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lieu commun

21 janvier 2007

Quand n’ont assez fait dodo - Charles d'Orléans

Quand n’ont assez fait dodo

Quand n’ont assez fait dodo
Ces petits enfanchonnets
Ils portent sous leurs bonnets
Visages pleins de bobo.

C’est pitié s’ils font jojo
Trop matin, les doucinets,
Quand n’ont assez fait dodo
Ces petits enfanchonnets.

Mieux aimassent à gogo
Gésir sur mols coussinets,
Car ils sont tant poupinets !
Hélas ! c’est gnogno, gnogno
Quand n’ont assez fait dodo.

Charles d'Orléans (1394-1465)

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21 janvier 2007

Le ciel de mon coeur - Jacques Charpentreau

 Le ciel de mon coeur

Le ciel est gris lorsque tu grondes :
Tombe la pluie, souffle le vent,
Et, dans un tourbillon, le monde
Se courbe et fuit en m’emportant
Au fond d’une forêt profonde
Où mon coeur souffre en attendant
Que s’apaise cet ouragan.

Le ciel est bleu quand ton sourire
Brille comme un jour de printemps.
Pas un nuage ne soupire,
L’aubépine a mis drapeau blanc.
Les oiseaux chantent pour te dire
Qu’aujourd’hui mon coeur est content :
Tu fais la pluie et le beau temps.

Jacques Charpentreau

21 janvier 2007

Galope - Rafael Alberti

Galope

Las tierras, las tierras, las tierras de España,
las grandes, las solas, desiertas llanuras.
Galopa, caballo cuatralbo,
jinete del pueblo,
al sol y a la luna.

¡A galopar,
a galopar,
hasta enterrarlos en el mar!

A corazón suenan, resuenan, resuenan
las tierras de España, en las herraduras.
Galopa, jinete del pueblo,
caballo cuatralbo,
caballo de espuma.

¡A galopar,
a galopar,
hasta enterrarlos en el mar!

Nadie, nadie, nadie, que enfrente no hay nadie;
que es nadie la muerte si va en tu montura.
Galopa, caballo cuatralbo,
jinete del pueblo,
que la tierra es tuya.

¡A galopar,
a galopar,
hasta enterrarlos en el mar!

Rafael Alberti

21 janvier 2007

Les séparés - Marguerite Desbordes-Valmore

Les séparés

N'écris pas. Je suis triste, et je voudrais m'éteindre.
Les beaux étés sans toi, c'est la nuit sans flambeau.
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
Et frapper à mon coeur, c'est frapper au tombeau.
N'écris pas !

N'écris pas. N'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu'à Dieu... qu'à toi, si je t'aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais.
N'écris pas !

N'écris pas. Je te crains ; j'ai peur de ma mémoire ;
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent.
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.
N'écris pas !

N'écris pas ces doux mots que je n'ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon coeur ;
Que je les vois brûler à travers ton sourire ;
Il semble qu'un baiser les empreint sur mon coeur.
N'écris pas !

Marguerite Desbordes-Valmore

21 janvier 2007

Les roses de Saadi - Marceline Desbordes-Valmore

Les roses de Saadi

J'ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les noeuds trop serrés n'ont pu les contenir.
Les noeuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées.
Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir ;
La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée...
Respires-en sur moi l'odorant souvenir.

Marceline Desbordes-Valmore 1786 - 1859

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21 janvier 2007

Le bonheur - Paul Fort

Le bonheur

Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite, cours-y vite.
Le bonheur est dans le pré, cours-y vite. Il va filer.

Si tu veux le rattraper, cours-y vite, cours-y vite.
Si tu veux le rattraper, cours-y vite. Il va filer.

Dans l'ache et le serpolet, cours-y vite, cours-y vite,
dans l'ache et le serpolet, cours-y vite. Il va filer.

Sur les cornes du bélier, cours-y vite, cours-y vite,
sur les cornes du bélier, cours-y vite. Il va filer.

Sur le flot du sourcelet, cours-y vite, cours-y vite,
sur le flot du sourcelet, cours-y vite. Il va filer.

De pommier en cerisier, cours-y vite, cours-y vite,
de pommier en cerisier, cours-y vite. Il va filer.

Saute par-dessus la haie, cours-y vite, cours-y vite,
saute par-dessus la haie, cours-y vite. Il a filé !

Paul Fort (1872-1960 "Ballades françaises")

21 janvier 2007

Et s'il revenait un jour ... - Maurice Maeterlinck

Et s'il revenait un jour, que faut-il lui dire?
- Dites-lui qu'on l'attendit jusqu'à s'en mourir.

Et s'il m'interroge encore sans me reconnaître?
- Parlez-lui comme une soeur. Il souffre peut-être.

Et s'il demande où vous êtes, que faut-il répondre?
- Donnez-lui mon anneau d'or, sans rien lui répondre.

Et s'il veut savoir pourquoi la salle est déserte?
- Montrez-lui la lampe éteinte et la porte ouverte.

Et s'il m'interroge alors sur la dernière heure?
- Dites-lui que j'ai souri de peur qu'il ne pleure!

Maurice Maeterlinck (1862-1949 extrait de "Douze chansons : l'épouse du Croisé")



À Yasmine

Tu es mon point du jour
mon île colorée en bleu
ma clairière odorante

Tu es ma neige volée
mon pétale unique
mon faune apprivoisé

Tu es ma robe de caresses
mon foulard de tendresse
ma ceinture de baisers

Tes cils épis de blé
Tes gestes moulin à vent
et l'on pétrit le rire
Dans la cuve de ta bouche

Tu es mon pain dodu
mon nid

Vénus Khoury-Ghata (Poétesse libanaise contemporaine)

21 janvier 2007

Le condamné à mort - Jean Genet

Jean Genet (1910-1986) a fréquenté très tôt la délinquance et la prison. En famille d'adoption, il fugue plusieurs fois et connaît la colonie pénitentiaire. A 18 ans, il s'engage dans la légion étrangère.
C'est en prison, à la maison d'arrêt de Fresnes en particulier, qu'il écrit ses premiers poèmes.
Il fréquente Cocteau et Sartre, qui reconnaissent en lui un génie de son temps.
Rebelle permanent, il s'engage, dans la dernière partie de son existence, pour la défense des opprimés (Black Panthers, Palestine).
Jean Genet est aussi l'auteur de romans et de pièces de théâtre (la plus connue : "Les Paravents").

ciel_barbel__entre_deux_libert_s

Ciel barbelé entre deux libertés.                   Photo et montage: lieucommun

 

Le condamné à mort (extrait)

Sur mon cou sans armure et sans haine, mon cou
Que ma main plus légère et grave qu’une veuve
Effleure sous mon col, sans que ton cœur s’émeuve,
Laisse tes dents poser leur sourire de loup.

Ô viens mon beau soleil, ô viens ma nuit d’Espagne,
Arrive dans mes yeux qui seront morts demain.
Arrive, ouvre ma porte, apporte-moi ta main,
Mène-moi loin d’ici battre notre campagne.

Le ciel peut s’éveiller, les étoiles fleurir,
Ni les fleurs soupirer, et des prés l’herbe noire
Accueillir la rosée où le matin va boire,
Le clocher peut sonner : moi seul je vais mourir.

Ô viens mon ciel de rose, ô ma corbeille blonde !
Visite dans sa nuit ton condamné à mort.
Arrache-toi la chair, tue, escalade, mords,
Mais viens ! Pose ta joue contre ma tête ronde.

Nous n’avions pas fini de nous parler d’amour.
Nous n’avions pas fini de fumer nos gitanes.
On peut se demander pourquoi les Cours condamnent
Un assassin si beau qu’il fait pâlir le jour.

Amour viens sur ma bouche ! Amour ouvre tes portes !
Traverse les couloirs, descends, marche léger,
Vole dans l’escalier plus souple qu’un berger,
Plus soutenu par l’air qu’un vol de feuilles mortes.

Ô traverse les murs ; s’il le faut marche au bord
Des toits, des océans ; couvre-toi de lumière,
Use de la menace, use de la prière,
Mais viens, ô ma frégate, une heure avant ma mort.

Jean Genet  1910-1986  ("Le condamné à mort")

21 janvier 2007

Je t'offre un soleil - Luce Guilbaud

Je t'offre un soleil

Je t'offre un soleil
dans mes mains nues
quelques touches de brume
un dé de pluie
et la ligne bleue des collines

sans guirlande
sans papier cadeau
je t'offre un monde
avec mon coeur

Luce Guilbaud (La petite fille aux yeux bleus - 1998)



Stances à Marquise - Pierre Corneille

Marquise, si mon visage
A quelques traits un peu vieux,
Souvenez-vous qu'à mon âge
Vous ne vaudrez guère mieux.

Le temps aux plus belles choses
Se plaît à faire un affront;
Il saura faner vos roses
Comme il a ridé mon front.

Le même cours des planètes
Règle nos jours et nos nuits :
On m'a vu ce que vous êtes;
Vous serez ce que je suis.

Cependant j'ai quelques charmes
Qui sont assez éclatants
Pour n'avoir pas trop d'alarmes
De ces ravages du temps.

Vous en avez qu'on adore ;
Mais ceux que vous méprisez
Pourraient bien durer encore
Quand ceux-là seront usés.

Ils pourront sauver la gloire
Des yeux qui me semblent doux,
Et dans mille ans faire croire
Ce qu'il me plaira de vous.

Chez cette race nouvelle,
Où j'aurai quelque crédit,
Vous ne passerez pour belle
Qu'autant que je l'aurai dit.

Pensez-y, belle Marquise.
Quoiqu'un grison fasse effroi,
Il vaut bien qu'on le courtise,
Quand il est fait comme moi.


Pierre Corneille 1606-1684 ("Recueil de Sercy")

* Les strophes en italique sont souvent "oubliées".

Voici le quatrain que Tristan Bernard a ajouté au texte de Corneille.
On le retrouve à la suite des trois premières strophes dans la chanson "Marquise", musique de Georges Brassens :


Peut-être que je serai vieille,
Répond Marquise, cependant
J'ai vingt-six ans, mon vieux Corneille,
Et je t'emmerde en attendant !  (bis pour la chanson)


L'heure exquise - Paul Verlaine

La lune blanche
Luit dans les bois ;
De chaque branche
Part une voix
Sous la ramée ...

Ô bien-aimée.

L'étang reflète,
Profond miroir,
La silhouette
Du saule noir
Où le vent pleure ...

Rêvons, c'est l'heure.

Un vaste et tendre
Apaisement
Semble descendre
Du firmament
Que l'astre irise ...

C'est l'heure exquise.

Paul Verlaine 1844-1896 ("La bonne chanson")



Si on me dit que tu es partie

Si on me dit que tu es partie
Ou que tu ne viendras pas,
Je ne vais pas le croire : je vais
T'attendre et t'attendre.

Si on te dit que je m'en suis allé,
Ou que je ne reviendrai pas,
Ne le crois pas :
Attends-moi
Toujours.

Roberto Fernandez Retamar, né à Cuba en 1930 ("Historia antigua" - 1964)



flaque_de_ciel_blog

Flaque de ciel (c'est comme ça que je l'ai vue) - Photo : lieucommun

Il pleut

                                           à Éliane

Il pleut — c’est merveilleux. Je t’aime.
Nous resterons à la maison :
Rien ne nous plaît plus que nous-mêmes
Par ce temps d’arrière-saison.

Il pleut. Les taxis vont et viennent.
On voit rouler les autobus
Et les remorqueurs sur la Seine
Font un bruit... qu’on ne s’entend plus !

C’est merveilleux : il pleut. J’écoute
La pluie dont le crépitement
Heurte la vitre goutte à goutte...
Et tu me souris tendrement.

Je t’aime. Oh ! ce bruit d’eau qui pleure,
Qui sanglote comme un adieu.
Tu vas me quitter tout à l’heure :
On dirait qu’il pleut dans tes yeux.

Francis Carco 1886-1958



nid_lampadaire

Paris at night

Trois allumettes une à une allumées dans la nuit                                       
La première pour voir ton visage tout entier
La seconde pour voir tes yeux
La dernière pour voir ta bouche
Et l'obscurité tout entière pour me rappeler tout cela
En te serrant dans mes bras.

Jacques Prévert  ("Paroles")


Idilio (Idylle)

Tú querías que yo te dijera 
el secreto de la primavera.

Y yo soy para el secreto 
lo mismo que es el abeto.

Árbol cuyos mil deditos 
señalan mil caminitos.

Nunca te diré, amor mío, 
por qué corre lento el río.

Pero pondré en mi voz estancada 
el cielo ceniza de tu mirada.

¡Dame vueltas, morenita! 
Ten cuidado con mis hojitas.

Dame más vueltas alrededor, 
jugando a la noria del amor.

¡Ay! No puedo decirte, aunque quisiera, 
el secreto de la primavera.

Federico García Lorca (1898-1936)  petite biographie à venir

traduction approximative :

Idylle

Tu voulais que je te dise
le secret du printemps.

Moi je suis pour le secret
tout comme le sapin.

Arbre dont les mille petits doigts
indiquent mille petits chemins.

Je ne te dirai jamais, mon amour,
pourquoi le ruisseau coule lentement.

Mais je placerai dans ma voix stagnante
le ciel cendré de ton regard.

Tourne autour de moi, petite brune !
Fais attention à mes petites feuilles.

Tourne encore autour de moi,
en jouant à la noria de l'amour.

Ay ! Je ne pourrais te dire, même si je voulais,
le secret du printemps.

Federico García Lorca


Jacques Salomé est né en 1935 à Toulouse.

Il est plus connu comme psychosociologue, conférencier, formateur et écrivain ("Parle-moi, j'ai des choses à te dire", "Si je m'écoutais, je m'entendrais") que comme  poète. 

Avec des mots

Avec des mots trouvésescalier_contre_jour_blog
je t’ai inventé

avec des mots inventés
je t’ai éloigné

avec des mots éloignés
je t’ai approché

avec des mots approchés
je t’ai aimé

avec des mots aimés
je t’ai caressé

avec des mots caressés
je t’ai retrouvé

Et puis un jour
sans un mot
je t’ai perdu
à jamais                                                       Photo Lieucommun

Jacques Salomé


Le jour où je vous vis pour la première fois (titre proposé)
      
Le jour où je vous vis pour la première fois,
Vous aviez un air triste et gai : dans votre voix
Pleuraient des rossignols captifs, sifflaient des merles ;
Votre bouche rieuse, où fleurissaient des perles,
Gardait à ses deux coins d’imperceptibles plis ;
Vos grands yeux bleus semblaient des calices remplis
Par l’orage, et séchant les larmes de la pluie
À la brise d’avril qui chante et les essuie ;
Et des ombres passaient sur votre front vermeil,
Comme un noir papillon dans un rais de soleil.

Jean Richepin ("Les caresses")

 


21 janvier 2007

Lumière - Eugène Guillevic

Lumière

Ce n'est pas vrai que tout amour décline,
Ce n'est pas vrai qu'il nous donne au malheur,
Ce n'est pas vrai qu'il nous mène au regret,
Quand nous voyons à deux la rue vers l'avenir.
Ce n'est pas vrai que tout amour dérive,
Quand les forces qui montent ont besoin de nos forces.
Ce n'est pas vrai que tout amour pourrit,
Quand nous mettons à deux notre force à l'attaque.
Ce n'est pas vrai que tout amour s'éffrite,
Quand le plus grand combat va donner la victoire.
Ce n'est pas vrai du tout,
Ce qu'on dit de l'amour,
Quand la même colère a pris les deux qui s'aiment,
Quand ils font de leurs jours avec les jours de tous
Un amour et sa joie.

Eugène Guillevic (1907-1997)

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