Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
lieu commun
21 janvier 2007

Je t'offre un soleil - Luce Guilbaud

Je t'offre un soleil

Je t'offre un soleil
dans mes mains nues
quelques touches de brume
un dé de pluie
et la ligne bleue des collines

sans guirlande
sans papier cadeau
je t'offre un monde
avec mon coeur

Luce Guilbaud (La petite fille aux yeux bleus - 1998)



Stances à Marquise - Pierre Corneille

Marquise, si mon visage
A quelques traits un peu vieux,
Souvenez-vous qu'à mon âge
Vous ne vaudrez guère mieux.

Le temps aux plus belles choses
Se plaît à faire un affront;
Il saura faner vos roses
Comme il a ridé mon front.

Le même cours des planètes
Règle nos jours et nos nuits :
On m'a vu ce que vous êtes;
Vous serez ce que je suis.

Cependant j'ai quelques charmes
Qui sont assez éclatants
Pour n'avoir pas trop d'alarmes
De ces ravages du temps.

Vous en avez qu'on adore ;
Mais ceux que vous méprisez
Pourraient bien durer encore
Quand ceux-là seront usés.

Ils pourront sauver la gloire
Des yeux qui me semblent doux,
Et dans mille ans faire croire
Ce qu'il me plaira de vous.

Chez cette race nouvelle,
Où j'aurai quelque crédit,
Vous ne passerez pour belle
Qu'autant que je l'aurai dit.

Pensez-y, belle Marquise.
Quoiqu'un grison fasse effroi,
Il vaut bien qu'on le courtise,
Quand il est fait comme moi.


Pierre Corneille 1606-1684 ("Recueil de Sercy")

* Les strophes en italique sont souvent "oubliées".

Voici le quatrain que Tristan Bernard a ajouté au texte de Corneille.
On le retrouve à la suite des trois premières strophes dans la chanson "Marquise", musique de Georges Brassens :


Peut-être que je serai vieille,
Répond Marquise, cependant
J'ai vingt-six ans, mon vieux Corneille,
Et je t'emmerde en attendant !  (bis pour la chanson)


L'heure exquise - Paul Verlaine

La lune blanche
Luit dans les bois ;
De chaque branche
Part une voix
Sous la ramée ...

Ô bien-aimée.

L'étang reflète,
Profond miroir,
La silhouette
Du saule noir
Où le vent pleure ...

Rêvons, c'est l'heure.

Un vaste et tendre
Apaisement
Semble descendre
Du firmament
Que l'astre irise ...

C'est l'heure exquise.

Paul Verlaine 1844-1896 ("La bonne chanson")



Si on me dit que tu es partie

Si on me dit que tu es partie
Ou que tu ne viendras pas,
Je ne vais pas le croire : je vais
T'attendre et t'attendre.

Si on te dit que je m'en suis allé,
Ou que je ne reviendrai pas,
Ne le crois pas :
Attends-moi
Toujours.

Roberto Fernandez Retamar, né à Cuba en 1930 ("Historia antigua" - 1964)



flaque_de_ciel_blog

Flaque de ciel (c'est comme ça que je l'ai vue) - Photo : lieucommun

Il pleut

                                           à Éliane

Il pleut — c’est merveilleux. Je t’aime.
Nous resterons à la maison :
Rien ne nous plaît plus que nous-mêmes
Par ce temps d’arrière-saison.

Il pleut. Les taxis vont et viennent.
On voit rouler les autobus
Et les remorqueurs sur la Seine
Font un bruit... qu’on ne s’entend plus !

C’est merveilleux : il pleut. J’écoute
La pluie dont le crépitement
Heurte la vitre goutte à goutte...
Et tu me souris tendrement.

Je t’aime. Oh ! ce bruit d’eau qui pleure,
Qui sanglote comme un adieu.
Tu vas me quitter tout à l’heure :
On dirait qu’il pleut dans tes yeux.

Francis Carco 1886-1958



nid_lampadaire

Paris at night

Trois allumettes une à une allumées dans la nuit                                       
La première pour voir ton visage tout entier
La seconde pour voir tes yeux
La dernière pour voir ta bouche
Et l'obscurité tout entière pour me rappeler tout cela
En te serrant dans mes bras.

Jacques Prévert  ("Paroles")


Idilio (Idylle)

Tú querías que yo te dijera 
el secreto de la primavera.

Y yo soy para el secreto 
lo mismo que es el abeto.

Árbol cuyos mil deditos 
señalan mil caminitos.

Nunca te diré, amor mío, 
por qué corre lento el río.

Pero pondré en mi voz estancada 
el cielo ceniza de tu mirada.

¡Dame vueltas, morenita! 
Ten cuidado con mis hojitas.

Dame más vueltas alrededor, 
jugando a la noria del amor.

¡Ay! No puedo decirte, aunque quisiera, 
el secreto de la primavera.

Federico García Lorca (1898-1936)  petite biographie à venir

traduction approximative :

Idylle

Tu voulais que je te dise
le secret du printemps.

Moi je suis pour le secret
tout comme le sapin.

Arbre dont les mille petits doigts
indiquent mille petits chemins.

Je ne te dirai jamais, mon amour,
pourquoi le ruisseau coule lentement.

Mais je placerai dans ma voix stagnante
le ciel cendré de ton regard.

Tourne autour de moi, petite brune !
Fais attention à mes petites feuilles.

Tourne encore autour de moi,
en jouant à la noria de l'amour.

Ay ! Je ne pourrais te dire, même si je voulais,
le secret du printemps.

Federico García Lorca


Jacques Salomé est né en 1935 à Toulouse.

Il est plus connu comme psychosociologue, conférencier, formateur et écrivain ("Parle-moi, j'ai des choses à te dire", "Si je m'écoutais, je m'entendrais") que comme  poète. 

Avec des mots

Avec des mots trouvésescalier_contre_jour_blog
je t’ai inventé

avec des mots inventés
je t’ai éloigné

avec des mots éloignés
je t’ai approché

avec des mots approchés
je t’ai aimé

avec des mots aimés
je t’ai caressé

avec des mots caressés
je t’ai retrouvé

Et puis un jour
sans un mot
je t’ai perdu
à jamais                                                       Photo Lieucommun

Jacques Salomé


Le jour où je vous vis pour la première fois (titre proposé)
      
Le jour où je vous vis pour la première fois,
Vous aviez un air triste et gai : dans votre voix
Pleuraient des rossignols captifs, sifflaient des merles ;
Votre bouche rieuse, où fleurissaient des perles,
Gardait à ses deux coins d’imperceptibles plis ;
Vos grands yeux bleus semblaient des calices remplis
Par l’orage, et séchant les larmes de la pluie
À la brise d’avril qui chante et les essuie ;
Et des ombres passaient sur votre front vermeil,
Comme un noir papillon dans un rais de soleil.

Jean Richepin ("Les caresses")

 


Publicité
21 janvier 2007

Coplas por la muerte de su padre - Jorge Manrique

Coplas por la muerte de su padre (texte intégral)

           I
  Recuerde el alma dormida,
avive el seso e despierte  contemplando
cómo se passa la vida,
cómo se viene la muerte  tan callando;  cuán presto se va el plazer,
cómo, después de acordado,  da dolor;
cómo, a nuestro parescer,
cualquiere tiempo passado  fue mejor.

           II
  Pues si vemos lo presente
cómo en un punto s'es ido  e acabado,
si juzgamos sabiamente,
daremos lo non venido  por passado.  Non se engañe nadi, no,
pensando que ha de durar  lo que espera
más que duró lo que vio,
pues que todo ha de passar  por tal manera.

           III
  Nuestras vidas son los ríos
que van a dar en la mar,  qu'es el morir;
allí van los señoríos
derechos a se acabar  e consumir;  allí los ríos caudales,
allí los otros medianos  e más chicos,
allegados, son iguales
los que viven por sus manos  e los ricos.

       INVOCACIÓN

           IV
  Dexo las invocaciones
de los famosos poetas  y oradores;
non curo de sus ficciones,
que traen yerbas secretas  sus sabores.  Aquél sólo m'encomiendo,
Aquél sólo invoco yo  de verdad,
que en este mundo viviendo,
el mundo non conoció  su deidad.

           V
  Este mundo es el camino
para el otro, qu'es morada  sin pesar;
mas cumple tener buen tino
para andar esta jornada  sin errar.  Partimos cuando nascemos,
andamos mientra vivimos,  e llegamos
al tiempo que feneçemos;
assí que cuando morimos,  descansamos.

           VI
  Este mundo bueno fue
si bien usásemos dél  como debemos,
porque, segund nuestra fe,
es para ganar aquél  que atendemos.  Aun aquel fijo de Dios
para sobirnos al cielo  descendió
a nescer acá entre nos,
y a vivir en este suelo  do murió.

           VII
  Si fuesse en nuestro poder
hazer la cara hermosa  corporal,
como podemos hazer
el alma tan glorïosa  angelical,  ¡qué diligencia tan viva
toviéramos toda hora  e tan presta,
en componer la cativa,
dexándonos la señora  descompuesta!

           VIII
  Ved de cuán poco valor
son las cosas tras que andamos  y corremos,
que, en este mundo traidor,
aun primero que muramos  las perdemos.  Dellas deshaze la edad,
dellas casos desastrados  que acaeçen,
dellas, por su calidad,
en los más altos estados  desfallescen.

           IX
  Dezidme: La hermosura,
la gentil frescura y tez  de la cara,
la color e la blancura,
cuando viene la vejez,  ¿cuál se para?  Las mañas e ligereza
e la fuerça corporal  de juventud,
todo se torna graveza
cuando llega el arrabal  de senectud.

           X
  Pues la sangre de los godos,
y el linaje e la nobleza  tan crescida,
¡por cuántas vías e modos
se pierde su grand alteza  en esta vida!  Unos, por poco valer,
por cuán baxos e abatidos  que los tienen;
otros que, por non tener,
con oficios non debidos  se mantienen.

           XI
  Los estados e riqueza,
que nos dexen a deshora  ¿quién lo duda?,
non les pidamos firmeza.
pues que son d'una señora;  que se muda,  que bienes son de Fortuna
que revuelven con su rueda  presurosa,
la cual non puede ser una
ni estar estable ni queda  en una cosa.

           XII
  Pero digo c'acompañen
e lleguen fasta la fuessa  con su dueño:
por esso non nos engañen,
pues se va la vida apriessa  como sueño,
e los deleites d'acá
son, en que nos deleitamos,  temporales,
e los tormentos d'allá,
que por ellos esperamos,  eternales.

           XIII
  Los plazeres e dulçores
desta vida trabajada  que tenemos,
non son sino corredores,
e la muerte, la çelada  en que caemos.  Non mirando a nuestro daño,
corremos a rienda suelta  sin parar;
desque vemos el engaño
y queremos dar la vuelta  no hay lugar.

           XIV
  Esos reyes poderosos
que vemos por escripturas  ya passadas
con casos tristes, llorosos,
fueron sus buenas venturas  trastornadas;  assí, que no hay cosa fuerte,
que a papas y emperadores  e perlados,
assí los trata la muerte
como a los pobres pastores  de ganados.

           XV
  Dexemos a los troyanos,
que sus males non los vimos,  ni sus glorias;
dexemos a los romanos,
aunque oímos e leímos  sus hestorias;  non curemos de saber
lo d'aquel siglo passado  qué fue d'ello;
vengamos a lo d'ayer,
que también es olvidado  como aquello.

           XVI
  ¿Qué se hizo el rey don Joan?
Los infantes d'Aragón  ¿qué se hizieron?
¿Qué fue de tanto galán,
qué de tanta invinción  como truxeron?  ¿Fueron sino devaneos,
qué fueron sino verduras  de las eras,
las justas e los torneos,
paramentos, bordaduras  e çimeras?

           XVII
  ¿Qué se hizieron las damas,
sus tocados e vestidos,  sus olores?
¿Qué se hizieron las llamas
de los fuegos encendidos  d'amadores?  ¿Qué se hizo aquel trovar,
las músicas acordadas  que tañían?
¿Qué se hizo aquel dançar,
aquellas ropas chapadas  que traían?

           XVIII
  Pues el otro, su heredero
don Anrique, ¡qué poderes  alcançaba!
¡Cuánd blando, cuánd halaguero
el mundo con sus plazeres  se le daba!  Mas verás cuánd enemigo,
cuánd contrario, cuánd cruel  se le mostró;
habiéndole sido amigo,
¡cuánd poco duró con él  lo que le dio!

           XIX
  Las dávidas desmedidas,
los edeficios reales  llenos d'oro,
las vaxillas tan fabridas
los enriques e reales  del tesoro,  los jaezes, los caballos
de sus gentes e atavíos  tan sobrados
¿dónde iremos a buscallos?;
¿qué fueron sino rocíos  de los prados?

           XX
  Pues su hermano el innocente
qu'en su vida sucesor  se llamó
¡qué corte tan excellente
tuvo, e cuánto grand señor  le siguió!  Mas, como fuesse mortal,
metióle la Muerte luego  en su fragua.
¡Oh jüicio divinal!,
cuando más ardía el fuego,  echaste agua.

           XXI
  Pues aquel grand Condestable,
maestre que conoscimos  tan privado,
non cumple que dél se hable,
mas sólo como lo vimos  degollado.  Sus infinitos tesoros,
sus villas e sus lugares,  su mandar,
¿qué le fueron sino lloros?,
¿qué fueron sino pesares  al dexar?

           XXII
  E los otros dos hermanos,
maestres tan prosperados  como reyes,
c'a los grandes e medianos
truxieron tan sojuzgados  a sus leyes;  aquella prosperidad
qu'en tan alto fue subida  y ensalzada,
¿qué fue sino claridad
que cuando más encendida  fue amatada?

           XXIII
  Tantos duques excelentes,
tantos marqueses e condes  e varones
como vimos tan potentes,
dí, Muerte, ¿dó los escondes,  e traspones?  E las sus claras hazañas
que hizieron en las guerras  y en las pazes,
cuando tú, cruda, t'ensañas,
con tu fuerça, las atierras  e desfazes.

           XXIV
  Las huestes inumerables,
los pendones, estandartes  e banderas,
los castillos impugnables,
los muros e balüartes  e barreras,  la cava honda, chapada,
o cualquier otro reparo,  ¿qué aprovecha?
Cuando tú vienes airada,
todo lo passas de claro  con tu flecha.

           XXV
  Aquel de buenos abrigo,
amado, por virtuoso,  de la gente,
el maestre don Rodrigo
Manrique, tanto famoso  e tan valiente;
sus hechos grandes e claros
non cumple que los alabe,  pues los vieron;
ni los quiero hazer caros,
pues qu'el mundo todo sabe  cuáles fueron.

           XXVI
  Amigo de sus amigos,
¡qué señor para criados  e parientes!
¡Qué enemigo d'enemigos!
¡Qué maestro d'esforçados  e valientes!  ¡Qué seso para discretos!
¡Qué gracia para donosos!  ¡Qué razón!
¡Qué benino a los sujetos!
¡A los bravos e dañosos,  qué león!

           XXVII
  En ventura, Octavïano;
Julio César en vencer  e batallar;
en la virtud, Africano;
Aníbal en el saber  e trabajar;  en la bondad, un Trajano;
Tito en liberalidad  con alegría;
en su braço, Aureliano;
Marco Atilio en la verdad  que prometía.

           XXVIII
  Antoño Pío en clemencia;
Marco Aurelio en igualdad  del semblante;
Adriano en la elocuencia;
Teodosio en humanidad  e buen talante.  Aurelio Alexandre fue
en desciplina e rigor  de la guerra;
un Constantino en la fe,
Camilo en el grand amor  de su tierra.

           XXIX
  Non dexó grandes tesoros,
ni alcançó muchas riquezas  ni vaxillas;
mas fizo guerra a los moros
ganando sus fortalezas  e sus villas;  y en las lides que venció,
cuántos moros e cavallos  se perdieron;
y en este oficio ganó
las rentas e los vasallos  que le dieron.

           XXX
  Pues por su honra y estado,
en otros tiempos passados  ¿cómo s'hubo?
Quedando desamparado,
con hermanos e criados  se sostuvo.  Después que fechos famosos
fizo en esta misma guerra  que hazía,
fizo tratos tan honrosos
que le dieron aun más tierra  que tenía.

           XXXI
  Estas sus viejas hestorias
que con su braço pintó  en joventud,
con otras nuevas victorias
agora las renovó  en senectud.  Por su gran habilidad,
por méritos e ancianía  bien gastada,
alcançó la dignidad
de la grand Caballería  dell Espada.

           XXXII
  E sus villas e sus tierras,
ocupadas de tiranos  las halló;
mas por çercos e por guerras
e por fuerça de sus manos  las cobró.  Pues nuestro rey natural,
si de las obras que obró  fue servido,
dígalo el de Portogal,
y, en Castilla, quien siguió  su partido.

           XXXIII
  Después de puesta la vida
tantas vezes por su ley  al tablero;
después de tan bien servida
la corona de su rey  verdadero;  después de tanta hazaña
a que non puede bastar  cuenta cierta,
en la su villa d'Ocaña
vino la Muerte a llamar  a su puerta,

           XXXIV
  diziendo: "Buen caballero,
dexad el mundo engañoso  e su halago;
vuestro corazón d'azero
muestre su esfuerço famoso  en este trago;  e pues de vida e salud
fezistes tan poca cuenta  por la fama;
esfuércese la virtud
para sofrir esta afruenta  que vos llama."

           XXXV
  "Non se vos haga tan amarga
la batalla temerosa  qu'esperáis,
pues otra vida más larga
de la fama glorïosa  acá dexáis.  Aunqu'esta vida d'honor
tampoco no es eternal  ni verdadera;
mas, con todo, es muy mejor
que la otra temporal,  peresçedera."

           XXXVI
  "El vivir qu'es perdurable
non se gana con estados  mundanales,
ni con vida delectable
donde moran los pecados  infernales;  mas los buenos religiosos
gánanlo con oraciones  e con lloros;
los caballeros famosos,
con trabajos e aflicciones  contra moros."

           XXXVII
  "E pues vos, claro varón,
tanta sangre derramastes  de paganos,
esperad el galardón
que en este mundo ganastes  por las manos;
e con esta confiança
e con la fe tan entera  que tenéis,
partid con buena esperança,
qu'estotra vida tercera  ganaréis."

[Responde el Maestre:]

           XXXVIII
  "Non tengamos tiempo ya
en esta vida mesquina  por tal modo,
que mi voluntad está
conforme con la divina  para todo;  e consiento en mi morir
con voluntad plazentera,  clara e pura,
que querer hombre vivir
cuando Dios quiere que muera,  es locura."

[Del maestre a Jesús]

           XXXIX
  "Tú que, por nuestra maldad,
tomaste forma servil  e baxo nombre;
tú, que a tu divinidad
juntaste cosa tan vil  como es el hombre;
tú, que tan grandes tormentos
sofriste sin resistencia  en tu persona,
non por mis merescimientos,
mas por tu sola clemencia  me perdona".

     FIN

           XL
  Assí, con tal entender,
todos sentidos humanos  conservados,
cercado de su mujer
y de sus hijos e hermanos  e criados,  dio el alma a quien gela dio
(el cual la ponga en el cielo  en su gloria),
que aunque la vida perdió,
dexónos harto consuelo  su memoria.

Jorge Manrique (1477)

21 janvier 2007

Lumière - Eugène Guillevic

Lumière

Ce n'est pas vrai que tout amour décline,
Ce n'est pas vrai qu'il nous donne au malheur,
Ce n'est pas vrai qu'il nous mène au regret,
Quand nous voyons à deux la rue vers l'avenir.
Ce n'est pas vrai que tout amour dérive,
Quand les forces qui montent ont besoin de nos forces.
Ce n'est pas vrai que tout amour pourrit,
Quand nous mettons à deux notre force à l'attaque.
Ce n'est pas vrai que tout amour s'éffrite,
Quand le plus grand combat va donner la victoire.
Ce n'est pas vrai du tout,
Ce qu'on dit de l'amour,
Quand la même colère a pris les deux qui s'aiment,
Quand ils font de leurs jours avec les jours de tous
Un amour et sa joie.

Eugène Guillevic (1907-1997)

21 janvier 2007

Je t'aime - Paul Eluard

Je t'aime

Je t'aime pour toutes les femmes que je n'ai pas connues
Je t'aime pour tous les temps où je n'ai pas vécu
Pour l'odeur du grand large et l'odeur du pain chaud
Pour la neige qui fond pour les premières fleurs
Pour les animaux purs que l'homme n'effraie pas
Je t'aime pour aimer
Je t'aime pour toutes les femmes que je n'aime pas

Qui me reflète sinon toi-même je me vois si peu
Sans toi je ne vois rien qu'une étendue déserte
Entre autrefois et aujourd'hui
Il y a eu toutes ces morts que j'ai franchies sur de la paille
Je n'ai pas pu percer le mur de mon miroir
Il m'a fallu apprendre mot par mot la vie
Comme on oublie

Je t'aime pour ta sagesse qui n'est pas la mienne
Pour la santé
Je t'aime contre tout ce qui n'est qu'illusion
Pour ce coeur immortel que je ne détiens pas
Tu crois être le doute et tu n'es que raison
Tu es le grand soleil qui me monte à la tête
Quand je suis sûr de moi.

Paul Eluard (" Le Phénix ")

21 janvier 2007

Ce qui dure - René-François Sully Prudhomme

Ce qui dure

Le présent se fait vide et triste,
Ô mon amie, autour de nous;
Combien peu de passé subsiste!
Et ceux qui restent changent tous.

Nous ne voyons plus sans envie
Les yeux de vingt ans resplendir,
Et combien sont déjà sans vie
Des yeux qui nous ont vus grandir!

Que de jeunesse emporte l'heure,
Qui n'en rapporte jamais rien!
Pourtant quelque chose demeure:
Je t'aime avec mon coeur ancien,

Mon vrai coeur, celui qui s'attache
Et souffre depuis qu'il est né,
Mon coeur d'enfant, le coeur sans tache
Que ma mère m'avait donné;

Ce coeur où plus rien ne pénètre,
D'où plus rien désormais ne sort;
Je t'aime avec ce que mon être
A de plus fort contre la mort;

Et, s'il peut braver la mort même,
Si le meilleur de l'homme est tel
Que rien n'en périsse, je t'aime
Avec ce que j'ai d'immortel.

René-François Sully Prudhomme ("Les vaines tendresses")

Publicité
21 janvier 2007

Je chante pour passer le temps - Louis Aragon

Je chante pour passer le temps,
Petit qu'il me reste de vivre,
Comme on dessine sur le givre,
Comme on se fait le coeur content.
A lancer cailloux sur l'étang
Je chante pour passer le temps

J'ai vécu le jour des merveilles,
Vous et moi souvenez-vous en,
Et j'ai franchi le mur des ans
Des miracles plein les oreilles.
Notre univers n'est plus pareil
J'ai vécu le jour des merveilles

Allons que ces doigts se dénouent,
Comme le front d'avec la gloire,
Nos yeux furent premiers à voir,
Les nuages plus bas que nous,
Et l'alouette à nos genoux.
Allons que ces doigts se dénouent

Nous avons fait des clairs de lune
Pour nos palais et nos statues,
Qu'importe à présent qu'on nous tue,
Les nuits tomberont une à une.
La Chine s'est mise en Commune,
Nous avons fait des clairs de lune

Et j'en dirais et j'en dirais
Tant fut cette vie aventure
Où l'homme a pris grandeur nature,
Sa voix par-dessus les forêts.
Les monts les mers et les secrets
Et j'en dirais et j'en dirais.

Oui pour passer le temps je chante,
Au violon s'use l'archet,
La pierre au jeu des ricochets,
Et que mon amour est touchante,
Près de moi dans l'ombre penchante,
Oui pour passer le temps je chante.

Je passe le temps en chantant,
Je chante pour passer le temps.

Aragon (Le roman inachevé, 1956; musique de Léo Ferré) passages en italique supprimés pour la chanson

20 janvier 2007

Chansons (paroles et musique) de William Sheller

Le carnet à spirale

J'ai encore perdu ton amour tu sais
J'peux pas m'souvenir de ce que j'en ai fait
Je l'ai pourtant rangé comme il fallait
C'est pas croyable comme tout disparaît

Mais j'ai trouvé dans mon carnet à spirale
Tout mon bonheur en lettres capitales
A l'encre bleue aux vertus sympathiques
Sous des collages à la gomme arabique

J'ai un à un fouillé tous nos secrets
J'n'ai rien trouvé dans le peu qu'il restait
Sous quelques brouilles au fond sans intérêt
Des boules de gomme et des matins pas frais

Mais j'ai gardé dans mon carnet à spirale
Tout mon bonheur en lettres capitales
A l'encre bleue aux vertus sympathiques
Sous des collages à la gomme arabique

J'ai encore perdu ton amour c'est vrai
Mais après tout personne n'est parfait
Si tu n'en as plus d'autres, c'est bien fait
Tant pis pour moi, j'étais un peu distrait

Je garderai dans mon carnet à spirale
Tout mon bonheur en lettres capitales
A l'encre bleue aux vertus sympathiques
Sous des collages à la gomme arabique


Fier et fou de vous

On pourrait croire, qu'on lui fait des misères
A sa façon de pleurer sur mes genoux
Mais j'veux plus être son papa ni son grand frère
C'sont pas des rôles qui j'peux jouer jusqu'au bout
Pas du tout

J'lui dis y a des gens sur terre
Qui chantent autour de nous
Moi, je n'vois rien, je suis fier
Et je suis fou de vous
Elle s'en fout

Pourtant est-ce que j'peux être plus sincère
J'ai parfois du mal à joindre les deux bouts
Mais depuis l'année où je suis revenu d'la guerre
J'ai jamais manqué à ses rendez-vous
Pas du tout

J'lui dis y a des gens sur terre
Qui pleurent autour de nous
Moi je n'vois rien, je suis fier
Et je suis fou de vous
Elle s'en fout

Déjà quand elle voulait être écuyère
Elle m'écrivait qu'elle n'était pas bien chez vous
Mais qu'elle n'voulait pas risquer sa vie entière
Sur mon histoire qui n'tenait pas debout
Voyez-vous

J'lui dit y a des gens sur terre
Qui dansent autour de nous
Moi, je ne vois rien, je suis fier
Et je suis fou de vous
Elle s'en fout

William Sheller


 

20 janvier 2007

Ma Vie - Henri Michaux

Ma Vie

Tu t'en vas sans moi, ma vie.
Tu roules.
Et moi j'attends encore de faire un pas.
Tu portes ailleurs la bataille.
Tu me désertes ainsi.
Je ne t'ai jamais suivie.
Je ne vois pas clair dans tes offres.
Le petit peu que je veux, jamais tu ne l'apportes.
A cause de ce manque, j'aspire à tant.
A tant de choses, à presque l'infini...
A cause de ce peu qui manque, que jamais tu n'apportes.

Henri Michaux 1899-1984 ("La Nuit Remue")

20 janvier 2007

Lo que dejé por ti - Rafael Alberti

Lo que dejé por ti

Dejé por ti mis bosques, mi perdida
arboleda, mis perros desvelados,
mis capitales años desterrados
hasta casi el invierno de la vida.

Dejé un temblor, dejé una sacudida,
un resplandor de fuegos no apagados,
dejé mi sombra en los desesperados
ojos sangrantes de la despedida.

Dejé palomas tristes junto a un río,
caballos sobre el sol de las arenas,
dejé de oler la mar, dejé de verte.

Dejé por ti todo lo que era mío.
Dame tú, Roma, a cambio de mis penas,
tanto como dejé para tenerte.

Rafael Alberti

20 janvier 2007

Ballade du dernier amour - Charles Cros

Ballade du dernier amour

Mes souvenirs sont si nombreux
Que ma raison n'y peut suffire.
Pourtant je ne vis que par eux,
Eux seuls me font pleurer et rire.
Le présent est sanglant et noir ;
Dans l'avenir qu'ai-je à poursuivre ?
Calme frais des tombeaux, le soir !...
Je me suis trop hâté de vivre.

Amours heureux ou malheureux,
Lourds regrets, satiété pire,
Yeux noirs veloutés, clairs yeux bleus,
Aux regards qu'on ne peut pas dire,
Cheveux noyant le démêloir
Couleur d'or, d'ébène ou de cuivre,
J'ai voulu tout voir, tout avoir.
je me suis trop hâté de vivre.

je suis las. Plus d'amour. je veux
Vivre seul, pour moi seul décrire
Jusqu'à l'odeur de tes cheveux,
Jusqu'à l'éclair de ton sourire,
Dire ton royal nonchaloir,
T'évoquer entière en un livre
Pur et vrai comme ton miroir.
je me suis trop hâté de vivre.

envoi

Ma chanson, vapeur d'encensoir,
Chère envolée, ira te suivre.
En tes bras j'espérais pouvoir
Attendre l'heure qui délivre ;
Tu m'as pris mon tour. Au revoir.
je me suis trop hâté de vivre.

Charles Cros 1842-1888 ("Le coffret de santal")

Publicité
<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 > >>
Publicité