l'espace et du ciel,
Et du rêve.

Il attendait le printemps,
Il écoutait l'eau, le vent
Et leur rire.

C'était un hameau perdu.
Son nom, personne n'a su
Me le dire.

Louisa Paulin (dans l'anthologie d'Armand Got et Charles Vildrac "La Poèmeraie" - Bourrelier-Colin, 1963 et "Poèmes", Éditions de la Revue du Tarn, 1969) - Aux éditions Vent Terral, les recueils de Louisa Paulin ont été réédités.



Charles Péguy (1873-1914) est un écrivain et poète d'inspiration mystique, catholique.

On trouvera ici le texte intégral de la "Présentation de la Beauce à Notre-dame-de-Chartres", grand poème lyrique, qui situe dans un "océan des blés" le grand vaisseau de la cathédrale de Chartres, et donne au paysage beauceron sa dimension mystique et humaine.

Présentation de la Beauce à Notre-Dame-de-Chartres

Étoile de la mer voici la lourde nappe
Et la profonde houle et l'océan des blés
Et la mouvante écume et nos greniers comblés,
Voici votre regard sur cette immense chape

Et voici votre voix sur cette lourde plaine
Et nos amis absents et nos coeurs dépeuplés,
Voici le long de nous nos poings désassemblés
Et notre lassitude et notre force pleine.

Étoile du matin, inaccessible reine,
Voici que nous marchons vers votre illustre cour,
Et voici le plateau de notre pauvre amour,
Et voici l'océan de notre immense peine.

Un sanglot rôde et court par-delà l'horizon.
A peine quelques toits font comme un archipel.
Du vieux clocher retombe une sorte d'appel.
L'épaisse église semble une basse maison.

Ainsi nous naviguons vers votre cathédrale.
De loin en loin surnage un chapelet de meules,
Rondes comme des tours, opulentes et seules
Comme un rang de châteaux sur la barque amirale.

Deux mille ans de labeur ont fait de cette terre
Un réservoir sans fin pour les âges nouveaux.
Mille ans de votre grâce ont fait de ces travaux
Un reposoir sans fin pour l'âme solitaire.

Vous nous voyez marcher sur cette route droite,
Tout poudreux, tout crottés, la pluie entre les dents.
Sur ce large éventail ouvert à tous les vents
La route nationale est notre porte étroite.

Nous allons devant nous, les mains le long des poches,
Sans aucun appareil, sans fatras, sans discours,
D'un pas toujours égal, sans hâte ni recours,
Des champs les plus présents vers les champs les plus proches.

Vous nous voyez marcher, nous sommes la piétaille.
Nous n'avançons jamais que d'un pas à la fois.
Mais vingt siècles de peuple et vingt siècles de rois,
Et toute leur séquelle et toute leur volaille

Et leurs chapeaux à plume avec leur valetaille
Ont appris ce que c'est que d'être familiers,
Et comme on peut marcher, les pieds dans ses souliers,
Vers un dernier carré le soir d'une bataille.

Nous sommes nés pour vous au bord de ce plateau,
Dans le recourbement de notre blonde Loire,
Et ce fleuve de sable et ce fleuve de gloire
N'est là que pour baiser votre auguste manteau.

Nous sommes nés au bord de ce vaste plateau,
Dans l'antique Orléans sévère et sérieuse,
Et la Loire coulante et souvent limoneuse
N'est là que pour laver les pieds de ce coteau.

Nous sommes nés au bord de votre plate Beauce
Et nous avons connu dès nos plus jeunes ans
Le portail de la ferme et les durs paysans
Et l'enclos dans le bourg et la bêche et la fosse.

Nous sommes nés au bord de votre Beauce plate
Et nous avons connu dès nos premiers regrets
Ce que peut receler de désespoirs secrets
Un soleil qui descend dans un ciel écarlate

Et qui se couche au ras d'un sol inévitable
Dur comme une justice, égal comme une barre,
Juste comme une loi, fermé comme une mare,
Ouvert comme un beau socle et plan comme une table.

Un homme de chez nous, de la glèbe féconde
A fait jaillir ici d'un seul enlèvement,
Et d'une seule source et d'un seul portement,
Vers votre assomption la flèche unique au monde.

Tour de David voici votre tour beauceronne.
C'est l'épi le plus dur qui soit jamais monté
Vers un ciel de clémence et de sérénité,
Et le plus beau fleuron dedans votre couronne.

Un homme de chez nous a fait ici jaillir,
Depuis le ras du sol jusqu'au pied de la croix,
Plus haut que tous les saints, plus haut que tous les rois
La flèche irréprochable et qui ne peut faillir...

Charles Péguy ("Présentation de la Beauce à Notre-Dame-de-Chartres")



Publicité
Publicité