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1 mars 2008

Alphonse de LAMARTINE - le féminin en poésie

Alphonse de Lamartine (1790-1869), est un grand poète romantique et lyrique, ainsi qu'un écrivain et un homme politique français.

À Elvire

Lorsque seul avec toi, pensive et recueillie,
Tes deux mains dans la mienne, assis à tes côtés,
J'abandonne mon âme aux molles voluptés
Et je laisse couler les heures que j'oublie ;
Lorsqu'au fond des forêts je t'entraîne avec moi,
Lorsque tes doux soupirs charment seuls mon oreille,
Ou que, te répétant les serments de la veille,
Je te jure à mon tour de n'adorer que toi ;
Lorsqu'enfin, plus heureux, ton front charmant repose
Sur mon genou tremblant qui lui sert de soutien,
Et que mes doux regards sont suspendus au tien
Comme l'abeille avide aux feuilles de la rose ;
Souvent alors, souvent, dans le fond de mon coeur
Pénètre comme un trait une vague terreur ;
Tu me vois tressaillir ; je pâlis, je frissonne,
Et troublé tout à coup dans le sein du bonheur,
Je sens couler des pleurs dont mon âme s'étonne.
Tu me presses soudain dans tes bras caressants,
Tu m'interroges, tu t'alarmes,
Et je vois de tes yeux s'échapper quelques larmes
Qui viennent se mêler aux pleurs que je répands.
"De quel ennui secret ton âme est-elle atteinte ?
Me dis-tu : cher amour, épanche ta douleur ;
J'adoucirai ta peine en écoutant ta plainte,
Et mon coeur versera le baume dans ton coeur."
Ne m'interroge plus, à moitié de moi-même !
Enlacé dans tes bras, quand tu me dis : Je t'aime;
Quand mes yeux enivrés se soulèvent vers toi,
Nul mortel sous les cieux n'est plus heureux que moi ?
Mais jusque dans le sein des heures fortunées
Je ne sais quelle voix que j'entends retentir
Me poursuit, et vient m'avertir
Que le bonheur s'enfuit sur l'aile des années,
Et que de nos amours le flambeau doit mourir !
D'un vol épouvanté, dans le sombre avenir
Mon âme avec effroi se plonge,
Et je me dis : Ce n'est qu'un songe
Que le bonheur qui doit finir.
 

Alphonse de Lamartine ("Nouvelles Méditations Poétiques")

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Chant d'amour III

Pourquoi sous tes cheveux me cacher ton visage ?
Laisse mes doigts jaloux écarter ce nuage :
Rougis-tu d'être belle, ô charme de mes yeux ?
L'aurore, ainsi que toi, de ses roses s'ombrage.
Pudeur ! honte céleste ! instinct mystérieux,
Ce qui brille le plus se voile davantage ;
Comme si la beauté, cette divine image,
N'était faite que pour les cieux !

Tes yeux sont deux sources vives
Où vient se peindre un ciel pur,
Quand les rameaux de leurs rives
Leur découvrent son azur.
Dans ce miroir retracées,
Chacune de tes pensées
Jette en passant son éclair,
Comme on voit sur l'eau limpide
Flotter l'image rapide
Des cygnes qui fendent l'air !

Ton front, que ton voile ombrage
Et découvre tour à tour,
Est une nuit sans nuage
Prête à recevoir le jour ;
Ta bouche, qui va sourire,
Est l'onde qui se retire
Au souffle errant du zéphyr,
Et, sur ces bords qu'elle quitte,
Laisse au regard qu'elle invite,
Compter les perles d'Ophyr !

Ton cou, penché sur l'épaule,
Tombe sous son doux fardeau,
Comme les branches du saule
Sous le poids d'un passereau ;
Ton sein, que l'oeil voit à peine
Soulevant à chaque haleine
Le poids léger de ton coeur,
Est comme deux tourterelles
Qui font palpiter leurs ailes
Dans la main de l'oiseleur.

Tes deux mains sont deux corbeilles
Qui laissent passer le jour ;
Tes doigts de roses vermeilles
En couronnent le contour.
Sur le gazon qui l'embrasse
Ton pied se pose, et la grâce,
Comme un divin instrument,
Aux sons égaux d'une lyre
Semble accorder et conduire
Ton plus léger mouvement.

Pourquoi de tes regards
Percer ainsi mon âme ?
Baisse, oh! baisse tes yeux
Pleins d'une çhaste flamme :

Baisse-les, ou je meurs,
Viens plutôt, lève-toi !
Mets ta main dans la mienne,
Que mon bras arrondi
T'entoure et le soutienne
Sur ces tapis de fleurs
.

Alphonse de Lamartine ("Nouvelles Méditations Poétiques")



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