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1 novembre 2009

Saint-John Perse - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Saint-John Perse -

Saint-John Perse (1887-1975), est le nom de plume, entre-autres pseudonymes, de l'écrivain, poète et diplomate guadeloupéen Alexis Leger (prononcer "Leuger"). Il quitte la Guadeloupe avec ses parents à l'adolescence et vit en métropole, où il rencontre des écrivains et des poètes : Francis Jammes, Paul Claude, André Gide ... Parallèlement à son parcours de poète, il mène une carrière de diplomate de premier plan (Secrétaire général du Ministère des Affaires Etrangères, de 1933 à 1940), compromise, dans cette période de montée du nazisme et du fascisme, par ses positions politiques, plutôt hostiles aux entreprises d'Hitler en Europe. Il s'exile aux Etats-Unis en 1940, où sont publiés la quasi totalité de ses ouvrages, après le recueil "Anabase" (1925). le Prix Nobel de littérature lui a été décerné en 1960.

D'autres textes de l'auteur sur ce blog ) l'occasion du Printemps des Poètes 2011 ("d'Infinis paysages") : http://lieucommun.canalblog.com/archives/_print_poetes_11___poetes_d_outre_mer/index.html

On trouvera également de nombreuses informations sur la vie de l'auteur et sur son œuvre considérable : http://www.fondationsaintjohnperse.fr/

Pour fêter une enfance (I à IV - passages du recueil "Éloges")

I
Palmes… !
    Alors on te baignait dans l’eau-de-feuilles-
vertes ; et l’eau encore était du soleil vert ; et les
servantes de ta mère, grandes filles luisantes,
remuaient leurs jambes chaudes près de toi qui
tremblais…
    (Je parle d’une haute condition, alors, entre
les robes, au règne de tournantes clartés.)
    Palmes ! et la douceur
    D’une vieillesse des racines… ! La terre
    Alors souhaita d’être plus sourde, et le ciel
plus profond, où des arbres trop grands, las d’un
obscur dessein, nouaient un pacte inextricable…
    (J’ai fait ce songe, dans l’estime : un sûr
séjour entre les toiles enthousiastes.)

    Et les hautes
racines courbes célébraient
l’en allée des voies prodigieuses, l’invention
des voûtes et des nefs,
    et la lumière alors, en de plus purs exploits
féconde, inaugurait le blanc royaume où j’ai
mené peut-être un corps sans ombre…
    (Je parle d’une haute condition, jadis, entre
des hommes et leurs filles, et qui mâchaient de
telle feuille.)

    Alors, les hommes avaient
    une bouche plus grave, les femmes avaient
des bras plus lents ;
    alors, de se nourrir comme nous de racines,
de grandes bêtes taciturnes s’ennoblissaient ;
    et plus longues sur plus d’ombre se levaient
les paupières…
    (J’ai fait ce songe, il nous a consumés sans reliques.)


II
    Et les servantes de ta mère, grandes filles
luisantes…Et nos paupières fabuleuses … Ô
    clartés ! ô faveurs !
    Appelant toute chose, je récitai qu’elle était
grande, appelant toute bête, qu’elle était belle et
bonne.
    Ô mes plus grandes
    fleurs voraces, parmi la feuille rouge, à
dévorer tous mes plus beaux
    insectes verts !Les bouquets au jardin sen-
taient le cimetière de famille. Et une très petite
sœur était morte : j’avais eu, qui sent bon, son
cercueil d’acajou entre les glaces de trois cham-
bres. Et il ne fallait pas tuer l’oiseau-mouche
d’un caillou…Mais la terre se courbait dans nos
jeux comme le fait la servante,
    celle qui a le droit à une chaise si l’on se tient
dans la maison.

    … Végétales ferveurs, ô clartés ô faveurs !...
    Et puis ces mouches, cette sorte de mouches,
Vers le dernier étage du jardin, qui étaient
Comme si la lumière eût chanté !

    … Je me souviens du sel, je me souviens du
sel que la nourrice dut essuyer à l’angle de
mes yeux.
    Le sorcier noir sentenciait à l’office : « Le
monde est comme une pirogue, qui, tournant et
tournant, ne sait plus si le vent voulait rire ou
pleurer… »
    Et aussitôt mes yeux tâchaient à peindre
    un monde balancé entre les eaux brillantes,
connaissaient le mât lisse des fûts, la hune sous
les feuilles, et les guis et les vergues, les haubans
de liane,
    où trop longues, les fleurs
    s’achevaient en des cris de perruches.

III

... Puis ces mouches, cette sorte de mouches,
et le dernier étage du jardin... On appelle.
J'irai... Je parle dans l'estime.
Sinon l'enfance, qu'y avait-il alors qu'il
n'y a plus ?
Plaines ! Pentes ! Il y
avait plus d'ordre ! Et tout n'était que
règnes et confins de lueurs. Et l'ombre et la
lumière alors étaient plus près d'être une même
chose... Je parle d'une estime... Aux lisières le
fruit
pouvait choir
sans que la joie pourrît au rebord de nos
lèvres.
Et les hommes remuaient plus d'ombre avec
une bouche plus grave, les femmes plus de songe
avec des bras plus lents.

... Croissent mes membres, et pèsent, nourris
d'âge ! Je ne connaîtrai plus qu'aucun lieu de
moulins et de cannes, pour le songe des enfants,
fût en eaux vives et chantantes ainsi distribué...
À droite
on rentrait le café, à gauche le manioc
(ô toiles que l'on plie, ô choses élogieuses !)
Et par ici étaient les chevaux bien marqués,
les mulets au poil ras, et par là-bas les bœufs ;
ici les fouets, et là le cri de l'oiseau Annaô
- et là encore la blessure des cannes au moulin.
Et un nuage
violet et jaune, couleur d'icaque, s’il s’arrê-
tait soudain à couronner le volcan d'or,
appelait-par-leur-nom, du fond des cases,
les servantes !

Sinon l'enfance, qu'y avait-il alors qu'il n'y
a plus ?...

IV

    Et tout n’était que règnes et confins de
lueurs. Et les troupeaux montaient, les vaches
sentaient le sirop-de-batterie…  Croissent mes
membres
    et pèsent, nourris d’âge ! Je me souviens des
pleurs
    d’un jour trop beau dans trop d’effroi, dans
trop d’effroi !...  du ciel blanc, ô silence ! qui
flamba comme dans un regard de fièvre…Je pleure,
comme je
    pleure, au creux de vieilles douces mains…

    Oh ! c’est un pur sanglot, qui ne veut être
Secouru, oh ! ce n’est que cela, et qui déjà berce
mon front comme une grosse étoile du matin.

    Que ta mère était belle, était pâle
lorsque ta mère était grande et lasse, à se pencher,
    elle assurait ton lourd chapeau de paille ou
de soleil, coiffé d’une double feuille de siguine,
    et que, perçant un rêve aux ombres dévoué,
l’éclat des mousselines
    inondait ton sommeil !

    … Ma bonne était métisse et sentait le ricin ;
toujours j’ai vu qu’il y avait les perles d’une
sueur brillante sur son front, à l’entour de ses
yeux – et si tiède, sa bouche avait le goût des
pommes-rose, dans la rivière, avant midi.

    … Mais de l’aïeule jaunissante
    et qui si bien savait soigner la piqûre des
moustiques,
    je dirai qu’on est belle, quand on a des bas
blancs, et que s’en vient, par la persienne, la
sage fleur de feu vers vos longues paupières
    d’ivoire.

    … Et je n’ai pas connu toutes Leurs voix, et
je n’ai pas connu toutes les femmes, tous les hommes qui servaient la haute demeure
    de bois ; mais pour longtemps encore j’ai
mémoire
    des faces insonores, couleur de papaye et
d’ennui, qui s’arrêtaient derrière nos chaises
comme des astres morts.

(...)

le poème complet, avec les passages V et VI, est à lire ici, dans une mise en page simplifiée : http://www.jehat.com/Jehaat/Fr/Poets/Saint-John-Perse.htm

Saint-John Perse ("Éloges",  dans "La Nouvelle Revue française", 1910 - Gallimard, 1925, 1948, etc)
dans "Œuvres complètes", Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1972
réédition de poche : "Éloges suivi de La gloire des rois, Anabase et Exil", 1967 (Collection Poésie/Gallimard n°14)

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Chanson

Mon cheval arrêté sous l'arbre plein de tourterelles, je siffle un sifflement si pur, qu'il n'est promesses à leurs rives que tiennent tous ces fleuves. Feuilles vivantes au matin sont à l'image de la gloire...
Et ce n'est point qu'un homme ne soit triste, mais se levant avant le jour et se tenant avec prudence dans le commerce d'un vieil arbre,
appuyé du menton à la dernière étoile,
il voit au fond du ciel de grandes choses pures qui tournent au plaisir.
Mon cheval arrêté sous l'arbre qui roucoule, je siffle un sifflement plus pur...
Et paix à ceux qui vont mourir, qui n'ont point vu ce jour.
Mais de mon frère le poète, on a eu des nouvelles. Il a écrit encore une chose très douce. Et quelques-uns en eurent connaissance.

Saint-John Perse ("Anabase" 1924, réédité dans "Éloges suivi de La gloire des rois, Anabase et Exil", 1967 - Collection Poésie/Gallimard n°14)



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1 novembre 2009

Saint-Pré - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Gilbert Saint-Pré -

Gilbert Saint-Pré est un auteur contemporain discret, auteur de l'introuvable recueil de poèmes Badaboum, en 1977, et de La mésange.

Pour un(e) enfant, ce collier poétique :

Les perles de rose

Si tu veux inventer un collier,
Tiens, voici comment procéder.
De bon matin, te réveiller,
Dans les rosiers, te promener.
Tu verras des perles de rosée,
Sur les roses elles sont accrochées.
Une bonne poignée tu cueilleras,
Dans une boîte tu les rangeras.
Un cheveu d'or pour les assembler,
Un tout petit nœud pas trop serré,
Ainsi tu auras un joli collier,
Aussi souple que celui d'une fée.

Gilbert Saint-Pré ("Badaboum", Éditions Saint-Germain-des-Prés, collection L'Enfant, La Poésie, 1977)

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Le hibou

Un jour, monsieur le hibou
Qui n'était qu'un vieux filou,
Ayant acheté des poux
N'avait donné aucun sou.
Hou ! Hou !

Gilbert Saint-Pré ("Badaboum", Éditions Saint-Germain-des-Prés, collection L'Enfant, La Poésie, 1977)

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Du temps de nos rois

Le roi de trèfle,
Le roi des nèfles,
S'offrit
À la dame de carreau
Voyant cela
La dame de cœur, jalouse,
Donna une gifle
Au roi de pique
Qui la menait en bateau,
Et le jeu de cartes
S'écroula.

Gilbert Saint-Pré (dans l'anthologie de Georges Jean "Nouveaux Trésors de la poésie pour enfants" - Le cherche midi éditeur, 2003)



1 novembre 2009

Sand - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- George Sand -

George Sand (1804-1876). Son oeuvre littéraire, poésies, romans, contes, pièces de théâtre, critiques et nouvelles est considérable. Femme émancipée pour son époque, elle a entretenu une relation (pas seulement épistolmaire) avec le poète Alfred de Musset et le musicien Frédéric Chopin. Elle s'engage politiquement et socialement dans les luttes populaires contre la monarchie.

Sur le thème "ENFANCES", un message poétique de l'auteure à sa petite-fille

À Aurore*

La nature est tout ce qu’on voit,
Tout ce qu’on veut, tout ce qu’on aime.
Tout ce qu’on sait, tout ce qu’on croit,
Tout ce que l’on sent en soi-même.
Elle est belle pour qui la voit,
Elle est bonne à celui qui l’aime,
Elle est juste quand on y croit
Et qu’on la respecte en soi-même.
Regarde le ciel, il te voit,
Embrasse la terre, elle t’aime.
La vérité c’est ce qu’on croit
En la nature c’est toi-même.

George Sand   -   *Aurore est la petite fille de George Sand.



1 novembre 2009

Savatier - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Paul Savatier -

Paul Savatier est un auteur contemporain d'albums pour les enfants.

Un bestiaire enfantin :

La linotte

Je suis idiote
dit la linotte.
J'ai oublié mes bottes,
ma redingote,
et ma culotte.
J'ai froid à mes menottes
et je grelotte.
J'ai la tremblote
en sautant sur mes mottes.
Mais je ne suis pas sotte,
je chante sur six notes
et sur ma tête de linotte,
je porte une calotte
couleur carotte.

Paul Savatier ("Alphanimaux", illustrations de Paule Charlemagne et Florence Guiraud - Editions du Sorbier, 2001)

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Le dromadaire

Un jour au Caire
un dromadaire
entra chez un libraire
et prit une grammaire.
C'est pas vrai, ça fait rien,
ça sera vrai demain

Ce dromadaire
savait tout faire,
multiplier, soustraire,
et même le contraire.
C'est pas vrai, ça fait rien,
ça sera vrai demain.

Il savait braire,
ou bien se taire,
et versait un salaire
à son vétérinaire.
C'est pas vrai, ça fait rien,
ça sera vrai demain.

Pour se distraire
Monsieur le Maire
en fit son secrétaire
dans toutes ses affaires.
C'est pas vrai, ça fait rien,
ça sera vrai demain.

Ce dromadaire
est légendaire
chez tous les antiquaires
de la ville du Caire
C'est pas vrai, ça fait rien
ça sera vrai demain
ou à la Saint Glin-Glin.

Paul Savatier ("Alphanimaux" - Editions du Sorbier, 2001)

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Le kangourou

Le papa kangourou
N’est pas un loup-garou,
C’est un sauteur,
C’est un boxeur,
Et c’est un troubadour
Qui joue bien du tambour.
La maman kangourou
En faisant la nounou
Porte ses mioches
Dedans sa poche.
Pas besoin de poussette,
C’est beaucoup plus pratique,
Pas besoin de sucette,
C’est très économique …

Paul Savatier ("Alphanimaux" - Editions du Sorbier, 2001)



1 novembre 2009

Schwarz-Henrich - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Anne Schwarz-Henrich -

Anne Schwarz-Henrichest une poète contemporaine, auteure de recueils pour les enfants : "Du coq à l'âne" (paru en 2005), "Au clair de ma plume"...

Des rêves d'enfant, peut-être ...

 L'autre monde

Quand je ferme les yeux,
J'allume les lumières
Des plafonds merveilleux
Que déploient mes paupières

Et qui m'éclairent les lieux
Où je viens, solitaire,
Glaner des rêves bleus
Dans la nuit, sur mes terres.

Anne Schwarz-Henrich

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Rêve-luisant

C'est le soir
au milieu du noir
un petit rêve s'est
allumé
Je monte chez lui
Et il me garde toute la nuit
 

Anne Schwarz-Henrich

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 Fleurs éternelles

Je sème des fleurs
Sur mon passage
Des fleurs d’instants,
Si parfumées
Que, même lorsque
J’avance en âge,
Elles me ramènent
Vers mon passé.

Anne Schwarz-Henrich

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La montre à remonter le temps

Ma montre a une tactique
Pour remonter le temps...
Elle ne fait pas « tic-tac »
Mais « tac-tic » tout le temps !

Anne Schwarz-Henrich



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1 novembre 2009

Seghers (Colette) - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Colette Seghers -

Colette Seghers (contemporaine). Moins connue que Pierre Seghers, son époux disparu, éditeur et poète, elle a plus mis en avant les textes de son mari, pour qui a écrit deux biographies ("Pierre Seghers, un homme couvert de noms" et "Nous étions de passage"), que ses propres poésies, un recueil sous son nom de jeune fille, Colette Peugniez ("Lointains") et plus tard, "10 poèmes pour un bébé" et "Dans l'estuaire des lendemains". Elle est aussi auteure de nouvelles et de romans " Martin Hanson", "Sarah Cortez" et "Belle ou l’Envers du temps". source (en partie) : site des éditions Seghers.

Berceuse pour Virginie

Dors, ma fille, ma gazelle,
ma rose du Doued et de la Laponie,
mon fruit d'Asie, ma tourterelle,
la nuit chantonne "Virginie ..."
Dors mon jasmin, mon Bagatelle,
mon poisson d'or, ma symphonie,
une étoile ouvre son ombrelle
sur le berceau de Virginie.

Dors mon oiseau, ma belle abeille
mon bébé de songe et de vie,
j'entends les chevaux du sommeil
attelés de rêve et de bruit.

Mon opéra, mon arabesque,
mon air de fable et d'infini
j'entends chanter au vent de sable
un air de fées pour Virginie.

Colette Seghers ("Dix poèmes pour un bébé" - Seghers, 1969)

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Ses yeux

ses yeux sont pleins de lunes tranquilles
ses yeux sont pleins de malles perdues
par des corsaires aux fonds des creux marins !
ses yeux quand le sable est mouillé
qu'il y neige des mouettes,
que la terre est brûlée et que la nuit s'y jette
voilà ses yeux de nouveau-né !
Elle a des yeux de perce-neige et de poème hindou,
elle a parfois des yeux de prétentaine
qui rendent bleu l'oeil andalou,
elle a parfois des yeux pleins de lanternes,
des yeux de filets posés, de vol de nuit,
des yeux de charme, de devineresse
des yeux de certitude et de guerrier,
elle a des yeux de plomb pour amarrer les fées !

Colette Seghers ("Dix poèmes pour un bébé" - Seghers, 1969)



1 novembre 2009

Serres - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Alain Serres -

Alain Serres est né en 1956. Il a publié de nombreux textes, histoires et poèmes pour enfants et adolescents. Il est le fondateur des éditions "Rue du Monde".

Je suis un enfant de partout


Je suis un enfant de partout
un enfant de Paris, de Cotonou,
un enfant de l'ombre des montagnes des plis rouges d'un pagne.
Je suis un enfant des nids de moineaux, de Mulhouse, de Baltimore,
des petits bateaux de la baie de Rio
et pire encore
je suis un enfant de quelque part
né de l'amour entre la chance
et le hasard.
Un enfant avec un nom,
un prénom,
mais un enfant qu'on appelle Terrien parce que, sans moi,
cette planète n'est rien.

Alain Serres ("Je suis un enfant de partout" - "Des poètes d'aujourd'hui disent les enfants de là-bas et d'ici" Rue du Monde, 2008)

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Oiseaux de Turquie

Les garçons d’Istambul
jouent à pousser les filles
dans le dos
pendant que les filles d’Istambul
jouent à caresser les ailes
des oiseaux.
Et les oiseaux eux
ne sauront jamais
s’ils sont d’Istambul
du Cap Vert
ou d’Israël
depuis qu’une vieille poule a picoré toutes les frontières
du ciel.

 

Alain Serres ("Je suis un enfant de partout" - "Des poètes d'aujourd'hui disent les enfants de là-bas et d'ici" Rue du Monde, 2008)

 

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Toi-même

C'est fou ce qu'il y a de merveilles
Dans le creux de ton oreille
C'est fou ce qu'il y a de chemins
Dans le creux de ton poing
C'est fou ce qu'il y a de poèmes
Dans le creux de toi-même.

Alain Serres ("N'écoute pas celui qui répète" Cheyne, 2001, belles illustrations de  Martine Mellinette)

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Mantes-la-ville
Aux enfants de ses quartiers

C'est à Mantes-lavoir
que le jour rince nos mines,
nos mines en papier journal
Salies par le plomb de la vie.
C'est à Mantes-la vie
 
que la lumière pressée nous sert le thé
de nos impatiences infusées,
de nos fragiles désirs d'îles.
 
C'est à Mantes-la ville
que ton lilas pousse
dans le désert de tes paumes ouvertes,
et tu n'en sais rien.
Regarde encore tes mains
et parle-leur.

Alain Serres - Poème inédit pour le Printemps des Poètes 2006, "Le Chant des Villes", dans le cdre du projet à Mantes-la-Ville (Yvelines) : "Ma ville pour un poème"

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N'écoute pas

N'écoute pas
celui qui répète,
à part peut-être le ruisseau
qui murmure la vie.

ne redis pas
ce que le vent t'a soufflé,
à part peut-être la liberté
puisqu'il court après

ne crains pas
les montagnes qui ne t'ont pas cru,
à part peut-être ton cœur
qui bat pour l'heure.

Alain Serres ("N'écoute pas celui qui répète" Cheyne, 2001, belles illustrations de  Martine Mellinette)



 

1 novembre 2009

Sicaud (Sabine) - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

Les poésies de Sabine Sicaud (1913-1928) sont celles d'une enfant et d'une adolescente. Sa vie s'est arrêtée là ...

Aussi a-t-elle dans cette catégorie "ENFANCES" une place particulière

source Wikipedia : Sabine Sicaud est née et morte à Villeneuve-sur-Lot, dans la maison de ses parents, nommée Solitude. Solitude est aussi le titre d'un de ses poèmes.
Ses Poèmes d'enfant, préfacés par Anna de Noailles, ont été publiés lorsqu'elle avait treize ans. Après les chants émerveillés de l'enfance et de l'éveil au monde, est venue la souffrance, insupportable. Atteinte d'ostéomyélite, avant de mourir à l'âge de 15 ans, elle écrit :

"Aux médecins qui viennent me voir :
Faites-moi donc mourir, comme on est foudroyé
D'un seul coup de couteau, d'un coup de poing
Ou d'un de ses poisons de fakir, vert et or..."

Postée en commentaire, cette info : "On peut lire tous les poèmes de Sabine Sicaud et une foule de documents concernant son oeuvre poétique sur ce nouveau site" :
http://www.sabinesicaud.com

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Le chemin de l’amour

Amour, mon cher amour, je te sais près de moi
Avec ton beau visage.
Si tu changes de nom, d’accent, de cœur et d’âge
Ton visage du moins ne me trompera pas.
Les yeux de ton visage, amour, ont près de moi
La clarté patiente des étoiles,
De la nuit, de la mer, des îles sans escales.
Je ne crains rien si tu m’as reconnue
Mon amour, de bien loin, pour toi je suis venue.
Peut-être. Et nous irons Dieu sait où maintenant ?
Depuis quand cherchais-tu mon ombre évanouie ?
Quand t’avais-je perdue ? Dans quelle vie ?
Et qu’oserait le ciel contre nous maintenant ?

Sabine Sicaud ("Les Poèmes de Sabine Sicaud" - éditions Stock, 1958)

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Les trois chansons

Entends la chanson de l'eau...
Comme il pleut, comme il pleut vite !
Il semble que des grelots
Dans la gouttière s'agitent.

A l'abri dans ton dodo
Entends la chanson de l'eau !

Entends la chanson du vent...
Comme les branches s'agitent !
Les nids d'oiseaux, bien souvent,
Sont bercés, bercés trop vite.

A l'abri des rideaux blancs
Entends la chanson du vent.

Entends la chanson du feu...
Comme les flammes s'agitent
Le feu jaune, rouge et bleu
Pour te chauffer brûle vite.

Quand tes yeux clignent un peu,
Entends la chanson du feu.

Ecoute les trois chansons
Qui se font toutes petites
Et douces comme un ronron
Pour que tu dormes plus vite.

Si tu veux, bébé, dormons
Au bruit léger des chansons.

Sabine Sicaud ("Poèmes d'enfant" - Les Cahiers de France, 1926) et "Premiers poèmes" ainsi que "Les Poèmes de Sabine Sicaud" - éditions Stock, 1958)

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La vieille femme de la lune

On a beaucoup parlé dans la chambre, ce soir.
Couché, bordé, la lune entrant par la fenêtre,
On évoque à travers un somnolent bien-être,
La vieille qui, là-haut, porte son fagot noir.

Qu'elle doit être lasse et qu'on voudrait connaître
Le crime pour lequel nous pouvons tous la voir
Au long des claires nuits cheminer sans espoir !

Pauvre vieille si vieille, est-ce un vol de bois mort
Qui courbe son vieux dos sur la planète ronde ?
Elle a très froid, qui sait, quand le vent souffle fort.
Va-t-elle donc marcher jusqu'à la fin du monde?

Et pourquoi dans le ciel la traîner jusqu'au jour !
On dort ... Nous fermerons les yeux à double tour ...
Lune, laisse-la donc s'asseoir une seconde.

Sabine Sicaud ("Premiers poèmes" et "Les Poèmes de Sabine Sicaud" - éditions Stock, 1958)

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Vous parler ?

Vous parler ? Non. Je ne peux pas.
Je préfère souffrir comme une plante,
Comme l'oiseau qui ne dit rien sur le tilleul.
Ils attendent. C'est bien. Puisqu'ils ne sont pas las
D'attendre, j'attendrai, de cette même attente.

Ils souffrent seuls. On doit apprendre à souffrir seul.
Je ne veux pas d'indifférents prêts à sourire
Ni d'amis gémissants. Que nul ne vienne.

La plante ne dit rien. L'oiseau se tait. Que dire?
Cette douleur est seule au monde, quoi qu'on veuille.
Elle n'est pas celle des autres, c'est la mienne.

Une feuille a son mal qu'ignore l'autre feuille,
Et le mal de l'oiseau, l'autre oiseau n'en sait rien.

On ne sait pas. On ne sait pas. Qui se ressemble?
Et se ressemblât-on, qu'importe. Il me convient
De n'entendre ce soir nulle parole vaine.

J'attends, comme le font derrière la fenêtre
Le vieil arbre sans geste et le pinson muet ...
Une goutte d'eau pure, un peu de vent, qui sait ?
Qu'attendent-ils ?  Nous l'attendrons ensemble.
Le soleil leur a dit qu'il reviendrait, peut-être ...

Sabine Sicaud ("Douleur, je vous déteste" et "Les Poèmes de Sabine Sicaud" - éditions Stock, 1958)

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La chanson du soleil (ou "Vassili")

N'oublie pas la chanson du soleil, Vassili.
Elle est dans les chemins craquelés de l'été,
dans la paille des meules,
dans le bois sec de ton armoire,
si tu sais bien l'entendre.
Elle est aussi dans le cri du criquet.
Vassili, Vassili, parce que tu as froid, ce soir,
ne nie pas le soleil.

Sabine Sicaud ("Les Poèmes de Sabine Sicaud" - éditions Stock, 1958) - Poème trouvé dans un de ses cahiers, après sa disparition.



1 novembre 2009

Souchon - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Alain Souchon -

Alain Souchon (né en 1944) est un auteur-compositeur-interprète français et suisse. Certaines musiques de ses chansons sont l'œuvre de Laurent Voulzy, autre interprète pour qui il a également écrit des textes. Alain Souchon est aussi acteur de cinéma : on n'a pas oublié le personnage lunaire de "Pin-Pon"dans "L'été meurtrier", avec Isabelle Adjani (film de Jean Becker, 1983).

Son site (officiel) est ici : http://www.alainsouchon.net/

Allô Maman bobo

J’marche tout seul le long d’la ligne de ch’min d’fer
Dans ma tête y a pas d’affaire
J’donne des coups d’pied dans une p’tite boîte en fer
Dans ma tête y a rien à faire
J’suis mal en campagne et mal en ville
Peut-être un p’tit peu trop fragile

Allô Maman bobo
Maman comment tu m’as fait j’suis pas beau
Allô Maman bobo
Allô Maman bobo

J’traine fumée, j’me r’trouve avec mal au cœur
J’ai vomi tout mon quatre-heures
Fêtes, nuits folles, avec les gens qu’ont du bol
Maint’nant qu’j’fais du music hall
J’suis mal à la scène et mal en ville
Peut-être un p’tit peu trop fragile


Allô Maman bobo ...

Moi j’voulais les sorties d’port à la voile
La nuit barrer les étoiles
Moi les ch’vaux, l’révolver et l’chapeau d’clown
La belle Peggy du saloon
J’suis mal en homme dur
Et mal en p’tit cœur
Peut-être un p’tit peu trop rêveur

Allô Maman bobo ...

J’marche tout seul le long d’la ligne de ch’min d’fer
Dans ma tête y a pas d’affaire
J’donne des coups d’pied dans une p’tite boîte en fer
Dans ma tête y a rien à faire
J’suis mal en campagne et mal en ville
Peut-être un p’tit peu trop fragile

Allô Maman bobo ...

Alain Souchon, musique de Laurent Voulzy  (album "Jamais content", 1977)

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J’ai dix ans

J’ai dix ans
Je sais que c’est pas vrai mais j’ai dix ans
Laissez-moi rever que j’ai dix ans
Ça fait bientot quinze ans que j’ai dix ans
Ça parait bizarre mais
Si tu m’crois pas hé
T’ar ta gueule à la récré

J’ai dix ans
Je vais a l’école et j’entends
De belles paroles doucement
Moi je rigole, cerf-volant
Je reve, je vole
Si tu m’crois pas hé
T’ar ta gueule à la récré

Le mercredi je m’balade
Une paille dans ma limonade
Je vais embeter les quilles a la vanille
Et les gars en chocolat

J’ai dix ans
Je vis dans des spheres ou les grands
N’ont rien à faire, je vois souvent
Dans des montgolfieres des géants
Et des petits hommes verts
Si tu m’crois pas hé
T’ar ta gueule à la récré

J’ai dix ans
Des billes plein les poches, j’ai dix ans
Les filles c’est des cloches, j’ai dix ans
Laissez-moi rever que j’ai dix ans
Si tu m’crois pas hé
T’ar ta gueule à la récré

Bien cache dans ma cabane
Je suis l’roi d’la sarbacane
J’envoie des chewing-gums maches à tous les vents
J’ai des prix chez le marchand

J’ai dix ans
Je sais que c’est pas vrai mais j’ai dix ans
Laissez-moi rever que j’ai dix ans
Ça fait bientot quinze ans que j’ai dix ans
Ça parait bizarre mais
Si tu m’crois pas hé
T’ar ta gueule à la récré

Si tu m’crois pas hé
T’ar ta gueule à la récré
Si tu m’crois pas
T’ar ta gueule
A la récré
T’ar ta gueule ...

Alain Souchon, musique de Laurent Voulzy  (album "J'ai dix ans", 1974)



1 novembre 2009

Soupault - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Philippe Soupault -

Philippe Soupault (1897-1990) est un poète et romancier surréaliste . Il a appartenu au mouvement Dada (voir André Breton). Il est l'auteur avec André Breton du premeir grand texte surréaliste : Les Champs magnétiques, et tout comme Breton, il s'est éloigné du Mouvement surréaliste qu'il avait contribué à fonder.

L'enfance, l'école, et donc la grammaire :

Grammaire

Peut-être et toujours peut-être
adverbes que vous m'ennuyez
avec vos presque et presque pas
quand fleurissent les apostrophes

Et vous points et virgules
qui grouillez dans les viviers
où nagent les subjonctifs
je vous empaquette vous ficelle

Soyez maudits paragraphes
pour que les prophéties s'accomplissent
bâtards honteux des grammairiens
et mauvais joueurs de syntaxe

Sucez vos impératifs
et laissez-nous dormir
une bonne fois
c'est la nuit
et la canicule

Philippe Soupault  ("Poésies complètes" - Éditions Guy Levis Mano, 1937 )

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livre_Soupault_po_sies_GrassetEn cadence

Tout est gâché

Tout est perdu
Tout est gagné
Tout est foutu
Tout est en tout
et tout et tout

Tout est à vous
Tout est à nous
Tout est à tous
Tout est à tout
Tout est en tout
et tout et tout

Philippe Soupault  ("Poèmes et poésies" - Éditions Grasset, collection Les Cahiers rouges, 1987)

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Ah bien c'est du joli

Je vous l'avais bien dit Ah
C'est bien de votre faute Ah
Bien la peine de faire le malin Ah
Vous l'avez bien cherché Ah
Ça vous fera une belle jambe Ah
Vous voilà dans de beaux draps Ah
Maintenant vous êtes bien avancé Ah
Je vous fais bien mes compliments Ah
Vous parlez d'une belle réussite Ah
En effet voilà du beau travail Ah
Vous êtes un joli monsieur Ah
Il y a bien de quoi se vanter Ah
Vous avez fait un joli coup Ah
Et tout est bien qui finit bien Ah

Philippe Soupault  ("Poèmes et poésies" - Éditions Grasset, collection Les Cahiers rouges, 1987)

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Du jour au lendemain

Un coq rn'a dit
c'est l'aurore
Un mouton m'a dit
c'est enfin le matin
Un éléphant m'a dit
il est bientôt midi
Les pintades m'ont dit
il faut travailler travailler
Les hirondelles m'ont annoncé
c'est le soir puis la nuit
et mon enfant m'a dit
Bonsoir et bonne nuit
Il est temps de dormir
 

Philippe Soupault  ("Poèmes et poésies" - Éditions Grasset, collection Les Cahiers rouges, 1987)

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Pleine Lune

J’ai ouvert  ma fenêtre
et la lune m’a souri
J’ai fermé  ma fenêtre
et j’ai entendu un cri
J’ai ouvert ma fenêtre
pour voir tomber la pluie
Et comme c’était dimanche
je me suis rendormi

Philippe Soupault  ("Poèmes et poésies" - Éditions Grasset, collection Les Cahiers rouges, 1987)

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C'est vrai

Sept veaux
c'est peu
Sept œufs
c'est beaucoup
Mille huit cent quatre-vingt-douze
c'est sec
Mille huit cent quatre-vingt-dix-sept
c'est trop
Pomme poire et pendulette
c'est émouvant
Rien n'égale la satinette
c'est évident
N'essayez-pas de m'arrêter
c'est décidé
La lune l'orage et le poirier
c'est lune

Philippe Soupault  ("Poèmes et poésies" - Éditions Grasset, collection Les Cahiers rouges, 1987)

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C'est demain dimanche

Il faut apprendre à sourire
Même quand le temps est gris.
Pourquoi pleurer aujourd'hui
Quand le soleil brille ?
C'est demain la fête des amis
Des grenouilles et des oiseaux
Des champignons des escargots
N'oublions pas les insectes
Les mouches et les coccinelles.
Et tout à l'heure à midi
J'attendrai l'arc-en-ciel
Violet indigo bleu vert
Jaune orange et rouge
Et nous jouerons à la marelle

Philippe Soupault  ("Poèmes et poésies" - Éditions Grasset, collection Les Cahiers rouges, 1987)

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livre_disque_Soupault

Pour Alice

Est-ce un oiseau qui aboie
une lampe qui fume
cet enfant qui verdoie

C'est un lapin qui chante
un homme qui rit
un prêté pour un rendu

Alice ma fille ma plume
jouons enfin au plus fin
au jugé à la tartelette

Il faut nous donner la main
les lunettes sur nos cheveux
et les cheveux sur nos lunettes

Philippe Soupault  ("Chansons" -  Éditions Eynard, 1949) L'image représente la pochette du 33 tours ("Suite pour un jeune poète n°1") interprété par Hélène Martin, dans lequel entre-autres poèmes de Philippe Soupault, on trouve "Chassé-croisé" et "Pour Alice".

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Mélancolie

Mélancolie Mélancolie
quel joli nom pour une jeune fille
Neurasthénie Neurasthénie
quel vilain nom pour une vieille fille

Je cherche un nom pour un garçon
un nom d'emprunt un nom de guerre
pour la prochaine et la dernière
pour la dernière des dernières

Esprit, peut-être Agénor
ou Singulier ou Dominique
un nom à coucher dehors
au temps des bombes atomiques

Mais je préfère Nuit
pour celle que j'aime et chéris
Nuit brune, nuit douce
Nuit claire comme eau de source

Philippe Soupault  (Philippe Soupault "Chansons" -  Éditions Eynard, 1949 et "Poèmes et poésies" - Éditions Grasset, collection Les Cahiers rouges, 1987)

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Chassé-croisé

Un certain monsieur
Loup, Pou ou Hibou
Une jolie demoiselle
Est-elle Cruelle ou Hirondelle
Un gentil petit garçon
Guy, Gontran ou Gaston
Un roquet nauséabond
Dick, Médor ou Azor
Un affreux gros matou
Pompon, Minet ou Minou
Un stupide canari
Serin, Coco ou Kiki
Tous ensemble
Devant la fenêtre
Quand s’épanouit
Le crépuscule.
Ne vous croyez pas
Plus malins
Que vous n’êtes.

Philippe Soupault  ("Poèmes et poésies" - Éditions Grasset, collection Les Cahiers rouges, 1987)

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Chanson du rémouleur

Donnez-moi je vous prie
Vos ciseaux
Vos couteaux
Vos sabots
Vos bateaux
Donnez-moi tout je vous prie
Je rémoule et je scie.   

Donnez-moi je vous prie
Vos cisailles
Vos tenailles
Vos ferrailles
Vos canailles
Donnez-moi tout je vous prie
Je rémoule et je scie.   

Donnez-moi je vous prie
Vos fusils
Vos habits
Vos tapis
Vos ennuis
Je rémoule et je fuis.

Philippe Soupault  ("Poèmes et poésies" - Éditions Grasset, collection Les Cahiers rouges, 1987)a

logo_cr_ation_po_tique Poèmes à la manière de "Donnez-moi je vous prie ..." 

Des exemples de création à partir de ce texte en classe de CM1 à cette adresse :
http://pagesperso-orange.fr/pluneret/poetes_parmi_nous.htm
et en collège à celle-ci :
http://lemonteil.free.fr/ressources/francais/poemes6eme/explicationpoemes.html
(ces liens directs s'ouvrent désormais dans une nouvelle fenêtre - merci Canalblog !)



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