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29 avril 2007

"L'autre" - Georges Jean

Georges Jean, poète et enseignant, est né à Besançon en 1920. Il est l'auteur de recueils de poésie et d'anthologies poétiques pour les enfants.

Ville inconnue

Dans la ville des murmures
Traînent dans l'ombre
Les gens n'ont pas de visage
Les fenêtres sont fermées
Dans la gorge des passants
Le passé noue ses yeux profonds
Et la rivière des songes
Plonge au puits de solitude
Piétinements Habitudes
Un chat passe dans son ombre
Des enfants traversent la lune
Paumes ouvertes de la nuit
Derrière brûlent les étoiles
Le plâtre tombe des façades
Saga de la ville inconnue
Le vent construit l'espace
Et le Temps

Georges Jean ("Parcours immobiles" - éditions Le dé bleu, 1995)


Dans un bistrot ...

Dans un bistrot rue de Buci
Plus près de mon cœur est la ville
Une femme sans âge me regarde
Avec des yeux de porcelaine
Puis dans la saveur du matin
Les passants plus lointains que les étoiles
Marchent dans les sandales de l'aube.

Georges Jean ("Parcours immobiles" - éditions Le dé bleu, 1995)


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29 avril 2007

"L'autre" - Patrick Joquel

Patrick Joquel, né en 1959, annonce la couleur : "Je suis instituteur et auteur… ou l'inverse". Et effectivement, ce professeur d’école itinérant (ZIL) depuis 1987, est l'auteur de romans et de recueils de poésie pour les enfants, aux titres évocateurs : Mammifère à lentilles, Heureux comme l’orque, Demain les hippocampes, Le bruit d’un brin de bambou, Que sais-tu des rêves du lézard, Et le ciel ?...

Une de ses dernières publications est "Poésie Maternelle" (aux éditions Magnard), guide pédagogique complet (fiches d'activités pratiques, conseils, textes) pour initier les élèves à la poésie.

Que sais-tu des rêves du lézard ? (titre proposé)livre_r_ves_l_zard

Tu ne regardes pas
la couleur des autos
tu choisis de compter
les fleurs du potager d'en face

Tu n'écoutes pas
le bavardage des moteurs
tu préfères chercher
le petit lézard du balcon
celui que le citronnier a couvé
tout l'hiver
dans son pot

Patrick Joquel ("Que sais-tu des rêves du lézard ?" - éditions Magnard , 2004)


Un silencieux brochet (titre proposé)

Un beau soir de juillet
un silencieux brochet
de son métier lassé
raccrocha son dentier

Devenu non violent
il partit au Tibet
se nourrir de sorbet

A l'automne suivant
il revint en volant
pour ouvrir un glacier
sur un fond de graviers

Patrick Joquel ("Tant de secrets" - éditions Gros Textes, 2005)


L'igloo (titre proposé)

Je vis caché
dans un trou
tout au fond
de mon igloo
J'attends
un peu de soleil
un petit
clin d'oeil
du ciel
Je guette
avec gourmandise
un amour
sur la banquise

Patrick Joquel ("Demain les hippocampes" - éditions Solos, 1998)


Pas seul au monde (titre proposé)

Tu suis des yeux
la flèche rouge de ta boussole
Loin là-bas
au delà de la montagne
un éléphant de mer t'attend
Tu vois
tu n'es pas seul au monde

Patrick Joquel ("Le bruit d'un brin de bambou" - éditions Gros Textes, 1999-2003)


29 avril 2007

"L'autre" - Jean Joubert

Jean Joubert est né en 1928. C'est un romancier et poète, auteur pour l'enfance et la jeunesse, et pour un plus large public.

Le veilleur solitaire

Il y a toujours dans la nuit de la ville
une petite fenêtre qui brille
très loin au bord du ciel
une fenêtre au loin, une lampe qui brûle,
un homme ou peut-être un enfant
penché sur la page d'un livre
où les mots brûlent et brillent.
Et le cœur de l'homme ou de l'enfant
brûle d'un sang plus vif,
s'exalte, s'illumine.

Il y a toujours au bord du ciel
un veilleur solitaire
qui cherche dans la nuit
son chemin de clarté.

Jean Joubert ("La maison du poète" - Pluie d'étoiles éditions, 1999)


 

29 avril 2007

"L'autre" - Henri Kréa

Henri Kréa, dramaturge et poète, est né à Alger en 1933.
On trouve jusque dans les titres de ses recueils : Liberté Première (1957), La Révolution et la Poésie sont une seule et même chose (1960), Poèmes en forme de vertige (1967) le lien indissociable entre son engagement poétique et les valeurs humaines et sociales qu'il défend.
Il est signataire le 6 septembre 1960 de la Déclaration sur le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie (le Manifeste des 121).

Jamais toujours encore

Nous sommes immortels
Nous sommes libres
Nous sommes inaltérables
Nous sommes identiques
Nous ne changeons pas
Nous n'avons pas de raison pour changer
Nous sommes à la fois
Le ciel et l'océan
Le sable et la douleur
Le sel et la joie
Nous sommes l'arbre
Nous sommes la plaine
Nous sommes l'enfance et le sommeil
Nous sommes immobiles
Nous sommes en mouvement
Nous avons des multitudes de dimensions
Nous sommes plusieurs
Nous sommes un
Nous sommes deux

Henri Kréa ("La Révolution et la Poésie sont une seule et même chose" - éditions PJ Oswald, 1959)



29 avril 2007

"L'autre" - Abdellatif Laâbi

Abdellatif Laâbi, né au Maroc en 1942, est un poète d'expression française. Il vit en France depuis 1985.

Voici deux "autres" à qui il s'adresse :

Jardinier de l’âme (titre proposé)

Ô jardinier de l’âme
as-tu prévu pour la nouvelle année
un carré de terre humaine
où planter encore quelques rêves ?
As-tu sélectionné les graines
ensoleillé les outils
consulté le vol des oiseaux
observé les astres, les visages
les cailloux et les vagues ?
L’amour t’a-t-il parlé ces jours-ci
dans sa langue étrangère ?
As-tu allumé une autre bougie
pour blesser la nuit dans son orgueil ?
Mais parle
si tu es toujours là
Dis-moi au moins :
qu’as-tu mangé et qu’as-tu bu ?

Abdellatif Laâbi (texte inédit, janvier 2007) Ce texte a été emprunté sur le site de l'auteur (clic)


Il y a un cannibale qui me lit

Il y a un cannibale qui me lit
C’est un lecteur férocement intelligent
un lecteur de rêve
Il ne laisse passer aucun mot
sans en soupeser le poids de sang
Il soulève même les virgules
pour découvrir les morceaux de choix
Il sait lui que la page vibre
d’une splendide respiration
Ah ! cet émoi qui rend la proie
alléchante et déjà soumise
Il attend la fatigue
qui descend sur le visage
comme un masque de sacrifice
Il cherche la faille pour bondir :
l’adjectif de trop
la répétition qui ne pardonne pas
Il y a un cannibale qui me lit
pour se nourrir.

Abdellatif Laâbi (dans "Poètes du Monde", revue "Vagabondages - Poésie 1")


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29 avril 2007

"L'autre" - Jean de La Fontaine

On trouvera la présentation de l'auteur, Jean de La Fontaine ( (1621-1695), et d'autres fables pour la classe, sur ce blog, dans cette catégorie : FABLES de LA FONTAINE

Les deux amis

Deux vrais amis vivaient au Monomotapa :
L'un ne possédait rien qui n'appartînt à l'autre :
Les amis de ce pays-là
Valent bien dit-on ceux du nôtre.
Une nuit que chacun s'occupait au sommeil,
Et mettait à profit l'absence du Soleil,
Un de nos deux Amis sort du lit en alarme :
Il court chez son intime, éveille les valets :
Morphée avait touché le seuil de ce palais.
L'Ami couché s'étonne, il prend sa bourse, il s'arme ;
Vient trouver l'autre, et dit : Il vous arrive peu
De courir quand on dort ; vous me paraissiez homme
À mieux user du temps destiné pour le somme :
N'auriez-vous point perdu tout votre argent au jeu ?
15 En voici. S'il vous est venu quelque querelle,
J'ai mon épée, allons. Vous ennuyez-vous point
De coucher toujours seul ? Une esclave assez belle
Était à mes côtés : voulez-vous qu'on l'appelle ?
— Non, dit l'ami, ce n'est ni l'un ni l'autre point :
Je vous rends grâce de ce zèle.
Vous m'êtes en dormant un peu triste apparu ;
J'ai craint qu'il ne fût vrai, je suis vite accouru.
Ce maudit songe en est la cause.
Qui d'eux aimait le mieux, que t'en semble, Lecteur ?
25 Cette difficulté vaut bien qu'on la propose.
Qu'un ami véritable est une douce chose.
Il cherche vos besoins au fond de votre cœur ;
Il vous épargne la pudeur
De les lui découvrir vous-même.
Un songe, un rien, tout lui fait peur
Quand il s'agit de ce qu'il aime.

Jean de La Fontaine ("Fables" - 1678) Un commentaire de cette fable peut être consulté ici (clic)


29 avril 2007

"L'autre" - Armand Lanoux

Armand Lanoux est né en 1913.

Quelqu'un

De l'autre côté du miroir
Quelqu'un nous épie
Quelqu'un compte nos fils d'argent
un à un.
Quelqu'un regarde se serrer
l'épervier des rides
Quelqu'un nous garde
Quelqu'un nous emporte
Quelqu'un ouvre et ferme des portes
à l'envers.
Quelqu'un nous oublie
Quelqu'un vend de l'espoir
Quelqu'un au visage vert
ou gris
de l'autre côté du miroir
sur le tain de la nuit.
Quelqu'un quelqu'un quelqu'un mais qui?

Armand Lanoux ("La tulipe orageuse " Seghers 1959)


29 avril 2007

"L'autre" - Robert Lohro

Robert Lohro - Lionel Ray

Robert Lohro, parfois orthographié Lorho, est né en 1935 à Mantes-La-Ville (Yvelines).
Il a d'abord publié des poèmes sous son vrai nom (le recueil "Légendaire" a obtenu le prix Apollinaire en 1965, il a été édité par les éditions Pierre Seghers), et à partir de 1970 sous le pseudonyme de Lionel Ray : ("Le corps obscur", 1981, aux éditions Gallimard, lui vaut le prix de poésie Mallarmé).
Lionel Ray est lauréat du prix Goncourt de Poésie en 1995 et du Grand prix de poésie de la Société des Gens de Lettres en 2001.

Voici quelques poèmes sans titre, sur le thème de "l'autre" qui habite l'auteur. Ces passages sont tous extraits(1) du recueil "Comme un château défait", paru aux éditions Gallimard en 1993  :

Ce qui parle dans le bois, ce qui parle au bord
du gouffre et dans l'horloge et dans l'effondrement
des heures, te ressemble.

Ce qui parle dans le feuillage des consonnes,
dans l'encre des nuages, te ressemble.

Ce qui parle dans les plaies et les fusils sanglants,
dans les crimes et les branches brisées
de la forêt humaine, te ressemble.


Avec la pluie qui n'appartient à personne
(c'est du ciel qui descend à petit bruit,
comme invisiblement)

Aimer encore forêts et falaises,
le mûrissement du silence,

s'enfermer jusqu'au centre du bruit,
dans cette interminable fin du monde
du siècle pourrissant,

Écrire dans l'imparfait un chant
mobile pour te réconcilier
avec ton sang.


Sur ton épaule un dieu fluide
se pose, papillon qui s'affaiblit,
oublie l'être, se dissout.

Celui qui est dans ces pages, dis-tu,
est un autre, il traverse un ciel mal rédigé

Où s'accumulent nuages et sommeils,
et la nuit revient avec des oiseaux de fête.
Est un autre, disais-tu.


Il y a toutes sortes de vies dans ta vie
et toutes sortes de mots dans tes mots,
mais qu'est-ce à la fin que ce brouillard ?

Même la lampe des morts s'éteint,
il n'y a plus où ils sont de langage.

Qu'est-ce à la fin que cette nuit
d'où tu viens, et cette nuit finale
où ni les mots ni les morts ne font signe ?


Comme on glisse hors de soi
aux confins de la veille et du songe,
on regarde une autre demeure, un corps chantant.

Qui est cet homme proche de toi
si peu semblable et pourtant ressemblant,

Dans le tumulte des soifs et des mondes,
broyant le grain des paroles,
cherchant la source brève, la présence sans nom ?


Tu parles aussi pour toi hors du temps
dans ce grand désordre couleur d'ivresse
des routes des heures des paysages.

Tu parles parmi les ombres finales de la nuit
au bord de l'inimaginable absence.

Tu ne dis rien, tu es en proie à toi-même,
tu cherches la place d'être
un autre ou personne.


Dans la géométrie du soleil mobile,
ailes ouvertes sur tant de plaines,
de décombres et de scintillements,

Tu t'éloignes et te rejoins,
tu te rassembles,

Tu es toi-même chaque mot que tu dis
et chacun te conduit en ce lieu
où tu es plus toi-même que toi.

Lionel Ray (Robert Lohro) (Comme un château défait - Gallimard, 1993, et Comme un château défait suivi de Syllabes de sable, collection Poésie/Gallimard, 2004)
(1) Références électroniques pour les textes et les éléments de biographie :
Lionel Ray, « Poèmes », Semen, 09, Texte, lecture, interprétation, 1994, [En ligne], mis en ligne le 31 mai 2007. URL : http://semen.revues.org/document2998.html. et
http://poezibao.typepad.com/poezibao/2007/12/lionel-ray.html



 

29 avril 2007

"L'autre" - Bernard Lorraine

Bernard Lorraine (1933-2002) a publié 27 recueils  (Vitriol, Voilà, Provocation, Sentences, Burlesques ...) et 10 anthologies poétiques (Trésors des épigrammes satiriques ; Une Europe des poètes ; Le cœur à l'ouvrage : anthologie de la poésie du travail ; Un poème, un pays, un enfant ...) ainsi que des essais et des pièces de théâtre.

(...)
"Je te porte en mes pas dans le jour des trottoirs
Flânant aveugle et sourd sans ta voix ni tes yeux".

(hommage de Robert Vigneau à Bernard Lorraine)

Au début ...

Il y avait un ciel
il y eut un nuage
Il y avait la boue
il y eut une plage
Il y avait une eau
il y eut un poisson
Il y avait un arbre
il y eut un oiseau
Il y avait la nuit
il y eut une femme
Il y avait le jour
et il y eut un homme
Il y avait l'amour
il y eut un silence
Mais il y eut un cri
et c'était un enfant
Et ce fut un poète
puisqu'il y eut un chant

Bernard Lorraine


Le tapissier et le pâtissier

Un pâtissier faisait de la pâtisserie,
Son voisin tapissier de la tapisserie.
Lorsque le pâtissier fait sa pâtisserie
Sa pâtissière fait de la tapisserie,
Quand le tapissier vaque à sa tapisserie
Sa tapissière cuit de la pâtisserie.

Aussi retrouve-t-on des clous de tapissier
Dans la pâtisserie du voisin pâtissier,
Aussi retrouve-t-on les choux du pâtissier
Sur la tapisserie du voisin tapissier.
Et comme leurs moitiés sabotent leurs métiers,
Leur industrie et leur commerce en pâtissaient.

Moralité

Pâtissiers, pâtissez ! Tapissez, tapissiers !
À chacun son métier ! À chacun sa moitié.

Bernard Lorraine ("Jouer avec les poètes"  - Hachette, 1999)


29 avril 2007

"L'autre" - Pierre Menanteau

Pierre Menanteau (1895-1992) est très présent sur ce blog, dans les poésies pour la classe.

Qu’elle est belle la Terre

Qu’elle est belle la Terre, avec ses vols d’oiseaux
Qu’on entrevoit soudain à la vitre de l’air,
Avec tous ses poissons à la vitre de l’eau !
La peur les force vite à chercher un couvert
Et l’homme reste seul derrière le rideau.

Qu’elle est belle la Terre, avec ses animaux,
Avec sa cargaison de grâce et de mystère !
Le poète se tient à la vitre des mots.
Cette beauté qu’il chante, il la donne à son frère
Qui se lave les yeux dans le matin nouveau.

Pierre Menanteau ("Bestiaire pour un Enfant Poète" - Seghers 1958)


Le vieux et son chien

S'il était le plus laid
De tous les chiens du monde,
Je l'aimerais encore
A cause de ses yeux.

Si j'étais le plus laid
De tous les vieux du monde,
L'amour luirait encore
Dans le fond de ses yeux.

Et nous serions tous deux,
Lui si laid, moi si vieux,
Un peu moins seuls au monde
A cause de ses yeux

Pierre Menanteau - 1959 ("Florilège poétique")


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