Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

lieu commun

29 avril 2007

Europe - Belgique - Julos Beaucarne et Marina Missier

Julos Beaucarne, né en 1936 en Belgique, est un chanteur-poète, humaniste, écologiste ... créateur du FLAF, le Front de Libération des Arbres Fruitiers et ensuite du FLO, le Front de Libération de l’Oreille, une revue, en 1989, toujours actuelle.
Quant à Marina Missier, on voyage ICI dans son site.

Ton voisin est étranger

Ton Christ est juif
Tes chiffres sont arabes
Ton écriture est latine
Ta pizza est italienne
Ta démocratie est grecque
Ta voiture est japonaise
L'anis de ton pastis est égyptien
Ton essence est moyen-orientale
Ta télé est coréenne
Tes fringues sont chinoises
Ton hamburger est allemand
Ton whisky est écossais
Ton thé est indien
Ton café est brésilien
Ta choucroute est chinoise
Ton shit est marocain
Tes capotes sont anglaises
Ton chocolat est suisse
Ton coca est américain
Tes frites sont belges
Tes vacances sont espagnoles
Ton sucre est martiniquais

Et tu reproches à ton voisin d'être un étranger !

Julos Beaucarne et Marina Missier


Publicité
29 avril 2007

"L'autre" - Henri Kréa

Henri Kréa, dramaturge et poète, est né à Alger en 1933.
On trouve jusque dans les titres de ses recueils : Liberté Première (1957), La Révolution et la Poésie sont une seule et même chose (1960), Poèmes en forme de vertige (1967) le lien indissociable entre son engagement poétique et les valeurs humaines et sociales qu'il défend.
Il est signataire le 6 septembre 1960 de la Déclaration sur le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie (le Manifeste des 121).

Jamais toujours encore

Nous sommes immortels
Nous sommes libres
Nous sommes inaltérables
Nous sommes identiques
Nous ne changeons pas
Nous n'avons pas de raison pour changer
Nous sommes à la fois
Le ciel et l'océan
Le sable et la douleur
Le sel et la joie
Nous sommes l'arbre
Nous sommes la plaine
Nous sommes l'enfance et le sommeil
Nous sommes immobiles
Nous sommes en mouvement
Nous avons des multitudes de dimensions
Nous sommes plusieurs
Nous sommes un
Nous sommes deux

Henri Kréa ("La Révolution et la Poésie sont une seule et même chose" - éditions PJ Oswald, 1959)



29 avril 2007

"L'autre" - Abdellatif Laâbi

Abdellatif Laâbi, né au Maroc en 1942, est un poète d'expression française. Il vit en France depuis 1985.

Voici deux "autres" à qui il s'adresse :

Jardinier de l’âme (titre proposé)

Ô jardinier de l’âme
as-tu prévu pour la nouvelle année
un carré de terre humaine
où planter encore quelques rêves ?
As-tu sélectionné les graines
ensoleillé les outils
consulté le vol des oiseaux
observé les astres, les visages
les cailloux et les vagues ?
L’amour t’a-t-il parlé ces jours-ci
dans sa langue étrangère ?
As-tu allumé une autre bougie
pour blesser la nuit dans son orgueil ?
Mais parle
si tu es toujours là
Dis-moi au moins :
qu’as-tu mangé et qu’as-tu bu ?

Abdellatif Laâbi (texte inédit, janvier 2007) Ce texte a été emprunté sur le site de l'auteur (clic)


Il y a un cannibale qui me lit

Il y a un cannibale qui me lit
C’est un lecteur férocement intelligent
un lecteur de rêve
Il ne laisse passer aucun mot
sans en soupeser le poids de sang
Il soulève même les virgules
pour découvrir les morceaux de choix
Il sait lui que la page vibre
d’une splendide respiration
Ah ! cet émoi qui rend la proie
alléchante et déjà soumise
Il attend la fatigue
qui descend sur le visage
comme un masque de sacrifice
Il cherche la faille pour bondir :
l’adjectif de trop
la répétition qui ne pardonne pas
Il y a un cannibale qui me lit
pour se nourrir.

Abdellatif Laâbi (dans "Poètes du Monde", revue "Vagabondages - Poésie 1")


29 avril 2007

"L'autre" - Jean de La Fontaine

On trouvera la présentation de l'auteur, Jean de La Fontaine ( (1621-1695), et d'autres fables pour la classe, sur ce blog, dans cette catégorie : FABLES de LA FONTAINE

Les deux amis

Deux vrais amis vivaient au Monomotapa :
L'un ne possédait rien qui n'appartînt à l'autre :
Les amis de ce pays-là
Valent bien dit-on ceux du nôtre.
Une nuit que chacun s'occupait au sommeil,
Et mettait à profit l'absence du Soleil,
Un de nos deux Amis sort du lit en alarme :
Il court chez son intime, éveille les valets :
Morphée avait touché le seuil de ce palais.
L'Ami couché s'étonne, il prend sa bourse, il s'arme ;
Vient trouver l'autre, et dit : Il vous arrive peu
De courir quand on dort ; vous me paraissiez homme
À mieux user du temps destiné pour le somme :
N'auriez-vous point perdu tout votre argent au jeu ?
15 En voici. S'il vous est venu quelque querelle,
J'ai mon épée, allons. Vous ennuyez-vous point
De coucher toujours seul ? Une esclave assez belle
Était à mes côtés : voulez-vous qu'on l'appelle ?
— Non, dit l'ami, ce n'est ni l'un ni l'autre point :
Je vous rends grâce de ce zèle.
Vous m'êtes en dormant un peu triste apparu ;
J'ai craint qu'il ne fût vrai, je suis vite accouru.
Ce maudit songe en est la cause.
Qui d'eux aimait le mieux, que t'en semble, Lecteur ?
25 Cette difficulté vaut bien qu'on la propose.
Qu'un ami véritable est une douce chose.
Il cherche vos besoins au fond de votre cœur ;
Il vous épargne la pudeur
De les lui découvrir vous-même.
Un songe, un rien, tout lui fait peur
Quand il s'agit de ce qu'il aime.

Jean de La Fontaine ("Fables" - 1678) Un commentaire de cette fable peut être consulté ici (clic)


29 avril 2007

"L'autre" - Armand Lanoux

Armand Lanoux est né en 1913.

Quelqu'un

De l'autre côté du miroir
Quelqu'un nous épie
Quelqu'un compte nos fils d'argent
un à un.
Quelqu'un regarde se serrer
l'épervier des rides
Quelqu'un nous garde
Quelqu'un nous emporte
Quelqu'un ouvre et ferme des portes
à l'envers.
Quelqu'un nous oublie
Quelqu'un vend de l'espoir
Quelqu'un au visage vert
ou gris
de l'autre côté du miroir
sur le tain de la nuit.
Quelqu'un quelqu'un quelqu'un mais qui?

Armand Lanoux ("La tulipe orageuse " Seghers 1959)


Publicité
29 avril 2007

Europe - Espagne - Federico García Lorca

Federico García Lorca (1898- 1936) est un poète et auteur de pièces de théâtre espagnol. Il a été l'ami de Luis Buñuel (cinéaste) et de Salvador Dalí.
Il est mort fusillé au début de la Guerre civile par les troupes du Général Franco.

" Toutes les choses ont leur mystère, la poésie c'est le mystère de toutes les choses".

Le Romancero Gitano (1928) est son recueil de poèmes le plus connu.

Verde que te quiero verde. Vert, que je t’aime vert.


Petits poèmes de Federico García Lorca qu'on retrouvera dans les comptines et chansons en espagnol (page 1) avec leur traduction en français 

Los niños

Salen los niños.
Salen los niños alegres de la escuela,
poniendo en el aire tibio
de abril, canciones nuevas.
¡Qué alegría tiene
el hondo silencio de la calleja!

Federico García Lorca


Naranja y limón

Naranja y limón
¡Ay de la niña
del mal amor!
Limón y naranja
¡Ay de la niña
de la niña blanca!
Limón
(Cómo brillaba el sol).
Naranja
(En las chinas del agua).

Federico García Lorca


Agua, ¿dónde vas ?

Agua, ¿dónde vas ?
Riendo voy por el río
a las orillas del mar.
Mar, ¿a dónde vas ?
Río arriba voy buscando
fuente donde descansar.
Chopo, y tú ¿qué harás ?
No quiero decirte nada
yo… ¡temblar!
¿Qué deseo, qué no deseo,
por el río, por el mar ?
¡Cuatro pájaros sin rumbo
en el alto chopo están!

Federico García Lorca


Divers poèmes de Federico García Lorca

Août

Contrastes de pêche et de sucre,
et le soleil dans l'après-midi
comme le noyau dans un fruit.
L'épi de maïs garde intact
son rire jaune et dur.
Août.
Les enfants mangent
le pain brun et la délicieuse lune.

Federico García Lorca
(Traduction proposée par Lieucommun)

Agosto

Contraponientes de melocotón y azucar,
y el sol dentro de la tarde,
come el hueso en una fruta.
La panocha guarda intacta
su risa amarilla y dura.
Agosto.
Los niños comen
pan moreno y rica luna.

Federico García Lorca


Paysage

Le champ d’oliviers
s’ouvre et se ferme
comme un éventail.

Sur l’olivier,
un ciel écroulé
et une pluie obscure
d’étoiles froides.

Au bord de la rivière
tremblent jonc et pénombre.
L’air gris se froisse.
Les oliviers sont lourds de cris :

une troupe
d’oiseaux captifs,
qui remuent leurs très longues
queues dans l’obscurité.

Federico García Lorca (Poème de la séguidille gitane dans "Poèmes du Cante Jondo" - Gallimard 1966)
(Traduction proposée par Lieucommun)

Paisaje

El campo de olivos
se abre y se cierra
como un abanico.

Sobre el olivar
hay un cielo hundido
y una lluvia oscura
de luceros fríos.

Tiembla junco y penumbra
a la orilla del río.
Se riza el aire gris.

Los olivos
están cargados
de gritos.

Una bandada
de pájaros cautivos,
que mueven sus larguísimas
colas en lo sombrío.

Federico García Lorca (Poema de la seguidilla gitana en "Poemas del Cante Jondo"  1966)


Papillon du ciel

Papillon du ciel
comme tu es beau,
papillon du ciel
couleur or et vert.
Lumière des lampes,
papillon du ciel,
reste là, reste là !
Tu ne t'arrêtes pas,
Tu ne veux pas t'arrêter.

Papillon du ciel
couleur or et vert.
Lumière des lampes,
papillon du ciel,
reste là, reste là !
reste là !
Papillon, tu es là ?

Federico García Lorca
(Traduction et adaptation proposées par Lieucommun)


Mariposa

Mariposa del aire,
qué hermosa eres,
mariposa del aire
dorada y verde.
Luz del candil,
mariposa del aire,
¡quédate ahí, ahí, ahí!
No te quieres parar,
pararte no quieres.

Mariposa del aire
dorada y verde.
Luz de candil,
mariposa del aire,
¡quédate ahí, ahí, ahí !
¡Quédate ahí!
Mariposa, ¿estás ahí?

Federico García Lorca (Extrait de la pièce de théâtre "la savetière prodigieuse"  ["La zapatera prodigiosa"] )


La Guitare

Commencent les lamentations
de la guitare.
les coupes de l'aube se brisent.
Commencent les lamentations
de la guitare.
Il est inutile
de la faire taire.
Il est impossible
de la faire taire.
C'est une plainte monotone,
comme la plainte de l'eau,
comme la plainte du vent
sur la neige.
Il est impossible
de la faire taire.
Elle pleure sur des choses
lointaines.
Sable du Sud brûlant
qui veut des camélias blancs.
Elle pleure la flèche sans but,
le soir sans lendemain,
et le premier oiseau mort
sur la branche.
Oh guitare !
Coeur blessé à mort
par cinq épées.

Federico García Lorca

La Guitarra

Empieza el llanto
de la guitarra.
Se rompen las copas
de la madrugada.
Empieza el llanto
de la guitarra.
Es inútil callarla.
Es imposible
callarla.
Llora monótona
como llora el agua,
como llora el viento
sobre la nevada
Es imposible
callarla,
Llora por cosas
lejanas.
Arena del Sur caliente
que pide camelias blancas.
Llora flecha sin blanco,
la tarde sin mañana,
y el primer pájaro muerto
sobre la rama
¡ Oh guitarra !
Corazón malherido
por cinco espadas.

Federico García Lorca  (Poema del cante jondo - 1921).
Traduction proposée par Lieucommun


Chanson bête

Maman,
Je voudrais être en argent.

Mon fils,
Tu auras bien froid.

Maman,
Je voudrais être de l'eau.

Mon fils,
Tu auras bien froid.

Maman,
Brode-moi sur ton oreiller.

Ah, ça oui  !
tout de suite !

 Federico García Lorca
(Traduction proposée par Lieucommun)

Canción tonta
          
Mamá.
Yo quiero ser de plata.

Hijo,
tendrás mucho frío.

Mamá.
Yo quiero ser de agua.

Hijo,
tendrás mucho frío.

Mamá.
Bórdame en tu almohada.

¡Eso sí!
¡Ahora mismo!

Federico García Lorca (" Canciones" - 1928)


Romance de la lune lune

La lune vient à la forge
avec ses volants de nards.
l'enfant, les yeux grand ouverts,
la regarde, la regarde.

Dans la brise qui s'émeut
la lune bouge les bras,
dévoilant, lascive et pure,
ses seins blancs de dur métal.

Va-t-en lune, lune, lune.
Si les gitans arrivaient,
ils feraient avec ton cœur
bagues et colliers blancs.

Petit, laisse-moi danser.
Quand viendront les cavaliers,
ils te verront sur l'enclume
tu auras les yeux fermés.

Va-t'en lune, lune, lune.
j'entends déjà leurs chevaux.

Laisse-moi, petit, tu froisses
ma blancheur amidonnée.

Battant le tambour des plaines
approchait le cavalier.
Dans la forge silencieuse
gît l'enfant, les yeux fermés.

Par l'olivette venaient,
bronze et rêve, les gitans,
chevauchant la tête haute
et le regard somnolent.

Comme chante la zumaya*,
Ay, comme elle chante dans son arbre !
Dans le ciel marche la lune
tenant l'enfant par la main.

Autour de l'enclume pleurent
les gitans désespérés.
la brise veille, veille,
la brise fait la veillée.

Federico García Lorca
(Traduction proposée par Lieucommun)

Romance de la luna luna 

La luna vino a la fragua
con su polisón de nardos.
El niño la mira, mira.
El niño la está mirando.

En el aire conmovido
mueve la luna sus brazos
y enseña, lúbrica y pura,
sus senos de duro estaño.

Huye luna, luna, luna.
Si vinieran los gitanos,
harían con tu corazón
collares y anillos blancos.

Niño, déjame que baile.
Cuando vengan los gitanos,
te encontrarán sobre el yunque
con los ojillos cerrados.

Huye luna, luna, luna,
que ya siento sus caballos.

Niño, déjame, no pises
mi blancor almidonado.

El jinete se acercaba
tocando el tambor del llano.
Dentro de la fragua el niño,
tiene los ojos cerrados.

Por el olivar venían,
bronce y sueño, los gitanos.
Las cabezas levantadas
y los ojos entornados.

Cómo canta la zumaya,
¡ay, cómo canta en el árbol!
Por el cielo va la luna
con un niño de la mano.

Dentro de la fragua lloran,
dando gritos, los gitanos.
El aire la vela, vela.
El aire la está velando.

Federico García Lorca ("Romancero Gitano" - 1928)
*chat-huant


Romance somnambule (deux premières strophes)

Vert, que je t’aime vert.
Le vent vert. Les vertes branches.
Le bateau sur la mer
et le cheval dans la montagne.
Avec l’ombre à la ceinture,
elle rêve à son balcon
verte chair, cheveux verts,
les yeux d’argent glacé.
Vert que je t’aime vert.
Sous la lune gitane
les choses la regardent
et elle, elle ne peut pas les regarder.

Vert que je t’aime vert.
De grandes étoiles de givre,
viennent avec le poisson d’ombre
qui ouvre le chemin de l’aube.
Le figuier frotte son vent
avec la lime de ses branches,
et la colline, chat sauvage
hérisse ses dures agaves .
Mais qui viendra ? Et d’où … ?
Elle est toujours à son balcon
verte chair, chevelure verte,
rêvant de la mer amère.

Federico García Lorca
(Traduction proposée par Lieucommun)

Romance sonámbulo 

Verde que te quiero verde.
Verde viento. Verdes ramas.
El barco sobre la mar
y el caballo en la montaña.
Con la sombra en la cintura
ella sueña en su baranda,
verde carne, pelo verde,
con ojos de fría plata.
Verde que te quiero verde.
Bajo la luna gitana,
las cosas la están mirando
y ella no puede mirarlas.

Verde que te quiero verde.
Grandes estrellas de escarcha
vienen con el pez de sombra
que abre el camino del alba.
La higuera frota su viento
con la lija de sus ramas,
y el monte, gato garduño,
eriza sus pitas agrias.
¿Pero quién vendra? ¿Y por dónde...?
Ella sigue en su baranda,
Verde came, pelo verde,
soñando en la mar amarga.

Federico García Lorca ("Romancero Gitano" - 1928)


Cancíon de jinete

Córdoba.
Lejana y sola.

Jaca negra, luna grande,
y aceitunas en mi alforja.
Aunque sepa los caminos
yo nunca llegaré a Córdoba.

Por el llano, por el viento,
jaca negra, luna roja.
La muerte me está mirando
desde las torres de Córdoba.

¡Ay qué camino tan largo!
¡Ay mi jaca valerosa!
¡Ay que la muerte me espera,
antes de llegar a Córdoba!

Córdoba.
Lejana y sola.

Chanson de cavalier

Cordoue
Lointaine et seule.

Jument noire, lune grande,
Olives dans ma besace.
Bien que je sache la route
Je n’atteindrai pas Cordoue.

Par la plaine, par le vent,
Jument noire, lune rouge.
La mort approche, me guette,
Depuis les tours de Cordoue.

Ah, que le chemin est long !
Ah, que ma jument a du courage !
Ah, que la mort m’attend
Avant d’atteindre Cordoue !

Cordoue.
Lointaine et seule.

Federico García Lorca (texte traduit par Catherine Réault-Crosnier*)

*on trouvera des textes de Catherine Réault-Crosnier et d'autres poèmes présentés sur le "mur de poésie" de Tours, auquel nous avons emprunté celui-ci [source : http://www.crcrosnier.fr/]



29 avril 2007

"L'autre" - Robert Lohro

Robert Lohro - Lionel Ray

Robert Lohro, parfois orthographié Lorho, est né en 1935 à Mantes-La-Ville (Yvelines).
Il a d'abord publié des poèmes sous son vrai nom (le recueil "Légendaire" a obtenu le prix Apollinaire en 1965, il a été édité par les éditions Pierre Seghers), et à partir de 1970 sous le pseudonyme de Lionel Ray : ("Le corps obscur", 1981, aux éditions Gallimard, lui vaut le prix de poésie Mallarmé).
Lionel Ray est lauréat du prix Goncourt de Poésie en 1995 et du Grand prix de poésie de la Société des Gens de Lettres en 2001.

Voici quelques poèmes sans titre, sur le thème de "l'autre" qui habite l'auteur. Ces passages sont tous extraits(1) du recueil "Comme un château défait", paru aux éditions Gallimard en 1993  :

Ce qui parle dans le bois, ce qui parle au bord
du gouffre et dans l'horloge et dans l'effondrement
des heures, te ressemble.

Ce qui parle dans le feuillage des consonnes,
dans l'encre des nuages, te ressemble.

Ce qui parle dans les plaies et les fusils sanglants,
dans les crimes et les branches brisées
de la forêt humaine, te ressemble.


Avec la pluie qui n'appartient à personne
(c'est du ciel qui descend à petit bruit,
comme invisiblement)

Aimer encore forêts et falaises,
le mûrissement du silence,

s'enfermer jusqu'au centre du bruit,
dans cette interminable fin du monde
du siècle pourrissant,

Écrire dans l'imparfait un chant
mobile pour te réconcilier
avec ton sang.


Sur ton épaule un dieu fluide
se pose, papillon qui s'affaiblit,
oublie l'être, se dissout.

Celui qui est dans ces pages, dis-tu,
est un autre, il traverse un ciel mal rédigé

Où s'accumulent nuages et sommeils,
et la nuit revient avec des oiseaux de fête.
Est un autre, disais-tu.


Il y a toutes sortes de vies dans ta vie
et toutes sortes de mots dans tes mots,
mais qu'est-ce à la fin que ce brouillard ?

Même la lampe des morts s'éteint,
il n'y a plus où ils sont de langage.

Qu'est-ce à la fin que cette nuit
d'où tu viens, et cette nuit finale
où ni les mots ni les morts ne font signe ?


Comme on glisse hors de soi
aux confins de la veille et du songe,
on regarde une autre demeure, un corps chantant.

Qui est cet homme proche de toi
si peu semblable et pourtant ressemblant,

Dans le tumulte des soifs et des mondes,
broyant le grain des paroles,
cherchant la source brève, la présence sans nom ?


Tu parles aussi pour toi hors du temps
dans ce grand désordre couleur d'ivresse
des routes des heures des paysages.

Tu parles parmi les ombres finales de la nuit
au bord de l'inimaginable absence.

Tu ne dis rien, tu es en proie à toi-même,
tu cherches la place d'être
un autre ou personne.


Dans la géométrie du soleil mobile,
ailes ouvertes sur tant de plaines,
de décombres et de scintillements,

Tu t'éloignes et te rejoins,
tu te rassembles,

Tu es toi-même chaque mot que tu dis
et chacun te conduit en ce lieu
où tu es plus toi-même que toi.

Lionel Ray (Robert Lohro) (Comme un château défait - Gallimard, 1993, et Comme un château défait suivi de Syllabes de sable, collection Poésie/Gallimard, 2004)
(1) Références électroniques pour les textes et les éléments de biographie :
Lionel Ray, « Poèmes », Semen, 09, Texte, lecture, interprétation, 1994, [En ligne], mis en ligne le 31 mai 2007. URL : http://semen.revues.org/document2998.html. et
http://poezibao.typepad.com/poezibao/2007/12/lionel-ray.html



 

29 avril 2007

Europe - Espagne - José Agustín Goytisolo

José Agustín Goytisolo (1928-1999) était un écrivain, traducteur et poète  de Catalogne, de langue castillane (espagnol) et catalane.
Poète humaniste, engagé, nombre de ses textes sont chantés par Paco Ibáñez, (l'album  2004 s'intitule Paco Ibáñez canta a José Agustín Goytisolo). Source : Wikipedia

Érase una vez

Érase una vez
un lobito bueno
al que maltrataban
todos los corderos.

Y había también
un príncipe malo,
una bruja hermosa
y un pirata honrado.

Todas estas cosas
había una vez
cuando yo soñaba
un mundo al revés.

José Agustín Goytisolo

Il était une fois

Il était une fois
un petit loup gentil
qui était maltraité
par tous les moutons.

Et il y avait aussi
un mauvais prince,
une jolie sorcière
et un pirate honnête.

Il était une fois
toutes ces choses-là
quand je rêvais
d’un monde à l’envers.

José Agustín Goytisolo 


29 avril 2007

"L'autre" - Bernard Lorraine

Bernard Lorraine (1933-2002) a publié 27 recueils  (Vitriol, Voilà, Provocation, Sentences, Burlesques ...) et 10 anthologies poétiques (Trésors des épigrammes satiriques ; Une Europe des poètes ; Le cœur à l'ouvrage : anthologie de la poésie du travail ; Un poème, un pays, un enfant ...) ainsi que des essais et des pièces de théâtre.

(...)
"Je te porte en mes pas dans le jour des trottoirs
Flânant aveugle et sourd sans ta voix ni tes yeux".

(hommage de Robert Vigneau à Bernard Lorraine)

Au début ...

Il y avait un ciel
il y eut un nuage
Il y avait la boue
il y eut une plage
Il y avait une eau
il y eut un poisson
Il y avait un arbre
il y eut un oiseau
Il y avait la nuit
il y eut une femme
Il y avait le jour
et il y eut un homme
Il y avait l'amour
il y eut un silence
Mais il y eut un cri
et c'était un enfant
Et ce fut un poète
puisqu'il y eut un chant

Bernard Lorraine


Le tapissier et le pâtissier

Un pâtissier faisait de la pâtisserie,
Son voisin tapissier de la tapisserie.
Lorsque le pâtissier fait sa pâtisserie
Sa pâtissière fait de la tapisserie,
Quand le tapissier vaque à sa tapisserie
Sa tapissière cuit de la pâtisserie.

Aussi retrouve-t-on des clous de tapissier
Dans la pâtisserie du voisin pâtissier,
Aussi retrouve-t-on les choux du pâtissier
Sur la tapisserie du voisin tapissier.
Et comme leurs moitiés sabotent leurs métiers,
Leur industrie et leur commerce en pâtissaient.

Moralité

Pâtissiers, pâtissez ! Tapissez, tapissiers !
À chacun son métier ! À chacun sa moitié.

Bernard Lorraine ("Jouer avec les poètes"  - Hachette, 1999)


29 avril 2007

Europe - Espagne - Antonio Machado

Antonio Machado (1875-1939) est un poète espagnol de la Génération de 98, mouvement "Moderniste" initié par le poète espagnol Rubén Darío. C'est d'ailleurs après sa rencontre avec Rubén Darío et d'autres poètes comme Verlaine et Paul Fort, que Machado publie son premier livre de poésies en 1903 : Soledades (Solitudes).
Il soutient par ses écrits la jeune République Espagnole de 1936, mais La Guerre civile d'Espagne se termine en 1939 par la victoire des Nationalistes et la dictature du Général Franco. Contraint de s'exiler en France, comme des milliers de ses compatriotes, c'est à Collioure (Pyrénées-Orientales), qu'il meurt, à "trois pas" de la frontière. Là se trouve sa tombe.

Machado dort à Collioure
Trois pas suffirent hors d'Espagne
Et le ciel pour lui se fît lourd
Il s'assit dans cette campagne
Et ferma les yeux pour toujours
.

Louis Aragon (extrait de "Les poètes") - Texte mis en musique et chanté par Jean Ferrat


Petits poèmes d'Antonio Machado  qu'on retrouvera dans les comptines et chansons en espagnol (page 1) :

La plaza

La plaza tiene una torre,
la torre tiene un balcón,
el balcón tiene una dama
la dama tiene una flor.

Antonio Machado

La place (adaptation en français : lieucommun)

La place a une tour,
la tour a un balcon,
le balcon a une dame,
la dame a une fleur.


La primavera

La primavera ha venido
nadie sabe cómo ha sido.
Ha despertado la rama
el almendro ha florecido.
En el campo se escuchaba
el gri del grillo.
La primavera ha venido
nadie sabe cómo ha sido.

Antonio Machado

Le printemps (adaptation en français : lieucommun)

Le printemps est arrivé
personne ne sait comment.
Il a réveillé les branches
l'amandier a fleuri.
Dans les champs on écoutait
le gri-gri du grillon.
Le printemps est arrivé
personne ne sait comment.


 Autres poèmes d'Antonio Machado :

Tout passe et tout demeure

Tout passe et tout demeure
mais nous, nous devons passer
passer en traçant des chemins
des chemins sur la mer.

Voyageur, c'est la trace de tes pas
qui est le chemin, et rien d'autre ;
voyageur, il n'y a pas de chemin,
tu fais le chemin en marchant.

...

C'est en marchant que tu fais le chemin
et si tu regardes en arrière
tu vois le sentier
que jamais tu ne fouleras à nouveau.

Voyageur ! Il n'y a pas de chemins
Rien que des sillages sur la mer.

Antonio Machado ("Proverbes et Chansons" - XIV)

Traduction et adaptation Lieucommun  du texte original ci-dessous

Todo pasa y todo queda (court extrait)

Todo pasa y todo queda,
pero lo nuestro es pasar,
pasar haciendo caminos,
caminos sobre el mar.
...
Caminante son tus huellas
el camino y nada más;
caminante, no hay camino
se hace camino al andar.

Al andar se hace camino
y al volver la vista atrás
se ve la senda que nunca
se ha de volver a pisar.

Caminante no hay camino
sino estelas en la mar...

Antonio Machado ("Proverbios y Cantares" - XIV)


Un autre passage du même long poème :

J'aime les mondes fragiles* (titre proposé : subtils, délicats, fragiles ... )

Je n'ai jamais recherché la gloire
Ni voulu laisser ma chanson
dans la mémoire des hommes ;
Mais j'aime les mondes fragiles,
légers et gracieux
Comme bulles de savon.

J'aime les voir se colorer
de soleil et de pourpre, voler
sous le ciel bleu, trembler
tout-à-coup, et puis éclater.

Antonio Machado ("Proverbes et Chansons" - XIV)

* sutiles : subtils, délicats, fragiles ...
Traduction et adaptation Lieucommun  du texte original ci-dessous :

Yo amo los mundos sutiles

Nunca perseguí la gloria
ni dejar en la memoria
de los hombres mi canción;
yo amo los mundos sutiles,
ingrávidos y gentiles
como pompas de jabón.

Me gusta verlos pintarse
de sol y grana, volar
bajo el cielo azul, temblar
súbitamente y quebrarse

Antonio Machado ("Proverbios y Cantares" - XIV)


Le soleil est une boule de feu

Le soleil est une boule de feu,
La lune est un disque violet.

Une blanche palombe se pose
Au sommet du cyprès centenaire.

Les parterres de myrtes semblent
fanés et couverts de poussière

Le jardin et le calme de l'après-midi ! ...
L'eau chante à la fontaine de marbre.

Antonio Machado

Traduction et adaptation Lieucommun  du texte original ci-dessous

El sol es un globo de fuego

El sol es un globo de fuego,
la luna es un disco morado.

Una blanca paloma se posa
en el alto ciprés centenario.

Los cuadros de mirtos parecen
de marchito velludo empolvado.

¡El jardín y la tarde tranquila!...
Suena el agua en la fuente de mármol.

Antonio Machado


Publicité
Publicité