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1 avril 2008

Cécile Sauvage, Anne Schwarz-Henrich, Madeleine de Scudéry

Cécile Sauvage (1883-1927).

Je t'ai écrit au clair de lune

Je t'ai écrit au clair de lune
Sur la petite table ovale,
D'une écriture toute pâle,
Mots tremblés, à peine irisés
Et qui dessinent des baisers.
Car je veux pour toi des baisers
Muets comme l'ombre et légers
Et qu'il y ait le clair de lune
Et le bruit des branches penchées
Sur cette page détachée.

Cécile Sauvage ("Primevère")

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Le jour (début du poème)

Levons-nous, le jour bleu colle son front aux vitres,
La note du coucou réveille le printemps,
Les rameaux folichons ont des gestes de pitres,
Les cloches de l'aurore agitent leurs battants.
La nuit laisse en fuyant sa pantoufle lunaire
Traîner dans l'air mouillé plein de sommeil encor
Et derrière les monts cachant sa face claire
Le soleil indécis darde trois flèches d'or.

Cécile Sauvage ("Tandis que la terre tourne")

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Peut-être serai-je plus gaie ...

Peut-être serai-je plus gaie
Quand, dédaigneuse du bonheur,
Je m'en irai vieille et fanée,
La neige au front et sur le coeur :

Quand la joie ou les cris des autres
Seront mon seul étonnement
Et que des pleurs qui furent nôtres
Je n'aurai que le bavement.

Alors, on me verra sourire
Sur un brin d'herbe comme au temps
Où sans souci d'apprendre à lire
Je courais avec le printemps.

Cécile Sauvage ("Mélancolie")

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Mais je suis belle d'être aimée ...

Mais je suis belle d'être aimée,
Vous m'avez donné la beauté,
Jamais ma robe parfumée
Sur la feuille ainsi n'a chanté,
Jamais mon pas n'eut cette grâce
Et mes yeux ces tendres moiteurs
Qui laissent les hommes rêveurs
Et les fleurs même, quand je passe.

Cécile Sauvage ("Primevère")

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Souvent le coeur qu'on croyait mort ... (La lune blanche)

Souvent le coeur qu'on croyait mort
N'est qu'un animal endormi ;
Un air qui souffle un peu plus fort
Va le réveiller à demi ;
Un rameau tombant de sa branche
Le fait bondir sur ses jarrets
Et, brillante, il voit sur les prés
Lui sourire la lune blanche.

Cécile Sauvage ("Mélancolie")

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Fumées (début et passages du poème)

Le brouillard fondu
Prend les arbres nus
Dans sa molle haleine.
Le jardin frileux
Sous un voile bleu
Se devine à peine.

Le soleil blafard
Résout le brouillard
En perles d’eau blanche
Dont le tremblement
Miroite et s’étend
À toutes les branches.
…...

L’azur d’un soir gris.
Un vague arc-en-ciel s’allonge et verdit
Sur la côte obscure ;
Sa courbe légère et rose grandit
De plus en plus pure.
À l’endroit où l’arc suave incliné
Rejoint la colline,
Les arbres d’hiver prennent sa clarté,
Dans leurs branches fines.

Un oiseau chante comme une eau
Sur des cailloux et des pervenches.
Quelle odeur de printemps s’épanche
De cette pure voix d’oiseau !

Le paysan vieux et cassé
Rejoint son obscure chaumine
Qui somnole sur la colline
Dans le velours tendre d’un pré.
Il voit d’en bas tourner le chien
Et la lueur d’un jeune pin
Se détacher doucement verte
Dans l’ombre de la porte ouverte.

……

La lune pâle, rêveuse
Et transparente à demi,
Glisse sur la vaporeuse
Douceur d’un ciel endormi.
Dans les branches dénudées
Et si grêles d’un bouleau
Une lueur irisée
Incline ses calmes eaux.
C’est l’hiver et sa tristesse
Avec de muets oiseaux
Se berçant à la sveltesse
Sans feuillage des rameaux.
……

Homme au grand chapeau tombant,
À la figure flétrie,
Quelle étrange horlogerie
Vous fait aller titubant ?
Quel cœur dans votre poitrine
Éveille des souvenirs ?
Voyez-vous l’ombre divine
De la lune revenir,
Ou bien n’êtes-vous qu’un rêve
Flottant en vagues habits
À travers les heures brèves
Et sous les ciels engourdis ?
……

J’ai vu ce matin la lune
Pâle dans les longs bouleaux
Et cette image importune
Reviendra dans mon cerveau.
Elle viendra persistante
Comme un avertissement
Dans un rêve qui me hante,
Et j’ai le bref sentiment
Qu’au jour de ma destinée
Dans un bouleau langoureux
Luiront nettement les feux
De cette lune obstinée.
……

La ville sous la fumée
Du soir et des cheminées
Flotte en un rêve étranger
Et s’efface. Son église
De fines colonnes grises,
Pareilles aux pins légers,
Sur le fond de la colline
Grandit, sans âge et divine
Dans le soir désespéré.

Dans l’herbe trottine un chien,
Une brindille remue,
Un oiseau fuit et plus rien
Ne bouge sur l’avenue.
……

Je ne veux qu’un rêve
À demi-flottant,
Que mon âme brève
Passe en voletant,
Que la brume fine
L’enveloppe aussi ;
Qu’elle s’achemine
Sans autre souci
Que celui d’errer
Avec une brise,
Sur l’arbre léger,
Sur la terre grise.

Cécile Sauvage ("Fumées")



Anne Schwarz-Henrich est une poète contemporaine, auteure de recueils pour les enfants : "Du coq à l'âne" (paru en 2005), "Au clair de ma plume"...

 L'autre monde

Quand je ferme les yeux,
J'allume les lumières
Des plafonds merveilleux
Que déploient mes paupières

Et qui m'éclairent les lieux
Où je viens, solitaire,
Glaner des rêves bleus
Dans la nuit, sur mes terres.

Anne Schwarz-Henrich

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Rêve-luisant

C'est le soir
au milieu du noir
un petit rêve s'est
allumé
Je monte chez lui
Et il me garde toute la nuit
 

Anne Schwarz-Henrich

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 Fleurs éternelles

Je sème des fleurs
Sur mon passage
Des fleurs d’instants,
Si parfumées
Que, même lorsque
J’avance en âge,
Elles me ramènent
Vers mon passé.

Anne Schwarz-Henrich

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La montre à remonter le temps

Ma montre a une tactique
Pour remonter le temps...
Elle ne fait pas « tic-tac »
Mais « tac-tic » tout le temps !

Anne Schwarz-Henrich



Madeleine de Scudéry (1607-1701) est une écrivaine, romancière et poète, adepte d'épigrammes, poèmes courtsà l'adresse de quelqu'un. En voici trois des plus connus :

Contre Job

Contre Job, autrefois, le démon révolté
Lui ravit ses enfants, ses biens et sa santé,
Mais pour mieux l’éprouver et déchirer son âme
Savez-vous ce qu’il fît ?... Il lui laissa sa femme.

Madeleine de Scudéry (publié dans le "Recueil Sercy", 1653)

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Impromptu sur des pots de fleur
que Monsieur le Prince de Condé cultiva lui-même


En voyant ces oeillets qu'un illustre guerrier
Arrosa d'une main qui gagna des batailles,
Souviens-toi qu'Apollon bâtissait des murailles
Et ne t'étonne point que Mars soit jardinier.

Madeleine de Scudéry (publié dans le "Recueil Sercy", 1653)

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Réponse au poème d'un de ses amis
qui la flattait d'immortalité.


Quand l'aveugle destin aurait fait une loi
Pour me faire vivre sans cesse,
J'y renoncerais par tendresse,
Si mes amis n'étaient immortels comme moi.

Madeleine de Scudéry (publié dans le "Recueil Sercy", 1653)



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Commentaires
A
merci de ce SMS réduit
P
mm pas movai
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