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lieu commun
22 janvier 2007

Demain, dès l'aube... - Victor Hugo

Demain, dès l'aube...

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

Victor Hugo (1843 - Poème dédié à sa fille Léopoldine, morte noyée)

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22 janvier 2007

L'école - Jacques Charpentreau

L'école

Dans notre ville, il y a
Des tours, des maisons par milliers,
Du béton, des blocs, des quartiers,
Et puis mon cœur, mon cœur qui bat
Tout bas.

Dans mon quartier, il y a
Des boulevards, des avenues,
Des places, des ronds-points, des rues,
Et puis mon cœur, mon cœur qui bat
Tout bas.

Dans notre rue, il y a
Des autos, des gens qui s'affolent,
Un grand magasin, une école,
Et puis mon cœur, mon cœur qui bat,
Tout bas.

Dans cette école, il y a
Des oiseaux chantant tout le jour
Dans les marronniers de la cour.
Mon cœur, mon cœur, mon cœur qui bat
Est là.

Jacques Charpentreau

22 janvier 2007

Air vif - Paul Eluard

Air vif

J'ai regardé devant moi
Dans la foule je t'ai vue
Parmi les blés je t'ai vue
Sous un arbre je t'ai vue

Au bout de tous mes voyages
Au fond de tous mes tourments
Au tournant de tous les rires
Sortant de l'eau et du feu

L'été l'hiver je t'ai vue
Dans ma maison je t'ai vue
Entre mes bras je t'ai vue
Dans mes rêves je t'ai vue

Je ne te quitterai plus.

Paul Eluard (Derniers poèmes d'amour - Paul Eluard 1895 - 1952)

22 janvier 2007

Barbara - Jacques Prévert

Barbara

Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
Épanouie, ravie, ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t’ai croisé rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce jour-là
N’oublie pas
Un homme sous un porche s’abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante, ravie, épanouie
Et tu t’es jetée dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m’en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à tous ceux que j’aime
Même si je ne les ai vu qu’une seule fois
Je dis tu à tous ceux qui s’aiment
Même si je ne les connais pas
Rappelle-toi Barbara
N’oublie pas
Cette pluie sage et heureuse
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Cette pluie sur la mer
Sur l’arsenal
Sur le bateau d’Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu’es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d’acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou encore vivant
Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n’est plus pareil et tout est abîmé
C’est une pluie de deuil, terrible et désolée
Ce n’est même plus l’orage
De fer d’acier et de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l’eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin, très loin de Brest
Dont il ne reste rien.

Jacques Prévert (Paroles)

22 janvier 2007

Quand vous serez bien vieille... - Ronsard

Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle
en français moderne

Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
"Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle."

Lors, vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de mon nom ne s'aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.

Je serai sous la terre et fantôme sans os,
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos;
Vous serez au foyer une vieille accroupie,

Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain;
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.

Pierre de Ronsard (sonnets pour Hélène)

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22 janvier 2007

Le collier de la colombe - Ibn Hazm

Le collier de la colombe (extrait)

Quelqu'un m'a demandé mon âge après avoir vu la vieillesse grisonner sur mes tempes et les boucles de mon front.

Je lui ai répondu : une heure.
Car en vérité je ne compte pour rien le temps que j'ai par ailleurs vécu.

Il m'a dit « Que dites-vous là ? Expliquez-vous. Voilà bien la chose la plus émouvante. »

Je dis alors : « Un jour, par surprise, j'ai donné un baiser, un baiser furtif, à celle qui tient mon cœur. Si nombreux que doivent être mes jours, je ne compterai que ce court instant, car il a été vraiment toute ma vie.»

Ibn Hazm (994-1064 a vécu en Espagne, traduction de l'arabe)

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22 janvier 2007

Je t'attendais... - René-Guy Cadou

Je t’attendais ainsi qu’on attend les navires

Je t’attendais ainsi qu’on attend les navires
Dans les années de sécheresse quand le blé
Ne monte pas plus haut qu’une oreille dans l’herbe
Qui écoute apeurée la grande voix du temps

Je t’attendais et tous les quais toutes les routes
Ont retenti du pas brûlant qui s’en allait
Vers toi que je portais déjà sur mes épaules
Comme une douce pluie qui ne sèche jamais

Tu ne remuais encor que par quelques paupières
Quelques pattes d’oiseaux dans les vitres gelées
Je ne voyais en toi que cette solitude
Qui posait ses deux mains de feuille sur mon cou

Et pourtant c’était toi dans le clair de ma vie
Ce grand tapage matinal qui m’éveillait
Tous mes oiseaux tous mes vaisseaux tous mes pays
Ces astres ces millions d’astres qui se levaient

Ah que tu parlais bien quand toutes les fenêtres
Pétillaient dans le soir ainsi qu’un vin nouveau
Quand les portes s’ouvraient sur des villes légères
Où nous allions tous deux enlacés par les rues

Tu venais de si loin derrière ton visage
Que je ne savais plus à chaque battement
Si mon cœur durerait jusqu’au temps de toi-même
Où tu serais en moi plus forte que mon sang.

René-Guy Cadou (Hélène ou le Règne végétal)

22 janvier 2007

Mignonne, allons voir si la rose - Ronsard

Mignonne, allons voir si la rose

Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.

Las ! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ses beautez laissé cheoir !
Ô vrayment marastre Nature,
Puis qu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !

Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que vostre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir vostre beauté.

Pierre de Ronsard (À Cassandre)

22 janvier 2007

Mignonne, allons voir si la rose - Ronsard (moderne)

Mignonne, allons voir si la rose (en français moderne)

Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avait éclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
N'a point perdu cette vêprée*
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au votre pareil.

Las ! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ses beautés laissé choir !
Ô vraiment marâtre Nature,
Puisqu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !

Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse :
Comme à cette fleur la vieillesse
Fera ternir votre beauté.

Pierre de Ronsard (À Cassandre)   * vêprée : heure des vêpres; le mot n'est plus employé

22 janvier 2007

À la faveur de la nuit - Robert Desnos

À la faveur de la nuit

Se glisser dans ton ombre à la faveur de la nuit.
Suivre tes pas, ton ombre à la fenêtre.
Cette ombre à la fenêtre c'est toi, ce n'est pas une autre, c'est toi.
N'ouvre pas cette fenêtre derrière les rideaux de laquelle tu bouges.
Ferme les yeux.
Je voudrais les fermer avec mes lèvres.
Mais la fenêtre s'ouvre et le vent, le vent
qui balance bizarrement la flamme
et le drapeau entoure ma fuite de son manteau.
La fenêtre s'ouvre: ce n'est pas toi.

Je le savais bien.

Robert Desnos (Poèmes à la Mystérieuse-1926)

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