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lieu commun
1 avril 2008

Marie Gevers, Claire Goll

Marie Gevers (1883-1975) est une romancière et poète belge.

Chanson pour apprendre aux cinq sens à aimer la pluie

Il pleut des résilles d’argent :
Vois, la tintante joie
De l’étang aux roseaux penchants,
Où le jardin se noie.

La saveur d’air des champignons,
Cueillis dans les prairies,
Dans le brouillard du matin fond
En savoureuse pluie.

Sur le toit écoute couler
Les gouttes et bruire
De tuile en tuile les colliers
De perles de leur rire.

Respire le parfum moisi
Et tiède de la terre
Où des bulles glissent ainsi
Que des ronds de lumière.

Ouvre les paumes de tes mains
Pour recueillir l’ondée,
En t’imaginant que tu tiens
Les cheveux des nuées.

Et tâche d’être alors à la fois,
Dans le frais paysage,
L’étang, les champignons, le toit,
La terre et les nuages.
 

Marie Gevers ("Missembourg" - Buschmann, 1917)

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Les poèmes du recueil "Antoinette" sont dédiés à sa fille :

Repas du matin

Dans ce lait où fleurit le printemps des prairies,
Et le sucre où l'hiver des betteraves brille,
dans le pain qui concentre les moissons d'été,
Et dans la confiture où la maturité
De l'automne à ta bouche joyeuse est donnée,

Trouve la saveur des journées
Et la joie diverse des mois
Qui nous amènent trois par trois
Les saisons dont la belle ronde
Sans cesse tourne autour du monde.
 

Marie Gevers ("Antoinette" - Buschmann éditeur, 1925)



Claire Goll (1890-1977) a écrit de nombreux poèmes et publié également des recueils communs avec son époux Yvan Goll.

Danse captive

Éphèbe éclaboussé par le noir
Et le jaune des bougies instables
Homme ailé que les cadences soulèvent
Du tapis vibrant de la chambre
Tourne fouetté par la musique
Dans ton boléro de peau musquée
Mime le rapt de l’âme ivre
Danse sur le sol incertain
Ta rage canaille ta perte
La joie proche des larmes acides
Les lacets de feu contre la neige
Tu ressembles aux bougies
À leur volupté de brûler un soir.
 

Claire Goll

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Démunie

Pourquoi n'ai-je pas conservé
Tes sourires précieux
Et préservé l'ombre
Que tu jetais sur nos routes ?

Pourquoi n'ai-je pas mis de côté
Tes regards d'ambre et d'or,
Fortune fabuleuse pour plus tard
Quand je serai à court de tendresse ?

J'ai gaspillé tes caresses
Je n'ai aucun disque de tes pas
L'orage a éparpillé tes étreintes
Et détruit les silos remplis de baisers.
Le dernier son de ta voix
S'est perdu dans le sable
Et je dessine en vain ton profil
Dans le givre de ma fenêtre.

Claire Goll



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