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12 mars 2007

Le Printemps des poètes et René Char

affiche_Printemps_2007Poète français marqué par le surréalisme, René Char (1907-1988) fut aussi un héros de la Résistance et un humaniste.
C'est sous son parrainage qu'est placé le Printemps des Poètes 2007, pour (aussi) le centenaire de sa naissance.

En effet, le thème "Lettera amorosa" est le titre d'un long poème de René Char, un "chant d'amour", paru dans le recueil "La Parole en Archipel".

A qui est adressée cette Lettera amorosa ?
René Char le précise dans la préface du recueil :

« Amants qui n’êtes qu’à vous-mêmes, aux rues, aux bois et à la poésie ; couple aux prises avec tout le risque, dans l’absence, dans le retour, mais aussi dans le temps brutal ; dans ce poème il n’est question que de vous. »

Deux versions de "Lettera amorosa" , illustrées par Jean Arp (1952), puis par Georges Braque (1963) ont été publiées.

Vient de paraître ce mois-ci en Poésie / Gallimard (édition de poche) :
Lettera amorosa de René Char. Cette édition contient les deux versions illustrées, et c'est vraiment très beau (et pas cher). (voir image ci-dessous)

D'autre part, le numéro 931 de la revue Textes et Documents pour la classe (TDC), parue le 1er mars 2007, est consacré à René Char, à l'occasion de la célébration du centenaire de sa naissance.

 «Je ne puis être et ne veux vivre que dans l’espace et dans la liberté de mon amour. Nous ne sommes pas ensemble le produit d’une capitulation, ni le motif d’une servitude plus déprimante encore. Aussi menons-nous l’un contre l’autre une guérilla sans reproche».


"Je ris merveilleusement avec toi. Voilà la chance unique".


Un passage plus long :livre_char_lettera

Lettera amorosa (extrait en continu)

« (...) Je voudrais me glisser dans une forêt où les plantes se refermeraient et s’étreindraient derrière nous, forêt nombre de fois centenaire, mais elle reste à semer. C’est un chagrin d’avoir, dans sa courte vie, passé à côté du feu avec des mains de pêcheur d’éponges. « Deux étincelles, tes aïeules », raille l’alto du temps, sans compassion.
L’automne ! Le parc compte ses arbres bien distincts. Celui-ci est roux traditionnellement ; cet autre, fermant le chemin, est une bouillie d’épines. Le rouge-gorge est arrivé, le gentil luthier des campagnes. Les gouttes de son chant s’égrainent sur le carreau de la fenêtre. Dans l’herbe de la pelouse grelottent de magiques assassinats d’insectes. Ecoute, mais n’entends pas.
Mon éloge tournoie sur les boucles de ton front, comme un épervier à bec droit.
Parfois j’imagine qu’il serait bon de se noyer à la surface d’un étang où nulle barque ne s’aventurerait. Ensuite, ressusciter dans le courant d’un vrai torrent où tes couleurs bouillonneraient.
L’air que je sens toujours prêt à manquer à la plupart des êtres, s’il te traverse, a une profusion et des loisirs étincelants.
Il faut que craque ce qui enserre cette ville où tu te trouves retenue. Vent, vent, vent autour des troncs et sur les chaumes.
J’ai levé les yeux sur la fenêtre de ta chambre. As-tu tout emporté ? Ce n’est qu’un flocon qui fond sur ma paupière. Laide saison, où l’on croit regretter, où l’on projette, alors qu’on s’aveulit. (...)

René Char (Oeuvres complètes / René Char. - Gallimard, 1988 - recueil "La parole en archipel").
source officielle du texte de René Char: Bibliothèque départementale du Loiret / Conseil Général du Loiret. J'ai replacé les passages cités dans l'ordre original, d'après l'édition Poésie/Gallimard.

Le site du Printemps des Poètes est ici en un clic de souris.


On peut retrouver d'autres poèmes, rassemblés par Jacques Charpentreau, dans "Poèmes pour les jeunes du temps présent", une anthologie de poésie contemporaine. Editions ouvrières -  1974. J'ignore si ce livre est encore disponible.
René Char y est présenté ainsi (extrait) :
..." Sa poésie [garde] sa noblesse et sa grandeur mystérieuse...  C'est l'une des plus importantes de notre époque, en une forme dense et d'une étrange beauté ... elle vibre d'un lyrisme sans concession. Son hermétisme est celui de l'évidence fulgurante." J. Charpentreau.

Voici 3 poésies tirées de cette anthologie : Le martinet, jeu muet, le village vertical.
Pour mieux connaître la poésie de René Char, deux autres textes : Allégeance, une vraie lettera amorosa ;
et cette jolie poésie : La complainte du lézard amoureux.


Le martinet

Martinet aux ailes trop larges, qui vire et crie sa joie autour de la maison. Tel est le coeur.

Il dessèche le tonnerre. Il sème dans le ciel serein. S'il touche au sol, il se déchire.

Sa repartie* est l'hirondelle. Il déteste la familière. Que vaut dentelle de la tour ?

Sa pause est au creux le plus sombre. Nul n'est plus à l'étroit que lui.

L'été de la longue clarté, il filera dans les ténèbres, par les persiennes de minuit.

Il n'est pas d' yeux pour le tenir. Il crie, c'est toute sa présence. Un mince fusil va l'abattre. Tel est le coeur.

René Char  ("La fontaine narrative" - 1947 - "Fureur et mystère" - 1948 - Gallimard)
Non, pas d'accent sur "repartie". Cette troisième strophe est difficile, et pas seulement pour les élèves ...


Jeu muet

Avec mes dents
J'ai pris la vie
Sur le couteau de ma jeunesse.
Avec mes lèvres aujourd'hui,
Avec mes lèvres seulement...

Courte parvenue,
La fleur des talus,
Le dard d'Orion
Est réapparu.

René Char ("Le nu perdu" - 1971 - Gallimard)
On trouve parfois ce court poème avec seulement la première strophe.


Le village vertical

Tels des loups ennoblis
Par leur disparition,
Nous guettons l'an de crainte
Et de libération.

Les loups enneigés
Des lointaines battues
A la date effacée.

Sous l'avenir qui gronde,
Furtifs, nous attendons,
Pour nous affilier,
L'amplitude d'amont.

Nous savons que les Choses arrivent
Soudainement
Sombres ou trop ornées.

Le dard qui liait les deux draps
Vie contre vie, clameur et mont,
Fulgura.

René Char ("Le nu perdu" - 1971 - Gallimard)


Allégeance  

Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n’est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus ; qui au juste l’aima ?

Il cherche son pareil dans le vœu des regards. L’espace qu’il parcourt est ma fidélité. Il dessine l’espoir et léger l’éconduit. Il est prépondérant sans qu’il y prenne part.

Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. A son insu, ma solitude est son trésor. Dans le grand méridien où s’inscrit son essor, ma liberté le creuse.

Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n’est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus ; qui au juste l’aima et l’éclaire de loin pour qu’il ne tombe pas ?

René Char ( "La fontaine narrative  - Fureur et Mystère" - 1962)


La complainte du lézard amoureux

N’égraine pas le tournesol,
Tes cyprès auraient de la peine,
Chardonneret, reprend ton vol
Et reviens à ton nid de laine.

Tu n’es pas un caillou du ciel
Pour que le vent te tienne quitte,
Oiseau rural ; l’arc-en ciel
S’unifie dans la marguerite.

L’homme fusille, cache-toi ;
Le tournesol est son complice.
Seules les herbes sont pour toi,
Les herbes des champs qui plissent.

Le serpent ne te connaît pas,
Et la sauterelle est bougonne ;
La taupe, elle, n’y voit pas ;
Le papillon ne hait personne.

Il est midi, chardonneret.
Le séneçon est là qui brille.
Attarde-toi, va sans danger :
L’homme est rentré dans sa famille !

L’écho de ce pays est sûr.
J’observe, je suis bon prophète ;
Je vois tout de mon petit mur,
Même tituber la chouette.

Qui, mieux qu’un lézard amoureux,
peut dire des secrets terrestres ?
Ô léger gentil roi des cieux,
Que n’as-tu ton nid dans ma pierre !

René Char (1947 - "Les matinaux")
Ce texte a été mis en musique par Julos Beaucarne.


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Commentaires
A
Je ne vois pas de quoi il s'agit, merci de préciser si possible ...
M
Ou peut on trouver l'explication de la dédicace de René Char par jean-Baptiste Clément? Merci de me répondre si vous le savez..
A
Il est où, le musée René Char ?
Z
ce poeme je l'est apris a l'école (CM2) je l'aime bien !!! gros bisous a tous !!! et jeudi je vais vissité le musée rené char !!!! dla bombe !
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