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lieu commun
29 avril 2007

Europe - France - Poètes de Provence et de Languedoc

La langue d'Oc, observeront les lecteurs attentifs, est différente à l'oral et à l'écrit selon les régions (et même à l'intérieur d'une même région). Témoin ces textes, de Provence et de Languedoc.

Frédéric Mistral (1830-1914) est un écrivain et poète provençal, prix Nobel de littérature en 1904.Il fonde en 1854 avec d'autres poètes provençaux, le Félibrige, pour défendre les cultures régionales traditionnelles et la langue occitane.

"Les arbres aux racines profondes sont ceux qui montent haut"
Frédéric Mistral

Voici une petite fable :

Lou gripo-roussignòutexte_Mistral_le_rossignol_orig

Au mes de mai, sus uno busco.
Lou roussignòu, plegant lis iue,
S'èro endourmi dedins la niue ;
Mai lou rejit d'uno lambrusco
Dins sa vediho l'arrapè
E lou vaqui pres pèr li ped.
... (suite du texte en cliquant sur l'image ci-contre >)

Frédéric Mistral ("Lis òulivado")

Le grippe-rossignoltexte_Mistral_le_rossignol

Au mois de mai, sur une branche,
Le rossignol, clignant des yeux,
S'était endormi dans la nuit ;
Mais le jet d'une vigne folle
Le saisit dans sa vrille,
Et le voilà pris par les pieds.
... (suite de la traduction en cliquant sur l'image ci-contre >)

Frédéric Mistral ("Les Olivades") en français par l'auteur.


Sextius Michel 1827-1906) est né à Sénas (Provence). Il "monté à Paris", avec ses premiers poèmes. Il sera président des félibres (voir ci-dessus Frédéric Mistral) de Paris et maire du XVe arrondissement, de 1871 à sa mort.
Il est le fondateur d'une des premières Caisses des écoles de Paris, pour financer les cantines scolaires, d'une colonie de vacances, ainsi que d'une mutualité scolaire (en 1900).

Les hirondelles (légende)texte_hirondelles_orig

Les hirondelles ont fait leur nid
dans la toiture ensoleillée
d'un petit château. L'aube rit
aux piaulements de la nichée.

Vivait dans ce paradis
une charmante dame adorée
d'un galant jouvenceau du pays.
Oh ! Quels tendres embrassements !

Un jour, crime ou folie,
on la trouva morte dans son lit,
la jeune dame, hélas ! toute seule.

L'amant avait disparu.
Revient l'été avec le ciel bleu,
mais ne reviennent pas les hirondelles.

Sextius Michel ("Le long du Rhône et de la mer") ("Long dóu Rose e de la mar" - Flammarion et Roumanillo 1892)

... (lire la traduction du poème  "Li dindouleto" en cliquant sur l'image ci-contre >)


"Max Rouquette est né en 1908 à Argelliers, près de Montpellier, dans un paysage inoubliable et jamais oublié de bois de chênes verts sombres, de garrigues colorées, de vignes tendrement odorantes et de figuiers bibliques. Ce paysage est la clé de son écriture. Parce que c'est en ce lieu, et en ce lieu seulement, que s'est effectuée la fusion des mots et du monde.
Max Rouquette a écrit en occitan (...)
Tous les textes de Max Rouquette résonnent de cette origine féconde. Ils en tirent probablement leur sève unique, et cette faculté d'éblouissement, tissée de beautés et d'angoisses, qui nous les rend communicables et si précieux."
(Philippe Gardy)

Los mots

Los mots son des sòus traucats.
Per jogar als osselets
ne vòle cafir ma pauma.
E ne faire gisclar son cant perdut,
ambe d’ulhauç de lusor nòva.
An delembrat çò que disián,
son tornats vèrges dins l’espandi.
Lo sòu traucat es vengut nòu.
Ne vòle faire de solelhs
e de lunas emai d’estèlas
qu’entre eles s’entrelusiràn.

Entre dos sangluts de quitarra
s’estira un sègle de dolor.

Max Rouquette

Les mots

Les mots sont des sous troués.
Pour jouer aux osselets
je veux en remplir ma paume.
Et leur faire crier leur chant perdu
dans des éclairs de clarté neuve.
Ils ont oublié ce qu’ils disaient,
à nouveau vierges dans l’espace.
Le sou troué redevient neuf.
Je veux en faire des soleils
et des lunes et des étoiles,
qui s’illumineront entre elles.

Entre deux sanglots de guitare
s’étire un siècle de douleur.

Max Rouquette ("Lo maucor de l'unicorn") ("Le tourment de la licorne") - éditions Domens


Et du même auteur, cette jolie scène nocturne :

Lo sabaud

Perque sus uolhs s'enclausisson de luna
clara dins lo ceu escur
un sabaud de l'estiu, doçament nada
dins l'aiga plana, miralh pur.

Mai naut que la mai nauta branca
ela, que landa eternament
davala e dins l'aiga, un moment
dansa per el en rauba blanca.

Max Rouquette ("Los saumes de la nuoch" - éd Obsidiane -bilingue, 1984)

traduction de l'auteur :

Le crapaud

Parce que ses yeux s'enchantent de la lune
claire dans le ciel obscur
un crapaud de l'été doucement nage
dans l'eau plane, pur miroir.

Plus haut que la plus haute branche
elle, qui glisse éternellement,
descend, et dans l'eau un moment
danse pour lui en robe blanche.

Max Rouquette ("Les psaumes de la nuit" - éd Obsidiane -bilingue, 1984)


Alan Pelhon  (1946-1994) est né à Coaraze (Alpes-Maritimes), et c'est dans cette région qu"il a passé sa courte vie.

La jòia (titre proposé)

La jòia serà fuec
Cant dau gal
Parpalhon virolant d'aquí ailà
Lutz esclapant la nuech
Aiga fresca dau sorgent
Mar breçolada per li gabians
Solelh que s'escorre plan-plan
En la mieu boca
En una jòia que ren arresta

La joie

La joie sera feu
Chant du coq
Papillon pirouettant ça et là
Lumière brisant la nuit
Eau fraîche de la source
Mer bercée par les mouettes
Soleil qui ruisselle doucement
Dans ma bouche
Dans une joie que rien n'arrête

Alan Pelhon ("Vi devi parlar"/"Je dois parler") - éditions La Dralha, 2004.


Louisa Paulin (1888-1944) a vécu dans le Tarn (naissance à Réalmont), où elle a été institutrice. Elle écrit ses poèmes d'abord uniquement en français, puis en français et en occitan.
“Je me suis mise à la langue d'Oc par repentir d'avoir si longtemps ignoré mon pays et peut-être de l'avoir un peu méprisé”

On ne connaît généralement de Louisa Paulin que ses poèmes en français. Voici deux textes qu'elle a écrits dans les deux langues :

La cançon del silenci.

Vèni, ausirem, anuèit, la Cançon del silenci,
la cançon que comença,
quand s'escantís, la nuèit, lo cant del rossinhòl ;
la cançon que s'ausís al doç cresc de l'erbeta,
la cançon de l'aigueta
que se pausa, un moment, al rebat d'un ramèl ;
la cançon de la branca
que fernís e que dança
desliurada del pes amorós d'un ausèl ;
la secreta conçon breçant l'ombra blavenca
del lir còrfondut de promessa maienca,
qu'espèra, per florir, un signe del azur.


La chanson du silence

Viens, nous entendrons, ce soir, la chanson du silence,
la chanson qui commence,
quand s'achève, la nuit, le chant du rossignol ;
la chanson qu'on entend à la douce croissance de l'herbe,
la chanson de l'eau vive
qui se repose, un moment, au reflet d'un rameau ;
la chanson de la branche
qui frissonne et qui danse
délivrée du poids amoureux d'un oiseau ;
la secrète chanson berçant l'ombre bleuâtre
du lis défaillant de promesse printanière,
qui attend, pour fleurir, un signe de l'azur.

Louisa Paulin


Fum 

Non, non, anuèit vòli fugir l'ostal !
Vòli lo fial de lum que s'estira suls camps
Quand lo lauraire aluca un fuòc d'erbassas.
O fial de fum, vèni ligar un raive,
Un rave que m'escapa
– coma tu, lial de fum –
Per fugir cap a las estelas.

Louisa Paulin ("Sorgas")

Fumée

Non, non, ce soir je veux fuir la maison !
Je veux le fil de fumée qui s'étire sur les champs
Quand le laboureur allume un feu de mauvaises herbes.
Ô fil de fumée, viens lier un rêve,
Un rêve qui m'échappe
– comme toi, fil de fumée –
Pour fuir vers les étoiles.

Louisa Paulin ("Sources")


Jean Boudou ou Joan Bodon (1920-1975), instituteur aveyronnais, est considéré comme le plus grand des poètes du Languedoc. Il est l'auteur de romans et de poésies en occitan, exclusivement.

Recueil le plus connu : Sus la mar de las galèras (Sur la mer des galères), dont on peut trouver le texte intégral ici (format pdf mais non traduit)

Alba de Pigala

Cercavi fortuna, la trobèri lèu;
Aquela nuèch blanca tombava de nèu.
Canti çò que canti, plore lo que vòl...
Mas per cridar l’alba cal un rossinhòl.

Gardèt los debasses e lo casabèc:
De què ne pensavas, Tolosa-Lautrèc ?
Sus una flaçada, sens cap de lençòl ...
Mas per cridar l’alba cal un rossinhòl.

Qu’es aquela trèva que totjorn me sèc ?
Lautrèc es Tolosa: lo comte bufèc ...
Quand l’amor se paga per un blavairòl.
Mas per cridar l’alba cal un rossinhòl.

Al fons de la prada sabi lo pibol,
Sabi la montanha ... Caminarai sol.
La fortuna vira que me ten pel còl.
Mas per cridar l’alba cal un rossinhòl.

Joan Bodon

L'aube de Pigala

Je cherchais fortune, la trouvai bientôt,
Cette nuit blanche où tombait la neige.
Je chante ce que je chante, pleure qui veut
Mais pour appeler l'aube il faut un rossignol ...

...

Au fond de la prairie je sais le peuplier,
Je sais la montagne ... seul, je marcherai
La fortune tourne qui me tient par le cou.
Mais pour appeler l'aube il faut un rossignol ...

Libre traduction des première et dernière strophes, lieucommun.
Ce texte est chanté en occitan par Mans de Breish, comme le suivant.


Alba d'Occitania (extrait)     Aube d'Occitanie

La nuèch e la pluèja e lo gèl  La nuit et la pluie et le gel
Pas una estela dins lo cèl       Pas une étoile dans le ciel
Quora tornara l'alba ?            Quand viendra l'aube ?
Encara canta pas l'aucèl         L'oiseau ne chante pas encore
Quora tornara l'alba ?            Quand viendra l'aube ?

Una nuèch longa sens amor    Une longue nuit sans amour
Lo rosal plora sus la flor        Le rosier pleure sur la fleur
Quora tornara l'alba ?            Quand viendra l'aube ?
S'entrevesiam una lusor ...     On entrevoit une lueur ...

Paraulas de Joan Bodon, Cantat per Mans de Breish
Paroles de Joan Bodon, Chanté par Mans de Breish  traduction Lieucommun


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