Gérard de NERVAL - le féminin en poésie
Gérard de Nerval, pseudonyme de Gérard Labrunie (1808-1855) est un
poète "moderne", auteur des "Filles du Feu" (1854) ; Les Chimères
(1854) ; "Aurélia ou le rêve et la vie" (1855). Il a traduit le poète
allemand Heinrich Heine.
En grande détresse matérielle et morale, il se pend dans une rue de Paris.
... "Je suis le ténébreux, le veuf, l'inconsolé,
Le prince d'Aquitaine à la tour abolie:
Ma seule étoile est morte, et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la Mélancolie ...
Gérard de Nerval dans le poème El Desdichado ("le malheureux", en espagnol) ("Les Chimères")
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Une allée du Luxembourg
Elle a passé, la jeune fille,
Vive et preste comme un oiseau ;
À la main une fleur qui brille,
À la bouche un refrain nouveau.
C' est peut-être la seule au monde
Dont le coeur au mien répondrait ;
Qui, venant dans ma nuit profonde,
D' un seul regard l'éclairerait ! ...
Mais non, ma jeunesse est finie ...
Adieu, doux rayon qui m' a lui,
Parfum, jeune fille, harmonie...
Le bonheur passait, il a fui !
Gérard de Nerval ("Odelettes", 1832)
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La Grand-mère
Voici trois ans qu'est morte ma grand'mère,
La bonne femme, et, quand on l'enterra,
Parents, amis, tout le monde pleura
D'une douleur bien vraie et bien amère.
Moi seul j'errais dans la maison, surpris
Plus que chagrin ; et, comme j'étais proche
De son cercueil, quelqu'un me fit reproche
De voir cela sans larmes et sans cris.
Douleur bruyante est bien vite passée :
Depuis trois ans, d'autres émotions,
Des biens, des maux, des révolutions,
Ont dans les murs sa mémoire effacée.
Moi seul j'y songe, et la pleure souvent ;
Depuis trois ans, par le temps prenant force,
Ainsi qu'un nom gravé dans une écorce,
Son souvenir se creuse plus avant !
Gérard de Nerval ("Odelettes", 1832)