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1 novembre 2009

Rousselot - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Jean Rousselot -

Jean Rousselot (1913-2004) a publié, à partir de 1934 de très nombreux recueils de poésie et des anthologies pour la collection "Poètes d'Aujourd'hui" de Pierre Seghers. Il est également l'auteur d'un Dictionnaire de la Poésie Française contemporaine (en 1962) et d'une Histoire de la poésie française en 1976.
On trouvera dans la catégorie hiver, un joli texte sur la neige.

 

Le cœur trop petit


Quand je serai grand
Dit le petit vent
J'abattrai
La forêt
Et donnerai du bois
A tous ceux qui ont froid

Quand je serai grand
Dit le petit pain
Je nourrirai tous ceux
Qui ont le ventre creux

Là-dessus s'en vient
La petite pluie
Qui n'a l'air de rien
Abattre le vent
Détremper le pain
Et tout comme avant
Les pauvres ont froid
Les pauvres ont faim

Mais mon histoire
N'est pas à croire :
Si le pain manque et s'il fait froid sur terre
Ce n'est pas la faute à la pluie
Mais à l'homme, ce dromadaire :
Qu'a le cœur beaucoup trop petit.

 


Jean Rousselot

 

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Chanson du possible

Un oiseau sous la mer
Qui marche à petits pas
Cela ne se peut guère
Cela ne se peut pas

Un marchand de biftèques
Qui les donne pou rien
Cela ne se peut guère
Cela ne se peut point

Un général qui crie
À bas la guerre à bas
Cela ne se peut mie
Cela ne se peut pas

Mais un rat bicycliste
Un poisson angora
Un chat premier ministre
Un pou qui met des bas

Une rose trémière
qui fait des pieds de nez
Tout ça se peut ma chère
Il suffit d'y penser.
    

Jean Rousselot (dans l'anthologie de Georges Jean, "Nouveaux trésors de la poésie pour enfants" - éditions Le cherche midi, 2003)

logo_cr_ation_po_tiqueA la manière de ..."chanson du possible" 
Voyez ici, à partir du  texte original des productions d'élèves (copier-coller ce lien) :

http://www.prof2000.pt/users/anaroda/pfrances/Trabalho_final_pagina_frances/doc_pdf/Poèmes_élèves.pdf

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Les pommes de lune

Entre Mars et Jupiter
Flottait une banderole
Messieurs Mesdames
Faites des affaires
Grande vente réclame
De pommes de terre

Un cosmonaute qui passait par là
Fut tellement surpris qu'il s'arrêta
Et voulut mettre pied à terre

Mais pas de terre en ce coin là
Et de pommes de terre
Pas l'ombre d'une

C'est une blague sans doute
Dit il en reprenant sa route
Et à midi il se fit
Un plat de pommes de lune.


Jean Rousselot (dans l'anthologie de Georges Jean, "Nouveaux trésors de la poésie pour enfants" - éditions Le cherche midi, 2003)

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L'ordinateur et l'éléphant

Parce qu'il perdait la mémoire
Un ordinateur alla voir
Un éléphant de ses amis
- C'est sûr, je vais perdre ma place,
Lui dit-il, viens donc avec moi.
Puisque jamais ceux de ta race
N'oublient rien, tu me souffleras.
Pour la paie, on s'arrangera.
Ainsi firent les deux compères.

Mais l'éléphant était vantard
Voilà qu'il raconte ses guerres,
Le passage du Saint-Bernard,
Hannibal et Jules César...

Les ingénieurs en font un drame
Ça n'était pas dans le programme
Et l'éléphant, l'ordinateur
Tous les deux, les voilà chômeurs.

De morale je ne vois guère
À cette histoire, je l'avoue.
Si vous en trouvez une, vous,
Portez-la chez le Commissaire;
Au bout d'un an, elle est à vous
Si personne ne la réclame.

Jean Rousselot (dans l'anthologie de Georges Jean, "Nouveaux trésors de la poésie pour enfants" - éditions Le cherche midi, 2003)

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On n'est pas n'importe qui

Quand tu rencontres un arbre dans la rue,
dis-lui bonjour sans attendre qu'il te salue.
C'est distrait, les arbres.
Si c'est un vieux, dis-lui "Monsieur".
De toutes façons, appelle-le par son nom :
Chêne, Bouleau, Sapin, Tilleul...
Il y sera sensible.
Au besoin aide-le à traverser.
Les arbres, ça n'est pas encore habitué à toutes ces autos.
Même chose avec les fleurs, les oiseaux, les poissons :
appelle-les par leur nom de famille.
On n'est pas n'importe qui !
Si tu veux être tout à fait gentil, dis "Madame la Rose" à l'églantine ;
on oublie un peu trop qu'elle y a droit.


Jean Rousselot ("Petits poèmes pour coeurs pas cuits" - éditions Editions St- Germain-des-Prés, 1979)

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Dit de la mer (autrement titré : Pas de vacances)

Si vous croyez que ça m'amuse
Dit la mer
D'avoir toujours à me refaire
- Un point à l'endroit, un point à l'envers
- Un pas en avant, un pas en arrière

Moi qui aimerais tant aller cueillir des coings
À Tourcoing
Me bronzer dans la neige
À Megève

Hélas pas moyen de fermer boutique
J'ai trop de sprats j'ai trop de pra-
Trop de pratiques

Mais comme elle a des cailloux plein la bouche
Personne ne comprend rien
À ce que raconte la mer.

Jean Rousselot (dans l'anthologie de Jacques Charpentreau, "La nouvelle guirlande de Julie" - éditions Ouvrières, 1976)



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1 novembre 2009

Roy - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Claude Roy -

Claude Roy (1915-1997), poète français, est au rendez-vous des catégories pour la classe (Le chat blanc - Chevaux : trois ; oiseau : un - J'ai trouvé dans mes cheveux - Les corridors où dort Anne qu'on adore - Le soleil dit bonjour).

L'enfant qui a la tête en l'air

L'enfant qui a la tête en l'air
Si on se détourne, il s'envole.
Il faudrait une main de fer
pour le retenir à l'école.

L'enfant qui a la tête en l'air
ne le quittez jamais des yeux,
car dès qu'il n'a plus rien à faire
il caracole dans les cieux.

Il donne beaucoup de soucis
à ses parents et à ses maîtres,
on le croit là, il est ici,
n'apparaît que pour disparaître.

Comme on a des presse-papiers
il nous faudrait un presse-enfant
pour retenir par les deux pieds
l'enfant si léger que volant..

Claude Roy ("Enfantasques" Gallimard, 1974 et 1993 Folio Junior)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - -

L'enfant vraiment désordonné

Cet enfant perd tout ce qu'il touche
Etre désordonné, c'est laid :
Il prend sa clef et perd sa clef.
Il prend la mouche et perd la mouche.
Cet enfant là perd vraiment tout.
Et quand il prend ses jambes à son cou,
Il perd ses jambes, il perd son cou :
Il perd tout !

Claude Roy ("Enfantasques" Gallimard, 1974 et 1993 Folio Junior) 

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La dernière strophe de ce poème n'est pas donnée, la plupart du temps, aux élèves. Allez savoir pourquoi ...

L'enfant qui va aux commissions

"Un pain, du beurre, un camembert,
mais surtout n'oublie pas le sel.
Reviens pour mettre le couvert,
ne va pas traîner la semelle."

L'enfant s'en va le nez au vent.
Le vent le voit. Le vent le flaire.
L'enfant devient un vol-au-vent,
l'enfant devient un fils de l'air.

"Reviens, reviens, au nom de Dieu !
Tu fais le malheur de ton père.
Ma soupe est déjà sur le feu.
Tu devais mettre le couvert !"

Léger, bien plus léger que l'air,
l'enfant est sourd à cet appel.
Il est déjà à Saint-Nazaire.
Il oublie le pain et le sel.

Parents, de chagrin étouffant
d’avoir un fils si égoïste,
parents sans sel et sans enfant,
que votre dîner sera triste !

Claude Roy ("Enfantasques" Gallimard, 1974 et 1993 Folio Junior)

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L'enfant qui battait la campagne

Vous me copierez deux cents fois le verbe:
Je n'écoute pas. Je bats la campagne.

Je bats la campagne, tu bats la campagne,
Il bat la campagne à coups de bâton.

La campagne ? Pourquoi la battre ?
Elle ne m'a jamais rien fait.

C'est ma seule amie, la campagne,
Je baye aux corneilles, je cours la campagne.

Il ne faut jamais battre la campagne :
on pourrait casser un nid et ses oeufs.

On pourrait briser un iris, une herbe,
On pourrait fêler le cristal de l'eau.

Je n'écouterai pas la leçon.
Je ne battrai pas la campagne.

Claude Roy ("Enfantasques" Gallimard, 1974 et 1993 Folio Junior)

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L'excès des petits noms d'amitié

"Mon petit chat,
mon gros minet,
mon doux mouton, mon chatounet".
disait la mère à son bébé
dans l'excès des diminutifs.

Il ne faut pas trop s'étonner :
enfant d'un amour excessif
le petit se mit à miauler
et la maman à ronronner.

Claude Roy  

- - - - - - - - - - - - - - - - - - -

L'affable La Fontaine

Récite ta fa
Récite ta fable.
Pour devenir grand
Il faut qu’on apprend
assis à sa table
sa récitation,
l’ineffable fable,
riche en citations,
de l’affable la
fontaine de fables.

L’heureux nard et le corbeau
Rat Deville et rats Deschamps
le méchant loup Pélagneau
la Chevreuse et le Roseau
L’Assis Gal et la fournie
la quenouille qui veut se faire
aussi rose que le bœuf
les animaux malades de la tête.

Retisse et récite
récite ta fa
ta fable d’enfant.
Quand tu seras grand
il sera bien temps
d’apprendre qu’on n’a
souvent aucun besoin d’un plus petit
que soif
pour boire à la fontaine.

Claude Roy ("Enfantasques" Gallimard, 1974 et 1993 Folio Junior)  

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Avec des si …

Si les poissons savaient marcher
Ils aimeraient bien aller le jeudi au marché.

Si les canards savaient parler
Ils aimeraient bien aller le dimanche au café.

Et si les escargots savaient téléphoner
Ils resteraient toujours au chaud dans leur coquille.

Claude Roy ("Enfantasques" Gallimard, 1974 et 1993 Folio Junior)

logo_cr_ation_po_tiquePoèmes à la manière de " Avec des si..."

Voyez ces productions en Cycle 3 >
(copier-coller le lien dans une nouvelle fenêtre)
http://www.stjean-douai.org/page-15179.html  ou bien ceci : http://www.aideeleves.net/recherches/avecdessi.htm  ou encore ceci dans un CE1-CE2 : http://legrandban57.123.fr/articles.php?lng=fr&pg=1097  et en CE1 : http://www.ac-versailles.fr/etabliss/ien-corbeil/ecoles/Paradis/avec_des_si.htm  Vous en trouverez plein d'autres sur la toile.

Voir aussi le texte Si ... de Jean-Luc Moreau

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La clef des champs

Qui a volé la clef des champs ?
La pie voleuse ou le geai bleu ?
Qui a perdu la clef des champs ?
La marmotte ou le hoche-queue ?
Qui a trouvé la clef des champs ?
Le lièvre vert ? Le renard roux ?
Qui a gardé la clef des champs ?
Le chat, la belette ou le loup ?
Qui a rangé la clef des champs ?
La couleuvre ou le hérisson ?
Qui a paumé la clef des champs ?
La musaraigne ou le pinson ?
Qui a mangé la clef des champs ?
Ce n'est pas moi. Ce n'est pas vous.
Elle est à personne et partout,
La clé des champs, la clef de tout.

Claude Roy

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L'oiseau voyou

Le chat qui marche l'air de rien
voulait se mettre sous la dent
l'oiseau qui vit de l'air du temps
oiseau voyou oiseau vaurien

Mais plus futé l'oiseau lanlaire
n'a pas sa langue dans sa poche
et siffle clair comme eau de roche
un petit air entre deux airs.

Un petit air pour changer d'air
et s'en aller voir du pays
un petit air qu'il a appris
à force de voler en l'air

Faisant celui qui n'a pas l'air
le chat prend l'air indifférent.
L'oiseau s'estime bien content
et se déguise en courant d'air.

Claude Roy 

- - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Le chat blanc

Un petit chat blanc
qui faisait semblant
d'avoir mal aux dents
disait en miaulant :
« Souris mon amie
j'ai bien du souci.
Le docteur m'a dit :
- Tu seras guéri
si entre tes dents
tu mets un moment,
délicatement,
la queue d'une souris ».
Très obligeamment
souris bonne enfant
s'approcha du chat
qui se la mangea.

Moralité :
Les bons sentiments
ont l'inconvénient
d'amener souvent
de graves ennuis
aux petits enfants
comme-z-aux souris.

Claude Roy 

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Limerick* des gens excessivement polis

Excusez-moi, je vous en prie
Disait le Monsieur Très Poli
tout ourlé de Bonnes Manières
quand il croisait un dromadaire

Je suis charmé vraiment ravi
Disait le Monsieur Si Gentil
en rencontrant rue de Lisbonne
un pangolin avec sa bonne

Je vous présente mes respects
Disant le Monsieur Circonspect
en dépassant dans l'escalier
un i sans point très essoufflé

Veuillez agréer mes hommages
Disait le Monsieur Tout en Nage
en arrivant très en retard
au bal masqué des nénuphars

Après vous je n'en ferai rien
Disait le Monsieur Vraiment Bien
lorsque la Mort sonnant chez ui
le trouvera toujours poli

L'ennui avec les gens polis
c'est qu'ils n'ont jamais fini
tout en saluts et en courbettes
mais trop polis pour être honnêtes.

* Un limerick est une forme de poème burlesque ou absurde.
Claude Roy ("Le Parfait Amour" - Éditions Seghers)

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Voici une réhabilitation de l'étourneau, cet animal trop souvent sujet de moquerie chez les humains :

Étourdis étourneaux

Les étourneaux
sont étourdis.
On le dit.

Ils font des tours
et des détours
et ils rient.

Les étourneaux
n'ont pas de tête.
On le dit.

Mais ils sont gais,
les étourneaux,
légers là-haut !

Ils font dans le ciel
des anneaux,
des anneaux gais à tire-d'aile
les étourneaux.

Claude Roy ("La cour de récréation" - Éditions Gallimard)

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L'escargot matelot

Un escargot fumant sa pipe
Portait sa maison sur son dos.
C'était un garçon sympathique,
Un brave et joyeux escargot.
Il avait été matelot
Et navigué sur un cargo.
Il en avait assez de l'eau
Cet ancien marin escargot.
Son ami le petit Léon
Lui apportait du tabac blond.
Et l'escargot fumant sa pipe
Évoquait la mer, les tropiques,
Et le tour du monde en cargo
Qu'il avait fait en escargot,
Un escargot fumant la pipe
Pour n'être pas mélancolique.

Claude Roy



1 novembre 2009

Sadeler - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Joël Sadeler -

Joël Sadeler (1938-2000), poète français, a obtenu en 1997 le "Prix de Poésie Jeunesse"  pour son recueil de poésies "L'enfant partagé".
Le Prix Joël Sadeler, récompensant un recueil pour la jeunesse, a été créé en 2001.

Un poème pour le thème "ENFANCES", avec ce témoignage intime d'enfant

Allergie

Moi j'aime les routiers
I' sont sympas
Mais papa les aime pas
Parce qu'ils vous crachent dessus
Qu'ils toussent et éternuent
J'ai beau lui dire
Qu'ils ont le rhume des freins
Ça ne fait rien
I' les aime pas
Mais moi je sais pourquoi
Ils ont des gros biceps
Et papa n'a que deux bras


Joël Sadeler (dans "Éclats de lire" n°8, décembre 1985,  supplément à la revue "Jeunes Années")

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Enfants

Enfants petits enfants
Grimpez sur le dos
De vos parents
Avant d’avoir vos parents
Sur le dos.


Joël Sadeler ("Poèmes Poivre et Ciel", édit La Farandole, 1993)

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Tu me grondes

Tu me grondes
parce que j'ai les doigts
de toutes les couleurs noir-polar
ou jaune-sable des squares parfois blanc-banquise
ou rouge-révolution
et même bleu-contusion
Tu me grondes
et tu te trompes
mes doigts je les ai trempés dans l'amitié
des mains
des enfants
du quartier
des enfants
du monde entier


Joël Sadeler (dans l'Anthologie de poèmes contre le racisme "La Cour Couleur", Rue du Monde, 1997)

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Fable

Le zébulus
Transportait
Noirs et Blancs
Indifféremment
Il croisa
Un crocomobile
Qui en faisait
Tout autant
et l’éléphanfare
Se mit à chanter
Que le monde
Était bien fait
Maintenant

Joël Sadeler ("Poèmes pour ma dent creuse" - Éditions À cœur joie, 1986)

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Les voyages forment la jeunesse

Enfant
J’ai beaucoup voyagé

Enfant
J’ai beaucoup voyagé
  cheval

Enfant
J’ai beaucoup voyagé
À cheval

Sur une borne kilométrique !

Joël Sadeler ("Poèmes pour ma dent creuse" - Éditions À cœur joie, 1986)

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La fourmi et la cigale

La fourmi ayant engrangé
Pour manger,
Se trouva fort déprimée
Quand la saison fut abîmée:
«Voilà l'hiver qui s'avance
Je n'ai pas eu de vacances.»
Rencontra la cigale
un peu pâle
D'avoir chanté
Tout l'été.
Lui dit : "Remonte-moi le moral,
Joue donc un air estival.
Puise dans mes provisions.
Sans poésie
la vie
n'est que désolation."
Moralité : depuis lors
La fourmi est devenue sponsor.

Joël Sadeler

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Puce

Une puce
dans un bus
rata le contrôleur
qui la pria
d'acquitter
son ticket
D'accord
fit la puce
mais aujourd'hui
c'est moi qui poinçonne …

Joël Sadeler ("Ménagerimes" - illustrations de Jacqueline Duhême, Éditions Corps Puce, 1990)

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Au feu

Feu rouge
feu vert
un coup je vends
un coup je perds
vitres fermées
vitres baissées
mains au volant
ou mains s'offrant
selon les heures
et les humeurs

Feu rouge
feu vert
un coup je vends
un coup je perds
visages fermés
visages ouverts
Macadam rue
ou lampadaire
je fais partie du paysage
qu'on ne voit plus

Feu rouge
feu vert
un coup je vends
un coup je perds
mais au bout de la route
on se retrouvera
vous pas plus riches
que moi

feu rouge
feu vert
Tous en paradis
ou tous en enfer

Joël Sadeler ("En chemin le poème" - Éditions Encres Vives, 1997)



 

1 novembre 2009

Saint-John Perse - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Saint-John Perse -

Saint-John Perse (1887-1975), est le nom de plume, entre-autres pseudonymes, de l'écrivain, poète et diplomate guadeloupéen Alexis Leger (prononcer "Leuger"). Il quitte la Guadeloupe avec ses parents à l'adolescence et vit en métropole, où il rencontre des écrivains et des poètes : Francis Jammes, Paul Claude, André Gide ... Parallèlement à son parcours de poète, il mène une carrière de diplomate de premier plan (Secrétaire général du Ministère des Affaires Etrangères, de 1933 à 1940), compromise, dans cette période de montée du nazisme et du fascisme, par ses positions politiques, plutôt hostiles aux entreprises d'Hitler en Europe. Il s'exile aux Etats-Unis en 1940, où sont publiés la quasi totalité de ses ouvrages, après le recueil "Anabase" (1925). le Prix Nobel de littérature lui a été décerné en 1960.

D'autres textes de l'auteur sur ce blog ) l'occasion du Printemps des Poètes 2011 ("d'Infinis paysages") : http://lieucommun.canalblog.com/archives/_print_poetes_11___poetes_d_outre_mer/index.html

On trouvera également de nombreuses informations sur la vie de l'auteur et sur son œuvre considérable : http://www.fondationsaintjohnperse.fr/

Pour fêter une enfance (I à IV - passages du recueil "Éloges")

I
Palmes… !
    Alors on te baignait dans l’eau-de-feuilles-
vertes ; et l’eau encore était du soleil vert ; et les
servantes de ta mère, grandes filles luisantes,
remuaient leurs jambes chaudes près de toi qui
tremblais…
    (Je parle d’une haute condition, alors, entre
les robes, au règne de tournantes clartés.)
    Palmes ! et la douceur
    D’une vieillesse des racines… ! La terre
    Alors souhaita d’être plus sourde, et le ciel
plus profond, où des arbres trop grands, las d’un
obscur dessein, nouaient un pacte inextricable…
    (J’ai fait ce songe, dans l’estime : un sûr
séjour entre les toiles enthousiastes.)

    Et les hautes
racines courbes célébraient
l’en allée des voies prodigieuses, l’invention
des voûtes et des nefs,
    et la lumière alors, en de plus purs exploits
féconde, inaugurait le blanc royaume où j’ai
mené peut-être un corps sans ombre…
    (Je parle d’une haute condition, jadis, entre
des hommes et leurs filles, et qui mâchaient de
telle feuille.)

    Alors, les hommes avaient
    une bouche plus grave, les femmes avaient
des bras plus lents ;
    alors, de se nourrir comme nous de racines,
de grandes bêtes taciturnes s’ennoblissaient ;
    et plus longues sur plus d’ombre se levaient
les paupières…
    (J’ai fait ce songe, il nous a consumés sans reliques.)


II
    Et les servantes de ta mère, grandes filles
luisantes…Et nos paupières fabuleuses … Ô
    clartés ! ô faveurs !
    Appelant toute chose, je récitai qu’elle était
grande, appelant toute bête, qu’elle était belle et
bonne.
    Ô mes plus grandes
    fleurs voraces, parmi la feuille rouge, à
dévorer tous mes plus beaux
    insectes verts !Les bouquets au jardin sen-
taient le cimetière de famille. Et une très petite
sœur était morte : j’avais eu, qui sent bon, son
cercueil d’acajou entre les glaces de trois cham-
bres. Et il ne fallait pas tuer l’oiseau-mouche
d’un caillou…Mais la terre se courbait dans nos
jeux comme le fait la servante,
    celle qui a le droit à une chaise si l’on se tient
dans la maison.

    … Végétales ferveurs, ô clartés ô faveurs !...
    Et puis ces mouches, cette sorte de mouches,
Vers le dernier étage du jardin, qui étaient
Comme si la lumière eût chanté !

    … Je me souviens du sel, je me souviens du
sel que la nourrice dut essuyer à l’angle de
mes yeux.
    Le sorcier noir sentenciait à l’office : « Le
monde est comme une pirogue, qui, tournant et
tournant, ne sait plus si le vent voulait rire ou
pleurer… »
    Et aussitôt mes yeux tâchaient à peindre
    un monde balancé entre les eaux brillantes,
connaissaient le mât lisse des fûts, la hune sous
les feuilles, et les guis et les vergues, les haubans
de liane,
    où trop longues, les fleurs
    s’achevaient en des cris de perruches.

III

... Puis ces mouches, cette sorte de mouches,
et le dernier étage du jardin... On appelle.
J'irai... Je parle dans l'estime.
Sinon l'enfance, qu'y avait-il alors qu'il
n'y a plus ?
Plaines ! Pentes ! Il y
avait plus d'ordre ! Et tout n'était que
règnes et confins de lueurs. Et l'ombre et la
lumière alors étaient plus près d'être une même
chose... Je parle d'une estime... Aux lisières le
fruit
pouvait choir
sans que la joie pourrît au rebord de nos
lèvres.
Et les hommes remuaient plus d'ombre avec
une bouche plus grave, les femmes plus de songe
avec des bras plus lents.

... Croissent mes membres, et pèsent, nourris
d'âge ! Je ne connaîtrai plus qu'aucun lieu de
moulins et de cannes, pour le songe des enfants,
fût en eaux vives et chantantes ainsi distribué...
À droite
on rentrait le café, à gauche le manioc
(ô toiles que l'on plie, ô choses élogieuses !)
Et par ici étaient les chevaux bien marqués,
les mulets au poil ras, et par là-bas les bœufs ;
ici les fouets, et là le cri de l'oiseau Annaô
- et là encore la blessure des cannes au moulin.
Et un nuage
violet et jaune, couleur d'icaque, s’il s’arrê-
tait soudain à couronner le volcan d'or,
appelait-par-leur-nom, du fond des cases,
les servantes !

Sinon l'enfance, qu'y avait-il alors qu'il n'y
a plus ?...

IV

    Et tout n’était que règnes et confins de
lueurs. Et les troupeaux montaient, les vaches
sentaient le sirop-de-batterie…  Croissent mes
membres
    et pèsent, nourris d’âge ! Je me souviens des
pleurs
    d’un jour trop beau dans trop d’effroi, dans
trop d’effroi !...  du ciel blanc, ô silence ! qui
flamba comme dans un regard de fièvre…Je pleure,
comme je
    pleure, au creux de vieilles douces mains…

    Oh ! c’est un pur sanglot, qui ne veut être
Secouru, oh ! ce n’est que cela, et qui déjà berce
mon front comme une grosse étoile du matin.

    Que ta mère était belle, était pâle
lorsque ta mère était grande et lasse, à se pencher,
    elle assurait ton lourd chapeau de paille ou
de soleil, coiffé d’une double feuille de siguine,
    et que, perçant un rêve aux ombres dévoué,
l’éclat des mousselines
    inondait ton sommeil !

    … Ma bonne était métisse et sentait le ricin ;
toujours j’ai vu qu’il y avait les perles d’une
sueur brillante sur son front, à l’entour de ses
yeux – et si tiède, sa bouche avait le goût des
pommes-rose, dans la rivière, avant midi.

    … Mais de l’aïeule jaunissante
    et qui si bien savait soigner la piqûre des
moustiques,
    je dirai qu’on est belle, quand on a des bas
blancs, et que s’en vient, par la persienne, la
sage fleur de feu vers vos longues paupières
    d’ivoire.

    … Et je n’ai pas connu toutes Leurs voix, et
je n’ai pas connu toutes les femmes, tous les hommes qui servaient la haute demeure
    de bois ; mais pour longtemps encore j’ai
mémoire
    des faces insonores, couleur de papaye et
d’ennui, qui s’arrêtaient derrière nos chaises
comme des astres morts.

(...)

le poème complet, avec les passages V et VI, est à lire ici, dans une mise en page simplifiée : http://www.jehat.com/Jehaat/Fr/Poets/Saint-John-Perse.htm

Saint-John Perse ("Éloges",  dans "La Nouvelle Revue française", 1910 - Gallimard, 1925, 1948, etc)
dans "Œuvres complètes", Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1972
réédition de poche : "Éloges suivi de La gloire des rois, Anabase et Exil", 1967 (Collection Poésie/Gallimard n°14)

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Chanson

Mon cheval arrêté sous l'arbre plein de tourterelles, je siffle un sifflement si pur, qu'il n'est promesses à leurs rives que tiennent tous ces fleuves. Feuilles vivantes au matin sont à l'image de la gloire...
Et ce n'est point qu'un homme ne soit triste, mais se levant avant le jour et se tenant avec prudence dans le commerce d'un vieil arbre,
appuyé du menton à la dernière étoile,
il voit au fond du ciel de grandes choses pures qui tournent au plaisir.
Mon cheval arrêté sous l'arbre qui roucoule, je siffle un sifflement plus pur...
Et paix à ceux qui vont mourir, qui n'ont point vu ce jour.
Mais de mon frère le poète, on a eu des nouvelles. Il a écrit encore une chose très douce. Et quelques-uns en eurent connaissance.

Saint-John Perse ("Anabase" 1924, réédité dans "Éloges suivi de La gloire des rois, Anabase et Exil", 1967 - Collection Poésie/Gallimard n°14)



1 novembre 2009

Saint-Pré - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Gilbert Saint-Pré -

Gilbert Saint-Pré est un auteur contemporain discret, auteur de l'introuvable recueil de poèmes Badaboum, en 1977, et de La mésange.

Pour un(e) enfant, ce collier poétique :

Les perles de rose

Si tu veux inventer un collier,
Tiens, voici comment procéder.
De bon matin, te réveiller,
Dans les rosiers, te promener.
Tu verras des perles de rosée,
Sur les roses elles sont accrochées.
Une bonne poignée tu cueilleras,
Dans une boîte tu les rangeras.
Un cheveu d'or pour les assembler,
Un tout petit nœud pas trop serré,
Ainsi tu auras un joli collier,
Aussi souple que celui d'une fée.

Gilbert Saint-Pré ("Badaboum", Éditions Saint-Germain-des-Prés, collection L'Enfant, La Poésie, 1977)

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Le hibou

Un jour, monsieur le hibou
Qui n'était qu'un vieux filou,
Ayant acheté des poux
N'avait donné aucun sou.
Hou ! Hou !

Gilbert Saint-Pré ("Badaboum", Éditions Saint-Germain-des-Prés, collection L'Enfant, La Poésie, 1977)

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Du temps de nos rois

Le roi de trèfle,
Le roi des nèfles,
S'offrit
À la dame de carreau
Voyant cela
La dame de cœur, jalouse,
Donna une gifle
Au roi de pique
Qui la menait en bateau,
Et le jeu de cartes
S'écroula.

Gilbert Saint-Pré (dans l'anthologie de Georges Jean "Nouveaux Trésors de la poésie pour enfants" - Le cherche midi éditeur, 2003)



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1 novembre 2009

Sand - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- George Sand -

George Sand (1804-1876). Son oeuvre littéraire, poésies, romans, contes, pièces de théâtre, critiques et nouvelles est considérable. Femme émancipée pour son époque, elle a entretenu une relation (pas seulement épistolmaire) avec le poète Alfred de Musset et le musicien Frédéric Chopin. Elle s'engage politiquement et socialement dans les luttes populaires contre la monarchie.

Sur le thème "ENFANCES", un message poétique de l'auteure à sa petite-fille

À Aurore*

La nature est tout ce qu’on voit,
Tout ce qu’on veut, tout ce qu’on aime.
Tout ce qu’on sait, tout ce qu’on croit,
Tout ce que l’on sent en soi-même.
Elle est belle pour qui la voit,
Elle est bonne à celui qui l’aime,
Elle est juste quand on y croit
Et qu’on la respecte en soi-même.
Regarde le ciel, il te voit,
Embrasse la terre, elle t’aime.
La vérité c’est ce qu’on croit
En la nature c’est toi-même.

George Sand   -   *Aurore est la petite fille de George Sand.



1 novembre 2009

Savatier - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Paul Savatier -

Paul Savatier est un auteur contemporain d'albums pour les enfants.

Un bestiaire enfantin :

La linotte

Je suis idiote
dit la linotte.
J'ai oublié mes bottes,
ma redingote,
et ma culotte.
J'ai froid à mes menottes
et je grelotte.
J'ai la tremblote
en sautant sur mes mottes.
Mais je ne suis pas sotte,
je chante sur six notes
et sur ma tête de linotte,
je porte une calotte
couleur carotte.

Paul Savatier ("Alphanimaux", illustrations de Paule Charlemagne et Florence Guiraud - Editions du Sorbier, 2001)

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Le dromadaire

Un jour au Caire
un dromadaire
entra chez un libraire
et prit une grammaire.
C'est pas vrai, ça fait rien,
ça sera vrai demain

Ce dromadaire
savait tout faire,
multiplier, soustraire,
et même le contraire.
C'est pas vrai, ça fait rien,
ça sera vrai demain.

Il savait braire,
ou bien se taire,
et versait un salaire
à son vétérinaire.
C'est pas vrai, ça fait rien,
ça sera vrai demain.

Pour se distraire
Monsieur le Maire
en fit son secrétaire
dans toutes ses affaires.
C'est pas vrai, ça fait rien,
ça sera vrai demain.

Ce dromadaire
est légendaire
chez tous les antiquaires
de la ville du Caire
C'est pas vrai, ça fait rien
ça sera vrai demain
ou à la Saint Glin-Glin.

Paul Savatier ("Alphanimaux" - Editions du Sorbier, 2001)

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Le kangourou

Le papa kangourou
N’est pas un loup-garou,
C’est un sauteur,
C’est un boxeur,
Et c’est un troubadour
Qui joue bien du tambour.
La maman kangourou
En faisant la nounou
Porte ses mioches
Dedans sa poche.
Pas besoin de poussette,
C’est beaucoup plus pratique,
Pas besoin de sucette,
C’est très économique …

Paul Savatier ("Alphanimaux" - Editions du Sorbier, 2001)



1 novembre 2009

Schwarz-Henrich - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Anne Schwarz-Henrich -

Anne Schwarz-Henrichest une poète contemporaine, auteure de recueils pour les enfants : "Du coq à l'âne" (paru en 2005), "Au clair de ma plume"...

Des rêves d'enfant, peut-être ...

 L'autre monde

Quand je ferme les yeux,
J'allume les lumières
Des plafonds merveilleux
Que déploient mes paupières

Et qui m'éclairent les lieux
Où je viens, solitaire,
Glaner des rêves bleus
Dans la nuit, sur mes terres.

Anne Schwarz-Henrich

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Rêve-luisant

C'est le soir
au milieu du noir
un petit rêve s'est
allumé
Je monte chez lui
Et il me garde toute la nuit
 

Anne Schwarz-Henrich

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 Fleurs éternelles

Je sème des fleurs
Sur mon passage
Des fleurs d’instants,
Si parfumées
Que, même lorsque
J’avance en âge,
Elles me ramènent
Vers mon passé.

Anne Schwarz-Henrich

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La montre à remonter le temps

Ma montre a une tactique
Pour remonter le temps...
Elle ne fait pas « tic-tac »
Mais « tac-tic » tout le temps !

Anne Schwarz-Henrich



1 novembre 2009

Seghers (Colette) - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Colette Seghers -

Colette Seghers (contemporaine). Moins connue que Pierre Seghers, son époux disparu, éditeur et poète, elle a plus mis en avant les textes de son mari, pour qui a écrit deux biographies ("Pierre Seghers, un homme couvert de noms" et "Nous étions de passage"), que ses propres poésies, un recueil sous son nom de jeune fille, Colette Peugniez ("Lointains") et plus tard, "10 poèmes pour un bébé" et "Dans l'estuaire des lendemains". Elle est aussi auteure de nouvelles et de romans " Martin Hanson", "Sarah Cortez" et "Belle ou l’Envers du temps". source (en partie) : site des éditions Seghers.

Berceuse pour Virginie

Dors, ma fille, ma gazelle,
ma rose du Doued et de la Laponie,
mon fruit d'Asie, ma tourterelle,
la nuit chantonne "Virginie ..."
Dors mon jasmin, mon Bagatelle,
mon poisson d'or, ma symphonie,
une étoile ouvre son ombrelle
sur le berceau de Virginie.

Dors mon oiseau, ma belle abeille
mon bébé de songe et de vie,
j'entends les chevaux du sommeil
attelés de rêve et de bruit.

Mon opéra, mon arabesque,
mon air de fable et d'infini
j'entends chanter au vent de sable
un air de fées pour Virginie.

Colette Seghers ("Dix poèmes pour un bébé" - Seghers, 1969)

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Ses yeux

ses yeux sont pleins de lunes tranquilles
ses yeux sont pleins de malles perdues
par des corsaires aux fonds des creux marins !
ses yeux quand le sable est mouillé
qu'il y neige des mouettes,
que la terre est brûlée et que la nuit s'y jette
voilà ses yeux de nouveau-né !
Elle a des yeux de perce-neige et de poème hindou,
elle a parfois des yeux de prétentaine
qui rendent bleu l'oeil andalou,
elle a parfois des yeux pleins de lanternes,
des yeux de filets posés, de vol de nuit,
des yeux de charme, de devineresse
des yeux de certitude et de guerrier,
elle a des yeux de plomb pour amarrer les fées !

Colette Seghers ("Dix poèmes pour un bébé" - Seghers, 1969)



1 novembre 2009

Serres - PP12 - ENFANCES - TEXTES EN FRANÇAIS

- Alain Serres -

Alain Serres est né en 1956. Il a publié de nombreux textes, histoires et poèmes pour enfants et adolescents. Il est le fondateur des éditions "Rue du Monde".

Je suis un enfant de partout


Je suis un enfant de partout
un enfant de Paris, de Cotonou,
un enfant de l'ombre des montagnes des plis rouges d'un pagne.
Je suis un enfant des nids de moineaux, de Mulhouse, de Baltimore,
des petits bateaux de la baie de Rio
et pire encore
je suis un enfant de quelque part
né de l'amour entre la chance
et le hasard.
Un enfant avec un nom,
un prénom,
mais un enfant qu'on appelle Terrien parce que, sans moi,
cette planète n'est rien.

Alain Serres ("Je suis un enfant de partout" - "Des poètes d'aujourd'hui disent les enfants de là-bas et d'ici" Rue du Monde, 2008)

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Oiseaux de Turquie

Les garçons d’Istambul
jouent à pousser les filles
dans le dos
pendant que les filles d’Istambul
jouent à caresser les ailes
des oiseaux.
Et les oiseaux eux
ne sauront jamais
s’ils sont d’Istambul
du Cap Vert
ou d’Israël
depuis qu’une vieille poule a picoré toutes les frontières
du ciel.

 

Alain Serres ("Je suis un enfant de partout" - "Des poètes d'aujourd'hui disent les enfants de là-bas et d'ici" Rue du Monde, 2008)

 

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Toi-même

C'est fou ce qu'il y a de merveilles
Dans le creux de ton oreille
C'est fou ce qu'il y a de chemins
Dans le creux de ton poing
C'est fou ce qu'il y a de poèmes
Dans le creux de toi-même.

Alain Serres ("N'écoute pas celui qui répète" Cheyne, 2001, belles illustrations de  Martine Mellinette)

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Mantes-la-ville
Aux enfants de ses quartiers

C'est à Mantes-lavoir
que le jour rince nos mines,
nos mines en papier journal
Salies par le plomb de la vie.
C'est à Mantes-la vie
 
que la lumière pressée nous sert le thé
de nos impatiences infusées,
de nos fragiles désirs d'îles.
 
C'est à Mantes-la ville
que ton lilas pousse
dans le désert de tes paumes ouvertes,
et tu n'en sais rien.
Regarde encore tes mains
et parle-leur.

Alain Serres - Poème inédit pour le Printemps des Poètes 2006, "Le Chant des Villes", dans le cdre du projet à Mantes-la-Ville (Yvelines) : "Ma ville pour un poème"

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N'écoute pas

N'écoute pas
celui qui répète,
à part peut-être le ruisseau
qui murmure la vie.

ne redis pas
ce que le vent t'a soufflé,
à part peut-être la liberté
puisqu'il court après

ne crains pas
les montagnes qui ne t'ont pas cru,
à part peut-être ton cœur
qui bat pour l'heure.

Alain Serres ("N'écoute pas celui qui répète" Cheyne, 2001, belles illustrations de  Martine Mellinette)



 

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