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1 avril 2008

PP 09 : l'humour de CHARLES CROS

- Charles Cros -

Charles Cros (1842–1888) est un poète français ("Le Collier de griffes", "Le Coffret de santal") méconnu de ses contemporains et quelque peu oublié aujourd'hui. Il reste quand même son hareng saur, sec, sec, sec, qui se balance aux murs des écoles. Charles Cros est aussi un inventeur dépossédé : qui sait ce qu'il a apporté à la photographie ? Et le phonographe, qu'il avait théorisé, a été réalisé par Thomas Edison.

Le hareng saur

à Guy *

Il était un grand mur blanc - nu, nu, nu,
Contre le mur une échelle - haute, haute, haute,
Et, par terre, un hareng saur - sec, sec, sec.

Il vient, tenant dans ses mains - sales, sales, sales,
Un marteau lourd, un grand clou - pointu, pointu, pointu,
Un peloton de ficelle - gros, gros, gros.

Alors il monte à l’échelle - haute, haute, haute,
Et plante le clou pointu - toc, toc, toc,
Tout en haut du grand mur blanc - nu, nu, nu.

Il laisse aller le marteau - qui tombe, qui tombe, qui tombe,
Attache au clou la ficelle - longue, longue, longue,
Et, au bout, le hareng saur - sec, sec, sec.

Il redescend de l’échelle - haute, haute, haute,
L’emporte avec le marteau - lourd, lourd, lourd,
Et puis, il s’en va ailleurs, - loin, loin, loin.

Et, depuis, le hareng saur - sec, sec, sec,
Au bout de cette ficelle - longue, longue, longue,
Très lentement se balance - toujours, toujours, toujours.

J’ai composé cette histoire, - simple, simple, simple,
Pour mettre en fureur les gens - graves, graves, graves,
Et amuser les enfants - petits, petits, petits.

Charles Cros ("Le Coffret de santal", 1873 - Gallimard poésie 1972) - * Guy-Charles Cros, son fils, qui deviendra poète

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Quelques poèmes à l'humour sombre et désabusé :

Moi, je vis la vie à côté

Moi, je vis la vie à côté,
Pleurant alors que c'est la fête.
Les gens disent : Comme il est bête!
En somme, je suis mal coté.
J'allume du feu dans l'été,
Dans l'usine je suis poète ;
Pour les pitres je fais la quête.
Qu'importe ! J'aime la beauté.

Beauté des pays et des femmes,
Beauté des vers, beauté des flammes,
Beauté du bien, beauté du mal.

J'ai trop étudié les choses ;
Le temps marche d'un pas normal;
Des roses, des roses, des roses !

Charles Cros ("Le Collier de griffes", 1908 [recueil posthume] - Gallimard poésie 1972)

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Gagne-petit

Il a tout fait, tous les métiers. Sa simple vie
Se passe loin du bruit, loin des cris de l'envie
Et des ambitions vaines du boulevard.
Pour ce jour attendu, qui s'annonce blafard,
Les savants ont prédit, avant l'heure où se couche
Le soleil, une éclipse. Et sa maîtresse accouche,
Apportant un enfant parmi tant de soucis !
Il compte, pour dîner, sur ses verres noircis.
Carrières de Montmartre, en vos antres de gypse,
Abritez le marchand de verres pour éclipse !

Charles Cros ("Le Coffret de santal", 1873 - Gallimard poésie 1972)

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Songe d'été

À d’autres les ciels bleus ou les ciels tourmentés,
La neige des hivers, le parfum des étés,
Les monts où vous grimpez, fiertés aventurières
Des Anglaises. Mes yeux aiment mieux les clairières
Où la charcuterie a laissé ses papiers,
Les sentiers où l’on sent encor l’odeur des pieds
Des soldats avec leurs payses, la presqu’île
De Gennevilliers, où croît l’asperge tranquille
Sous l’irrigation puante des égouts...
On ne dispute pas des couleurs ni des goûts.

Charles Cros ("Le Coffret de santal", 1873 - Gallimard poésie 1972)

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Morale

Sur des chevaux de bois enfiler des anneaux,
Regarder un caniche expert aux dominos,
Essayer de gagner une oie avec des boules,
Respirer la poussière et la sueur des foules,
Boire du coco tiède au gobelet d'étain
De ce marchand miteux qui fait ter lin tin tin,
Rentrer se coucher seul, à la fin de la foire,
Dormir tranquillement en attendant la gloire
Dans un lit frais l'été, mais, l'hiver, bien chauffé
Tout cela vaut bien mieux que d'aller au café.

Charles Cros ("Le Coffret de santal", 1873 - Gallimard poésie 1972)

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